ROLEPLAY


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#1 [fr] 

C'est toujours un plaisir de retrouver Barakka au bar. Tout en savourant la bhyr de Ba'Naer, les deux trykers échangent ragots et nouvelles.

Barakka fait rouler ses dés au fil de la conversation, choisissant certaines réponses grâce à leurs résultats. Alors, très vite, la conversation dérive sur leur amour du jeu. Feinigan, lui, joue pour le simple frisson du jeu, le plaisir d'aller toujours un peu plus loin, jusqu'à tout perdre. Il n'est pas de bon jeu sans gros enjeux.

La difficulté est de trouver d'autres personnes avec qui jouer. À défaut d'avoir leur consentement, les trykers ne se privent donc pas d'inclure d'autres homins dans leurs paris.

(Note : pour respecter la vie privée des homins cités, et pour ne pas trop fausser les paris surtout, leur nom sera remplacé par celui d'animaux. Aucun frippo n'a été réellement maltraité.)

Feinigan cherche un bon sujet de pari :
- J'aurais bien parié qu'Ocyx allait épouser Frippo, mais c'est plié : ils ont déjà eu des petits ensemble.
- Oh ? Sérieux ?
- Oy ! Ils sont très moches. Ça date de la semaine dernière.
- Tu t'attendais à quoi ?
- Je n'espérais pas qu'ils s'entendraient aussi bien !

Barakka n'avait pas vu Ocyx récemment, et n'avait donc pas remarqué si elle avait pris du poids. Feinigan avait présenté les deux homins l'un à l'autre quelque temps auparavant, et il fallait reconnaitre que ces deux-là s'étaient trouvés, même s'il fallait l'esprit farceur du tryker pour y voir quoi que ce soit de romantique.

Barakka cherche à propos d'autres homins :
- Tu peux aussi parier que Igara raconte une histoire vraie. Là, y'a une petite chance...

Feinigan rigole :
- Ses histoires sont vraies ! Elles sont juste horriblement déformées.
- Ouais... C'est ça... Pour une valeur très approximative de vraie...
- La vérité est tellement tordue dans sa bouche qu'elle doit aller chez le guérisseur quand elle en sort. C'est ce qui le rend si fréquentable.

Barakka aime bien Igara aussi. Il ne fera pas l'objet d'un pari cette fois-ci... Le tryker jette un œil à Ba'NAer Liffan :

- C'est vrai que Ba' a promis un open-bar à Igara et Bolobi s'ils faisaient venir le Karan ?
- Il parait, oui ! Mais faire venir le Karan ici... Je parierais s'ils se bougeaient pour le faire advenir.
- La Karae est bien venue, y'a des années.
- Ça remonte. Et Stevano n'est pas du genre marrant.
- C'est vrai qu'ils ont pas des masses de contacts... Encore que, y'a Raspal qui traine souvent dans le coin.
- Il faudrait trouver comment il peut motiver son roi à sortir de son arbre.

Barakka rigole :
- Stevano serait plutôt du genre à venir avec son armée...

L'idée lui fait lancer les dés. Le résultat le fait frissonner et il les ramasse sans rien dire.
- Déclencher une guerre ? Tu n'as pas froid aux yeux... dit Feinigan qui a suivi le manège.
- En lui passant un savon ? Il a l'air d'aimer ça, répond Barakka en repensant à Raspal.

Feinigan réfléchit, puis déclare :
- C'est moins drôle que la guerre.

Décidément, ce n'est pas encore le pari qui les fera vibrer...

Passant en revue les divers homins qui viennent au bar, puis ceux qu'ils peuvent croiser sur l'Écorce, Feinigan finit par trouver un premier sujet de pari.
- Je n'ai jamais vu un homin mentir autant. Il ment tellement, qu'il ne se rend même plus compte qu'il le fait.

Barakka n'ayant pas eu la chance de fréquenter l'énergumène, son compère lui décrit les péripéties de l'homin en question : ayant rejoint le culte d'une des Puissances et travaillant à en être le meilleur représentant possible, quand tout le pousse vers l'autre camp... y compris le fait de tomber amoureux de la mauvaise personne.
- Et je ne saurais rien de cette histoire, précise Feinigan, si je n'avais pas eu à lui procurer des vêtements pour ses rendez-vous. Il a essayé de faire le coquet pour l'impressionner... et il est revenu à chaque fois plus dépité !

Barakka rigole :
- J'imagine bien... Une homine K... Tu penses qu'elle a été impressionnée par un Bodoc tout pimpant !
- Pour tout te dire, il me fait un peu pitié.
- Oh ? Tu vieillis ?
- Faut croire. C'est un pauvre type.
- Mais du coup... Tu voulais parier sur quoi ? Apparemment, c'est plié, avec son homine. Tu vas quand même pas essayer de les rabibocher.
- Lui et l'amour de sa vie ? J'y crois pas vraiment, an. Après, c'est peut-être pas de la pitié, c'est aussi qu'il distribue ses dappers comme il distribue des mandales à ses ennemis sur les OP, donc j'ai pas envie de me le mettre à dos.
- Ouais... Forcément... Attends... Il se bat sur OP ? Contre sa dulcinée ?

Barakka se tord de rire une nouvelle fois, et Feinigan ne montre aucune pitié :
- Oy, oy. Chaque bataille où il l'affronte le rend plus morose ! Mais il y retourne quand même.
- C'est un assez sacré client, c'est le cas de le dire !
- C'est qu'il a promis d'être un bon croyant, tu vois !

Vient le moment de parier sur la destinée de cet homin qui tourne mal. Va-t-il finir maraudeur ? Et si oui, en tuant combien de ses amis actuels ? Ou va-t-il devenir le prochain élu divin ? Ou encore... une autre voie ?

Les joueurs discutent des possibilités. Ils finissent par en conclure qu'il n'y a probablement pas grand-chose à parier : selon toute probabilité, Bodoc deviendra de plus en plus fanatique et violent avec le temps, "le genre de type qui hurle le nom de sa Puissance tout le temps", avant de rejoindre les maraudeurs dans une apothéose de sang et de sève. Comme le résume Barakka :
- D'abord, il tue tout le monde au nom de sa Puissance... Et ensuite au nom de rien du tout...
- C'est le parcours de la plupart des fanatiques. Ils font tous ça. À fond pour leurs Puissances, et puis après, une haine à la hauteur de leur précédente dévotion... Mais du coup il n'y a plus rien à parier. Ah si ! la troisième voie !

C'est une alternative peu crédible : que Bodoc trouve un moyen de ne pas devenir zinzin et s'éloigne du destin funeste vers lequel il se dirige. Barakka observe ses dés, ne sachant sur quoi parier... Mais tous deux tombent d'accord sur le fait que le fanatisme semble couru d'avance.

Il faut trouver plus croustillant. Et à force de chercher et de faire des ragots...

- Raspal aime les parties fines... on ne le mariera pas facilement. Par contre, je suis sûr qu'on peut le mouiller dans un scandale à cause de ça. Encore que... coucher avec tout le monde, pour quelqu'un comme lui, ça ne doit pas être si scandaleux.
- Avec Ocyx ? Tu crois que ça ferait un scandale suffisant ? Elle a été dans le camp ennemi.
- Oulah... Ocyx et Frippo étaient déjà un beau coup. Mais avec Raspal ?
- Un beau coup ? Ou un bon coup ?
- Il est trop mou pour elle.
- On s'en fout. On a juste besoin du scandale.
- C'est vrai. On parie qu'on arrive à monter un scandale avec eux deux ?
- Tu paries qu'on y arrive ? Ou qu'on y arrive pas ? Parce que si on est tous les deux d'accord que ça va se faire... Qui remporte la mise ?
- Ah, c'est comme l'autre pari ! Si on parie sur la même chose, ce n'est pas drôle. Je parie qu'on n'y arrive pas, voilà ! Et du coup je vais prendre plus de risque sur l'autre... Je parie que Bodoc ne va pas massacrer tout le monde !
- Ben oy. Mais tu vas essayer ? Ou tu me laisses faire tout le boulot ?
- Je te laisse le boulot avec notre couple gagnant... Et je m'occupe du couple impossible.

Barakka lance ses dés, tandis que Feinigan éclate de rire :
- C'est tout aussi impossible !

Il est enfin temps de fixer les enjeux, tandis que les dés continuent de rouler pour décider les homins :
- Qu'est-ce que tu dirais de... Un million sur chaque pari ?
- Un million pour que la cheffe découvre que je m'en suis pris à une homine importante ? Okal...
- Voilà, ça c'est des paris avec des enjeux !

#2 [fr] 

- Tu as eu des nouvelles d’Eeri ? demande son client.
- Je ne l’ai pas croisée depuis un moment, répond Feinigan. C’est pas un mal. Ho, mais… vous vous faites du souci pour elle ?
- J’espère qu’elle va s’en sortir, oui. C’est une homine intelligente. Il faudrait plus de gens comme elle.

Feinigan retient de justesse une remarque salace, mais ne peut s’empêcher de faire un grand sourire en pensant à l’histoire improbable qui pourrait unir ces deux-là. Non pas qu’il y croit vraiment, mais qui sait ? Ça pourrait faire une bonne histoire pour adultes, ça.

Il se prend une tape sur la tête au moment où il imagine les jeux sadiques auxquels ces deux-là pourraient se livrer.
- Hé !
- Cela suffit ! Même quand tu ne parles pas, tu es insupportable !

N’empêche… ça ferait une bonne histoire… Pas la première fois qu'il l'imagine, mais elle semble devenir de plus en plus probable avec le temps…

Mais pour l’instant, retour au boulot, et se concentrer un peu sur ce que son client lui demande. Ce dernier est d’une humeur de torbak, en plus : ce n’est pas le moment de faire des bêtises. Le job est facile et bien payé, ce serait dommage de le perdre.

Last edited by Feinigan (3 years ago) | Reason: coquille

#3 [fr] 

Feinigan attendait tranquillement son prochain contact en repensant aux évènements de la soirée. Enfin, les évènements intéressants. Padger qui tente d’arnaquer les trykers et y arrive, Bolobi et Igara qui éclusent les bars, les maraudeurs qui se pointent et dévastent tout : c’était la routine, rien de bien spécial.

Sauf que parmi ces maraudeurs, il y avait un gros bonbon rose. Et le gros bonbon rose avait déclaré qu’il voulait prendre Bolobi avec lui, parce qu’il l’aimait bien. Et quand la trykette lui avait rétorqué qu’il était trop gros et encombré pour ça, il avait dit qu’il pouvait la porter sans peine. Et plein d’autres choses comme ça.

Et puis il avait déclaré :
- Avant de partir, je vous fais savoir que je reviendrai plus tard pour Bolobi.

C’était carrément le grand amour. Peut-être à sens unique, mais Feinigan était certain que la trykette ne pouvait pas rester insensible au charme d’un fyros bourru et autoritaire : après tout, elle était restée des années à la Lune Éternelle.

Bolobi lui avait lancé une bouteille en voyant quel regard Feinigan lançait sur l’improbable couple. Un signe, ça. Elle commençait déjà à ressentir les prémisses d’une folle passion.

Le contact de Feinigan tardait à arriver. Alors il s’imaginait l’improbable suite, histoire de tuer le temps.
"Les improbables histoires dans la tête de Feinigan, morceaux choisis"

[…]
- Si au moins j’étais sûr de ce qu’il a en tête. Et qu’il y a de la bhyr, aussi.
- Je ne pense pas que ça se joue au niveau de la tête. Mais si ça se trouve, il veut juste te montrer sa collection de bhyr !
- Si c’est juste pour me la montrer, ça m’intéresse pas. Je veux goûter aussi.

[…]
Bonbon Rose avait trouvé comment piéger Bolobi. Il avait mis un gigantesque tonneau de bhyr entre Avendale et la Loria, trajet que la trykette empruntait régulièrement pour aller forer. Tout autre tryker qui s’approchait du piège se voyait dézingué en un tour de sort. Bolobi, elle, s’approcha sans être inquiétée, un peu méfiante, mais curieuse. Le tonneau était plus haut qu’elle, aussi avait-elle dû sauter et se pencher pour regarder ce qui était dedans. Bonbon Rose avait alors bondi de derrière sa cachette, renversant la trykette, puis refermant le tonneau sur elle, avant de la charger sur un mektoub blanc décoré de pompons roses. Ignorants les protestations de l’homine, il prit le chemin de la Loria.

Le trajet était long jusqu’au camp de la Source Cachée.
- Je t’avais dit que je reviendrais pour toi ! exultait le maraudeur.

[…]
Dans la moiteur de la masure de l’Hérétique, il laissa la trykette respirer. Celle-ci, fourbue de l’inconfortable voyage, ronchonnait ce qu’elle pouvait. Cela n’empêchait pas le maraudeur d’admirer la façon dont sa poitrine se soulevait sous son haut zoraï.

- Et j’ai soif, se plaignait la trykette.
- Tu pourras bientôt boire tout ton saoul, ronronna le maraudeur.
- De la bhyr ?

Bonbon Rose ne répondit rien, se contentant de sourire derrière son casque sirupeux.

[…]
"Je suis venue libérer Bolobi !" hurlait Messab, défiant le maraudeur avec sa magnifique épée dressée. "Je te l’avais juré, malgré mon serment de Ranger de ne me battre contre aucun homin, je ferais une exception pour toi ! On ne touche pas à Bolobi !"
"Et moi j’avais juré que je prendrais Bolobi un jour. Que vas-tu faire avec ce cure-dent ?" se moquait son adversaire. "Attends un peu de goûter à mon gourdin…"

[…]

Bolobi était subjuguée par le maraudeur.
- Et si tu enlèves cette armure, que vais-je trouver dessous ?
- Un gros pot de mayonnaise.
- Gras et huileux… humm…

[…]

Un fyros viril et maraudeur, une trykette alcoolique et sans défense… une folle épopée à travers l’écorce ! De la sève, de la bhyr, de la sueur ! Passion, folie, stupre, bonbons, mayonnaise et bhyr, les nouveaux éléments clés de l’incroyable histoire qui défraya les chroniques. Un amour interdit, des couleurs improbables, des pratiques inavouables ! Retrouvez tous les détails dans notre dernier cube d’ambre !

[…]

- Ser ? Ser Feinigan ?

Feinigan cligna des yeux. Oups, son contact était là. Il s’ébroua. Ce n’était plus temps de rêvasser sur les amours d’un nouveau couple improbable. Il était temps de s’occuper d’affaires sérieuses.

Cependant, tandis qu’il menait son affaire, il ne pouvait s’empêcher de sourire. C’est que ce client aussi, dans le genre des histoires improbables…

Edited 3 times | Last edited by Feinigan (2 years ago)

#4 [fr] 

Une soirée au bar, comme tant d’autres.

Ba'Rakha remarque :
— T’as l’air d’aller mieux que l’autre soir.

Feinigan a effectivement l’air en forme :
— Tu vas perdre ton pari. J’ai trouvé comment me dépatouiller de tout ça.
— Sérieux ?
— T’aurais vu cette affaire cette aprem ! C’était mirifique. J’ai vraiment cru à un moment que j’allais finir dans la goo.
— Et c’est mirifique ? rigole Ba'Rakha.
— Ou, si je m’en sortait, qu’il faudrait que je coure jusqu’aux nouvelles terres. Et finalement, j’ai eu l’illumination !
— Euh… T’étais où ? L’illumination ? Si tu me dis que t’as viré kamiste…
— Ouais, attends, je reprends du début.
— Ouais… Vaudrait mieux.
— Donc : tu te souviens du Bodoc. Déprimé, en phase terminale, tout ça. Je passe la semaine à le requinquer, lui faire découvrir les massages d’Hilarius, le saouler à la shooki, ce genre de trucs.

Ba'Rakha est impressionné. Feinigan, lui, part à fond dans son histoire :
— À la fin de la semaine, il arrive à peu prêt à tenir droit.
— Après un programme pareil ?
— C’était un boulot de fou, le résultat était pas terrible, mais je me suis dit : ça va, il va s’en sortir. Et j’ai dit « à peu près » droit.
— Ouais, ouais, j’avais noté la subtilité
— Il avait une réunion ici l’autre soir. C’est un homin de devoir, alors il a voulu venir. Je me suis dit « bon, Fairhaven, le pire qu’il puisse lui arriver, c’est un tonneau de bhyr ». Je l’ai donc lâché des yeux.

Feinigan s’interrompt un instant en voyant arriver Kyriann. Est-ce vraiment une bonne idée de continuer cette histoire si elle est là ? Baaaaah de toute façon, qui va croire une histoire aussi dingue ? Barraka, lui, enchaîne avec élégance :
— Vide… C’est ça le pire, un tonneau de byrh vide…
— Ouais, forcément si c’est vide, c’est pire ! J’en étais où... Ha oui le tonneau de bhyr.. nan, la réunion ! Je me dis au bout d’un moment « faut quand même mieux que je garde un œil sur lui ». Je lui avais fait un traitement de choc, sur un type pas mal déséquilibré.
— Ouais. Ça passe, ou ça casse
— T’imagine s’il avait décidé de mettre le feu à tous les feux d’artifices ? Bon, je l’aurais ptet pas arrêté… ça aurait été drôle.
— Ça aurait fait un beau spectacle !
— Carrément !
— Mais pas s’il avait commencé à se battre avec les gardes après
— Bah, ils l’auraient enfermé le temps qu’il… Ah ouais t’as raison, ça m’aurait fait perdre mon pari. On a dit : pas les alliés.
— Voilà.

Feinigan l’a échappé belle.
— Bref. J’arrive un peu plus tard, et là je croise au téléporteur une de ces balafrées. La tuile ! Je pensais pas qu’elles venaient ici. Du coup ma zone tranquille se transforme en zone de guerre. En plus de ça, la réunion officielle est… ben officielle, y’a toute l’écorce qui se pointe, dont le grand amour qui lui fout toujours le moral en vrac.
— Elles ont déclenché les feux ? Un coup à foutre en l’air le programme de remise en forme
— Je tente de dégager mon bodoc de là, mais tu sais comment sont les bodocs : obstinés comme pas possible.
— M’en parle pas. C’est bien pour ça que c’est des bodocs
— Ça sentait le roussi, et je ne parle pas que de la pyrotechnie de MacBill. Je me dit : c’est gagné, je suis bon pour faire un rempart de mon corps aux balafrés, qu’elles arrivent pas à la réunion.
— Qu’est-ce que tu ferais pas pour gagner un pari...
— En d’autres circonstances, ça ne m’aurait pas déplu, mais là c’était pas le soir où je pouvais faiblir. Et je vois alors au bar ce que je crois être mon salut : Yubhyr.
— Hein ?
— La yubette qui vend de la byr.
— Aaaah !
— Bodoc l’aime bien, je me suis dit que peut-être des charmes féminins réussiraient là où j’avais échoué. Ce qui était très con a posteriori, mais je paniquais un peu.
— C’est vrai que t’es pas très féminin… Mais côté charme, Yubhyr…
— Bref j’envoie ma yubhyr avec des consignes précies. Simples et précises.

Ba'Rakha rigole :
— Et ça a foiré…
— Qui sont : amène-le loin de FH, ou alors… aide-le s’il a des soucis, mais fais-le dégager en priorité !
— Aide-le s’il a des soucis… T’appelles ça des consignes précises ?
— Non mais j’avais été plus précis
— Ah....
— Et forcément… Yubhyr arrive et devant *tout le monde* elle crie « y’a une balafrée qui veut te tuer, Bodoc ». La dèche complète.

Ba'Rakha explose de rire. Feinigan ne se démonte pas, prenant un air penaud démenti par la petite lueur malicieuse dans ses yeux, et continue le récit de ses avanies :
— Le bodoc qui me regarde d’un sale œil, moi qui voit filer un contrat…
— Et un pari…
— Ouais, mais… c’est pas fini. Parce que le bodoc ne pète pas un cable dans la foulée. Mon traitement avait fait son effet quand même. Et donc la soirée se passe pas trop mal, finalement. La balafrée a disparu je ne sais où, le grand amour aussi, bref, tout se calme.
— Mais....
— Mais je me dit que si je calme pas le jeu avec les Balafrées, elles vont me courir le Bodoc sur tout Atys.
— Corrida, tout ça…
— Et donc faut faire quelque chose, au moins le temps que le Bodoc soit stabilisé. Donc je suis allé à leur campement. Ça faisait un bail que je n’y étais pas allé seul, je faisais pas trop le fier. Mais tu sais comment c’est avec elles : faut paraitre plus fou qu’un ragus enragé et ça se passe bien. Donc j’ai fait le fier, elles m’ont pas balancé tout de suite dans la goo, et je finis par avoir l’adresse de celle qui m’intéressait… celle qui se fait une fixette sur le bodoc.

Kyriann sursaute, mais cela n’interrompt pas les compères.

Ba'Rakha dit :
— Elle crèche pas avec les autres ?
— Elle était en ballade. Je vais l’appeler Arma pour la suite de l’histoire, rapport à la taille et un petit air de famille avec le bodoc. J’avais prévu un piège, et un piège dans le piège, histoire d’assurer mes arrières. Mais comme d’hab rien ne se passe comme prévu, elle n’est pas au point de rendez-vous attendu, je me retrouve à courir dans la jungle.

Ba'Rakha rigole, mais Kyriann avale de travers, puis tousse et retousse. Feinigan s’interrompt un instant :
— Ça va Kyriann ? C’est le chaî, c’est pas une boisson de tryker…
— Ah ça… rigole Ba'Rakha.

Kyriann reprend sa respiration :
— Oy grytt !

Ba'Rakha montre le tonneau :
— Bizarrement, Krill a laissé un peu de byrh
— Y n’ose pas, répond Kyriann. Dès fois que yn vide le tonneau.

Feargus arrive aussi, saluant tout le monde. Feinigan ronchonne :
— Rho la la mais si tout le monde vient au bar, personne n’achètera mes brochures ensuite ! Ça va être un peu long comme conte d’Anlor Winn, mon histoire, mais j’ai pensé à une publication papier. Peut-être avec des illustrations…

Quelques présentations sont faites, quelques remarques échangées à mi-voix sur les qualités discutables de Feinigan en tant que raconteur d’histoire, avant que ce dernier soit invité à continuer. C’est brouillon, mais ça a un côté attirant quand même.

— J’en étais où… je sais plus. Ah ouais, l’Arma… ha ha ha ! Mais je résume pas, Fergus ! c’est trop long ! T’achèteras la brochure. Bref, me voilà donc face à une arma déchainée, motivée à bouffer tous les homins qui se présentent.
— Attends… Comment tu l’as trouvée ? demande Ba'Rakha. T’en étais à courir la jungle.
— Un izam égaré et laconique qui m’a dit vers où chercher.
— Ah… C’est donc elle qui t’a préparé un piège dans un piège…
— J’ai même pas le temps de la saluer qu’elle se met à me charger. N’écoutant que mon courage, j’ai donc pris mes jambes à mon cou.
— Normal.
— Je l’ai emmené dans la tribu des Iconodoules… ça l’a bien ralenti 5 minutes. Et après j’ai couru jusqu’à Min Cho. Heureusement les trykers sont les meilleurs à la course, sinon mon histoire aurait une autre gueule ce soir.
— Toi aussi… dit Ba'Rakha.
— Un peu plus rose peut être… ajoute Kyriann en hochant la tête.
— Ouais. Là, les gardes de Min Cho ont stoppé sa charge. C’est pas la plus stupide, elle est pas entrée en ville. Et du coup, elle a commencé à partir, probablement vexée. Donc je suis passé à la contre-attaque. Courir après une Arma en essayant de la titiller assez pour qu’elle écoute, c’est du sport !

Ba'Rakha est plié de rire :
— Pour qu’elle écoute sans te raccourcir, tu veux dire
— Ouais je suis déjà assez bas sur l’écorce comme ça. J’ai fini par lâcher le nom du Bodoc, ça l’a enfin intéressé… un peu. Après elle m’a accusé de me mêler de ses affaires, j’ai dit que c’était pas moi qui avait commencé. Bref on s’est chamaillé mais je voyais bien que ça lui plaisait.
— T’aimes bien les chamailleries…
— J’adoooooore ce genre d’homine, répond Feinigan avec un grand sourire. Ça devenait plutôt cordial, du coup je l’ai invité à mon pique-nique. Le piège dans le piège, tu te souviens ?
— Ouuuuuais…
— Connaissant la gourmandise de l’Arma, j’avais préparé un festin.
— Un piège dans le pique-nique ? C’est un pique-nique sans byrh ??? demande Kyriann.
— Y’avait de quoi nourrir un régiment de tryker, répond Feinigan. Ça c’était le premier piège : un ventre bien rempli, surtout d’une Arma gourmande, ça aide à être conciliant. Mais… avant de tout amener, j’avais eu une autre idée. Je m’étais dit : de toute façon, elle va le manger. De la nourriture gratuite, ça ne se refuse pas. Donc pourquoi ne pas prendre une assurance supplémentaire ?
— Sul à empoisonné l’arma ? Demande Feargus.
— Empoisonné… pas exactement. Drogué plutôt. Rien d’énorme, hein !
— Si.... L’arma… murmure Ba'Rakha.
— Une assurance sur l’avenir… ça met 4-5 jours à faire effet.

Feargus et Kyriann lancent de drôles de regards à Feinigan
— Donc, tu drogues les homines, dit le premier.
— Non mais tu verrais l’homine en question…
— Et ça justifie tout ?
— La dernière fois que j’ai négocié avec cette tribu seul, j’ai fais plusieurs aller-retour dans la goo, et c’était elle qui lançait. Alors pour cette fois, je me suis assurée qu’elle faiblisse avant moi
— Sainte Jena mais tornett sul t’approche de gens comme ça !

Feargus a un déclic et comprend soudain :
— Un arma qui lance des trykers dans la goo ?!
— Elle va pas en mourir. C’est de bonne guerre, et elle va même pas le sentir passer, promis juré !
— Bah si c’est la personne à qui je pense, ils doivent être assez résistants à ça en tout cas.

Ba'Rakha dit :
— Ça dépend la quantité que t’as mise… Mais ouais…
— Bref, reprends Feinigan. Voilà pour le décor ! Et donc j’ai mon arma qui commence à faire honneur au repas, et je la suis. Quand on drogue un repas, faut toujours en manger avec les gens… sinon ça fait suspect. Et ça devient de plus en plus cordial : le miracle d’un bon repas !
— Ouais. Il manquait plus qu’une bonne bière, fait remarquer Ba'Rakha.
— Y’en avait. J’allais pas oublier les boissons. J’en viens donc à la faire causer sur le Bodoc. Je savais pas trop ce qu’elle lui voulait exactement. Je pensais qu’elle voulait juste en faire un mari de plus, un truc du genre.
— Ouais, intervient Ba'Rakha. Il est un peu gros pour le balancer dans la goo… Il volerait pas loin…
— Ouais. Et pourquoi pas, après tout : ça lui ferait du bien de se rouler dans la sciure, au bodoc. J’ai bien tenté de lui expliquer comment ça marchait mais il est pas très ouvert sur le sujet.
— Ouais. Il lui faudrait un dessin…
— Enfin bref, j’étais prêt à plein de scénarios, dont certains bien plus improbables que l’histoire que je raconte. Mon excuse, c’était que j’avais un « commanditaire qui s’intéressait aussi au bodoc ». Ce qui n’est pas complètement faux.

Ba'Rakha ricane :
— Pas complètement
— Même si le commanditaire que j’avais en tête était celui qui le veut mort. Et… Là, l’arma qui me dit qu’elle veut la même chose ! De tout ce que je pouvais imaginer, ça je ne l’avais pas pensé ! Les deux qui veulent la même chose : un bodoc mort et bien mort… J’aurais pu les rendre heureux… tous les deux… Mais bon, ça n’aurait pas été drôle. Moi, je veux le bodoc en, vie et distribuant ses dappers.
— Et t’en faisant gagner… précise Ba'Rakha qui n’a pas oublié le pari.
— Ceci dit, j’étais bien bloqué. Vraiment, pendant au moins une minute, je n’ai pas vu comment m’en sortir. Je me voyais déjà te remettre les sous du pari : la défaite ultime !
— Ouais hein.
— Impensable.

Ba'Rakha fait un clin d’œil à Feinigan, qui sourit et continue :
— Et puis je me suis souvenu de quelques vieux contes. Des trucs qui se racontent pas au bar. Le genre d’histoires tellement tordues qu’il faut être un balafré pour y croire. J’en ai entendu un paquet dans ces pays-là, j’aurais de quoi faire une encyclopédie, mais c’est pas très drôle. Par contre, je me suis dit que l’Arma devait croire à ces trucs. Et après tout pourquoi pas, tout n’est pas faux… comme dans les histoires d’Husyrech. Donc je lui ai dit que quelqu’un de son bord avait des projets pour le Bodoc. Et le pire, c’est que ça pourrait… Mais il m’a jamais parlé de ce genre de rencontre, alors je pense que non.
— Et ça a fonctionné ? demande Feargus
— Et ouais, Feargus, ça a marché. J’ai jamais autant baratiné et jamais autant remercié les conteurs d’Atys.
— C’est vraiment compliqué ton histoire.
— Et encore t’as la version simplifiée !

Feargus sourit :
— Et je suis certain que tu n’es pas capable de t’arrêter de baratiner en fait.
— Parce qu’il veut vendre ses brochures après… dit Ba'Rakha.

Feinigan s’amuse comme un fou :
— Ouais, la version longue avec ajouts de faits authentiques sera dans la brochure. Bref, mon arma a été d’accord pour s’incliner devant les puissances supérieures qui devaient s’occuper du Bodoc. À savoir, moi, en gros. Mais ça, elle a pas besoin de savoir.
— Combien de temps ?
— Assez pour la suite de mon plan. Parce que c’est pas fini… Mais pour ce soir, si ! Et sinon, je suis vraiment fan de l’arma ! Une fois tout ça fini, je retourne la voir pour la suite du festin.

Ba'Rakha dit :
— T’es fan de toutes celles qui te menacent de te tuer, te découper, ou te faire bouffer tes orteils.
— Mais non ! c’est ses formes !
— On espère que tu te feras pas écraser par son gros postérieur, dit Feargus.

Il s’ensuit quelques réflexions sur les arrière-train des arma, qui ne méritent pas d’être colportés au delà d’une soirée alcoolisée.

#5 [fr] 

Feinigan progressait dans les hautes herbes, avançant avec précaution. Derrière lui, le zoraï dépassait largement et voyait mieux ce qui pouvait les attendre.

— Et si je grimpais sur tes épaules ?
— On va se faire repérer plus vite par les prédateurs…
— Encore mieux, tu les tapes et vu que je suis sur tes épaules, ils peuvent pas me toucher, et je peux me concentrer pour te soigner.
— Feinigan, né. Tu ne monteras pas sur mes épaules, c’est une idée absurde.

Quelques kilomètres plus loin, le tryker savourait le monde à hauteur de zoraï. Plus haut, même. C’est vrai que ça changeait de perspective, de surplomber les choses comme ça. Sa « monture » ronchonnait un peu pour la forme, mais ne semblait pas vraiment fatiguée de ce poids en plus sur les épaules. Le plus long avait été de trouver les arguments pour le convaincre, et de les répéter en boucle jusqu’à ce qu’il cède.

Quelle bonne idée il avait eu de l’embaucher ! Ça n’avait pas été facile, mais c’était son meilleur coup de l’année. Et maintenant, c’était parti pour quelques mois de pur bonheur, loin du monde.

Quitter les Nouvelles Terres avait été un peu difficile. Cela voulait dire renoncer, au moins temporairement, à quelques conquêtes et quelques aventures passionnantes. Mais si Feinigan restait en vie depuis tant d’années, c’était aussi parce qu’il savait quand il était temps de prendre le large. Les choses commençaient à s’accumuler un peu. Entre la Compagnie (ou plutôt, Néjimbé qui lui avait donné une mission « simple » et à laquelle il avait une furieuse envie de déroger), le Cercle Noir, les Fyrakistes, la famille Royale, la tentative pour refaire les arbres généalogiques de Dexton, quelques trucs ici et là… ça s’accumulait un peu trop.

Ce qui l’avait décidé était surtout l’humeur massacrante de Mazé'Yum.

S’il y avait une chose dont le tryker était certain, c’est qu’un ultimatum donné par un membre du Cercle Noir était à prendre au sérieux. Il aurait été plus sensé de ne pas franchir la frontière que le zoraï avait tracé, mais c’était teeeeellement tentant ! Maintenant, il valait mieux fuir et espérer que dans quelques mois ou années, le chercheur aurait oublié les raisons de sa colère. Après tout, c’était juste une toute petite blague… pas de quoi s’énerver à vie.

L’avantage qu’il avait, c’est qu’il savait précisément « quand » le zoraï-goo déciderait de lui faire la peau. Il avait donc envoyé une lettre d’adieu à Néjimbé, puis préparé un grand panier plein des pâtisseries de la place Frogmore, pour emmener à son Antekamie favorite. Elle n’était hélas pas là, et il n’avait pas pris le risque de s’attarder. Les autres avaient été prévenus depuis plusieurs jours.

Son sac fut vite fait ; il se promenait généralement avec l’essentiel sur lui. On pouvait se moquer du style des pantalons matis, mais leurs grandes poches étaient vraiment géniales. Il y avait cependant un gros colis qu’il devait emmener… et qui ne rentrerait pas dans une poche.

Il avait employé ses dernières heures dans les Nouvelles Terres à chercher son bodoc de zoraï, et à le convaincre de venir.

Feinigan se mit à chantonner dans les oreilles de sa monture :
— Un kilomètre à pied, ça use, ça use…

#6 [fr] 

Quelque temps plus tôt...

- Ça te dirait, une ballade dans les Anciennes Terres ?
- Né.
- Alleeeeeez !
- Pourquoi irais-je dans les Anciennes Terres ? Il n'y a que des maraudeurs et des kitins là-bas.
- Ouais, justement.
- Justement quoi ?
- Justement, j'ai besoin d'un coup de main.
- Va embaucher un de tes contacts.
- C'est toi mon contact !
- Pourquoi moi ?

Feinigan secoua la tête, abandonnant sa gouaille habituelle pour devenir presque sérieux :
- Parce que t'as une dette que tu m'as pas payée, et que les intérêts commencent à être plus que ce que tu peux rembourser facilement.
- C'est un marché de dupe, ton truc ! Ce n'était que des bottes, ça ne peut pas faire une dette qui m'oblige à faire le mercenaire pour aller affronter je ne sais quoi pendant des mois !
- Tu ne comprends pas. Ce n'était pas des bottes, que je t'ai vendues, mais l'espoir d'arriver à avoir l'attention d'une personne que tu aimes beaucoup.

Grand silence de la part de son interlocuteur. Feinigan en profite pour enfoncer le clou :
- Et comme je ne suis pas wombai, le jour où je t'ai demandé de payer cette dette, je t'ai demandé quelque chose d'aussi simple qu'une paire de bottes.
- Tu parles, tu voulais m'éloigner de Fairhaven pour que je ne croise pas ces pestes...
- Ouais, je te faisais une double fleur. Et t'as pas voulu faire ce que je te demandais. D'où les intérêts.
- Je ne vois pas le rapport avec les Anciennes Terres !
- Je t'expliquerais en chemin. Mais à ce stade, soit tu acceptes de payer enfin ta dette maintenant, soit...

Feinigan s'interrompit un instant. S'il cherchait, il savait qu'il trouverait une menace susceptible de faire bouger le bodoc. Mais ce dernier était suffisamment mal luné pour résister à ce genre de pression par principe. Non, il fallait prendre ça par un autre bout :
- Soit je serais horriblement triste, et j'irais tout seul là-bas, et je mourrais parce que tu me protègeras pas et que les larmes m'empêcheront de voir les kitins.

Le tout, surjoué juste ce qu'il fallait. Le zoraï le contempla d'un air ébahi, avant de soupirer :
- Ukio, ça va... Mais je ne peux pas partir comme ça. Je dois prévenir ma guilde, au moins.
- Tu leur enverras un izam.
- Franchement, Feinigan... je ne sais même pas combien de temps ça va durer ! Et tu n'es pas pressé, si ?

Le tryker hésite un peu, voit l'expression du zoraï, et décide de donner une version édulcorée :
- Si, je suis un peu pressé... Écoute, c'est pas que pour les kitins que j'ai besoin d'un guerrier. Il se trouve que j'ai un peu fâché quelqu'un... un type du genre à faire des trucs vraiment désagréables. Je veux juste disparaître quelque temps, mais j'ai besoin de quelqu'un de fiable qui couvre mes arrières si jamais l'autre me trouve.
- On peut aller lui expliquer la vie, aussi.
- An ! Je veux pas me retrouver avec toute sa tribu sur le dos ! Écoute, c'est juste un petit voyage, okal ? On n'a même pas besoin d'aller jusqu'à Zoran, si cette ville existe encore. Essaie pas de me trouver une solution, contente-toi de faire ce que je demande. S'il te plait ?

Le zoraï grommelle encore un peu, puis finit par enfin donner son accord.

L'appel à l'aide, voilà un truc auquel ce paladin bleu ne résiste jamais vraiment...

#7 [fr] 

Ce que Feinigan n'a pas dit au zoraï, c'est qu'il n'a pas vraiment besoin d'un guerrier. C'est confortable, bien sûr, mais le tryker n'a pas prévu de chercher la faune qui mord. Il n'est peut-être pas très fort, mais il est habile et habituellement il fait ce genre de voyage seul, afin de ne pas avoir de lourdaud qui attire l'attention. Avec de la patience et de l'observation, il est possible de se glisser partout.

S'il a pris le querrier avec lui, c'est avec une motivation principale : gagner son pari avec Barakha. Si le zoraï ne croise pas d'homins dans les mois qui viennent, il ne peut tuer personne. CQFD ! Il ne pouvait de toute façon pas se hasarder à le laisser seul sur les Nouvelles Terres. Il avait lancé quelques trucs pour calmer le grand bleu, mais s'il n'était plus là pour tirer les ficelles, ça risquait de ne pas suffire. Le garder à l'œil et le travailler au corps était la meilleure chose à faire.

Ils rentreraient quand le zoraï aurait arrêté d'écrire des poèmes sur le Vide, ou quand Feinigan serait vraiment lassé de les supporter.

La deuxième chose qui était un peu à côté de la vérité concernait leur destination. Feinigan avait crié haut et fort, à tous les gens qu'il croisait, qu'il partait dans les Anciennes Terres. C'était donc là qu'un éventuel poursuivant le chercherait. Ici, ou dans les Primes Profondes, car ceux qui le connaissaient savaient aussi que l'aventurier empruntait régulièrement ces chemins.

Mais quel ennui d'aller là où tout le monde se rend !

Feinigan était par conséquent parti dans l'autre sens. Le luminaire dans le dos, descendant chaque jour un peu plus sur l'horizon. Et puis, à un moment, un quart de tour, et continuer autant de jours. Il avait prévu de faire une jolie spirale autour des Nouvelles Terres... Pas trop loin des possibilités de résurrection des Puissances. Peut-être trop loin quand même, et il n'allait pas tester s'il pouvait l'éviter. Mais le retour serait rapide.

En attendant, les deux flânaient. Le zoraï se prenait au jeu de l'exploration, relevant les coordonnées et les points d'intérêts sur des cartes. Il n'avait pas encore compris le coup de la spirale, ce qui ne risquait pas d'arriver avant un moment, car Feinigan prenait soin de régulièrement falsifier notes et mesures. Ce n'était pas drôle s'ils ne se perdaient pas un peu.

Une chose que le tryker adorait avec son bodoc, c'était sa naïveté et sa patience. Certes, le zoraï pouvait s'énerver très vite sur certains sujets. Mais sur d'autres, c'était vraiment un yber de la dernière couvée. Ainsi, supporter durant plusieurs heures un tryker qui demande à monter sur ses épaules s'était terminé non pas par un coup de hachette entre les deux yeux, mais par un Feinigan ravi de chevaucher un zoraï. D'autant plus ravi qu'il en profitait pour papouiller les cheveux du guerrier, qui étaient à mi-chemin entre des feuilles et des plumes. C'était génial de pouvoir enfin toucher ces trucs bizarres. Là aussi, le zoraï avait commencé par grommeler un peu, avant de céder face aux caprices du tryker ; et Feinigan, moins innocent qu'il ne le jouait, s'amusait de voir les défenses de sa monture bleue tomber peu à peu.

Plus les jours passaient, moins ils faisaient de kilomètres. Jusqu'à trouver sur un petit coin de paradis. Un creux dans l'Écorce où une cascade se jetait, surplombée de dorotea, avec une grande esplanade au-dessus du petit lac et des endilweis à profusion. D'un commun accord, ils plantèrent le campement ici, profitant d'un repos dans leur longue marche.

#8 [fr] 

Ba’rakha passe au hall de guilde faire son rapport après l’assemblée des cercles. Il fredonne tout seul en faisant passer ses dés entre ses doigts et autour. C’était décidément une belle assemblée et une bonne soirée. Il aurait juste bien aimé pouvoir partager ses impressions en direct avec son compère Feinigan, mais celui-ci a disparu de la circulation après son coup d’éclat. Ba’rakha sourit tout seul. Dommage, il est parti trop vite et n’a pas entendu la menace de Maze’Yum. Ça l’aurait sûrement motivé à rester, tiens.

La cheffe est à son bureau, plongée dans des papiers qu’elle met prudemment à l’abri quand il arrive. Ce n’est pas qu’elle n’a pas confiance mais… elle n’a pas confiance. Le sourire de Ba’Rakha s’agrandit. Si elle le laissait fouiner trop facilement, ça serait mauvais signe. Elle le toise de haut un moment – forcément, c’est plus facile quand on est une Zoraïe et qu’on parle à un Tryker.
« Tu as l’intention de faire ton rapport un jour ? Ou c’est juste pour le plaisir de me faire perdre mon temps ?
– Vu que Fein ne met plus les pieds ici, je me suis dit que t’avais peut-être envie d’un nouveau Tryker de compagnie.
– Né. Ça a donné quoi aux Cercles ? »
Bon. Il ne s’attendait pas vraiment à réussir, mais il s’en sort plutôt pas mal sur ce coup-là. Il range ses dés dans la bourse à sa ceinture, se passe les mains dans les cheveux, et raconte sa soirée.
« Alors… Il neigeait, et Zora c’est salement gadouilleux quand il neige. Mais bien sûr, les péquenots dans mon genre sont restés à patauger pendant que leurs saintetés se dandinaient sur le podium. »
La cheffe n’a pas l’air vraiment ravie de sa façon de faire son rapport, mais elle le connaît et elle laisse couler. Pour l’instant. Ba’Rakha n’est pas aussi cinglé que Fein quand il s’agit de la cheffe, mais on est joueur ou on ne l’est pas. Il continue tranquillement.
« Vu que la dernière assemblée date au moins d’avant l’Essaim, plus personne ne connaissait les règles, donc Sève a été obligée de les rappeler, la pauvre. Les grands en haut, les p’tits en bas, ce genre de choses. Pour les armes, elle a été un peu plus coulante. J’aurais pas cru, mais y’a une initiée qu’a pu garder ses amplis. Comme quoi, y’en a au moins une qui sait que les règles, c’est bon pour les crétins qui veulent bien les suivre. »
La cheffe ne relève même pas. En même temps, ça fait longtemps qu’elle ne suit pas d’autres règles que les siennes. Et personne dans la Compagnie n’est assez crétin pour les suivre à la lettre, juste assez pour obtenir les résultats qu’elle attend. Ba’Rakha adore son boulot.
« C’était rigolo de voir le garde hésiter à taper une initiée, mais comme je disais, Sève a laissé couler vraiment trop vite, et ils sont passés à la partie chiante. Les nouvelles des shizu… Ben y’a pas de nouvelles. C’est la dèche. Comme d’hab. À croire qu’ils passent leur vie à prier et à rien faire d’autre. Il paraît que les Senseïs s’appauvrissent. »
La cheffe lève le nez de ses notes et Ba’Rakha hausse les épaules en réponse à la question qu’elle n’a pas posée.
« An. Aucune chance. Ils sont juste encore plus radins que d’habitude si tu veux mon avis. Mais ça ne change pas grand-chose pour nous. Et l’autre shizu… je ne sais même plus qui c’était, pour te dire si leur actualité était paaaaaaaaaaassionante. »
Le Tryker en rajoute dans le bâillement.
« Et après, ça a continué dans le soporifique. Les ambassadeurs… Alors, visiblement, les anciens sont tous morts. Ou disparus. Ou morts et disparus. Donc Sève a trouvé deux nouvelles idiotes à qui refiler le boulot. Bigsbee, une Trykette des Senseïs, et Ylanghao, une Zoraïe sans shizu. »
Ba’Rakha a laissé tomber le dernier nom comme ça, mine de rien. Et la cheffe n’a – presque – pas réagi. Il rigole tout seul, pas vraiment inquiet du regard qu’elle lui lance.
« Tu me payes pas pour me balader sur l’Écorce le museau au vent comme le premier yubo venu. Je ne me mêle pas de tes affaires, c’est entendu, » enfin, pas trop, et de préférence sans se faire pincer « mais je savais bien que tu gardais un œil sur cette histoire. Ben voilà. Elle est ambassadrice. Mais t’inquiète, elle a l’air aussi coincée que les autres. Après, le Matis nous a joué la sérénade du mariage de leur Karin. »
Ba’Rakha joint les mains d’un air énamouré, met la bouche en cul-de-poule et bat outrageusement des cils. Ça ne fait pas sourire la cheffe. En même temps, qu’est-ce qui la fait sourire, hein ? Le Tryker reprend une attitude plus normale.
« Bon, et il n’a pas dit avec qui, mais comme le principal intéressé ne le sait probablement pas non plus, c’est de bonne guerre. Et le Tryker a fait tout un plat de leur nouveau système d’alarme. Rien de nouveau, je te dis. Franchement, à ce stade, je me demandais même pourquoi j’étais venu. Le seul truc drôle, c’est le conteur qui s’est improvisé ambassadeur et qui a balancé une phrase sans queue ni tête. Mais personne n’a relevé. À croire que les Sages n’avaient rien écouté du blabla d’avant, et je les comprendrais franchement. »

La cheffe a fini de noter et regarde son subordonné avec une expression de patience exagérée.
« Si tu en venais à la partie intéressante avant que ma patience n’ait atteint ses limites ? »
Ba’Rakha s’esclaffe. Il sait que la cheffe a des réserves de patience inépuisable lorsqu’il s’agit d’atteindre ses objectifs. Il sort ses dés et recommence à jouer avec en continuant son rapport.
« Alors… La partie intéressante… Je reprends depuis le début, ou juste à la partie où cet abruti de chasseur de la Théocratie a accusé Eeri d’avoir gooifié la moitié du Pays Malade ? »
Vu la tête de la cheffe, il n’a pas besoin de reprendre au début. Ils en savent tous les deux largement plus que la Théocratie sur les détails logistiques de l’histoire, et aucun des deux n’ira jamais en parler à qui que ce soit.
« Ouais. J’me disais bien. Donc Sève a demandé à Eeri sa version des faits. Avec toute l’empathie, la chaleur et la compréhension des passions homines qui caractérisent les Zoraïs, hein. » Ba’Rakha ricane tout seul. « Donc Eeri leur a mis le nez bien profond dans leur phobie de la goo, et leurs contradictions quand il s’agit de l’affronter. Et aussi leur manie d’envoyer les Trykers se faire gooifier à leur place. Elle a toujours eu un foutu caractère, et ça s’est pas amélioré depuis qu’elle a pris du poids. Je ne crois pas qu’elle soit au courant de l’époque où les Zoraïs avaient des esclaves trykers, sinon je pense qu’elle le leur aurait balancé à la tronche aussi. »
Le Tryker fait une pause pour réfléchir à ce qu’il vient de dire et secoue la tête.
« Mouais. Elle aurait peut-être pas eu le temps, parce que tout le monde s’en est mêlé à ce moment là. Ylanghao, qui a l’air de faire une fixette sur les tribus à goo, va savoir pourquoi. » Il ne regarde pas sa cheffe et elle ne le regarde pas. Ils savent très bien pourquoi. « L’ambassadeur tryker qui lui fait une fixette sur Maze’Yum et a l’intention de tout lui coller sur le dos. Les Drakani qui étaient là et qui n’étaient pas au courant qu’ils avaient juste le droit de la fermer. En même temps, je crois pas qu’ils l’auraient fermée s’ils avaient su, ils aiment bien partager les emmerdes. Et la moitié des initiés s’est réveillée pour répéter en boucle que la goo c’est pas bien, pas bien, pas bien. Sans parler du seul Éveillé du tas, qui a sorti un texte soi-disant officiel de je ne sais où pour dire la même chose… Ça faisait un de ces bazars… Encore mieux qu’une assemblée des Taliari. »
Ba’Rakha a les yeux qui brillent à ce souvenir.
« Le sommet, c’est quand Sève a suggéré de demander réparation à la Fédération sous prétexte que Eeri est citoyenne… J’ai cru que tous les Trykers allaient lui sauter dessus, mais Kyriann a à peu près réussi à calmer toute sa couvée, pendant que ça discutait mesures de rétorsion sur le podium… Une belle occasion de gâchée... »

Le Tryker soupire, les yeux dans le vague. La cheffe a fini de griffonner ses quelques notes et attend qu’il se décide à continuer.
« Bref. Sève a demandé aux initiés. Et à l’éveillé, pardon, ouh là là, j’ai failli l’oublier, lui. De lui mettre leurs propositions par écrit. Autant dire qu’Eeri sera vieille et édentée avant que les Zoraïs aient décidé quoi faire de son cas. Sauf si Ylanghao arrive à les secouer. Elle a de l’énergie et une sacrée motivation, mais quelle trouillarde. Après tout ça, elle ne voulait plus parler des Antekamis. Sève l’a un peu bousculée pour qu’elle se lance et balance ce qu’elle avait sur le cœur et là... »
Ba’Rakha écarte les bras comme s’il attendait des applaudissements.
« Tada ! Jazzy… Tu sais qu’il s’est barré des Drakani pour aller méditer » - on sent toute l’ironie du Tryker sur le dernier mot « dans la Jungle ? Ouais, j’m’en doutais. Donc Jazzy a insisté pour parler alors que la garde était en train de perdre ses nerfs. Et il s’est pris un bon coup derrière les oreilles ! Et c’est là que c’est devenu magnifique. La garde s’est mise à distribuer les coups. Sur l’ambassadeur matis dans les Lacs, qui était dans le public vu que c’était pas son secteur. Et rien que ça, c’était un pur bonheur. Et sur quelques autres. Dont Kyriann. T’imagines ? Avec tous les Drakani chauffés comme ils l’étaient autour. L’incident diplomatique de première ! Et, avant que tu dises quoi que ce soit, j’y étais pour rien, hein ! Mais du coup, tous les Drakani se sont faits expulser. »
Le sourire du Tryker devient pensif.
« Sauf l’ambassadeur, vu qu’il est ambassadeur, et qu’il avait pas bougé du podium. Je sais plus quand c’est, la dernière fois que j’ai vu quelqu’un se faire expulser d’une assemblée. À part chez les Matis, bien sûr. Mais ils sont tellement coincés que ça compte pas. Et au moins, ils ont la décence d’annoncer dès le début qu’on n’est pas à leur niveau et qu’il faut pas mélanger les bodocs et les ploderos… Enfin voilà… Après, c’est redevenu chiant. Ylanghao a fini de raconter qu’elle essayait de suivre les traces de Sève et de retourner une des Antekamis, même si elle a pas l’air d’avoir trop de succès pour l’instant, donc elle sera pas nommée Sage tout de suite. Voilà. »

La cheffe réfléchit un moment à tout ça. On n’entend que le bruit des dés qui s’entrechoquent dans la main de Ba’Rakha.
« Qu’est-ce que tu ne m’as pas dit ?
– Plein de choses. Déjà, l’ambassadeur tryker est parti fâché parce que personne ne voulait s’en prendre à Maze’Yum.
– Ça risque de changer ? »
Ba’Rakha n’en sait rien, et comme toujours dans ces cas là, il lance ses dés. Il sourit en voyant le résultat et les rempoche.
« Bien possible. Ce Tryker est franchement remonté, et je crois bien que les autres Drakani sont pas mal du même avis, quoi qu’en dise Eeri. Mais ils attendront probablement qu’elle ait perdu du poids, pour ne pas la contrarier.
– Je vois. Quoi d’autre ?
– Juste un ragot en passant. Faudrait surveiller Ylanghao et Jazzy…
– Ils conspirent quelque chose tu crois ?
– Nan. Mais elle s’est fâchée avec la seule personne qui comptait pour elle au point qu’il s’est barré dans les Anciennes Terres, elle vit une période difficile et stressante, elle a besoin de réconfort, et tout le monde sait que les Trykers sont doués pour ça... »
Ba’Rakha arbore un grand sourire malicieux sous le regard soudain glacial de sa cheffe.
« Dégage.
– Seelagan cheffe. Je te tiens au courant de l’avis des initiés. Dans un siècle ou deux. »

#9 [fr] 

— Tu déménages ? Mais pourquoi tu déménages ?
— Ça ne sert à rien que je reste ici. Ce n’est pas là qu’est ma vie.
— Ta vie elle n’est nulle part ! Elle est là où tu le décides !
— Yui ben là, je décide qu’elle est dans les lacs.
— Mais et moi ?
— Toi tu fais ce que tu veux. Je ne me risquerais pas à te donner des directives. Par contre je rends l’appartement à la fin du mois, donc tu devras trouver un autre endroit où stocker tes affaires.
— C’est parce que j’ai le double des clés, c’est ça ? Tu crois qu’un nouvel appart va m’empêcher de soutirer les suivantes au gardien aussi ?
— Comme si c’était des clés, tes trucs… Et je sais très bien que tu vas revenir squatter dès que tu en auras envie, baka.
— Ho, en fait, c’est une invitation ?
— Une invitation à m’aider à transporter mes affaires.

[…]

— Dis… tous ces habits… tu ne les mets plus.
— C’est des souvenirs.
— C’est du volume à transporter. Tu ne veux pas les donner aux réfugiés de la Jungle, plutôt ?
— *Soupir* Je t’ai déjà donné plein de choses.
— Là, c’est parce qu’il faut traverser les primes avec ce bazar. C’est pragmatique.
— Ukio, ukio. Ça va, je vais faire du tri. Né, lâche ces chaussures !
— Haha, mais je les reconnais… un de nos premiers contrats… Héhé… Aie ! T’étais pas obligé de me bousculer ! Ça va, je ne te touche plus à tes tenues. Hooooo où as-tu trouvé ce soutien-gorge ?
— À la roue. Tu as raison, je ne vais pas le garder, lui. Mets-le dans le sac des trucs à donner.
— Naaaan celui-là je le garde, je n’en avais pas comme ça. Je connais quelqu’un sur qui ça sera parfait.
— Si tu l’emmènes à la grosse, je te jure que je te découpe en tranche.

Un long silence.

— Fei ? Il s’est encore passé quelque chose ?
— An. Enfin, rien de neuf.
— On va changer d’air, ça te fera du bien.
— Ouais… mais bon, les lacs ? Tu détestes la région.
— Tu es interdit de séjour dans le désert, et je ne me sens vraiment pas prêt à survivre au pays matis. Donc, les lacs. De toute façon, je déteste toutes les villes, et tous les gens qui y sont. Alors là-bas ou ailleurs…
— La source cachée alors ?
— Né. Arrête de discuter et emballe les affaires !
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