ROLEPLAY


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#1 [fr] 

Ce jour là, Lyren gardait Uzykos pour la première fois, seule. Les obligations de Wixarika forçaient l'akenakos à visiter divers officiels à Pyr, et elle avait eu besoin d’aide pour garder son fils adoptif.
Un gaillard fyros de 3 ans, roux, aux yeux pétillants. Lyren avait l’habitude de garder les gamins de sa tribu, parfois, pour aider. Mais elle ne s’attendait pas à une telle agitation, un tel tumulte. Sitôt que Wixarika fut partie de son appartement, le grand jeu d’Uzykos était de monter les escaliers, puis de retomber les fesses sur une marche pour finalement se laisser rouler en boule jusqu’en bas, tout en évitant les tentatives de Lyren pour le rattraper, et en lâchant de grands rires bruyants. Parfois elle arrivait à agripper le gamin par l’arrière du col et à l’assoir sur ses genoux, agitant de l’autre main une peluche Torbak déjà mâchonnée de toutes part. Ni une ni deux, Uzykos se débrouillait pour mordre un doigt de la fyrette et s’échapper en se faufilant sous la table pour de nouveau entreprendre l'escalade des escaliers.

— Maintenant, je comprends pourquoi Wixarika semble si fatiguée, après une journée à s’occuper de toi…
— grüüühxarikaaaaaa!! répondit Uzykos, atterrissant une fois de plus lourdement sur le plancher.
— Bon, tu sais quoi? On va aller faire un tour.

Lyren attrapa le cascadeur par un pied et entreprit de lui faire enfiler son hobenus en évitant comme elle pouvait coups de pieds et morsures, avant d'avoir une idée.

— Si tu es sage, tu pourras porter un casque.

Uzykos interrompit un instant son manège lorsque Lyren attrapa d'une main son casque noir pour le lui montrer.

— D’accord, malos? Tu pourras porter MON casque. Mais tu restes sage.

Elle mit l’enfant enfin calmé sur ses pieds, et entreprit de placer son vieux casque kostomyx sur sa tête, songeant qu’il était grand temps d’en fabriquer un nouveau. Pour l’instant, ça irait parfaitement pour Uzykos, en installant un épais morceau de fibre dans le fond. Les deux sortirent de l’appartement, Lyren tenant le petit par la main. Il marchait déjà correctement du haut de ses trois ans.

— Et voilà le grand légionnaire Uzykos qui va faire sa tournée d’inspection dans la grande cité de Thesos!
plaisantait Lyren, contente d’avoir trouvé un moyen de réduire le volume sonore et l'agitation de l’enfant. Les deux firent un grand tour, visitant le marché, puis l’étable, puis le bar, où Lyren commanda deux laits de capryni. Celui d’Uzykos fut même servi dans une chope à liqueur, tant il répétait "Shooki !".

— Maintenant, il est temps pour le grand légionnaire Uzykos de regagner le hall de guilde, après une grosse journée à terrasser des matis !

Que n’avait-elle pas dit… En arrivant à la tour de Thesos, Uzykos piqua une colère spectaculaire et refusa d’entrer dans l’appartement, répétant "hall de guilde ! hall de guilde !!" Lyren répéta qu’elle ne pouvait pas entrer dans le hall des légions fyros, qu’il fallait attendre Wixarika, qu’elle n’avait pas la clef, le petit fyros commença à se rouler par terre, puis à cogner son casque sur les murs de la tour.

— ramèch ! jura la fyrette, je dois trouver une solution… Tu sais quoi Uzykos? On va trouver un hall de guilde ! Mais seulement si tu arrêtes ta comédie... Hall de guilde, ney, hall de guilde !

Ceci eut le mérite de calmer à moitié Uzykos, qui cessa de se cogner le casque mais continuait à scander "hall de guilde". Lyren l’attrapa par la main et descendit la rampe de la tour, pour parler au gardien.

— oren pyr. Auriez-vous un hall de guilde vacant, afin de montrer au petit comment c’est?
— Ça doit pouvoir se trouver. C’est pour acheter maintenant?"
— Bah… Je ne comptais pas forcément acheter. Voyez-vous, je garde le petit de l’akenakos Wixarika, et…
—Oh, c'est lui? Comme il est grand maintenant, sourit le fyros ! Je comprends. J’ai un hall, je vous montre comment y aller. C’est un peu poussiéreux, il n’a pas été utilisé depuis longtemps...
— Ça fera l’affaire ! Tant que c’est un hall de guilde !
— Hall de guilde, hall de guilde, hall de guilde !!...
— Comme il dit... ajouta Lyren.

Suivant les explications du gardien, Uzykos et Lyren se dirigèrent vers le hall en question. Lyren enleva le casque du petit homin, lui expliquant qu’un légionnaire enlève toujours son casque après une rude journée et surtout pour saluer son chef, comme elle le supposait. L'endroit était en effet dans un sale état. De la poussière, des toiles d’araignées, quelques coffres ci et là, de vieilles armes cassées au sol… D’un pas redevenu calme et impressionné par la taille des pièces, Uzykos entreprit de visiter des lieux, suivi par Lyren, le casque au bras, elle-même tout aussi émerveillée. C’était aussi la première fois qu’elle mettait les pieds dans un tel endroit. De pièce en pièce, ils arrivèrent dans la salle du conseil, encore équipée de quelques poufs et coussins. Uzykos se dirigea vers celui du chef, le plus large, s’y installa et finalement s’endormit là, après quelques minutes. Lyren s’assit dans un coin de la pièce, près de la porte, tout aussi exténuée, et il ne lui prit pas longtemps pour s’endormir à son tour.


****


— Mais vous êtes là !!! ça fait deux heures que je vous cherche !!
— grüüüxarikaaaa !! s’écria Uzykos en se réveillant, pétant la forme de nouveau.
Lyren bégaya s’extirpant d’un rêve étrange :
— ney, dey, quoi, qui, où? un vorax? Caprynixarikoo?
— Mais vous auriez pu me dire? J’ai cru que tu l’avais enlevé !! Renégate !!


La colère de Wixarika était palpable. Elle était revenue de Pyr plus tôt que prévu, et ne trouvant personne à l’appartement, était sortie demander à Boello, le chef des garde, qui leur indiqua les avoir vu sortir puis rentrer. Elle suivit néanmoins leur trace de l’étable au bar. Pecus avait donné l’indication qu’ils étaient repartis "par là", sans doute vers la tour, mais qu’en savait-il, il avait été occupé à nettoyer et astiquer la chope qui avait contenu du lait de capryni pour ne pas que le gout du lait ne s’incruste...
Wixarika était alors revenue à la tour. Elle revérifia dans son appartement, ne trouvant toujours personne, ressortit pour continuer ses recherches.
C’est à ce moment que le gardien Mecaon Cegrips vit Wixarika passer devant lui à toute allure. Il revenait juste de sa courte pause du soir, bien méritée après une rude journée à faire le planton devant la porte.

— oren pyr akenakos ! Tiens, j’ai ouvert un vieux hall de guilde à vot’ gamin et à sa nounou.
— QUOIIII ?
— bah… le p’tit voulait absolument voir un hall de guilde.
— C’EST OÙ ?
— J’vous montre, par ici !


****


Lorsque Lyren sortit de la tour, ce soir là, le gardien était toujours là.
— Z'avez du passer un sale quart d'heure... C'est ma faute, j'aurai du faire savoir de suite à l'akenakos que vous étiez là.
— Pas grave, je n'aurais pas du m'endormir, non plus... Dites, ce hall de guilde que vous m’avez ouvert, il est à vendre?
— ney, il faut juste le dépoussiérer, mais pour l’instant il est libre.
— Ça m’intéresse… Comment procède-t’on?
— Le prix est de cinq millions, c’est pour tout le monde pareil. Votre guilde? Ordre de Mossok? Jamais entendu parler.
— C’est un nouveau blason, je...
— Vous êtes bien inscrite à Pyr, je suppose? Oh, comme vous êtes une amie de l’akenakos Wixarika, je pars du principe que oui.
Lyren répondit d’un signe de tête, qui pouvait tout aussi bien signifier oui et non, puis régla la somme en dappers avec un grand sourire.
— Pas la peine de vous embêter à nettoyer, je vous le prends en état.
— Oh, je mettrai au moins un coup de balai, ça me permettra de me dégourdir les jambes. Sinon, je suis là toute la journée, voyez...

C’est ainsi que Lyren devint la fière propriétaire d’un hall de guilde dans la belle cité de Thesos. De mémoire d'homin, le seul hall dont la salle du conseil de guilde a été réaménagée en salle de jeu pour une terreur de petit fyros.

#2 [fr] 

Il s’agissait maintenant pour Lyren d’entreprendre un grand rangement du hall. Par politesse, elle avait refusé toute aide du gardien. Aussi voulait-elle garder une certaine distance et surtout qu’il ne s’intéresse ni à ses origines, ni à ses missions.

La salle du conseil de guilde fut la première à être nettoyée et organisée comme salle de jeu pour le petit fyros. Quelques pièces d’armures (il adorait se glisser en entier dans un plastron de kostomyx pour se cacher), dont le vieux casque de Lyren qui trônait au milieu de la table, et de partout, des peluches, des coussins glanés ci et là, tout ce qui pouvait servir de jeu pour l’enfant sans être trop tranchant. Lyren avait retrouvé des dagues émoussées et de vieux batons de combat, elle les avait laissés dans un coin, afin que le petit puisse s’entraîner à jouer à kek-orskos, le fameux jeu enfantin où l’on sectionne des matis en petits bouts. Bien entendu, dans une salle de jeu, il ne s’agissait que de morceaux de bois blanc fixés ensemble, sur lesquels on frappe vigoureusement à tour de rôle et avec l’arme de son choix, en général un bâton, afin de séparer les pièces. Celui qui a séparé le plus de morceaux à la fin gagne la partie.

Une chose étonnante, dans ce hall, était la présence de nombreux coffres, pour la plupart vides. Certains contenaient encore quelques des armes, la plupart abîmées et émoussées. Des haches d’entraînement, des cristaux de recharge ci et là, une ou deux épées, ainsi que quelques morceaux de matières d’avant-poste qui semblaient fossilisés tant ils étaient secs. Une ou deux pièces d’armures et quelques bijoux disparates, aussi. Tout ce qui avait été laissé là était usé jusqu’à la corne.

Le gardien était tout de même bavard, et sans même qu’elle le lui demande, il avait donné plein d’informations sur l’histoire du hall, qui avait été inoccupé depuis de nombreuses années, bien avant la naissance de cette dernière. Avant le second essaim, il avait été utilisé par une obscure guilde qui s’adonnait à on ne sait quel trafic d’on ne sait quelles substances. Le fyros ne pouvait plus se rappeler du moindre détail, mais il fallait le croire, c’était là des affaires bien mystérieuses, et des homins bien peu fréquentables. Au retour de leur exode, il avait été acheté comme hall secondaire par un grand guerrier et artisan qui souhaitait stocker sa production d’armes. Là, le fyros se souvenait bien du nom de l’homin et de sa guilde, mais, vous m’excuserez ma petite, je n’ai vraiment pas le droit de vous le dire, secret professionnel. D’autant que celui-ci a disparu dans des circonstances bien mystérieuses, laissant de nombreuses questions. Le gardien avait bien cherché dans le hall s’il pouvait y trouver quelque chose, un indice, une substance, peut-être quelque chose laissé par les anciens occupants, qui aurait pu tuer l’homin. Mais rien de tout ça, rien de suspect. Des coffres, des armes, aucune trace de ces anciens trafics étranges. Il y eut bien quelques rumeurs qui circulaient sur l'homin en question, sur son appartenance à des cercles... Et le gardien sentait bien qu'une fois de plus il ne pouvait pas en dire plus. Quelques mois après cette affaire, le tout avait été ensuite vendu ou déplacé pour libérer le hall, mais personne n’avait osé le racheter. M’enfin, ça fait bien vingt années de Jena, ma petite, conclut-t’il, et pour l’instant, je n’avais plus que celui-ci de libre !

Revenant au hall, Lyren entreprit de sortir les coffres les plus abîmés, afin de les faire brûler plus loin. Ça fera de la place, pensait-elle. Bon, un guerrier et artisan fyros. Dommage qu’ils n’aient laissé que les pièces abîmées, il devait y avoir des trésors ici.

Après trois coffres déplacés, Lyren s’attaqua au quatrième, mais remarqua tout de suite que le parquet à cet endroit était plus abîmé qu’ailleurs, en dessous des pieds. Comme si ce dernier meuble avait été souvent déplacé, laissant quelques griffures sur le sol, partiellement cachées par un vieux tapis. Elle entreprit de bouger le coffre en suivant la direction de ces griffures, comme ça avait dû maintes et maintes fois être fait par le passé, et un espace ainsi libéré, examinant le sol, elle repéra qu’une latte de parquet bougeait. Sur celle-ci, une petite encoche était faite, afin de glisser un doigt pour la soulever. Après cette première latte enlevée, il était possible de soulever les autres autour, laissant apparaître un grand morceau de fibre, qu’elle souleva avec précaution. Le coeur de Lyren battait à tout rompre.

En dessous, un premier sac contenant une tenue légère tryker, bleue, pliée avec soin, et au fond quelques parchemins, la plupart effacés. Dans le coin de l'un d'eux apparaissait un dessin rappelant les yeux et oreilles d’un kami. Était-ce bien des oreilles, d’ailleurs? Un autre laissait lire le mot "savoir". Ce coin du hall était définitivement trop sombre pour pouvoir déchiffrer plus, et Lyren rangea les parchemins dans le sac avec les vêtements trykers.
Il y avait un second sac de fibre, à coté, bien plus lourd, duquel elle sortit une belle armure, une kostomus beige, taillée pour un guerrier fyros. Avec précaution, elle plaça un par un les éléments de l'armure dans le coffre resté là, après les avoir observés. C'était là une armure de maître artisan, aucun doute, et de bonne facture.

Terminant par le casque, elle remarqua dessus un symbole discrètement gravé sur la partie arrière, au dessus de la nuque. Un dessin constitué de 6 petites spirales disposées de façon circulaire, chaque trait orné de petites pointes, comme des épines. L’extrémité de chaque spirale se dirigeant vers l’extérieur du cercle, comme pour s’en échapper. Lyren, accroupie, observa le casque un moment et ses pensées s’embrouillèrent. Elle connaissait ce symbole, mais d'où? Était-ce la raison de la disparition du fyros? Et pourquoi avait-il caché cette armure ici? Ça devait donc être un secret? Mais pourquoi cacher une armure? Y-a t'il d'autres secrets cachés dans ce hall?

Lyren, toujours accroupie, se demandait surtout qui pourrait l'aider à éclaircir ces mystères. Le gardien? Surtout pas. Wixarika? Peut-être... Se faufiler dans l'académie de Pyr, comme elle l'avait déjà fait à maintes reprises? Qui sait, elle pourrait y trouver quelque chose. Elle murmura pour elle même, en regardant le casque dans les yeux : Se taire ou ne pas se taire? En v'là une question. Je vais peut-être garder ça pour moi, pour l'instant…

"LYYYYGRRRRENNNNN !!!! "

Lyren sursauta et lâcha le casque, qui émit un craquement sourd en tombant sur le parquet, tel un hurlement lointain et étouffé.

C’était Wixarika qui lui amenait un petit monstre pour l’après-midi.

#3 [fr] 

Deux jours plus tard, lorsque Lyren arriva à son hall, le gardien, en lieu et place de son habituel oren pyr, lui jeta un regard de travers. Qu’importe, Lyren lui rendit un sourire, car c’était un bien brave homin, et qui sait, il était peut-être dans un mauvais jour.

— On raconte des choses, jeune homine, faites attention.
— Pardon?
— J’ai dit, on raconte des choses, faites attention !
— J’avais compris. Mais encore?
— On vous a vu vous téléporter avec un de ces artefacts de la karavan.
— Et alors?
— Comment ça, et alors?
— C’est interdit, demanda Lyren?

Le fyros haussa le ton, sans pour autant crier. Sa tension était palpable.

— C’est très très mal vu, par chez nous.
— Comment ça mal vu? Il y a bien des téléporteurs karavans un peu partout dans le désert, dey?
— ney, mais c’est très mal vu. Faites attention.
— Celui qui vous a raconté ça peut venir me le dire en face au lieu de parler dans mon dos, s’il veut. S’il ose.

Le ton de Lyren était devenu un peu plus dur, glacial. Le gardien garda le silence un moment.

— Autre chose, demanda Lyren?
— ney. J’ai aussi fait ma petite enquête, et votre guilde n’est pas inscrite sur le registre à Pyr.

Lyren haussa les épaules et força un sourire.

— Oh, l’administration fyros. Ils ont dû oublier.
— Et aucune trace d’une patriote nommée Lyren. Vous en dites quoi?
— L’officiel qui m’a fait passer le rite était rond comme un tonneau de shooki. Je suis sûre qu’ils ont perdu mon dossier.
— Vous osez insinuer que…
— Que les officiels de Pyr sont imbibés du matin au soir? ney, je l’insinue.
— Faites attention !
— Faire attention à quoi?

Le gardien leva son index pour paraître plus menaçant :

— Je… Je peux aller raconter tout ça à votre amie l’akenakos.
— Et moi, je peux aller raconter partout que vous vendez des halls poussiéreux sans vérifier à qui. Vous en dites quoi? C’est quand même la base de votre travail.
— Mais ! Ce n’est pas vrai, s’étrangla le gardien !
— C’est pourtant ce qui s’est passé !

Lyren sourit en se radoucissant, puis posa sa main sur le bras du gardien toujours levé, qui commençait à paniquer :

— Regardez, je suis en train de remettre ce hall en état, et je garde le petit de l’akenakos. Que voulez vous que je fasse?
— Je vous le demande !
— Si je voulais faire du mal à quelqu’un, je ne serais pas là à passer mes journée à lui construire une salle de jeu.
— Mais enfin, ça fait beaucoup, quand même.
— Beaucoup de rumeurs. de ragots… C’est à croire que quelqu’un m’en veut. Sans compter l’administration…
— ça dey ! Je ne peux pas y croire ! Et vous êtes kar…
— Ah ça…Il faut bien se téléporter ! C’est purement pratique.
— Je…
— Écoutez, j’ai beaucoup à faire. Dès que je trouve le temps, j’irai à Pyr pour régulariser tout ça. D’accord?
— Bon, bon. Mais alors vous le faites, hein?

Dans tes rêves, pensa Lyren en affirmant avec un sourire : ney, ney, dès que je trouve le temps !

#4 [fr] 

Lyren n’avait pas mis les pieds à l’académie fyros depuis longtemps.

Ce jour là, quand elle arriva, afin de chercher la signification de ce symbole qu’elle avait trouvé sur le casque quelques jours plus tôt, un garde lui barra l’entrée. Il était assez jeune, sans doute en poste depuis peu de temps. Il demanda si elle figurait sur le registre, et avisant la mine étonnée de Lyren, déclara que si ce n’était pas le cas, il ne la laisserait pas entrer. Lyren comprit rapidement que ça n’allait pas être facile pour elle de figurer sur le fameux registre, sans doute réservé aux patriotes. La solution d’assommer ce garde et d’inscrire son nom elle même lui vint rapidement à l’esprit avant d’en ressortir tout aussi vite, car il s’agissait somme toute d’une très, très mauvaise idée.

ramèch, pensa t-elle.

Le celiakos en charge a décidé de renforcer la sécurité, à cause de ces histoires étranges que l’on raconte, lui expliqua aimablement le garde, murmurant ensuite "la secte du grand dragon…". Après, c’était simple. Il suffisait de visiter un officiel, qui pourrait vérifier sa présence sur le registre des patriotes, expliquer la raison d’accéder à l’académie, puis il pourrait transmettre son nom sur le registre de l’académie. Tout simple ! Vous êtes bien patriote, dey?

ramèch, articula t-elle silencieusement, avec toute la peine du monde pour dire "ney ney !" en offrant au garde son sourire le plus séducteur. Ce sera toujours ça de gagné.

Le gardien de Thesos qui faisait du zèle, et maintenant les gardes qui s’y mettaient, ce n’était plus si facile. Lorsqu’elle était plus jeune, elle se faufilait entre les gardes, entrait ou sortait comme bon lui semblait. Il faut dire, il y avait déjà des contrôles, mais personne n’allait se méfier d’une ado souriante, ni à l’académie, ni au marché, ni au palais. Mais les temps avaient changé. Lyren était maintenant adulte, une adulte encore très naïve et inexpérimentée sur beaucoup de choses, malgré ce qu’elle laissait paraître. Mais on ne la confondait sans doute plus avec n’importe quelle autre gamine de Pyr. Ou bien, c’était peut-être simplement ça, l’empire fyros renforçait réellement la sécurité de ses institutions.

Lyren avait toujours eu un statut un peu à part dans sa tribu. Depuis des années, sa mission était de se mêler aux autres jeunes fyros, discrètement, afin de laisser traîner ses oreilles ci et là. Glaner une information à l’académie, au palais. Ça lui avait permis de chercher ses origines, sans succès jusque là.
Récemment son chef avait décidé d’élargir sa mission aux quatre nations. Être ses yeux, ses oreilles, de par le monde. Ça ou être assignée à une tour de garde, le choix était vite fait, et elle faisait son travail minutieusement, délivrant des rapports régulièrement. C’était simple, pour être au courant de tout et de rien, il suffisait de passer quelques heures au bar de fairhaven. Mais là, Lyren se voyait refuser l’entrée à l’académie fyros. Ne plus accéder au savoir était une trop grosse concession pour elle, qui s’était donné un mal de varinx à apprendre à lire, elle ne voulait pas renoncer à ça, plus maintenant.

ramèch, murmura t’elle, après avoir quitté le bâtiment.

Il allait lui falloir trouver une solution. Figurer sur ce registre? Hors de question de devenir patriote ! Mais avait-elle une autre solution? Elle allait devoir le cacher à son chef, tout faire en douce. Ou bien… Lui parler, le convaincre. Une renégate qui devient patriote. Qui sait, elle pourrait se faire respecter, tout au moins avoir accès à des informations réservées aux patriotes… Peut-être même gravir des échelons? Et puis, se battre pour tous les fyros, au lieu de participer à attiser cette vieille haine entre sa tribu et l’empire. Tous les habitants du désert.
Il allait falloir convaincre son chef, que ça reste secret. Surtout, rester discrète.

ramèch, dit-elle, tout haut. Ça, c’est déjà raté.

dey. Ne rien lui dire, songea t-elle. Pourquoi devrait-il savoir ça? Je remplis ma mission, au mieux, et je lui livre les rapports qu’il attend. Je dois prendre les bonnes décisions pour continuer à faire mon travail comme il le faut. Enfin, ney, dey… bonne décision… Une décision parmi d’autres. Peut-être bien la seule qui me vient à l’esprit? Ne nous précipitons pas, il faut réfléchir. Mais comment? Pfff... Non. Agir.

ramèch, ramèch, ramèch, gueula t’elle, en prenant la direction du square impérial.

#5 [fr] 

Le gardien d’immeuble n’avait quand même pas raté une occasion de râler, en bon fyros.

- Ha, mais si vous me le montrez que maintenant, votre insigne fyros, ça veut dire que vous ne l’aviez pas la dernière fois !
- Mais si, répondit Lyren d’une voix déjà lassée. Je vous ai dit qu’ils étaient ronds comme des manches de retch. Bon, j’avoue, pour l’inscription de ma guilde, j’avais oublié.

Il fallait quand même bien faire des concessions, sinon elle ne s’en sortirait pas.

- Ah ! Je l’avais bien dit !
- Bon, vous êtes content? Mais maintenant l’important c’est que tout soit en règle, dey?
- ney. Mais il reste un détail…
- Comment ça, un détail?
- Vos voisins de hall…

Le gardien cherche un bon moment sur son registre :

- ney, voilà, les Éclai… dey, c’est pas ça… Enfin, pas qu’eux. Bon, lui non plus. Enfin, plusieurs guildes voisines. Je n’irai pas dire qu’ils se sont plaints du bruit, mais ils m’ont demandé ce que ça pouvait être que ce vacarme.

Lyren éclate de rire :

- Vous voulez dire qu’Uzykos fait autant de bruit que n’importe quel gamin fyros?
- J’ai eu beau expliquer que c’était normal…
- Dites, il parait que vous avez connu sa mère?
- L’akenakos Wixarika?
- dey, sa mère naturelle.
- Ah, celle-là… Euh… Donc il tient vraiment d’elle? Ceci explique cela…
- C’est ce qu’on dit. Quand aux bruits qui courent sur qui serait le père, il parait que ça explique encore mieux.
- Le père? Je n’ai rien entendu à ce sujet, c’est qui?
- Le peu que je sache, grande personnalité, grande voix, gros égo… Et gros voyage.

Le gardien cherche un moment, puis écarquille les yeux avec une expression d’étonnement intense, lorsque son esprit le gratifie de l’image qu’il ne voulait pas avoir à visualiser. Il se retient, mal, de grimacer, puis finalement hausse les épaules.

- Eh beh… Bon… mais il y a peut-être moyen de faire quelque chose pour le calmer?
- Vous voulez essayer?

Il hésita un petit moment, avant de faire un magistral non de la tête devant les yeux rieurs de la fyrette. Non, non, et non. Parfois, il valait mieux ne simplement pas essayer, plutôt que de se confronter à un échec déjà annoncé.

#6 [fr] 

Avec tout ça, Lyren en avait oublié ses plans de recherches à l’académie de Pyr. Cette fameuse inscription sur le casque, l’identité du fyros qui avait possédé ce hall, et caché là cette armure. Chercher une raison à tout ça. Mais après tout, ce n’était peut-être pas si important.

La fyrette réfléchissait à tout ça, alors que la petite terreur s’était finalement endormie sur un amas de vêtements, serrant dans sa main la vieille hache cleven émoussée qu’il brandissait encore au dessus de sa tête quelques minutes plus tôt. Non, c’était important. Très important de savoir ça. Par les mamelles de Jena, je viens de me faire bouillir la sève à passer ce rite fyros, juste pour accéder sans problème à l’académie, ce n’est pas pour abandonner maintenant ! Et je dois savoir. Quelque chose me dit que ce n’est pas un hasard. C’est peut-être aussi l’occasion d’accéder à d’autres archives, ou des informations réservées aux patriotes. L’histoire de ma tribu vue par l’empire… Qui sait… Mais d’abord ce symbole ! Tiens, d’ailleurs, je ne vais pas y aller avec le casque…

Lyren réfléchissait maintenant à voix haute, sans même s’en rendre compte. Elle sursauta, puis se leva pour aller chercher ce casque. Avec tout le soin qu’elle put y mettre, elle entreprit de recopier le symbole sur un petit morceau de cuir de varinx.





Voilà, pensa-t’elle, ce sera moins encombrant à emmener, et plus discret, aussi. Même si mes talents de dessinatrice laissent à désirer. Ou alors j’y vais quand même avec le casque.

Lyren s’allongea à même le sol dans le hall, pas loin du petit, pensant qu’éviter de s’étendre sur un coussin la maintiendrait éveillée.

Rien est un hasard. Ce hall, ce petit bout de fyros, mes doutes. Lorsque Wixarika semblait si fatiguée de s’occuper d’Uzykos, je n’ai même pas réfléchit en lui proposant mon aide. Comme si ce devoir m’appelait, comme s’il le fallait. Comme si cette petite terreur et moi étions liés par quelque chose d’invisible, lointain. Et si c’était aussi simple que ça? Et si j’avais finalement retrouvé ce que je cherche depuis tant d’années, mes origines? Et si c’était vrai, ce que cette fyrette lointaine avait dit à Wixarika, après l’avoir caché à tous pendant des années? Ou était-ce simplement trop gros pour être vrai? De toute façon, de ce qu’on dit, personne ne survit à un voyage pareil, elle ne reviendra sans doute jamais, et je resterai à mes doutes, à mes interrogations. Et si elle revient, que pourrais-je bien lui dire? "akep, pour en avoir abandonné deux. Je suis la première. Enchantée" ? Ais-je vraiment besoin de ça? Et si c’est vrai, de quel homin? Pour cacher un enfant à tous, même du père, il faut que ce dernier soit ou un criminel, ou un ennemi… ou mort. Et si… Et s’il s’agissait du même mystère, ce hall, l’armure? Une histoire si sombre que personne n’a osé occuper ce hall pendant tant d’années? Non, ma pauvre Lyren, tu divagues. Tout ne tourne pas autour de toi, ça ne peut pas être à ce point. Et en même temps, qui sait? Tant que je n’ai pas cherché… Ah, et ramèch. Tout ça ne va que m’apporter des problème. Aux yeux de ma tribu, je serai une renégate pour avoir passé ce rite, jamais Xyrius ne voudra comprendre. Même si je lui dis que ça ne peut qu’être bénéfique de s’infiltrer un peu plus chez les fyros. Et en même temps, trop de monde sait d’où je viens. Si le bruit se répand auprès des fyros, patriotes ou non, ils risquent de me chasser aussi. À un moment il me faudra faire un choix… Il est peut-être déjà trop tard pour me rattraper auprès des miens. Un choix. Devenir fidèle à un empire que j’ai haï toute ma jeunesse. Ou aller trouver mon chef pour tenter de sauver mes arrières. "Chef, je suis devenue patriote, pour le bien de notre tribu et de notre combat". Là, c’est le moment où je vais devoir esquiver la fureur de sa hache. Non, Xyrius ne comprendra jamais. Personne ne comprendra jamais. Renégate aux renégats de l’empire, et traitre à l’empire, avec tout ça je risque juste de perdre ceux qui sont devenus mes amis. Il n’y a qu’une solution. Déjà, parler à Xyrius. Avant qu’il ne l’apprenne par lui-même. Trouver les mots… "Coucou chef…" Non, pas comme ça. "Xyrius, il faut qu’on parle, en privé". Non plus, rien que ça va le mettre en rogne. Les réunir tous, et leur annoncer, simplement. Avec la surprise, ils me laisseront parler un peu plus longtemps. Peut-être… Entre-temps… D’abord aller à l’académie. Ahhh ramèch, raaaaa, mèèèè, chhhh. Tout est trop con… compliqué…

Un moment plus tard, elle dormait.

#7 [fr] 

Elle se réveilla avec un mal de tête terrible, le corps de partout endolori. Comme si elle s’était fait marcher dessus par un Shalah. Elle essaya de bouger, mais ses muscles ne répondaient pas. Ouvrir les yeux... L’obscurité totale. L’odeur, l’atmosphère, les sons… D’une familiarité étonnante. Alors qu’elle reprenait petit à petit connaissance, elle entendit quelques voix. Des voix qu’elles connaissait bien, mais tout était encore trop brouillé pour qu’elle ne comprenne. Une douleur, une démangeaison à l’arcade gauche. Elle essaya de porter sa main à son visage, mais réalisa enfin qu’elle était ficelée de partout. Les yeux bandés. Bâillonnée.

Elle tenta de crier. RAMECH !! Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Par réflexe, elle se débâtit comme elle pouvait, mais ne réussit qu’à glisser du banc sur lequel elle avait été posée. Son corps fit un bruit sourd sur le plancher. Sonnée, elle ne put que rester un moment immobile, puis entendit que les voix se rapprochaient. Elle sentit vite plusieurs présences autour d’elle. On la souleva, puis elle fut jetée de nouveau sur le banc où elle se trouvait quelques secondes plus tôt.

— Elle est réveillée, on dirait.

Il lui fut impossible de répondre autre chose qu’un mugissement étouffé par le bâillon.

— ney, réveillée. J’vais le chercher.

Des images revinrent à l'esprit de Lyren. Une confusion totale, des coups, elle revoit sa tête heurter le sol à plusieurs reprises. Ses bras ficelés, elle est bâillonnée, et portée sur l'épaule d'un homin. Soudain, plus un bruit, ils s'apprêtent à sortir du hall, elle se débat, puis elle perd connaissance. Ça doit être ça, cette douleur sur le front.

#8 [fr] 

Quelques minutes plus tard, une main arracha le bandeau qu’elle avait sur les yeux. Le temps qu’elle s’habitue à la lumière des lieux, elle vit qu’on approchait une dague de son visage, et sentit la lame glisser sur sa joue droite. Puis d’un coup sec, la lame disparut, la libérant du bâillon qui entravait sa bouche. Tétanisée, elle ferma les yeux un moment, pour essayer de calmer sa peur. Rien à faire. Lentement, elle ouvrit les yeux de nouveau. Il était assis en face d’elle, et la regardait fixement, les sourcils froncés. Elle détourna ses yeux vers le plafond.


— Où est-il? demanda t’elle.
— On l’a laissé dormir. Enlever celui-là nous aurait causé plus de problèmes qu’autre chose, répondit Xyrius d’une voix assez calme, comme s’il s’attendait à la question.

Lyren ne sut pas quoi répondre à ça. La probabilité que son chef ne lui dise pas la vérité lui traversa l’esprit, mais tant qu’elle était ficelée de la sorte, s’énerver ou le mettre en doute n’aiderait en rien. Quelques secondes, ou quelques minutes passèrent. La respiration de Lyren était saccadée, celle de Xyrius forte et régulière. Puis ce dernier retint sa respiration un peu plus longtemps, avant de soupirer profondément.

— Tu sais pourquoi nous t’avons ramenée ici, je pense.

Lyren ne répondit rien.

— Mais je veux l’entendre de ta bouche. Raconte-moi.

Après quelques secondes à réfléchir comme elle le pouvait, Lyren répondit :

— Je fais ce que tu m’as demandé. J’infiltre l’empire fyros.
— Pourquoi ne pas m’en avoir parlé?
— Tu ne l’aurais pas accepté.

Une gifle du revers de la main de Xyrius frappa Lyren avec rapidité et force, et fit couler un filet de sang sur sa joue.

— Je t’ai tout permis, Lyren. Je t’ai toujours tout permis. Mais tu ne me dis pas la vérité. Garder un bébé, ce n’est pas infiltrer l’empire. Cette akenakos, tu es devenue amie avec elle. Sans compter les autres.

Lyren retenait ses sanglots. Elle ne pouvait plus mentir, et elle ne pouvait pas dire la vérité. Oui, toutes celles et tous ceux qu’elle fréquentait maintenant étaient devenus ses amis. Au début, de simples fréquentations, guidées par son objectif d’espionner et de rechercher quelques d’informations pour sa tribu. Puis ces quelques doutes, la perspective de retrouver ses origines. Et l’aide, le soutien, de ceux qu’elle ne connaissait pas encore bien, face à ses doutes et questionnements. Des kamistes, pour la plupart. Mais elle ne pouvait pas parler de ça à Xyrius. Surtout pas.

— Je sais tout ça depuis longtemps. Tu te doutes bien. Tu n’es pas ma seule espionne.


Elle ne savait que trop bien quel sort était réservé à ceux qui trahissaient. Une torture lente et douloureuse, basée sur le maniement de dagues et de bois ardent. Plus le supplice durait longtemps, plus les marques et cicatrices avaient des chances de rester visibles, même après que les corps soient ramenés par les puissances. Un calvaire qui pouvait parfois durer des semaines. Ça passait l’envie à n’importe qui de s’approcher ou de se mêler de nouveau des affaires de la tribu, pour ceux qui n'avait pas déjà perdu toute leur lucidité.


Une larme coula sur sa joue.

— Rejoindre l’empire… Qu’est-ce qui t’as pris? Pour te mettre sous leur protection? Ils ne te protègeront pas, ils savent très bien que tu viens de chez nous. Tu as trop parlé, à trop de monde.

Lyren esquissa un non de la tête, puis se força à regarder son chef dans les yeux. Ce dernier continua.

— Pourquoi garde-tu cet enfant? Qu’a t’il de spécial?
— Tu le sais déjà. Tu sais déjà tout.

Un semblant de sourire se dessina un instant sur le visage de Xyrius, avant de disparaître.

— Tu me connais bien… Oui, je sais pourquoi. Tu as déjà trop parlé.
— Et toi, tu connaissais déjà tout de mes origines. Tu ne m’as jamais rien dit.

L’homin resta silencieux un moment, puis se leva.

— Nous avons tant fait pour toi, Lyren. Si nous n’avions pas été là, tu aurais terminé chez les esclavagistes. Ou peut-être pire, en sujet d’expérimentation chez le Cercle Noir.
— Tu m’as enlevée à ma famille.
— dey. Nous t’avons sauvée d’une vie de souffrance. Ta famille, comme tu dis, elle t’avait déjà abandonnée.

Last edited by Lyren (2 years ago) | Reason: coquilles

#9 [fr] 

— Je ne peux pas croire ça…
— Tu n’as pas à me croire. La seule chose que tu puisses faire, c’est de me donner une raison de t’épargner, ou de te laisser partir
— J’ai toujours fait mes rapports, je ne t’ai pas trahi…
— Ça ne me suffit pas. Pas cette fois. Tu as été trop loin. Il fallait m'en parler avant.

La fyrette, toujours aussi tétanisée, ferma ses yeux un moment.

— Que vas-tu me faire?
— Tu le sais bien. M’assurer que tu comprennes qu’on ne me trompe pas.

Lyren ouvrit ses yeux, et prit une grande inspiration :

— Si tu fais ça, tu perds une alliée, et gagne une ennemie. En plus de ça, ils vont me chercher. Et tu peux dire adieu à tes plans.

Xyrius explosa :

— Mes plans??? Tu ne peux… De quoi parle-tu?
— Je sais aussi beaucoup de choses. Même ce que tu planifies depuis des mois.
— Ils ne vont pas venir te chercher. Les fyros t’abandonneront à ton sort, comme ils l’ont toujours fait.
— Es-tu prêt à prendre ce risque?

Le chef frappa de toutes ses forces sur un tabouret qui se trouvait à coté de lui. Le premier coup fit craquer le bois, le second coup le brisa en deux, dans un nuage de poussière. Il en attrapa le pied, et en posa violemment et fermement la pointe sur le torse de la fyrette, pressant de toutes ses forces.

— Tu es loin d’être en position pour négocier, Lyren.

Recevant un amas de poussière dans la figure, elle toussa, puis dit d’une voix étranglée.
— Si j’avais voulu te trahir et tout révéler, j’aurais pu le faire depuis longtemps…
— Maintenant que je sais que tu y as pensé, et que tu es au courant, je ne peux plus prendre le risque de te laisser partir
— S’ils ne me voient pas revenir, ils vont venir me chercher ici. Je leur ai dit que j'allais venir te voir.

Après quelques secondes de silence, Xyrius souleva le pied de tabouret dans un râle de colère, et l'abbatit en direction de Lyren. Arrêtant son geste au dernier moment, il jeta le morceau de bois sur le sol de la pièce et sortit d'un pas lourd, maugréant tous les gros mots de son répertoire.

Last edited by Lyren (2 years ago)

#10 [fr] 

Plusieurs heures passèrent sans que Lyren ne vit personne. Le calme régnait sur le camp. La nuit, pensait-elle. Ou simplement, ils préparent quelque-chose. Une punition exemplaire.


Ils ont raison, je le mérite. Je n’aurais pas du passer ce rite. Non, ce n’est même pas à cause du rite. Devenir patriote, surtout sans lui en parler, c’était le déclencheur. C’est surtout à cause de ceux que je fréquente. Ceux qui sont devenus mes amis. Ceux qui ont vu apparaitre mes doutes, et qui influencent mes choix et mes actions bien plus que cette bande de fyros qui m’ont élevée… Mais ramèch, c’est la faute de qui??? Ils sont simplement plus sensés… Ah, si seulement le vieux Drapopus était encore de ce monde… Lui avait du bon sens, il savait les ramener à la raison. C’est sans doute grace à lui que j’ai un peu plus de jugeote que mes frères. Hmm ma pauvre Lyren, t’es dans de beaux draps... J’espère que Xyrius a dit vrai, qu’ils n’ont pas enlevé Uzykos… Non, il doit dire la vérité. Wixarika viendrait en premier ici s’il venait à disparaître. Si moi je disparais, je ne suis pas sûre qu’elle ferait ça… En fait, j’espère vraiment qu’elle ne viendrait pas ici. Je ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque-chose... Manquerait plus qu'Haokan ou que Nikuya mettent leur nez ici aussi...


La porte s’ouvrit brutalement, interrompant Lyren dans ses pensées. Avant qu’elle n’ait pu dire ou voir quoi que ce soit, deux fyros l’empoignèrent par les épaules et la tirèrent vers l’extérieur, laissant ses pieds traîner au sol. Après quelques dizaines de mètres, ils l’installèrent en position assise.

Lyren cligna des yeux. C’était la nuit tombée, et elle faisait face à un feu qui l’éblouissait. Elle entrevit peu à peu des homins installés autour. Tous les notables de la tribu. Le chef, en face d’elle.

— Nous avons décidé, commença t’il après quelques secondes, d’une voix profonde et lente.
— De me condamner pour mes erreurs, je sais, continua Lyren, d'une voix acide.
— Tais toi, ma patience a atteint ses limites.

Le silence régna de nouveau autour du feu. Le chef continua, laissant entre chaque phrase une pause dramatique :

— Nous avons décidé de te punir, mais d’une façon spéciale. Personne ici n’a envie ni de te torturer, ni de te voir nous supplier d’épargner ton visage.

Il se leva et s’approcha de Lyren, une dague ardente à la main.

— Je vais donc devoir faire le travail moi-même.

Lyren, tremblante, ferma ses yeux, et cessa de respirer. Il empoigna ses cheveux, et en coupa une énorme mèche. Puis maintenant sa tête de côté, il passa la lame brulante au plus près du cuir chevelu de l'homine, rasant ses cheveux jusqu’à ce qu’une moitié de sa tête soit totalement à nu. Elle ne tentait même pas de se débattre. Il s'arrêta, la respiration haletante, et après quelques instants il appuya lentement et fermement la pointe de la lame dans l’épaule de la fyrette, qui ouvrit les yeux en sursautant.

#11 [fr] 

— En fait, je n’aimerais pas te faire du mal non plus.

Xyrius jeta la dague dans la sciure devant Lyren, puis retourna s’assoir calmement. Puis il fit signe aux deux gardes derrière Lyren, qui s’activèrent pour la détacher.

— Tu es libre de partir. Tu pourras raconter à qui veut bien t’écouter que ton chef t’a punie pour tes erreurs, et que tu as réussi à t’échapper avant que je ne puisse terminer de te raser la tête, et commencer à te torturer.

Lyren resta un moment interdite.

— Que… Quoi?
— Je fais ça pour t’aider, Lyren. Tu continues à espionner pour moi, mais aux yeux de tous, tu t’es sauvée de chez nous. Tu ne fais plus partie de notre tribu.
— Je…
— Je te dirai où faire tes rapports. Et n’oublie pas, je garde un oeil sur toi.
— Mais…
— C’est ma seule façon de te laisser une seconde chance. Sauve-toi avant que je ne change d’avis.

#12 [fr] 

Après s’être assurée qu’Uzykos et Wixarika allaient bien, Lyren se réfugia à Pyr. De là, elle écrivit une courte lettre qu’elle fit envoyer à l’akenakos :
Wixarika,
Je vais bien. Je ne pourrai pas m’occuper d’Uzykos pendant un moment.
Nécessité de disparaître quelques jours et d’éviter de me montrer à Thesos. Sois vigilante.
L

Disparaître.

S’imaginer que la séance de torture allait bien avoir lieu. Qu’elle s’était enfuie. Se cacher des Renégats. Même si ces derniers n’allaient pas venir la chercher, du moins pas maintenant. Peu à peu, elle comprenait. Xyrius, en lui laissant une telle échappatoire, la tenait. Maintenant, elle devait absolument cacher la vérité, au risque de mettre en danger tous ceux auxquels elle tenait. Dans son esprit, Lyren n’était plus renégate. Elle était patriote fyros. La vérité? Elle avait tourné le dos à sa tribu, bel et bien.

Ça, jusqu’au jour où son chef allait la re-contacter. La ré-activer. Et là, il ne s’agira pas de simplement lui fournir quelques informations. Il allait falloir travailler pour lui. N’importe quelle folie que son chef allait pouvoir souhaiter, il allait falloir lui rendre service. Elle savait que plus le travail serait important, plus Xyrius allait s’assurer de lui mettre la pression nécessaire, en enlevant un enfant fyros, par exemple.

C’était à croire qu'il avait tout prévu, depuis le début. Tout. Envoyer Lyren de par le monde, sans trop lui demander de comptes. Il savait que de par son statut d’enfant recueillie, sans véritable lien de sang parmi les membres de la tribu, elle ne pouvait que se faire, ailleurs, de nouveaux amis qui allaient remettre en cause ses convictions, son appartenance.

Et Lyren lui avait tout servi sur un plateau d’ambre : Parler de sa tribu, se faire des amis, s’occuper d’Uzykos, devenir proche d’une personnalité éminente du désert, devenir patriote… Et potentiellement découvrir ses origines.

Maintenant, il devenait trop facile pour son chef d’organiser un chantage. En échange de la laisser elle et ses amis tranquilles, il pourrait lui confier des tâches toujours plus difficiles, délicates. Avoir quelqu’un qui pourrait agir de l’intérieur de l’Empire. En lui donnant la certitude qu’elle faisait ça pour sauver ses proches.

Quelle idiote.
Ou plutôt, Xyrius, quelle ingéniosité. Elle n’avait rien vu venir.

Et maintenant, que pouvait-elle faire?

Elle prit la décision de garder ses cheveux tels que Xyrius les avait laissés. Par dignité, par orgueil, plutôt que de tout raser. Aussi pour qu’elle reste convaincue de ce qui s’était officiellement passé. Plus d'autre échappatoire que je jouer le jeu.
Il allait aussi falloir qu’elle se débarrasse de son blason. Ne plus porter ces couleurs.

Puis il allait falloir trouver une solution pour renverser la situation, pour le doubler à son propre jeu.
Pour l’instant, se tenir tranquille. Disparaitre. Quelques jours à Fairhaven. Puis de là, quelques jours là où les renégats ne la chercheraient pas, à Min-cho. La jungle, pays méconnu.
Puis lentement réapparaitre dans le désert, se montrer.

"Lyren, patriote fyros"

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