ROLEPLAY


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#1 Multilingue 

Multilingue | [Français] | English
Saluer poliment le gardien d’immeuble et entrer dans l’arbre-maison.
Monter et s’arrêter devant la porte.
Vérifier, une dernière fois, sa tenue. Redresser les épaules. Prendre une grande inspiration.
Frapper.
Sourire à sa mère qui ouvre la porte.

Rituel habituel du holeth midi.

Comme à chaque fois, Copal entra dans l’appartement et s’inclina légèrement devant sa mère : “Deles silam lumnimae.”
Comme à chaque fois, elle lui rendit son sourire et l’embrassa doucement : “Deles silam na nidram.”

Derrière elle, assis à table, son père le toisait en silence. Drapé dans son habituelle réprobation.
Copal le salua prudemment de la tête : “Deles silam valyenimae.”
Puis il s’assit à sa place. Le dos bien droit. La tête haute.
Son père resta muet. Signe évident qu’il avait trouvé un nouveau grief à lui reprocher.

Copal garda un visage soigneusement neutre.
Pour une fois, il avait espéré un autre accueil.

Sa mère apporta les plats, et tous murmurèrent ensemble la prière de remerciement à Jena.
Puis le repas débuta.
Ambiance pesante, que sa mère tentait d’alléger en discutant de choses et d’autres.
Elle se mit à égrener les noms des jeunes homines du voisinage. Demandant à son fils ce qu’il pensait des unes et des autres.

Copal murmurait des réponses évasives, et gardait les yeux fixés sur son assiette.
Comment expliquer à sa mère que ces homines, aussi charmantes fussent-elles, lui paraissaient désormais bien ternes à côté des seraei de la Chambre des Nobles ?
Qu’elles n’étaient que de pâles fleurettes à l’ombre de ces magnifiques rotoas ?
Bien sûr, les fleurs de la Chambre n’étaient pas pour lui. Il savait bien qu’il n’était pas le jardinier qui les cueillerait.
Sans compter que certaines avaient de sacrées épines.
Il se sentit rougir à certains souvenirs et toussa pour masquer son trouble.

Il but un peu de vin, le temps de se ressaisir.
Il n’aurait pas du tousser. Sa mère s’inquiétait désormais de sa santé.
Est-ce qu’il mangeait correctement ? Est-ce qu’il dormait assez ? Est-ce qu’il se couvrait bien pour sortir ? Est-ce que son travail n’était pas trop fatiguant ?

Copal reposa son verre. Il le regarda sans le voir. Attendant l’explosion paternelle.
Qui ne tarda pas.
“Son travail ? Quel travail ? Brasser des vieux parchemins poussiéreux à longueur de journée, ce n’est pas du travail !”

Son père était un guerrier.
Il avait couvert la retraite pendant le Second Essaim. Il protégeait désormais Avalae en tant que garde.
Et Copal l’avait toujours respecté et admiré pour ça.
Mais il ne croyait qu’en sa pique.
La carrière administrative de son fils était une honte à ses yeux. Une tâche sur son nom.
Bien sûr, les Nobles pouvaient être poètes. Et il y avait de la grandeur à être un botaniste ou un artisan de renom. Mais gratte-papier aux archives, c’était pire qu’inutile.

Copal se força à compter jusqu’à dix avant de répondre calmement : “Nous servons tous le Royaume à notre manière, valyenimae.”
Le grondement de son père se mua en rugissement.
“Servir ? Tu appelles ça servir ?
Te faire étaler par un kitin à des kilomètres d’Avalae sans même lui porter un coup, c’est servir ?
Te promener dans la Masure sans arme en comptant sur tes compagnons pour te protéger, c’est servir ?
Bavasser comme un Tryker au lieu de te battre, c’est servir ?”

Ainsi, il avait entendu parler de sa sortie avec le botaniste. Et du kiban qui avait attaqué l’arrière de leur groupe.
La main de Copal se porta instinctivement à sa poitrine.
Ses compagnons l’avaient relevé. Mais il se souvenait de la douleur.

“Ser Cuiccio Perinia non plus n’avait pas d’arme. Pourtant il ser…”
Son père l’interrompit d’une voix dure.
“Ne te compare pas au Botaniste Royal. Tu n’as pas le centième de ses compétences.
En fait, tu n’as aucune compétence.
Tu n’es pas un guerrier. Que Jena nous garde.
Tu n’es pas un artisan.
Tu n’es pas un savant.
Tu n’es même pas un artiste.
A quoi ça sert de vivre au milieu des livres de poésie et des cubes d’ambre de nos plus grands penseurs, si tu n’es pas fichu d’en tirer quelque chose ?
Tu ne sais rien faire. Rien.
Tu n’es qu’un parasite du Royaume.
Es-tu seulement un Matis ?”

Copal entendit un hoquet de surprise.
Sa mère avait mis la main devant sa bouche en entendant la condamnation cinglante de son époux.

Copal avait imaginé cent fois le repas de ce jour-là.
Ce qu’il dirait. Ce que son père répondrait.
Il avait espéré que ses parents seraient fiers de lui.
Dix fois, vingt fois, il avait mis l’insigne tout neuf devant son miroir d’ambre poli.
Dix fois, vingt fois, il l’avait retiré. Hésitant.
Finalement, il l’avait laissé chez lui.
Un peu parce qu’il se ne s’en sentait pas tout à fait digne. Il n’était là que pour assister la serae Boreale, après tout.
Mais surtout parce qu’il était tellement sûr que son père serait déjà au courant. Comme il était au courant de la moindre de ses bévues. Réelles ou imaginaires.
Mais non.

Il regarda ses mains, posées sur la table.
Bizarrement, elles ne tremblaient pas. Elles ne se tordaient pas.
Il était calme. Vraiment.

Pour la première fois depuis très longtemps, il releva les yeux et osa soutenir le regard de son père.
Sa mère ouvrait déjà la bouche pour rattraper ce qui pouvait l’être.
Pour dire que c’était juste qu’ils ne se comprenaient pas. Que les mots ne devaient pas être pris tels quels. Qu’il fallait voir tout cela comme le désir naturel d’un père qui voulait le meilleur pour son fils. Et que, bien sûr, ils l’aimaient tous les deux.
Il avait déjà entendu ce discours. Trop souvent. Même si jamais après des propos aussi durs.

Mais pas cette fois.

“Vous avez raison, valyenimae.”

Sa voix était calme et posée. Il s’en étonna lui-même.
Sa mère s’arrêta, la bouche ouverte.

“Je ne suis pas un puissant guerrier.
Ni un artisan habile.
Ni un grand savant.
Ni un artiste renommé.”

Il marqua une pause, les yeux toujours fixés sur le visage dur de son père.

“Mais quoi que vous en pensiez, je ne suis pas un parasite.
Je suis un Matis.
Et je sers mon Karan.
De la façon qui Lui convient le mieux.”

Il vit son père rougir, prêt à exploser une nouvelle fois. Il se dépêcha de reprendre la parole avant lui.

“Lors de la dernière Chambre des Nobles d’Avalae, j’ai été nommé Scribe Royal d’Avalae par le Duc Rodi di Varello.
Le Karan lui-même a confirmé ma nomination devant l’ensemble des Nobles du Royaume assemblés dans la Salle du Trône.
Je le sais. J’y étais.”

Ça paraissait tellement grandiloquent, dit comme ça.
Il se sentit obligé de corriger un peu.
“J’ai bien conscience que ça ne fait pas de moi quelqu’un d’important.
Que je ne suis qu’un serviteur parmi bien d’autres.
Et que si les Nobles tolèrent ma présence parmi eux, cela ne fait pas de moi l’un des leurs.”

Il n’osa pas ajouter que le Karan ne faisait probablement que lire les notes passées par un conseiller.
Le Karan avait prononcé son nom. Et tous les Nobles l’avaient entendu. C’était tout ce qui comptait : son père ne pourrait plus dire qu’il déshonorait son nom.

Son père, justement, semblait transformé en statue.
Copal osa un regard vers sa mère. Elle avait toujours la bouche ouverte. Mais semblait moins paniquée et davantage impressionnée.

Il chercha désespérément quelque chose pour rompre le silence étrange qui suivait sa déclaration.
“ Mais je ne vous laisserai pas dire que je ne sers à rien.
Pas quand le Karan lui-même en a jugé autrement.”
Ce n’était pas terrible comme conclusion. Il préféra boire une gorgée de vin avant d’ajouter le mot qui gâcherait tout.
Il se sentait soudain épuisé.

Sa mère se chargea finalement de meubler le silence. D’une voix un peu timide au début, puis de plus en plus assurée.
“Oh, tu es allé à Yrkanis. Ça fait des années que je ne suis pas retournée à la Grande Serre…”
Elle continua ainsi un moment à détailler sa dernière visite des lieux. Accumulant les détails insignifiants.
Les deux homins, eux, finirent leur repas dans un mutisme prudent.

Lorsqu’il rentra enfin chez lui, Copal contempla longuement l’insigne de son office.
Tant d’espoirs. Tant de responsabilités. Dans une si petite chose.
Finalement, il l’agrafa sur sa veste et se mit au travail.
Qu’il ait seulement lu un papier ou qu’il ait pensé chacun de ses mots, le Karan lui avait confié une tâche. Il devait s’en montrer digne.
L’opinion de son père n’avait aucune importance face à cela.
Et puis, qui sait, peut-être que la serae Boreale lui sourirait encore.

Dernière édition par Copal (il y a 10 ans). | Raison: Version anglaise

#2 Multilingue 

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Répondre au salut respectueux du gardien d’immeuble et entrer dans l’arbre-maison.
Monter et s’arrêter devant la porte.
Vérifier, une dernière fois, sa tenue. Ajuster son insigne et redresser celui de sa Maison. Souffler lentement.
Frapper.
Sourire à sa mère qui ouvre la porte.

Rituel habituel du holeth midi.

Comme à chaque fois, Copal entra dans l’appartement et s’inclina légèrement devant sa mère : “Deles silam lumnimae.”
Comme à chaque fois, elle lui rendit son sourire et l’embrassa doucement : “Deles silam na nidram.” D’un geste léger, elle lissa un pli imaginaire sur l’uniforme de sa Maison. Redressant au passage son insigne de Scribe Royal qui n’avait pourtant pas bougé.

Derrière elle, assis à table, son père attendait en silence. Comme toujours. Un silence contrarié aujourd’hui.
Copal le salua respectueusement : “Deles silam valyenimae.”
Le vieux guerrier hocha la tête en réponse : “Deles silam nidram”.
Copal s’assit à sa place. Masquant son soulagement. Il n’était pas la source de la contrariété qui voilait le regard de son père et lui faisait plisser les lèvres.

Sa mère apporta les plats, et tous murmurèrent ensemble la prière à Jena.
Puis le repas débuta.
Et avec lui, la longue liste des questions. Sa mère voulait tout savoir des relations de son fils.

Copal dut donc débiter, une nouvelle fois, la litanie de tous les Nobles qu’il avait croisés de près ou de loin ces derniers temps. Même ceux qui ne lui avaient pas accordé le moindre regard.
Donner des nouvelles du chef de sa Maison. Comme si le fait de porter les mêmes couleurs faisait de lui un proche du Vicomte d’Avalae.
Raconter les moindres détails de la dernière Chambre des Nobles. Alors que sa mère avait probablement déjà lu dix fois son compte-rendu soigneusement retranscrit aux archives. Et se souvenir d’en expurger soigneusement toute référence aux excentricités de l’ancien Greffier Royal.
Détailler les tenues portées par les Dames de Compagnie de la Karae en toute occasion. Et, enfin, laisser la parole à sa mère. Pour qu’elle puisse s’extasier à loisir sur le défilé organisé par Ser Mendell, le nouveau Couturier Royal. Une nouvelle fois.

Il n’allait pas se plaindre de la fierté débordante de sa mère à son sujet. Non. Certainement pas.
Mais si elle avait pu s’intéresser un peu plus à lui. Et un peu moins à ceux qu’il fréquentait.
Il retint un soupir.

Son père mastiquait toujours vigoureusement et regardait droit devant lui. Finalement, il fit glisser la dernière bouchée avec une gorgée de vin.
Il se tourna néanmoins aimablement vers son épouse : “C’était délicieux, nae mindalae.”
Elle accepta le compliment avec un signe de tête gracieux : “Fila, mon époux.”
Copal sourit à sa mère : “C’était délicieux, lumnimae. C’est toujours un plaisir de manger ce que vous préparez.”
Sa mère lui rendit son sourire. “Fila. C’est toujours un plaisir quand tu viens nous voir.”
Elle ramassa le plat vide. Puis elle laissa les homins entre eux.

Copal se tourna enfin vers son père.
Celui-ci lui rendait son regard. Semblait le soupeser. Chercher… quelque chose.
« Tu étais à ce… cette… ce tournoi. »
Ce n’était pas vraiment une question. Mais Copal hocha la tête. « Sil. » En se demandant quel mot son père avait ravalé.
« Tu as vu les… kamistes. »
Copal déglutit et hocha la tête une nouvelle fois. En silence.
Ce n’était pas un bon souvenir.
« Et tu as entendu le Karan. »
La voix de son père tenait plus du grondement maintenant.
Copal se retint de froncer les sourcils. On ne critiquait pas le Karan. C’était… le Karan. Point.
Il hocha prudemment la tête.
« Honorer des kamistes ! Et des Fyros ! Sur nos propres terres ! »
Copal crût un instant que son père allait cracher par terre. Mais il se retint. Sa mère n’aurait probablement pas apprécié.
« Comment ont-ils pu faire ça ? »
Cette fois, Copal fronça les sourcils. De qui donc parlait son père ?
Mais celui-ci était lancé.
« Non seulement ils ont laissé ces têtes de bois gagner ! Mais ils se sont même fait humilier par des mercenaires. Des mercenaires ! Deux équipes de Matis, et elles finissent dernières ! C’est ça, les Nobles que tu fréquentes ? Même pas fichus d’assumer leurs décisions ? »
Son père le regardait. Visiblement furieux. Copal réalisa avec stupeur qu’il n’avait pas peur. Pas vraiment en tous cas. Sensation nouvelle à laquelle il n’était pas habitué.
« Le Vicomte d’Avalae s’est battu. Alors qu’Avalae avait voté contre la venue des Fyros. Filirae Remigra s’est battue, bien qu’elle ne soit pas une combattante aguerrie. La Firme a fourni plusieurs combattants également. Mais l’objectif n’était pas la victoire des Matis.
- QUOI ? »
Cette fois-ci, c’était un rugissement. Et Copal sursauta malgré lui. Mais il se reprit.
« L’objectif était de savoir si Serae Zendae avait les qualités d’un Maître d’Armes. D’une organisatrice. Elle a fait ses preuves sur ce point. Et le Karan l’a récompensée comme il se devait. Et si des Fyros portent des épées gravées du nom de Jena, peut-être finiront-ils par trouver Sa lumière. »
Copal devait avouer qu’il avait été impressionné par la façon dont le Karan avait présenté ces armes aux vainqueurs. Il n’aurait pas du. C’était le Karan après tout. Contraint peut-être, par les choix de Ses Nobles, de faire bonne figure face à ses ennemis abhorrés. Mais certainement pas au point de les laisser fanfaronner après leur victoire.
Son père le regardait. Moins furieux sans doute, mais pas vraiment convaincu. Et Copal devait bien avouer que son argument était un peu pauvre.

Tous les Nobles qui avaient voté pour l’ouverture du tournoi aux Fyros n’avaient pas combattu. Et quoi qu’il en ait dit en public, le Karan ne se satisferait probablement pas des compétences guerrières qu’il avait pu observer. Serae Zendae allait avoir du travail.
La prochaine Chambre des Nobles serait sans doute houleuse.

Mais en attendant, il n’était pas question de laisser le peuple douter de sa noblesse. Et encore moins du Karan.
Alors Copal faisait sa part. Et s’efforçait, à sa mesure, de réparer les dégâts causés par cette défaite.
Et pas question de mentionner certains échanges auxquels il avait pu assister. Nec. Jamais.

Dernière édition par Copal (il y a 10 ans).

#3 Multilingue 

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Répondre au salut poli de Ciero Vivaldo et entrer dans l’arbre-maison.
Pousser la porte de chez lui, et retrouver le calme de son appartement.
Souffler. Lentement.
Evacuer la fatigue qui lui crispait les épaules.

Copal alla s’asseoir devant sa rotoa d’appartement. Il se plongea dans la contemplation des douces nuances de la fleur. Et il repassa le cours des événements de la soirée. Il lui fallait remettre de l’ordre dans ses pensées.

L’Ambassadeur Nilstilar l’avait invité à assister à une assemblée officielle à Fairhaven.
Peut-être par amitié. Peut-être pour être moins seul.
Copal n’imaginait pas que l’Ambassadeur ait eu besoin d’une aide quelconque. Mais maintenant qu’il avait eu un aperçu de la réunion en question, il pouvait envisager que la compagnie d’un compatriote ait pu lui être agréable.

Quelle pagaïe !
Tout le monde parlait en même temps. Ou criait. Voire débarquait en courant. Et le garde ne disait rien. Et il y avait des tonneaux de boisson partout. Même la Gouverneure avait une chope à la main ! C’était ça, l’instance dirigeante de la Fédération ?

Et ce Tryker !
Copal souffla d’exaspération.
Il croyait vraiment que personne ne le voyait venir, avec ses fausses bonnes intentions ? Ou il était stupide au point d’y croire ? Et il se prétendait commandant ? Et il croyait donner des leçons de respect ?

Copal se força à se calmer.
Certes. Il n’avait pas fait preuve de beaucoup de respect. L’individu l’ayant passablement agacé.
Le pire était qu’il avait failli mettre l’Ambassadeur en fâcheuse position. Il avait donc préféré prendre congé.
Mais avant ça, il avait pu entendre la Gouverneur museler et mettre une laisse à son ragus fou. Jamais le Karan n’aurait eu besoin d’agir ainsi avec la Maîtresse d’Armes.

Il était plus que temps de dormir.
Copal se dirigea vers sa chambre.
Demain, il retournerait chercher des fleurs au Bosquet de la Confusion. L’endroit était bien mieux fréquenté que la place Frogmore. Peut-être même qu’il reverrait Serae Wu She-Peng et Serae Liosta Be’Zephy.

#4 Multilingue 

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Prendre congé aussi dignement que possible et rentrer dans l’habit-arbre.
Regagner l’intimité de son appartement.
Hésiter entre danser et s’effondrer sur le sol vert mousse.

Finalement Copal alla se plonger dans la contemplation de sa rotoa d’appartement.
Malheureusement cela ne lui apporta pas l’apaisement habituel.
Il la fixait sans la voir. Son esprit revenait sans cesse aux événements de la journée. Oscillait entre exaltation et désespoir.

Il l’avait revue ! Ils avaient passé la soirée à forer ensemble au Bosquet.
Ce n’était pas son activité préférée mais peu importait. Il avait été à ses côtés. Et elle lui avait expliqué un peu de la théorie des sources. Il n’avait pas tout compris mais ce n’était pas l’essentiel.
Il se souvenait de chaque mot. Chaque inflexion de sa voix. Chaque geste qui renforçait une explication. Chaque sourire. Ah son sourire...

Copal s’abîma dans ce souvenir.
Mais il se rembrunit rapidement. Bien sur ils n’avaient pas été seuls.
Etait ce parce qu’elle avait peur qu’il se conduise mal ? Pourtant il n’avait rien fait d’inconvenant. Enfin pas qu’il se souvienne.
Mais c’est vrai qu’elle était restée plusieurs fois en arrière lorsqu’ils avaient changé de source. Et il lui semblait qu’elle avait sursauté quand il l’avait appelée.

Et elle avait retiré bien vite sa main lorsque la sienne l’avait frôlé aussi.
Pourtant c’était tout à fait accidentel ! Il n’avait pas voulu !
Ou il n’avait pas osé plutôt. Ca pouvait arriver quand on soignait la même source. Mais elle avait quand même retiré sa main.

D’un autre côté elle avait accepté qu’il la raccompagne jusqu’à l’habit-arbre. C’était même la deuxième fois qu’ils faisaient ensemble le trajet depuis le téléporteur. Une délicieuse promenade sous les arbres d’Avalae.
Ils vivaient dans le même arbre. Elle dans sa guilde. Lui dans son appartement.
Oserait il un jour l’y inviter ?

Nec, nec, nec. Pas question.
Copal regarda ses quelques meubles. L’absence quasi complète de décoration.
Que penserait elle en voyant tout son attirail de scribe ? Les dossiers empilés ? Les archives qu’il avait empruntées ?
C’était son travail. Nécessaire pour le Royaume bien sur. Et il lui avait permis de fréquenter la Cour de la Karae.
Mais il en avait un peu honte maintenant. Il n’était qu’un serviteur finalement. Alors qu’elle…

D’ailleurs elle n’avait pas donné son titre quand elle l’avait présenté à la petite Tryker du téléporteur.
Il s’était senti un peu froissé sur le coup.
Mais peut être que c’était mieux. Qu’elle n’avait pas voulu lui rappeler qu’il n’était pas un ménestrel, un artiste. Ni un Noble. Comme les autres Matis présents.
Oui. Elle était toujours délicate et attentionnée.

Ou alors elle avait eu pitié de lui.
Copal replongea dans ses sombres ruminations.

Pourtant elle avait paru s’inquiéter un peu pour lui quand ils avaient parlé de son entrainement. Elle avait espéré qu’il était prudent.
Alors il s’était enhardi. Il avait osé suggérer qu’elle revienne l’aider lorsqu’il s’entrainait à l’escrime sur les cratchas du Tertre de la Dissidence. Comme elle l’avait déjà fait.

Et elle avait refusé.

Elle avait été polie.
Elle avait expliqué qu’elle voulait se perfectionner dans l’art de soigner. Que le soin était toute sa vie.

Toute sa vie.

Copal soupira.
Elle était d’un niveau infiniment supérieur au sien. Il n’y avait aucune chance qu’elle revienne le soigner dans ces conditions.
Sauf par pitié. Par bonté d’âme.
Ce n’était pas ce qu’il voulait.

Il n’y avait qu’un seul moyen.
Il retournerait au Tertre dès le lendemain après son service aux archives. Il devait progresser assez pour qu’ils puissent s’entrainer ensemble. Pour que ce ne soit pas déséquilibré. Pour qu’il puisse l’aider à son tour à progresser.
Qu’elle devienne la grande soigneuse qu’elle rêvait d’être.

Et prier Jena de toutes ses forces pour qu’elle ne rencontre pas quelqu’un d’autre d’ici la.

Copal se leva résolument.
Il ne pouvait rien contre la foule des Matis élégants et distingués qui peuplaient la Cour.
Mais il pouvait dormir pour être en forme le lendemain.
Sa main glissa sur le petit parchemin glissé dans sa poche. Celui par qui tout avait commencé. Les quelques mots qui disaient qu’elle était au Bosquet.
Le message n’était pas signé. Mais il était forcément de sa main. Elégant, léger, spirituel.
Copal inspira profondément. Mais le parchemin ne sentait que la terre qu’ils avaient retournée ensemble.
C’était forcément elle qui l’avait écrit. Qui lui avait dit où la trouver. Qui avait souhaité sa présence.
Peut être qu’il avait une chance. Peut être. Peut être. Peut être.

Une dernière pensa lui traversa l’esprit au moment de s’endormir.
Il n’était pas question qu’il parle de ça à sa mère au prochain repas de famille.

#5 Multilingue 

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Holeth midi. Déjeuner traditionnel avec ses parents.
Copal avait failli ne pas venir. Mais l’habitude l’avait emporté.

Et il le regrettait.

Sa mère avait laissé son mari et son fils discuter tranquillement au début. Essentiellement des derniers événements de la Jungle. Du fou qui avait laché des frippos et des yubos gooifiés sur les cités zoraies.
Copal s’était souvenu du conseil de Ser Nilstilar. Il s’était appliqué à la neutralité. S’était borné à relater avec flegme les faits dont il avait été témoin. Comme il se devait pour un ambassadeur.
En supposant qu’il le soit vraiment un jour. La Théocratie ne semblait pas particulièrement pressée de lui donner l’occasion de se présenter.

Il avait tellement espéré se montrer digne de cette nouvelle marque de confiance du Karan.
Et ça lui paraissait tellement insignifiant désormais.

Mais ce sujet avait au moins retardé le moment où sa mère avait commencé à parler du mariage du Karin.
Copal n’avait aucune envie d’en parler. D’y penser. Ou d’écouter sa mère spéculer sur la future épouse.
Il gardait le nez sur son assiette. Mangeait aussi lentement que possible. N’écoutant qu’à moitié ce qu’elle racontait. Perdu dans ses souvenirs.

Il y avait eu ce moment magique.
Ils étaient retournés tous les deux au Tertre. Tout au bord de la falaise.
C’était comme si la chaleur de Jena les avait enveloppés. Ils étaient restés longtemps l’un contre l’autre. Ignorant la pluie.
Il s’était perdu dans ses yeux. Dans leur lumière.

Ils s’étaient embrassés.

Et puis ils étaient rentrés à Yrkanis et tout s’était gaté.
Elle pleurait.
Et Copal ne savait pas ce qu’il avait fait de mal. Ou n’avait pas fait.

Son repas lui restait sur l’estomac.
Il prit prétexte de travaux à rendre pour Ser Cuine Pido pour prendre congé plus tôt.
Pas assez vite pourtant. Sa mère eut le temps de lui demander avec un sourire : « Et toi, nidram. Quand te marieras tu ? Tu as forcément rencontré des homines charmantes à la Cour. »

Copal marmonna une excuse quelconque. Et s’enfuit aussi vite que la politesse le lui permettait.
Hanté par des yeux verts. Et la douceur d’une bouche.

#6 Multilingue 

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Répondre d’un sourire au salut du gardien d’immeuble. Entrer dans l’arbre maison. Monter jusqu’à l’appartement de ses parents.
Vérifier sa tenue. Respirer lentement. Se ressaisir. Faire comme si tout était normal.
Frapper à la porte.
Souffler une dernière fois.

Sourire à sa mère qui lui ouvre.

Rituel habituel du holeth midi.

Passée la traditionnelle prière à Jena, un silence étrange s’installa autour de la table. Même s’il fallut un moment à Copal pour s’en rendre compte.
Le mutisme de son père n’était pas forcément inhabituel. Celui de sa mère par contre…

Copal se força à sortir de sa rêverie. Avait il manqué une question ? Une remarque ?
Sa mère le regardait. Semblant attendre quelque chose.

« Pardon lumnimae. Je pensais à autre chose.
– Ou à quelqu’un d’autre surement. »
Le sourire de sa mère était vaguement inquiétant. Copal jeta un œil à son père.
Celui-ci mangeait calmement. Mais il s’interrompit le temps d’expliquer entre deux bouchées.
« Si tu voulais être discret, le téléporteur d’Avalae n’est pas le meilleur endroit pour un rendez-vous. »
Il semblait étrangement détendu. Peut-être même approbateur ? Copal n’en revenait pas.

Mais déjà sa mère enchainait avec impatience.
« Comment s’appelle t’elle ? Quand vas tu nous la présenter ? »
Son père haussa les épaules, l’air de dire qu’il ne voulait pas être mélé à ça.
Copal essaya d’éluder.
« Je ne peux pas vous la présenter tout de suite. Elle vient juste de m’autoriser à la courtiser. Je ne sais même pas ce qu’elle pense de moi. »
Ce n’était pas tout à fait vrai. Il lui semblait qu’elle n’était pas complètement insensible à sa compagnie. Mais Copal n’était pas certain de comprendre les homines. Surtout celle la.
Et il n’était pas question de la présenter à sa mère Pour le moment !

« Tu peux au moins nous dire son nom quand même.
– Elle porte les couleurs de la Firme. »
Voilà que son père s’y mettait.
Est ce qu’il connaissait assez les habitants d’Avalae pour reconnaître une homine en particulier ? Probablement. Ca faisait partie du métier.
Mais il ne semblait pas décidé à en dire plus. Se concentrant sur son repas.
Au grand soulagement de son fils. Qui tenta d’appliquer la même stratégie.

Sa mère semblait vaguement incertaine.
« La Firme ? C’est une bonne Maison. »
Il n’allait pas laisser sa mère la dénigrer même involontairement.
« C’est une Maison Noble. »
– Ah. » Cela sembla la rassurer. « Une homine de bonne Maison. Et de bonne famille j’imagine. »
Copal fixa son assiette. Bien décidé à ne rien trahir de plus.

« Leur chef n’est pas un Fyros ? »
Sa mère avait à nouveau l’air un peu inquiète.
Copal retint un soupir.
« Sil. Filira Zakkkaria. Il était aussi Greffier Royal. Mais il a pris sa retraite. C’est maintenant Serae She-Peng qui dirige la Firme. » Il fit une pause. « Elle est de sève zorai. »
Il n’essayait pas vraiment de choquer sa mère. Mais elle lui paraissait bien provinciale tout à coup.
« Et elle est Ménestrelle Royale. »

Sa mère semblait partagée entre divers sentiments.
« Tu connais tous ces gens ?
– Sil. Je les croise à la Chambre des Nobles. Ou à la Cour de la Karae. Ou parfois ailleurs dans le Royaume.
– Tu es devenu quelqu’un d’important. Nous sommes tellement fiers de toi, nya nidram. »
Il connaissait des gens importants. Ce n’était pas la même chose. Mais Copal ne se sentait pas le courage d’expliquer la nuance.
« Je suis certaine que tu as choisi une homine tout à fait comme il faut. Et que tu nous la présenteras bientôt. »
Copal marmonna un vague assentiment. Et il fut soulagé pour une fois quand sa mère passa sur le sujet du mariage du Karin. Même si le regard spéculatif qu’elle posait parfois sur son fils continuait d’inquiéter celui-ci.

#7 Multilingue 

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Se contenir. Respecter le calme des lieux.
Ne pas montrer sa contrariété.
Peine perdue.
Copal avait de toute évidence encore des progrès à faire en matière d’impassibilité.

L'archiviste se confondit en excuses. Expliquant que tous les ouvrages disponibles sur les mariages royaux étaient sortis.
Mais qu'il allait bien sur trouver quelque chose d'approprié pour le Scribe Royal. Si celui-ci voulait bien lui accorder quelques jours. Il ferait tout le nécessaire pour en récupérer quelques uns. Mais avec le mariage du Karin qui se rapprochait...

Copal préféra ignorer ce monologue inutile.
Il ne voulait pas un ouvrage sur les mariages royaux. Il n'était pas Karan, que Jena le garde.
Il voulait en savoir plus sur les mariages. Tout court.

C'était une idée stupide de toute façon. Il aurait du le savoir depuis le début.
Mais il n'y avait pas tant de gens que ça à qui il pouvait demander.

Un choix naturel aurait pu être de s'en ouvrir à Filira Erminantius. Malheureusement le chef de la Maison des Gardiens du Savoir avait disparu depuis de nombreux cycles.

Il y avait aussi Ser Nilstilar. L'Ambassadeur était homin de bon goût et de sage conseil. Il connaissait parfaitement les us et coutumes, et les formes à respecter. Et Copal le pensait assez fin pour avoir remarqué quelque chose.
Mais il était également célibataire. Peut être le sujet était il douloureux pour lui. Cela aurait été alors un manque de tact sans nom que d'aborder la chose avec lui.

Les Nobles de la Cour n’étaient certainement pas des proches à qui confier ses soucis.
Peut être Filira Salazar ? En posant la question sur un plan théorique comme il l’avait fait avec l’archiviste ? Ou sur le plan historique ?

La triste réalité était qu’il n’y avait guère d’homins mariés et discrets dans ses relations.
Copal s’était donc tourné vers sa source habituelle de connaissance. Les archives.
Sans succès.
Le mariage du Karin était un prétexte simple pour justifier son subit intérêt. Trop simple de toute évidence.

Il ne lui restait plus que son père à interroger.
Copal frémit à cette idée.
Mais s’il le fallait.
Et aussi étrange que cela paraisse, c’était toujours moins perturbant que de discuter avec sa mère.

De toute façon, il était sûr de ses sentiments depuis longtemps.
Et après ce qu’ils s’étaient dit sur la falaise, il ne pouvait pas décemment rester dans cette situation bancale éternellement.
L’honneur de sa Serae risquait d’en pâtir.
Il se devait de faire sa demande en bonne et due forme.

Un autre archiviste empressé approchait. Chargé de quelques ouvrages qu’il posa sur un pupitre.
Le premier interrompit ses balbutiements.
Ils présentèrent les divers manuels de savoir-vivre et chroniques historiques.
Ils contenaient beaucoup de détails sur des mariages mineurs. Mais aussi quelques éléments sur des mariages royaux anciens.
Si cela pouvait satisfaire le Scribe Royal le temps que les autres ouvrages reviennent.

Copal se força à accepter le tout avec calme. Et à remercier de la façon la plus neutre possible.
Et à mieux masquer sa satisfaction.

#8 Multilingue 

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Froisser la feuille. La jeter au sol.
Avec toutes les autres.
Copal se contint pour ne pas passer sa frustration sur sa plume de la même manière.
Il était scribe royal et ambassadeur. Il aurait du être capable de rédiger une simple lettre.

Il se leva brusquement.
Quelques étirements et inspirations lui permirent de reprendre le contrôle de lui-même.
Au moins assez pour reconnaître intérieurement que ce n'était pas une lettre simple.
Elle touchait à trop de choses personnelles.

Il se rassit calmement. Mais sans reprendre son nécessaire d'écriture.
Il resta un long moment à fixer le vide devant lui.
A chercher la bonne formulation. La bonne approche.
Mais c'était trop difficile pour l'instant.

Il devait de sincères remerciements à Serae Wu-Shepeng. Et il les lui ferait.
Mais c'était trop tôt.
Peut-être qu'il prenait tout simplement les choses dans le mauvais sens.

D'abord se marier.
Et ensuite remercier celle qui avait permis ce dénouement extraordinaire.
Alors qu'il hésitait à faire sa demande depuis tant de mois.

Se marier.
Il allait se marier.
La Serae de son coeur avait dit sil.
Copal souriait à un visage qu'il était le seul à voir.

Mais d'abord, il fallait trouver quelqu'un pour diriger la cérémonie.
Les manuels de savoir-vivre qu'il avait abondamment consultés disaient qu'il fallait que ce soit un homin marié.
Il n'en connaissait pas tant que ça.

Le premier qui lui venait à l'esprit, marié de fraîche date, c'était le Karin Aniro.
Mais c'était bien trop présomptueux.
Probablement.
Peut être.
Hm...

#9 [fr] 

Répondre dignement au salut respectueux du gardien d’immeuble. Entrer dans l’arbre maison. Monter jusqu’à l’appartement de ses parents.
S’arrêter devant la porte.
Vérifier sa tenue. Respirer lentement.
Rituel habituel du holeth midi.

Avec cette fois deux changements d’importance.
Le premier ne se voyait pas. Mais Copal en sentait pourtant le poids depuis la dernière Chambre des Nobles.
Il faisait désormais partie de l’élite de la société matisse.
Lui le gratte-papier était désormais Noble du Royaume.
Il ne s’y faisait pas. Pas encore.

Le deuxième se trouvait à ses cotés. Il n’en revenait pas vraiment non plus.
Serae Liosta lui sourit un encouragement.

Il ne pouvait pas décemment ne pas la présenter à ses parents.
Alors que la moitié de leurs connaissances au moins était au courant.
Alors qu’elle lui avait présenté sa mère à elle. Chose bien plus difficile.

Il leur avait fallu aller dans les Lacs pour ça.
La Tryker avait paru sincèrement heureuse de voir sa fille. Et même que celle-ci épouse un Matis.
Mais il y avait eu une tension entre elles.
Et le reste des Trykers du bar avait été à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre de Trykers dans un bar.
Au moins ne l’avaient ils pas traité d’esclavagiste.
Copal se força à se calmer. Et à revenir à l’instant présent.

Présenter sa fiancée à sa mère.

Copal prit une inspiration profonde.
La main de Serae Liosta délicatement posée sur son bras, il frappa à la porte.


Alors qu’elle semblait détendue jusque là, ces coups firent tressaillir Liosta et Copal put sentir un léger tremblement dans sa main.

De son éducation tryker, elle avait gardé le goût de la famille et elle désirait plus que tout se faire admettre voire apprécier par les parents de son fiancé.
Elle vivait à la cour depuis ses 19 ans. Elle connaissait les intrigues, les commérages. Sous l’oeil bienveillant de la Karae, elle avait appris à se montrer digne de son rang et passer outre les mauvaises langues.

Mais là.

Elle ne voulait pas de ces relations formelles et superficielles. Elle voulait qu’ils l’aiment, elle, pas la dame de compagnie de la Karae.
Et elle n’était que la fille d’une tryker et d’un matis depuis trop longtemps disparu.

L’anxiété de Copal étant palpable, elle se ressaisit et, tandis que la porte s’ouvrait, elle mit sur ses lèvres son sourire le plus sincère.



Sourire à sa mère qui ouvre la porte.
Constater qu’elle porte sa plus belle tenue de fête. Impossible de ne pas le remarquer.
Copal s’y était attendu.

Il s’était moins attendu à voir son père debout à coté d’elle. En grand uniforme.
Ce holeth midi promettait vraiment de ne pas être comme les autres.

Difficile d’embrasser sa mère sans lacher le bras de sa fiancée.
Voilà bien un détail auquel Copal n’avait pas pensé.
Il salua sa mère d’un sourire. Et se figea lorsqu’elle plongea dans une révérence.
Il sentit Serae Liosta tressaillir à son bras.

« Lumnimae ? »
Copal tendit sa main libre pour relever sa mère. Mais elle se redressait déjà.
« Tu es quelqu’un d’important maintenant.
– Mais je suis toujours votre fils. »

Il chercha le soutien de son père. Après tout ce que le vieux garde avait pu dire sur la carrière de son fils. Surement qu’il n’allait pas se laisser impressionner.
Mais son père semblait prêt à se mettre au garde-à-vous.

La situation devenait trop surnaturelle pour Copal.
Il préféra se rabattre sur les quelques mots qu’il avait préparés.
« Valyenimae, Lumnimae, je vous présente Serae Liosta Be’Zephy. Ma fiancée. »

Serae Liosta s’inclina avec une grâce exquise. Sans bouger la main sur son bras.
Elle était bien plus douée que lui pour ce genre de choses.

Cela ramena au moins un semblant de naturel dans le comportement de sa mère.
Qui sourit et prit les mains de sa future bru pour lui souhaiter chaleureusement la bienvenue.
Et l’entrainer vers l’intérieur de l’appartement en posant une multitude de questions dont elle n’attendait pas les réponses.


L’attitude cérémonieuse des parents de Copal avait crispé Liosta.
Mais force était de constater que ce n’était pas sa présence mais bien l’anoblissement de Copal qui en était la cause.
Elle était vraiment très heureuse de ce geste du Karan qui était plus que mérité mais elle n’aurait jamais cru que cela allait prendre une telle proportion.

Le babil incessant de Sirgia Piri donna du temps à Liosta pour se remettre du choc et préparer l’offensive de charme qu’elle comptait bien mettre en œuvre.

« Votre Habit-arbre est magnifiquement décoré ! Savez-vous que Copal ne m’a jamais fait visiter le sien ? Tout cela est si délicat, Sirgia. Je peux vous appeler ainsi n’est ce pas ? Je suis tellement heureuse de retrouver ici une famille unie. » Liosta sourit à Copal qui était resté quelques pas en arrière avec son père. « Et d’en faire bientôt partie. Et moi je serai Liosta tout simplement. C’est une fleur qui pousse dans les Lacs. Elle est très colorée et les trykers la ramassent pour fleurir leurs appartements. Rien ne peut se comparer aux beautés du Jardin Majestueux, bien sûr. Si vous voulez nous irons ensemble nous promener et cueillir quelques bouquets pour encore plus mettre en valeur ces vases. » Liosta baissa la voix. « Et nous les laisserons parler politique autant qu’ils veulent. »

Cette avalanche prit la mère de Copal de court. La Karae avait souvent cet air un peu dubitatif en écoutant Liosta. Elle appelait cela « son enthousiasme de tryker ».

Liosta fit quelques pas en direction de la salle à manger pour gentiment laisser le temps à sa future belle-mère de se reprendre.



Copal profita que les deux homines s’avançaient dans l’appartement pour prendre son père à part.
Son attitude le déconcertait. Il semblait mal à l’aise alors que Copal ne l’avait jamais vu autrement que sur de lui.

« Je n’ai pas changé Valyenimae.
– Tu es noble maintenant.
– Mais je n’ai pas changé. »
Son père fixait un point loin devant lui. Copal avait la nette impression qu’il ne l’écoutait pas.
« Et les nobles commandent l’armée du Karan. »

Copal se sentit béer stupidement.
Lui ? Commander une armée ? Ou même une poignée de soldats ? Voire seulement donner des ordres à un garde municipal ?

Oh.

Un silence lourd s’installa.

La conversation légère des homines leur parvenait de l’autre pièce.

Copal déglutit péniblement.

« Seulement les Hauts Nobles. Et sinon le Karan enverrait la Maîtresse d’Armes ou un membre de l’Ordre Alkian en cas de besoin. »
Copal l’espérait avec ferveur.

Mais son père accepta ses assurances.
« Un Haut Noble. Sil. Bien. Ce n’est pas que je veuille te manquer de respect. »
Copal se força à accepter le commentaire avec un hochement de tête digne.
Son père retrouvait un certain équilibre. C’était l’essentiel.
Peu importait si le respect n’avait pas précisément fait partie de leur relation jusqu’à récemment.

Les homines les attendaient pour passer à table.
Ils les rejoignirent dans un silence raisonnablement apaisé.


Liosta ne se fit pas prier pour déclamer la traditionnelle prière à Jena. Il y avait tant dont elle devait la remercier.
Et le repas ne fut pas assez long pour parler du mariage.
Celui du Karin.


Poser la main sur le bras que lui tend Copal tout en saluant gracieusement la maitresse de maison pour la remercier.
Prendre congé gravement du vieux garde.
Repasser la porte au bras de Copal.
Futur rituel du Holeth Midi.

#10 Multilingue 

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Ne pas ralentir en arrivant à la porte.
Passer entre les gardes aussi naturellement que possible.
Il n’était pas en tort.
Il n’avait rien fait de mal.
Il n’était pas convoqué pour un rappel à l’ordre.
Il était prié respectueusement par le chef des gardes d’Avalae de bien vouloir lui accorder quelques instants de son temps précieux pour apporter des précisions sur un possible incident diplomatique international en tant que témoin de première importance.

Copal avait lui même rédigé assez de documents officiels pour décrypter.
Miaro Ronti n’était pas content du tout.
Et il ne pouvait pas le dire.
Il était à son poste depuis assez longtemps pour prendre des précautions oratoires avec un Noble. Surtout un Noble qui semblait avoir les faveurs du Karin Aniro.
Même s’il avait pu regarder le dit Noble de haut quand celui ci n’était encore qu’un obscur fonctionnaire provincial.

Copal entra dans le bureau avec toute l’assurance qu’il pouvait rassembler.


Le début de l’entretien fut sans surprise.
Miaro Ronti conciliait avec beaucoup d’expérience l’efficacité d’un soldat de terrain et des manières dignes de la Cour.
Et il souhaitait connaître le contexte intégral pour mieux appréhender la situation.

Copal dut donc commencer son histoire au vortex de la Masure.
Là où les Trykeri lui avaient amené les deux mektoubs chargés de la bière qu’il avait commandée.
Là où une partie de l’escorte venue de Fairhaven avait voulu continuer jusqu’à Avalae.
En contradiction flagrante avec l’accord que le commandant Jazzy et lui même avaient passé.
Mais le Tryker n’avait aucune autorité sur les non citoyens.
Pas plus que Copal.

Et ça avait donc été le trajet désorganisé jusqu’à Avalae à travers la Masure, le Jardin Fugace et le sud du Jardin majestueux.
Copal avait eu plus souvent qu’à son tour l’impression de ne rien maîtriser.
De se maintenir comme il pouvait sur une feuille emportée par le courant.
Ou plutôt à proximité des mektoubs.
Avec des homins enthousiastes qui fonçaient tête baissée. Massacrant les bêtes féroces sur leur passage.
Sans se soucier de ce qui se passait derrière eux.
Ni d’éventuelles consignes.
Une horde indisciplinée et inconséquente.
Le pire moment avait été lorsque Serae Liosta était tombée. Victime de tirs croisés dans une altercation avec une patrouille.
Mais la cargaison était parvenue à Avalae sans encombre.

Copal ne s’attarda pas sur ses difficultés.
Ni sur sa fatigue et sa frustration croissantes à mesure qu’ils avançaient.
Pas même sur le Zoraï aux cheveux violets qui lançait des sous-entendus perfides dignes des pires commères de la Cour.
Il préféra exposer rapidement le trajet suivi. Les rares difficultés rencontrées.
Et surtout le résultat obtenu.
C’était tout ce qui comptait.
Même si Miaro Ronti n’était probablement pas plus dupe que son père.

Finalement les tonneaux de bière avaient été rangés chez lui avec l’aide diligente de l’Ordre Alkiane.
Et il avait ensuite fallu emmener le tonneau spécial à Yrkanis.

A partir de là, le chef des gardes se montra bien plus attentif.
Et réprobateur.
Il comprenait que le Filira Copal ait préféré maintenir le secret jusqu’à Yrkanis.
Et qu’il ait préféré calmer lui même les plus excités de l’escorte.
Et même qu’il les ait autorisés à l’accompagner jusqu’à la capitale.
Mais vraiment, avec tout le respect qu’il lui devait :
« Vous auriez du appeler la garde d’Avalae lorsque cette Tryker vous a attaqué, Filira. Attaquer un représentant du Karan, c’est attaquer le Royaume. Nous ne pouvons pas tolérer ce genre de comportement. »

Copal se força à sourire.
« En temps normal j’aurais dit comme vous Ser. Mais l’important n’était pas mon sort. L’important était la mission que le Karan m’avait confiée. Tout le groupe se serait entre-tué sur place si j’avais répondu par les armes. Et le prisonnier aurait pu avoir l’occasion de s’échapper. »

Copal marqua une pause.
Il avait découvert la force des silences en écoutant de vrais diplomates. Filira Salazar. Ser Nilstilar.
Il s’efforçait d’appliquer leurs leçons.

Il reprit.
« Mais ils ont bien compris que rien ne me ferait changer d’avis. »
Ce qui était vrai. A sa grande surprise.
Copal ne s’était jamais imaginé en meneur d’homins. Et les événements lui avaient largement donné raison.
Mais il avait découvert qu’il était réellement prêt à tout pour accomplir son devoir.
Et aussi qu’il n’appréciait pas du tout de recevoir d’ordres d’une bande de kamistes incultes et surexcités. Mais le chef des gardes n’avait pas besoin de le savoir.

Ce que Miaro Ronti n’avait pas non plus besoin de savoir, c’était la vraie raison pour laquelle il n’avait pas riposté.
La Tryker qui l’avait attaqué savait se battre. Vraiment. Et lui, non.
Malgré tous ses efforts.
Il ne se plantait pas son épée dans le pied. Et il se débrouillait contre des animaux sans intelligence.
Mais il ne faisait vraiment pas le poids dans ce genre de situation.

Heureusement qu’elle l’avait abattu rapidement.
Il n’avait pas eu le temps d’être trop ridicule.
Et il avait réussi à retourner la situation à son avantage par la suite.

Le chef des gardes n’était pas complètement convaincu.
Mais il savait reconnaître un combat qu’il ne pouvait pas gagner.
Il remercia son hôte avec courtoisie et le raccompagna à la porte.
Non sans commenter au dernier moment.
« Qui aurait cru que protéger un chargement de bière intéresserait tant d’homins. Si je puis me permettre Filira. La prochaine fois mieux vaudrait choisir un autre prétexte si vous recherchez la discrétion. »

Et Copal se retrouva dehors dans la nuit d’Avalae.
Il retint un juron malvenu.
Il n’y aurait pas de prochaine fois. Pas s’il pouvait l’éviter.
Grace soit rendue à Jena. Il était ambassadeur auprès de la Théocratie. Pas de la Fédération.

Il se hâta de rejoindre son épouse.

Dernière édition par Copal (il y a 2 ans). | Raison: Correction géographique

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