ROLEPLAY


Pour quelques frippos

Le projet d’Eeri amusait bien Mazé'Yum. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas eu l’occasion de faire des travaux pratiques et améliorer les filtres des armures était une bonne idée. Il gardait un mauvais souvenir du dernier tour de l’Esprit et comptait bien être plus préparé à leur prochaine rencontre.

S’installer au Nœud de la Démence était un risque, c’était son territoire de chasse. Mais vu qu’Eeri n’était pas zoraïe de sève, Mazé'Yum espérait qu’Elle les laisserait tranquilles pour l’instant. Il avait tout de même prévenu la tribu des Illuminés de leurs expériences, ce qui ne les dérangeait pas. Il n’avait évidemment pas averti la Théocratie, et leurs patrouilleurs ne passaient jamais là où ils s’étaient établis.

Il n’avait pas jugé nécessaire de détailler à Eeri la qualité des grenades qu’il avait prise. Après tout, son but était de trouver comment se protéger des gaz chargés de goo, donc ça ne servait à rien de tester avec des versions amoindries. Le seul risque était que tous les homins s’équipent des filtres d’Eeri y compris pour aller harceler le Cercle, et donc que les bombes deviennent obsolètes… mais il y avait toujours moyen de les rendre encore plus puissantes ou de ressortir du placard d’anciens prototypes d’armes si les homins se montraient trop zélés, et de bons casques permettraient d’aller récolter une goo plus pure.

Il y avait une faible possibilité pour que le nombre de grenades lâchées dans la zone finisse par créer un petit point de goo active, mais c’était absolument gérable.

Si une des bestioles survivait au traitement, cela voulait dire que le filtre de son tonneau était vraiment extrêmement efficace. Du reste, une partie s’en sortait relativement bien. Toutes avaient été empoisonnées, mais à des degrés divers. Pour certaines, c’était tellement léger que la contamination pouvait même avoir eu lieu à cause d’un défaut des barils. Il restait à reproduire encore et encore l’expérience jusqu’à être raisonnablement sûr.

Il avait disséqué certains des yubos et frippos qui avaient le mieux résisté aux expériences, en profitant pour expliquer à Eeri comment déterminer le niveau d’intoxication à la goo. C’était d’une simplicité enfantine : il suffisait de mettre le sang ou un autre morceau dans une ampoule d’ambre étanche, puis de voir l’évolution. Suivant la rapidité de décomposition et la vitesse d’apparition d’une certaine couleur pourpre, on pouvait estimer la quantité de goo dans le reste de l’organisme. La goo digérant d’autant plus vite ce qui était mort, ce test pouvait permettre de s’assurer si un homin était contaminé ou non, mais c’était une méthode risquée : le temps d’avoir un résultat visible, le contaminé pouvait être au-delà de tout espoir de guérison.

— Il vaut mieux donner un coup de dague en cas de doute, c’est ça ? ricana Eeri.
— En effet. Mais si je t’avais d’abord conseillé ça, tu ne m’aurais pas écouté plus loin.
— Et vos autres remèdes, ils servent à quoi alors ?
— La goo chez les homins, c’est compliqué. Croire autre chose, c’est prendre le risque de devenir aussi gâteux que Supplice. Je préfère une approche empruntant plusieurs voies, afin de réduire les probabilités au minimum. Certaines résurrections ne suffisent pas. Et puis les Puissances ne ramènent pas toujours les homins trop contaminés ; il vaut mieux faire baisser la quantité de goo dans l’organisme au maximum, voir l’éliminer sans avoir besoin d’elles.

Mazé'Yum gardait aussi en observation les frippos en meilleur état. Certains développaient au fil des jours les signes d’une intoxication, mais il ne se pressait pas de les supprimer. Il savait bien que la fyros regardait ça avec un air féroce et légèrement inquiet, mais tant qu’elle ne demandait pas…

Au bout de quelques jours, alors qu’un des frippos contaminés avait aspiré une partie de leur sève quand ils étaient passés à côté, elle avait fini par dire :
— Vous ne pensez pas qu’il y a assez de ces trucs sur Silan ? Vous allez les garder encore longtemps ? On voit bien qu’ils sont gooifiés.
— Certes, savoura le zoraï. Mais pas seulement. Tu n’as pas remarqué ? Ces spécimens ont quelque chose d’unique.

Observer les frippos voulait dire les approcher, et même s’ils ne pouvaient pas attaquer physiquement depuis leurs tonneaux (ils avaient utilisé les barils comme « cages » pour eux), ils aspiraient la sève avec frénésie, ce qui était désagréable et épuisant. Et ils sentaient mauvais. Eeri s’avança tout de même en serrant les dents et en se retenant de balancer sa hache sur les créatures. Elles étaient écœurantes, avec leurs bubons de goo et le pus qui en coulait, leur ventre gonflé, leurs chairs putréfiées, leur regard fou et leur acharnement à sauter pour essayer d’atteindre l’homine qui les regardait.

— Je ne vois pas, lâcha la fyros, et je n’y mettrais pas les mains.
— Un peu de patience, alors, jubila le zoraï. Dans quelque temps, ce sera évident. Un grand moment pour la science.

Eeri était inquiète, mais il n’y avait pas grand-chose à faire sans se fâcher avec le chercheur. Elle gardait un œil attentif sur cette expérience annexe, sa hache toujours à portée de main. Après tout, ce n'était que des frippos.
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