ROLEPLAY


Cantique pourpre

Ce n’est qu’une fois la porte de son appartement refermée qu’Ylang Hao laissa sa crise d’angoisse s’exprimer. Roulée en boule, terrifiée, elle sanglota un long moment avant d’arriver à se reprendre.

Quelle idée de se mêler de ces choses-là !

Peut-être qu’elle devait écouter son fils. Demander asile encore une fois loin de la Jungle, dans une tribu kamiste, changer de tatouage et de coiffure, et espérer qu’on ne la retrouverait pas. Ça avait bien marché la dernière fois… Jusqu’à ce que Haokan aille réveiller les fantômes du passé.

Elle connaissait suffisamment les Antekamis pour savoir qu’elle était dans un danger mortel. Pas juste parce qu’elle était la mère d’Haokan ; non, ça, ce n’était pas une grande menace. Désagréable, mais gérable. Tant qu’elle n’était qu’un outil, un moyen de pression à leurs yeux, un élément secondaire, le degré d’infamie qu’ils pouvaient trouver était limité. Elle n’avait pas envisagé être autre chose ; les seuls qui auraient pu avoir un avis différent étaient morts.

C’était pour cette raison qu’elle avait discuté avec Nikuya. Elle ne se faisait pas d’illusion sur l’homine, mais il y avait tout de même un espoir, un infime espoir, que sa jeunesse lui permette de voir au-delà de la vision déformée de sa tribu. Vu l’ambition de la zoraïe-goo, peut-être que cela amènerait les Antekamis à être une tribu moins désagréable à l’avenir. Quant à en ramener certains dans la Théocratie… Il y avait des précédents, bien sûr, et si quelqu’un pouvait y arriver, c’était bien la Sage Sève, mais Ylang Hao était persuadée d’une chose : si un jour quelqu’un comme Nikuya proclamait qu’elle voulait devenir Initiée, il faudrait la surveiller de très, très près.

Ylang Hao se méfiait, tout en poursuivant un objectif simple : combattre les Antekamis à sa façon, non pas par la guerre, mais en leur montrant un autre chemin à emprunter, plus pacifique, sans souffrances. Rien de compliqué ! Il s’agissait de témoigner un peu de douceur à cette homine qui ne devait pas en avoir eu beaucoup et de partager avec elle des moments agréables pour que les zoraïs ne soient plus des ennemis à ses yeux. Malgré sa défiance, elle s’était mise à bien aimer Nikuya ; ce qui était aussi bien, car il fallait de la sincérité pour espérer changer le cœur de quelqu’un.

Elle n’avait pas songé qu’en faisant cela, elle pourrait être vue comme « intéressante ».

Que les Kamis prennent en pitié ceux que les Antekamis trouvaient intéressants… Ils s’acharnaient toujours avec une obstination sans borne sur ce genre de proie.

Une vie à essayer d’être juste une ombre, à ne jamais attirer l’attention, et voilà qu’elle mettait tout en l’air en souriant à une homine au masque déchiré. Comment aurait-elle pu imaginer que cela allait suffire...

Nikuya avait montré son véritable masque, un court instant. Ylang Hao avait eu l’impression de revoir celui de Fakuang lorsqu’une proie lui résistait. Cette terrible frustration à attendre quelque chose de quelqu’un et que ce dernier refuse… Et toutes les implications que cela aurait.

L’Initiée avait réussi à ne pas fuir dans la foulée. Et l’Antekamie avait compris qu’elle abattait trop rapidement son jeu. Aucune des deux ne souhaitait que la partie se termine si vite. Mais Ylang Hao ne voulait pas de tels enjeux. Elle avait déjà assez souffert comme ça.

Quelle alternative avait-elle ?

Elle pouvait s’enfuir. Sève saurait se débrouiller de cette jeune cheffe. Mais la Sage ne connaissait pas les Antekamis comme Ylang Hao les connaissait et elle risquait de payer cher cette ignorance. Les conséquences retomberaient sur des homins innocents.

Si elle restait, elle pourrait peut-être continuer à aider la Théocratie. Mais elle ne pouvait pas le faire en demeurant anonyme. Or elle savait maintenant que Nikuya s’intéresserait à ses actions ; qu’elle serait de plus en plus passionnée si Ylang Hao commettait l’erreur de « réaliser son potentiel », et de plus en plus désagréable si l’Initiée s’y refusait.

La seule solution moralement acceptable était de persévérer sur son chemin, de tenter de détourner l’Antekamie de sa tendance au sadisme. Seulement, à présent, réussir devenait absolument nécessaire. Cela allait dans la direction d’un Wa Ma'lian, et elle ne pourrait pas y échapper en courbant la tête…

Se doigts effleurèrent son chapelet, dans ce geste routinier qu’elle avait lorsqu’elle cherchait du réconfort. Prier l’aiderait à traverser tout cela. Cela lui remit en mémoire la rencontre précédant l’altercation avec l’Antekamie, et Ylang Hao s’accrocha à ce souvenir bien plus agréable quoique déroutant.

Trouver Nair'Jazzy à Zora avait été une surprise ; un instant, elle avait songé qu’il venait réclamer le paiement de l’ancienne dette. Mais il ne l’avait pas reconnu et la raison de sa présence était toute différente. Il voulait apprendre à méditer et pensait qu’elle pouvait l’aider. Ylang Hao doutait d’être la personne la plus appropriée, cependant elle devait tant à cet homin et sa famille qu’elle ferait tout ce qu’elle pouvait pour répondre à sa demande. Cela rétablirait peut-être un peu d’équilibre.

Elle se mit à égrener son chapelet, composant une prière pour Jazzy. Mieux valait se concentrer sur ce qui était agréable, et laisser de côté le reste sur lequel elle n’avait pas un grand pouvoir. Les Kamis la soutiendraient dans toutes ces entreprises ; ils donnaient toujours du sens à ce qui arrivait.

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