ROLEPLAY


Pour quelques frippos

Néjimbé avait reçu la lettre, et informé les commanditaires que le matériel serait livré avant la fin de la saison. Réunir la commande prenait du temps et elle avait prévu le bon délai. Les tonneaux et la sève n’étaient pas un souci, mais les frippos avaient demandé des tractations avec des chasseurs. Difficile de trouver des gens qui comprenaient à la fois qu’ils ne devaient pas poser de questions (ou ne pas espérer de réponses) et capables de respecter une consigne simple : il les fallait vivants, les frippos. Ni trop bêtes, ni trop curieux…

Dans ces moments, Feinigan lui manquait. Il avait un don pour ce genre de chasse. Cependant, elle n’était pas encore prête à refaire appel à lui. Pas avant quelques décennies, probablement. Évoquer le tryker réveillait un agacement terrible. Cette histoire de frippo allait lui permettre de ne pas penser à lui pour un temps.

Amener la commande était un défi logistique comme elle aimait. Cinquante tonneaux et autant de frippos, ça prend de la place. Il y avait la possibilité de mettre plusieurs bestioles dans un grand sac, puis d’emprunter les téléporteurs avec, en s’occupant des barriques à part, plus simples à trouver en jungle. Mais un tas de frippos sauvages et réveillés dans une gibecière n’est vraiment, vraiment pas discret, et le scientifique avait ajouté par la suite une précision : « des frippos en bon état ». Donc les animaux allaient dans les barils ; avec de la paille et tant que le trajet comportait des pauses pour leur donner à boire, ils ne souffraient pas du voyage. Et les tonneaux allaient sur des mektoubs. Seulement les frippos étaient en forêt et la livraison devait se faire vers Jen-Laï : il n’y avait pas de chemin facile. Là aussi, il avait fallu trouver qui pouvait guider les mektoubs dans ces zones. Et puis, de la discrétion, cela voulait dire éviter de faire une caravane de dizaines de mektoubs. Ça aurait été ballot de se les faire voler par des bandits. Donc Néjimbé avait embauché divers mektoubiers, chacun avec une route différente, chacun chargé de mener un à deux mektoubs à la fois, chacun grassement payé pour ne pas poser de questions, et tous accompagnés de membres de la Compagnie en qui elle avait confiance. Multiplier le nombre d'homins engagés n'était pas la meilleure stratégie pour garder un secret, mais la guilde n'avait pas les ressources pour tout gérer en interne.

Autant dire que la note était salée. Ce n’était rien d’excessif au regard de ce qui était demandé, mais un bon prix tout de même, en grande partie dû à cette nécessité d’être discret. En même temps, c’était là l’expertise de la Compagnie. Néjimbé avait exposé le détail du plan aux commanditaires, validé le montant, puis avait lancé l’opération.

À présent, les innombrables tonneaux étaient réunis. Il y avait eu un petit moment gênant lorsque Néjimbé était venu contrôler la livraison de la marchandise. Entre zoraïs, il y a des choses qu’on ne cache pas, même si les autres homins n’étaient pas doués pour saisir ces subtilités. Elle n’avait rien dit en sentant la légère odeur de goo qui s’attardait dans la zone, mais Mazé'Yum était conscient de la chose et savait qu’une autre zoraïe le percevrait aussi. Il l’avait regardé attentivement, avec une certaine tension. Quelques rapides échanges de masque avaient suffi à exprimer tout ce qu’il y avait à dire. Ce n’était pas elle qui allait crier au scandale : elle se contrefichait de la goo ou de ce qui arrivait aux frippos. Et puis la Compagnie prenait soin de ses relations avec le Cercle Noir, qui étaient d’excellents clients et fournisseurs. La légère menace de Mazé'Yum avait alors disparu de son langage corporel. Pas besoin de grands discours pour se comprendre…

Les deux scientifiques lui avaient dit que la commande se renouvellerait. Néjimbé avait immédiatement lancé la suite de l’approvisionnement : cette fois, ils attendraient moins longtemps. Satisfaire le client était la priorité numéro un de la Compagnie.

Et sa priorité numéro deux, à elle, était de régler les problèmes internes… mais ça, ça ne regardait pas ses clients. Qu’ils se demandent où était Feinigan ; ce n’était pas elle qui leur répondrait.
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