ROLEPLAY


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#1 [fr] 

(Avertissement hrp : Ba’Rakha est un escroc et un fieffé gredin, prêt à tout pour convaincre son interlocuteur de le suivre dans son plan tordu. Il prend donc quelques libertés avec le texte exact de la Constitution. Appelons ça de l’interprétation créative. Vous n’êtes pas obligés de gober tout ce qu’il raconte sans vérifier. C’est même fortement déconseillé … /hrp)


La conversation qui suit n’a jamais eu lieu.
D’ailleurs, il n’y a pas eu de témoin pour la rapporter. Et même s’il y avait eu un espion caché derrière une pile de caisses, il aurait été repéré par les gardes et capturé avant de pouvoir s’enfuir bien loin. Et on lui aurait coupé les jambes pour éviter qu’il ne prévienne les autorités fédérales, et la langue aussi pour l’empêcher de répéter ce qu’il n’aurait, de toutes façons, pas entendu puisque personne n’était là et ne parlait. Et puis on l’aurait mis dans une cage. Juste au cas où.
Oui, c’est un peu compliqué, mais ne vous inquiétez pas : dites-vous juste que rien de cela n’est jamais arrivé …



Bien qu’il le cachât, Plerus Pelorus, le chef de la tribu des Esclavagistes, était ennuyé.
Les clients avaient le droit d’avoir leurs petites manies. Après tout, ils payaient pour. Ils payaient même largement : il y veillait.
Mais son visiteur actuel, en plus d’être un Tryker, était simplement apparu dans le camp, sans qu’aucune des patrouilles ne l’ait repéré, et lui avait tendu une liasse de feuilles froissées et tachées, avant de s’installer comme s’il était chez lui. Et puis il avait sorti des dés de sa poche et avait commencé à les faire rouler entre ses doigts : leur cliquetis lui agaçait les dents.
Le chef préféra reporter son attention sur les feuillets, en attendant d’en savoir plus sur son « invité ».

Il s’agissait apparemment d’une copie d’un texte officiel quelconque. Il plissa les yeux pour lire le titre « Constitution de la Nouvelle Trykoth ».
Avec une patience exagérée, il tendit le document à son interlocuteur : « Je ne vois pas en quoi cela nous concerne. »
Ce dernier ne fit pas un geste pour s’en saisir, continuant de jouer nonchalamment avec ses dés. « Vous devriez pourtant. Article 21.1. »
Plerus Pelorus aimait de moins en moins le comportement de son hôte. S’il n’y avait pas quelque chose dans l’article 21.1, ses cages auraient bientôt un occupant de plus proposé à la vente. Il survola rapidement l’article : L’Assemblée Fédérale propose et vote les lois qui s’appliqueront à toute la Nouvelle Trykoth. « Et alors ? »
« Et maintenant, article 3. »
Le territoire dans lequel se situe la Nouvelle Trykoth restera toujours appelé « Aeden Aqueous ».

« Je ne vois toujours pas le rapport. Nous ne sommes pas citoyens. Nous ne sommes même pas trykers.
- Vous êtes sur le territoire que revendique le Gouvernement Tryker, et il n’est précisé nulle part que les lois ne s’appliquent qu’aux Trykers, citoyens ou non, ou qu’aux habitants des cités. En fait, il n’est précisé nulle part qu’elle s’applique aux seuls homins. »
Le visiteur sourit cyniquement :
« Un avocat un tantinet pointilleux pourrait même arguer qu’elle s’applique à tout ce que contient le territoire, et donc que si un yubo, un arbre ou un tas de sciure d’Aeden Aqueous ne respecte pas la loi, il pourrait être poursuivi et condamné… »
Le chef grogna :
« Qu’ils essayent seulement ! Nous n’avons jamais plié devant » il cracha le nom comme s’il s’agissait d’une injure « Still Wyler ! Nous continuerons de nous battre, quel que soit le pantin qui croit gouverner les Lacs ! »

Le Tryker en face de lui se cala un peu plus confortablement en souriant :
« J’ai une meilleure proposition à vous faire. Que diriez-vous d’être le chef officiel de … je ne sais pas moi… disons, Windermeer, par exemple. »
Cette fois-ci, le chef reporta toute son attention sur son interlocuteur :
« Je dirais que vous êtes fou. Et que vous ne valez même pas le prix de la cage dans laquelle on va vous mettre. Je n’ai pas de temps à perdre. »
La menace était claire, mais l’étrange visiteur ne sembla pas s’en soucier. Les dés continuaient de tourner dans sa main gauche à une vitesse folle. De sa main libre, il indiqua négligemment les feuilles que le chef n’avait pas lâchées :
« Vous devriez vraiment les lire, vous savez, on y trouve des choses très intéressantes. Asseyez-vous, je vous en prie. »
Comme hypnotisé, le chef s’assit, le poing toujours serré sur le projet de Constitution.

« Cette Constitution donne, en fait, les pleins pouvoirs au Gouverneur.
D’abord » le Tryker leva un doigt « il est élu à vie. » Le chef regarda sa main, cherchant le texte correspondant. « Article 12 » le renseigna obligeamment son interlocuteur avant de poursuivre.
« Ensuite, » deuxième doigt « il ne peut pas être destitué, sauf par une motion du Thenkardali. C’est aussi dans l’article 12.
Mais, et c’est là que ça devient intéressant, » troisième doigt « les membres du Thenkardali sont désignés par le Gouverneur – articles 19.1 et 19.2 – et » quatrième doigt « peuvent être révoqués par lui à tout moment, et sans qu’il ait besoin de se justifier – article 20.
Autrement dit, personne ne peut destituer le Gouverneur : au premier soupçon de rébellion, il lui suffit de limoger le Kard’al, ou les Kard’ali qui lui déplaisent et d’en nommer d’autres. »

Le chef secoua la tête. « Je suis prêt à croire tout le mal qu’on veut de ces soi-disant civilisés, mais ils ne peuvent pas être stupides à ce point. Toute leur Fédération est censée être basée sur le peuple. »
Il indiqua un des premiers articles :
« Ils en ont même fait leur symbole. Là. Article 4 : 9 rayons pour le peuple.
- Tout à fait. Mais un rayon aussi pour le Gouverneur.
D’ailleurs, même si le peuple est soumis à la Constitution, il n’a aucun pouvoir.
Seules les guildes citoyennes peuvent prendre des décisions. Les non-Trykers n’ont aucun pouvoir. Les Tryers résidents n’ont aucun pouvoir. D’ailleurs, les citoyens non plus, n’ont aucun pouvoir, s’ils ne sont pas membres d’une guilde. Voyez l’article 24.1.
Et pour en revenir à votre question d’origine, les Kard’ali peuvent dissoudre les Assemblées Régionales : lisez l’article 25. »
Le chef ouvrit la bouche, mais n’eut pas le temps de protester.
« Et motiver formellement sa décision signifie juste qu’il doit l’écrire sur une belle feuille, avec toutes les jolies formules qui vont bien. Pas que sa décision doit être fondée. Et puis, si les Taliari ne sont pas contents, à qui vont-ils se plaindre ? Au Gouverneur qui a nommé le Kard’al ?
Et sans Assemblées Régionales, il n’y a plus personne pour désigner les membres de l’Assemblée Fédérale. Donc plus de représentants du “peuple”. »

Le chef s’adossa lui aussi plus confortablement, tentant de garder un visage impénétrable tandis que les pensées tournoyaient dans sa tête :
« Voyons si je vous ai bien compris. Vous êtes en train de me dire qu’il suffit d’être Gouverneur et de nommer trois comparses au Thenkardali pour diriger la Fédération. C’est bien ça ?
- Pas juste la Fédération. Tous ceux qui vivent en Aeden Aqueous, oui.
- C’est intéressant, mais pourquoi venir nous en parler à nous. Si votre plan est si bon, pourquoi le partager ?
- Pas par bonté d’âme, je vous rassure. Mais parce que la première étape, celle qui conditionne le tout, est quand même d’être élu Gouverneur. »

Le chef se releva.
« Je vous souhaite bonne route, étranger. Et bon courage. Peut-être que les Trykers auront pitié de votre folie. »
Le visiteur ne bougea pas :
« Voyons, chef. Vous croyez vraiment que je serais venu vous voir en ayant négligé ce léger détail ? Rasseyez-vous, je vous prie, et intéressez-vous à l’article 11.2. Tout Tryker de sève peut voter pour le Gouverneur.
Ca veut dire les Trykers citoyens, bien sûr, mais aussi les Trykers résidents, les Trykers qui vivent ailleurs, voire qui ont prêté une autre allégeance, et… les tribus. Même certains bandits et renégats, pour peu qu’ils soient Trykers de sève.
Et, si on suit l’article 26, le vote doit être secret et égal. La voix d’un renégat a le même poids que celle d’un citoyen. »

Le chef se rassit, soudain songeur, cherchant l’article en question : « Ils n’ont quand même pas été aussi… Mais si !
- Et comme le vote se fait – article 26.2 – dans une urne, il n’y a même plus besoin de s’inquiéter de ce que pourrait dire ou faire ce fichu Aveugle. Une urne ne peut pas protester, faire du bruit, attirer les gardes, si elle estime, même à tort, que quelqu’un n’a pas le droit de voter. Débiter la Constitution pour se justifier, ça prend du temps, ça fait du bruit. Et ça donne soif… »

Sans hésiter, le chef attrapa une bouteille et la tendit à son interlocuteur, puis il énonça calmement la conclusion logique :
« Vous voulez que les Trykers des tribus et des groupes de bandits votent pour vous à la prochaine élection.
- Ce serait le plus simple, oui. Mais pour cela, il faudra quand même faire abroger l’article 10.2 : Le gouverneur doit être citoyen depuis le Deuxième Exode. Mais ça ne devrait pas être compliqué. Simple logique : que ce passera-t-il dans un ou deux siècles ? Ils choisiront des vieillards séniles comme Gouverneur ? Des cadavres ?
Sinon, il faudra juste trouver un citoyen… disons, favorable à nos intérêts.
- Une minute ! » le chef rechercha fébrilement dans les articles.
« Article 10.3 : les candidats doivent être des membres actifs du Thenkardali ou des Assemblées Fédérales.
- Oui ? Quel est le problème ? Membre actif ne signifie pas Taliar. Sinon, les Assemblées ne seraient pas très actives… Non. Un membre actif, c’est quelqu’un qui vient régulièrement aux Assemblées et qui s’y exprime. Eventuellement, qui se propose pour participer à divers projets. S’il n’y avait pas l’article 22, ça n’aurait même pas besoin d’être un citoyen.
De toutes façons, j’en connais quelques uns qui pourraient être … persuadés, disons, de se présenter au cas où. Je suis même prêt à engager ces fonds-là sur mes propres réserves.
D’ailleurs, si on lit bien l’article 22, les représentants de l’Assemblée Fédérale ne sont pas forcément des Taliari. Ni des Trykers de sève. Et ils peuvent même être tous de la même guilde, pourvu qu’ils soient citoyens. C’est joli, l’égalité des voix, hein... Mais je m’éloigne du sujet…

Alors chef, que dites-vous de ma proposition ?
Vous convainquez les membres trykers des tribus et des bandits de voter pour moi à la prochaine élection.
En échange, je vous nomme vous, ou qui vous voulez, Kard’al d’une des villes.
Et avant que vous ne posiez la question, lisez l’article 18 : il n’est écrit nulle part que le le Kard’al doive être Tryker de sève. Ou citoyen. Ou impliqué dans la vie courante. Ou quoi que ce soit pour les Lacs. Il est juste nommé par le Gouverneur. Vous pouvez promettre les postes des Kard’ali des autres villes aux tribus ou aux bandits qui nous aideront le plus. »

Le chef essayait de suivre tout cela tout en relisant la Constitution, cherchant le piège :
« Et Fairhaven ?
- Ce n’est pas précisé, mais les premières Assemblées Régionales ont enregistré que le Kard’al de Fairhaven était le Gouverneur. Et il n’y a pas d’Assemblée Régionale de Fairhaven : tout y est sous le contrôle direct du Gouverneur.

- Et ça ? Article 7, Les Trykers naissent libres et égaux ? On ne peut pas laisser ça !
- Pourquoi pas ? Ca ne parle ni de ce que les Trykers deviennent après leur naissance, ni des autres races.
Et puis, si vous y tenez vraiment, nous pourrons faire amender la Constitution.
- Comment ?

- Ca sera un peu plus long, mais puisque vous semblez être intéressé…
D’abord, la Constitution ne dit rien sur ce que le Gouverneur peut décider à son sujet.
Mais bon, considérons le cas le plus défavorable où seule l’Assemblée Fédérale pourrait la modifier :
D’abord, les Kard’ali sont membres de droit de l’Assemblée Fédérale – article 22.2, ils y ont leur place réservée – donc votent les lois.
Et d’autre part, les Taliari qui choisissent leurs représentants doivent être acceptés par leurs pairs avant de pouvoir siéger dans leurs Assemblées Régionales respectives – article 24.2. Donc, si le Kard’al dissout l’Assemblée Régionale, il ne reste plus que lui pour accepter de nouveaux Taliari. Et j’ose espérer que vous n’accepteriez pas n’importe qui à siéger dans une aussi noble institution à vos côtés ? Mmh ?

- Et si les Taliari votaient quand même une modification significative de la Constitution ?
- Elle doit être acceptée unanimement par le Thenkardali et approuvée par le Gouverneur. C’est dans l’article 21.3.

- Il faut quand même que le Gouverneur se justifie, non, pour refuser. Regardez l’article 9.2 : veto avec une raison valable.
- Quand vous aurez trouvé trois Trykers capables de donner la même définition d’une raison valable, prévenez-moi. Ca vaudra très cher dans vos cages. Et puis, le Thenkardali n’a pas besoin de se justifier, lui.

Ne cherchez pas : ils nous offrent leur Fédération sur un plateau d’ambre. »
Les deux homins échangèrent un grand sourire, un sourire de vorax plein de dents qui ne présageait rien de bon.

Et le chef se garda bien de signaler que l’article 14 prévoyait, au cas où il arriverait malheur au Gouverneur, que l’un des Kard’ali, celui de Windermeer au hasard, prendrait sa place et organiserait les élections suivantes.

Derrière eux, une caisse tomba, et les gardes se précipitèrent pour voir ce qu’il se passait.


Mais tout ceci ne s’est jamais produit.
Et si vous alliez faire un tour dans le camp des Esclavagistes et que vous aperceviez un cul-de-jatte muet dans une cage, ce serait juste une étonnante coïncidence…
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