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Rapport envoyé à Ba'Wity Codgan

Mazé'Yum griffonnait sans relâche dans ses carnets, cherchant quelle était la meilleure voie.

Des années à travailler sur ce sujet, et il était passé à côté de ce détail qui changeait tout. Cela ouvrait tellement de possibilités ! Il éprouvait une sensation d’ivresse intense face à tout ce qui pouvait être rendu réalisable.

Bien sûr, son premier test n’était pas une réussite complète. Pas un échec non plus, sauf évidemment au regard de ses commanditaires.

En parlant d’eux, il devait tenir son chef au courant au plus vite, avant que la rumeur lui revienne par un autre biais.

Extrait du rapport de Mazé'Yum au Cercle Noir
Salutation Ba'Wity Codgan,

Il y a quelque temps, Ki'gan, l’ancien alchimiste du Clan de la Sève Noire, a été aperçu aux environs de Zora. La Théocratie avait rapidement mis la main dessus. Estimant qu’il pouvait nous être de quelques utilités, j’ai tenté de le faire récupérer, sans grand succès.

C’était un euphémisme. Cela avait été une suite de catastrophes. Il avait néanmoins promis à Gia'suki de ne pas être trop dur avec Nikuya, et cela impliquait de ne pas non plus la désigner comme cible pour le Cercle Noir. Les rapports entre les deux tribus étaient toujours complexes ; ils étaient des alliés de longue date, mais vu le caractère des Antekamis et le peu de patience pour leurs pitreries de la part du Cercle, il ne fallait jamais grand-chose pour que des vendettas reprennent. Cependant, tout le monde devait être au courant des imbécilités de la jeune fille à présent, et il était en partie responsable d’elle. Il ne pouvait pas tout passer sous silence.

Extrait du rapport de Mazé'Yum au Cercle Noir
L’une de mes apprenties a cumulé les gaffes. J’ai nettoyé derrière elle, et je crois pouvoir dire que les problèmes sont en train de se résoudre. J’ai ainsi pu rencontrer Ki'gan au Sommet Verdoyant. Sa personnalité « Vao » a repris l’ascendant et il a été relativement dissert.

Peut-être un peu trop : il a distribué la composition de la sève noire à plusieurs individus, et s’est mis à en vendre dernièrement. Il semble travailler pour les matis et non plus les maraudeurs. Je suis certain d’avoir assez de données à présent pour remporter prochainement le défi concernant la fabrication de la Sève Noire. Dans cet objectif, j’ai pris contact avec le clan de maraudeur du même nom pour leur proposer nos services et nous assurer d’avoir la coopération des seuls homins (en dehors de Vao) capables de confirmer que le produit final est bien « le bon ».

Le clan de la Sève Noire est légèrement possessif. Ils pensent que la recette peut encore rester l’exclusivité de leur groupe, sans comprendre que Vao les a trahis et que n’importe quel alchimiste d’un niveau suffisant pourra bientôt produire la drogue. Ils sont prêts à tuer tous ceux qui seront au courant et qui ne prêteraient pas serment à leur clan. J’ai tenté de leur expliquer que c’était une mission absurde, d’autant plus que détruire des graines de vie de gens compétents comme les grands alchimistes de l’Écorce demande la participation de ces mêmes alchimistes… Je leur ai aussi précisé que je ne pourrais pas leur réserver l’exclusivité sans ton accord.

Pour ces raisons, le clan souhaite te rencontrer et négocier un contrat afin de garder l’exclusivité de la production. La plupart des alchimistes de qualité sont dans notre tribu ou affiliée à elle d’une façon ou d’une autre et respecteront ta décision. Il restera quelques indépendants ici et là, mais qui ne prendront peut-être pas ouvertement le risque de défier les maraudeurs et le Cercle Noir. Vao risque aussi de subir quelques désagréments une fois qu’il ne sera plus le seul à savoir faire la recette. Il n’est de toute façon plus d’une grande utilité, étant sénile et en fin de vie.

Obtenir l’assujettissement du Clan de la Sève Noire est un pari qui me semble sans risque. Actuellement, ils sont faibles, n’ayant plus la drogue qui les liait. Peut-être finiront-ils de disparaitre bientôt, et dans ce cas nous n’aurons perdu que quelques espoirs. Mais s’ils reprennent des forces, nous aurons une organisation motivée à nous défendre face aux visées d’autres groupes, et moins contrainte par le jeu des alliances que le Royaume.

Je n’ai bien évidemment pas parlé de prix, la partie commerciale n’étant pas mon domaine. Je suis certain que tu sauras tirer parti de cette opportunité mieux que je ne pourrais le faire.

Accepterais-tu de les rencontrer ? Si oui, quand ?

Il ajouta les habituelles formules de politesse, signa, et envoya l'izam.

Il n’avait pas insisté sur l’antique pari concernant la synthèse de la drogue. Ce n’était pas tant le prix en dappers qui l’intéressait (quoiqu’il devait être conséquent, vu le nombre d’alchimistes qui avaient participé au défi), mais arriver avant ses collègues à recréer cette substance, dont ils avaient autrefois cherché à percer le secret, serait une très grande satisfaction et une revanche appréciable sur ceux qui doutaient du sérieux de ses travaux.

Et ce n’était que le début. Il avait là un colis des plus passionnants qui l’attendait. Il étudierait ça dans son laboratoire de la Source Cachée, ce serait le plus simple. Comprendre comment son essai avait touché la graine de vie… Ho, mais cela pouvait aussi servir un autre objectif !

Il sortit la tête du matis figée dans la stance de Daisha, et la montra à ses deux assistants qui devinrent soudain blêmes.

— Ceci, susurra Mazé'yum, est ce qui arrive aux gens qui prennent n’importe quelles drogues sans certaines précautions élémentaires. Si vous avez deux dappers de jugeote et si vous ne voulez pas finir comme cet homin, il va vraiment falloir arrêter de vous fournir n’importe où.
— Mais on ne prend rien de plus que ce que vous nous donnez, patron !
— À d’autres. Tu dépenses beaucoup trop, chaque fois que tu pars en ville, Kenny.

Le zoraï tapota la tête, faussement indifférent à la panique des deux trykers.
— Ceci est un avertissement amical. Je ne peux pas vous sortir des ennuis à chaque fois. Celui-là, je n’ai pas eu le temps de le sauver. La prochaine fois, ça pourrait être l’un de vous.

Avec un peu de chance, cela suffirait pour que ces deux-là se tiennent à carreau. Gia'suki avait raison sur la nécessité de développer un peu d’empathie et de raconter quelques bonnes histoires pour s’attirer la loyauté de ses alliés. Il oubliait régulièrement que faire peur aux idiots était une façon simple de les intéresser à rester dans le droit chemin. C'était absurde de compter sur leur bon sens.

Si seulement la méthode pouvait être aussi facile à mettre en place sur Nikuya !
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