ROLEPLAY


Parfois, il est bon d'être rapide...

Feinigan se tenait sous la grande tour d'Avendale, accompagné d'une mandoline, et chantait à tue-tête un refrain connu¹, qu'il massacrait allègrement.

- Il n'est pas toujours mauvais d'être rapide, pas si mauvaiiiiiis !

Il était pourtant parti pour le faire sans fausse note, mais ayant croisé le regard courroucé d'une vieille femme, il n'avait pu résister au plaisir de susciter une vraie grimace avant qu'elle ne se sauve aussi vite que sa dignité le lui permettait.

Ce qui lui inspira une seconde chanson sur le thème du bonheur à chanter faux. Ça ne rimait pas et c'était encore plus discordant, les paroles n'avaient aucun sens, et il se marrait comme un fou. Il failli rater ce qu'il guettait :

- Gné! Fei? c'est toi ?

Une voix venue du haut de la tour. Bon, il était réveillé. Mais c'était vraiment haut... Le tryker observa un moment l'édifice, notant les possibles prises. Absolument escaladable pour qui ne craignait pas de se rompre le cou, et qui craignait ça avec l'attention que les Puissances accordait à chaque homin ? Sauf que ces temps-ci, elles semblaient un peu taquines avec lui. Non, pour une fois, prendre l'ascenseur semblait plus pertinent. Et moins fatiguant. Il répondit donc :

- Ouais ! Je demande aux gardes de m'ouvrir ?

Délaissant son instrument de musique malmené, il s'approcha du garde qui gardait l'ascenseur. Comme prévu, ce dernier ne semblait pas motivé pour laisser Feinigan aller rejoindre son ami, mais après quelques discussions et un échange de dappers, le gardien se décida à laisser passer le chanteur et à lui ouvrir la porte donnant sur la cellule de Zhen.

Cela faisait quelques semaines à présent que le pauvre zoraï croupissait dans ce trou à rat... rectification, dans cette cage dorée.

S'il avait fallu établir un classement des prisons d'Atys, Feinigan n'aurait pas hésité un instant sur l'ordre. En première place, les prisons trykers, qui semblait toujours coupables de priver de liberté. Puis les zoraïes, d'une propreté rigoureuse bien qu'un peu austères. Ensuite ex-aequo, fyros et matis pouvaient aller de "déprimantes" à "désagréables" suivant le crime dont on était accusé et l'humeur des gardes, mais étaient généralement un cran au dessus des prisons de guildes, où l'absence de contrôle menait aux pires abus. Loin dans le classement, il y avait toutes les méthodes de contention des tribus et des maraudeurs, qui ne s'embarrassaient pas souvent de murs mais trouvaient d'autres façons de contraindre les corps. Et en dernière place, il y avait les raffinements déments de quelques sadiques. Pour avoir fait toute la gamme à un moment ou un autre de sa vie, Feinigan savait que "prison tryker" équivalait à un camp de vacances... mais là, ça atteignait un niveau inédit. Certes, c'était relativement lumineux grâce aux petites fenêtres sur les murs (trop petites pour laisser passer un tryker, surtout avec les barreaux artistiquement ouvragés) et d'une taille convenable, ce qui correspondait à ses souvenirs. Mais il ne se souvenait pas des montagnes de coussins, des couvertures chamarrées, des cubes d'ambres et des boîtes de bonbons. En fait, l'endroit aurait pu être un appartement tryker un peu sobre. Cette prison était le top absolu ; ça aurait presque valu la peine de se faire emprisonner.

Zhen, torse nu et négligement affalé sur la literie, avait l'air de s'ennuyer avec la grâce insolente d'une œuvre d'art. Il était content d'avoir un peu de compagnie. Ce n'était pas qu'il en aie tant manqué ces derniers jours ; Haokan semblait avoir pris comme mission sacré de ne pas quitter Zhen des yeux un seul instant. Feinigan en était presque jaloux. Lui aussi avait participé aux réjouissances et rien, même pas un avis de recherche ! Il s'était fait tout petit sans raison... Et il allait quand même continuer quelques temps à se faire (relativement) discret, au cas où tout cela ne serait qu'un stratagème. S'il était là aujourd'hui, c'est qu'il profitait des guerres kamis qui recommençaient et qui avaient contraint Haokan à délaisser sa garde attentive pour aller combattre des karavaniers.

Zhen et Feinigan discutèrent un bon moment, échangeant potins, stratagèmes et bonbons. Le Zoraï n'était pas seulement bien traité, il était chouchouté par Haokan qui abusait allègrement de sa position de lieutenant de Bai Trykali ; et si personne n'y redisait quoi que ce soit, c'était peut-être parce que cela ne suffisait pas complètement à contenter Zhen, qui souffrait terriblement de sa privation de liberté. D'une façon ou d'une autre, ça ne durerait plus ; soit les trykers se décidaient à libérer l'Illuminé, soit Feinigan le ferait sortir autrement. Sauf que cela risquait d'énerver Haokan pour de bon. Pour une fois, les deux compères prenaient leur mal en patience, espérant un dénouement qui ne leur aliènerait pas leur zaki².

Mais l'heure tournait et aucune bataille n'était éternelle. Il était temps de rentrer avant qu'Haokan ne revienne et supprenne le tryker ici. Il risquait de ne pas vouloir le laisser repartir.

Sûr de lui, Feinigan appela le garde. Ce dernier arriva en traînant des pieds, puis sans ouvrir la porte, déclara qu'il allait falloir rester un peu plus.

- Un peu plus ? Comment ça, un peu plus ? J'ai des trucs urgents à faire !
- Ben, c'est les ordres...
- Les ordres ? Quels ordres ?
- Les ordres que quand quelqu'un nous paie pour accéder à la prison, il doit rester jusqu'à ce qu'un officier décide de son sort...

Un court instant, Feinigan laissa son sourire s'évaporer. Depuis quand un aimable pot-de-vin était traité ainsi ? Il tenta de négocier encore un peu, mais cette fois les dappers ne suffirent pas à ouvrir la porte. Il fallait se rendre à l'évidence.

Il se retourna vers Zhen, souriant de nouveau pleinement :
- Bon, tu sais quoi ? Finalement, je vais te tenir compagnie un peu plus longtemps !

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