ROLEPLAY


Pour quelques frippos

L’objectif suivant était de tester sur un homin. De façon surprenante, la fyros l’avait elle-même évoqué : un tryker pouvait entrer dans un tonneau. C’était peut-être une blague de la part d’Eeri, mais le scientifique ne plaisantait jamais avec ça. Il était cependant conscient qu’il ne pouvait pas simplement acheter des cobayes aux Esclavagistes pour cette fois… Ça ferait mauvais genre. Mais il y avait d’autres options.

Il était temps de faire un petit tour d’Atys avec son « apprentie », d’autant que les autres missions de Mazé'Yum commençaient à souffrir de son absence. Il avait ressorti pour l’occasion son plus bel uniforme, afin de représenter fièrement son organisation, ignorant l’air goguenard d’Eeri et ses remarques sur le côté salissant du blanc. D’abord l’habituelle ronde du Pays Malade et de ses tribus, du moins celles fréquentables de l’avis du scientifique. C’était l’occasion de témoigner que les tribus à goo étaient plus complexes que la vision étroite et limitée de la Théocratie, et donc de dire encore un peu de mal de la dynastie Cho. Il montrait également le travail de fond qu’il accomplissait : œuvrer aux bonnes relations entre les divers groupes, mais aussi collecter d’innombrables données sur la faune, la flore, la position de la goo.

— À quoi cela sert ? demanda Eeri.
— C’est une recherche au long cours. Ma théorie est que la goo mute, mais il faudra probablement quelques centaines d’années pour s’assurer de la véritable tendance. Toutes ces données alimentent des graphes et permettront d’avoir des éléments factuels pour conclure si, oui ou non, il y a des changements dans la façon dont elle fonctionne.

C’était en outre terriblement ennuyeux à réaliser, et il voyait bien que la fyros mourrait d’envie de retourner traumatiser des yubos. Lui aussi, mais il fallait d’abord accomplir ces formalités.

La tournée avait continué au Royaume, ce qui avait amené Eeri à ronchonner fortement.
— Les Matisagoo sont des gens formidables, pérorait Mazé'Yum. Mais il se passera du temps avant qu’ils t’acceptent… C’est dommage, il y a vraiment beaucoup à apprendre chez eux, et c’est probablement la tribu la plus fréquentable d’Atys.
— Plus que le Cercle Noir ? se moqua la fyrette.

Le zoraï hésita avant de répondre.
— Oui. Le problème du Cercle Noir, c’est que nous attirons tous les savants fous, et certains sont plus fous que savants. Il faut l’énergie de Ba'Wity Codgan pour éviter les catastrophes. C’est un chef dur et il a des lubies désagréables, mais il permet que la recherche progresse réellement et sauvegarde le travail de tout le monde.
— C'est un maniaque vicieux et…

Mazé'Yum inclina légèrement le masque. Il respectait le tryker, une déférence teintée de peur comme tous ceux qui avaient dû le fréquenter, mais il pensait aussi que « fou comme un frippo de Silan » était une expression qui lui convenait assez bien. Il n’était pas mécontent que son chef l’ait envoyé faire des missions hors du camp : loin des yeux, loin des risques de finir en cobaye. Il y avait quelques limites à l’abnégation que le zoraï pouvait avoir pour la science. Cependant, la fyros n’avait pas encore besoin de tout connaître, uniquement le principal :
— Il est utile et nécessaire. Et tant que tu es mon apprentie, tu t’en tiens à distance autant que possible.
— Une raison à ça ?
— Il est dangereux pour certaines personnes. Je n’ai pas envie de savoir si tu l’intéresseras.
— Et tu restes avec eux ?
— Je ne les quitterais pour rien au monde.

Car quel autre endroit sur Atys lui permettrait d’avoir accès à autant de connaissances et de champs de recherche ? Qui d’autre pouvait lui fournir autant de moyens et si peu de contraintes dans la façon de mener ses études ?

Après la forêt, il était temps d’aller dans les Primes. Le zoraï évitait les patrouilles maraudeuses pour limiter les questions sur sa compagne. Après une longue marche, ils arrivèrent en vue des Chlorogoo, où Mazé'Yum était sûr de trouver ce qu’il cherchait.

Il discuta un bon moment avec les membres de la tribu, pendant qu’Eeri s’amusait avec les vorax. Enfin, il revint vers elle avec un des trykers et fit rapidement les présentations, annonçant la recrue comme étant « Te'agin, qui va nous assister dans nos expériences ».

Le chlorogoo avait le regard vague et flou de ceux qui abusent de certaines substances. Ses doigts suivaient une mélodie chaotique, entendue de lui seul, sur les boutons de sa veste, tandis que son autre main s’égarait sans fin sur le manche du couteau à sa ceinture. Un perpétuel sourire vicieux achevait de compléter le tableau. Légèrement mal à l’aise, Eeri haussa les épaules.

S’il fallait mettre un homin dans un tonneau au milieu d’un nuage de goo, celui-ci semblait le mériter. Par la suite, Mazé'Yum lui avait même affirmé qu’il était absolument consentant et conscient des risques.

— J’ai discuté avec lui, dit Eeri. Il est surtout prêt à le faire pour les drogues avec lesquelles vous le payez.
— Certes. Mais cela reste son choix.
— Vous avez une drôle de façon de traiter vos alliés.
— Nous ne sommes pas dans le référentiel larmoyant des Nations. Les homins comme lui embrassent un mode de vie différent, à la recherche des extases artificielles et sans considération pour leur enveloppe charnelle. Cela les rends aptes à des expériences que les gens comme tes Drakani ne peuvent même pas envisager. Grâce à ça, notre connaissance du monde progresse, nous comprenons les mystères qui nous entourent, et nous pouvons agir sur notre environnement au lieu de le subir. Ici, nous avons un objectif qui servira à l’hominité. Et en plus, nous trouvons quelqu’un prêt à quelques sacrifices personnels pour réaliser ce projet. Vois-tu une meilleure façon de faire ? Si c’était toi qui allais dans ce tonneau, tu accomplirais le même acte, ce qui ne serait pas plus éthique, car ton consentement aurait la même valeur que celle de ce Chlorogoo, même s'il a d’autres raisons qui le motivent. Par contre, tu risques de nous faire prendre du retard si tu es finalement goofié, et même mettre l’expérience en péril. Lorsqu’on manipule la goo, la première priorité des scientifiques doit être d’éviter la contamination personnelle. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des altérations de l’esprit.

La fyros grommela. Bah, après tout, c’est vrai que Te'agin semblait ravi d’être là, à toucher à tout et à cligner des yeux dans la lumière du jour…
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