ROLEPLAY


Qui guérit les guérisseurs ?

"Journal intime de Yokao"

[…]
Me voilà dans un beau sac de nœuds. Avec un peu de chance, cela ne prendra pas une ampleur politique, mais vu les personnes impliquées… Ce sera du pain béni si un agitateur s’intéresse à ça. Pas moi, je suis trop mouillée ; et puis ce n’est pas le genre de scandale qui ébranlera les croulants de la Théocratie.

Espérons que toutes les personnes impliquées sauront rester discrètes.

Il faut vraiment que j’apprenne à fermer ma grande bouche aussi. J’ai trop parlé, à tort et à travers. Ridicule tentative d’avoir de l’aide. Vivement que ce bordel soit fini ; je partirais ensuite une semaine dans un coin paumé avec une réserve d’herbes et de champignons suffisante pour faire décoller un ploderos.

À ce stade, la pensée de potentielles vacances est ce qui me permet de me lever le matin.

Rencontré des amis de J. Ils s’inquiètent pour lui, ou pour eux, la différence est maigre. J’ai parfois l’impression que ce monde ne fonctionne que grâce à la dépendance affective. J. réclame (exige ?) Y. à cor et à cri et montre les signes d’un épuisement intense. Le yama n’est pas seulement foo mais aussi en train de s’effondrer. Nous avons trouvé un plan d’action avec ses amis, j’espère que c’est le bon choix pour Y. comme pour J. À ce stade, soit ça passe et les aide à remonter la pente, soit d’ici la fin de la semaine, il faudra que j’explique à N. comment deux homins sous ma garde ont péri.

Non, aucune chance que je lui explique ça, elle me découperait en tout petit morceau. Si ça tourne mal, je fais comme ces deux tarés qui sont partis vers les Anciennes Terres : je fuis aussi loin que possible. Je ne suis pas masochiste au point de rester pour affronter la colère de N.

J’aurais aimé avoir son soutien et son avis dans cette affaire… J’ai moi aussi cédé au piège de la dépendance affective, oubliant que Y. continue d’obnubiler N. et qu’elle passerait toujours largement avant moi.

Y. a vraiment un don pour déclencher des émotions extrêmes chez les gens, c’est surprenant. Pas un talent que je lui envie. Je ne pensais pas que quelqu’un comme M. pourrait se faire contaminer. Voir ceux qui la fréquentent perdre tout sens commun donne une autre saveur à ce qu’elle m’a raconté de son passé. Je me demande si K. à Min Cho pourrait m’en raconter quelque chose ? Curiosité mal placée et hors de propos, et puis Min Cho est la chasse gardée de Misuno-ko, je vais éviter de mettre le doigt là-dedans.

Et moi ? Probablement pareil. Je m’investis bien trop avec cette patiente. Racheter son contrat dépasse largement mon rôle de guérisseuse. En même temps, si j’avais moins d’empathie, je serais… ukio, probablement une meilleure guérisseuse, sachant la fermer au bon moment et m’impliquant un peu moins dans la vie de mes patients.

Je n’ai pas eu le temps d’aborder grand-chose avec N., avant qu’elle m’agresse. Les beaux jours auront été courts. Je m’y attendais, mais ça fait quand même mal, surtout de cette façon. Qu’elle fasse l’antekamie avec moi, je pouvais l’envisager, mais qu’elle m’éjecte en réagissant comme une kamiste, ça, je n’y étais pas préparé.

Elle m’a demandé « pardon » ensuite en en rajoutant subtilement une nouvelle couche. Adorable. Je ne peux pas exclure que l’état d’épuisement dans lequel je suis me fasse prendre de mauvaises décisions, j’ai temporisé un peu, mais je crains d’avoir mon propre sevrage à faire pour de bon. J’ai juste envie de la voir, qu’elle me prenne dans ses bras et me dise que tout ira bien, qu’elle a confiance en moi et plein de bêtises du même type, digne des pires romans à l’eau de rosae qui circulent sous le manteau. Ça n’arrivera pas, et même si ça arrivait, je lui mettrais probablement ma main sur le masque.

J’aimerais pouvoir l’envisager sans y voir la moindre connotation ambiguë. L’amour, c’est définitivement nul, et en plus ça gâche le plaisir des kiokio de passage.

[…]

Le risque, c’est si quelqu’un m’a vu converser avec ce type du Cercle Noir. Nous avons été aussi discrets que possible, mais je ne peux pas exclure qu’un chasseur local ait vu l’entrevue et ait envie d’en parler. C’était une bonne chose d’avoir l’avis de ce gars, il m’a bien aidé à comprendre le vrai problème, mais qui accordera la moindre valeur à ce que je dirais ? N. me l’a bien prouvé ; si même elle me considère comme une traitresse en puissance, les initiés plus bas du masque ne feront pas dans la dentelle. La zoraïe louche qui cause à un type louche du Cercle Noir, pas de doute sur la façon dont ils interprèteront ça.

Je suis vraiment morte de peur, et je regrette de ne pas avoir été plus assidue sur mon entrainement au combat. En même temps, le meilleur combattant au monde ne peut pas faire grande chose face à une foule en colère. Je ne peux même pas compter sur le témoignage de Y. : personne ne l’écoute, tant les gens sont habitués à ce qu’elle soit entre légèrement et complètement délirante. Me voilà donc coincée entre la Théocratie, la Fédération et le Cercle noir, avec comme seule alliée une droguée démente.

Est-ce que R. et L. m’hébergeront si ça tourne mal ? Né, je ne peux pas compter dessus, toute leur vie tourne autour du fait de ne pas faire de vague, pour mener la vie qu’ils souhaitent sans que les indiscrets s’en mêlent. Il faudrait d’ailleurs que j’arrête de retourner à Yrkanis jusqu’à ce que cette affaire soit tassée, hors de question que je les implique plus là-dedans. Il faut aussi que je trouve comment prévenir mes parents sans qu’ils s’affolent.

Ce serait vraiment plus facile si je me motivais à passer ce rite kamiste et marmonner des ochi kami no toute la journée. Mais rien que de l’imaginer, j’ai envie de hurler. Même maintenant que la menace se précise, je préfère finir « exorcisée » que de me prêter à ce genre de mascarade, comme le font certains soi-disant jénaïstes.

[…]

J’ai bon espoir pour Y. La stratégie semble bonne, les premiers essais sont encourageants. Si J. ne met pas d’huile sur le feu, on arrivera peut-être à l’éteindre. En même temps, demander à un tryker de respecter des consignes, c’est un peu comme d’attendre d’un zoraï qu’il les enfreigne ouvertement. Utiliser de la psychologie inversée ? Non, mauvaise idée. Il faut juste espérer que la Déesse leur soufflera un peu de bon sens, à tous les deux ; voir un peu plus, si elle en a en trop, car ils n’en auront probablement jamais assez.
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