Ylang Hao sort de l’appartement pour aller saluer le soleil depuis le ponton. C’était étrange de dormir dans une habitation tryker.
Infiniment plus confortable que la mousse humide des Primes.
Il fait beau, elle savoure pleinement la lumière sur son masque. Simple moment de bonheur, à remercier les kamis de l’avoir sauvé encore une fois, à prendre des forces pour les jours qui s’annoncent.
En se retournant vers la tour, elle remarque un zoraï en train de somnoler dans un coin. Un instant la terreur la saisit, persuadée qu’ils l’ont déjà retrouvée ; et puis elle reconnait le zoraï en question et son cœur bondit de joie.
Elle s’approche avec douceur, s’assoit à côté de lui, attentive à ne pas briser son sommeil brutalement.
— Ari'Kami.
Elle adresse une prière de gratitude aux Kamis dans ce simple mot du taki.
Elle scrute son masque. Même ainsi, endormi, il n’est pas serein, serrant les poings. L’ombre qui plane sur lui voile sa lumière.
— Ho, Wa'Laï, guzu, murmure-t-elle.
Elle a compris quelque chose, là-bas dans les ténèbres, à discuter avec les filles de Gia'Suki. Mais comprendre ne suffit pas à réparer. Elle a commis tant d’erreurs, et ses tentatives pour remédier aux problèmes ont conduit à des maux encore plus grands. Si seulement prier pouvait tout arranger. Mais à défaut de changer vraiment le monde, la prière apaise. Par habitude, elle cherche son chapelet, puis se rappelle que cela fait partie des nombreuses choses que les Antekamis ont gardées avec eux.
Son fils se réveille en sentant sa présence à côté de lui. Clignant des yeux dans la lumière matinale, il met quelques instants à se remémorer où il est et pourquoi il s’est endormi dans un endroit aussi inconfortable. Puis il voit sa mère et le changement sur son masque est fulgurant :
— Mi !!!
Un instant, un très court instant, il fait mine de l’enlacer, avant de se reprendre. Ylang Hao elle-même hésite, esquisse un mouvement, puis renonce à son tour. Ils sont là, ils sont ensemble : cela doit suffire. Elle voit passer sur le masque de son fils sa joie de l’avoir retrouvé, son inquiétude pour ce qu’elle a dû vivre, sa frustration de ne pas pouvoir la serrer dans ses bras, ses questions qu’il ne formulera probablement pas, et une étrange expression de honte qui le pousse à baisser le masque. Mais sous tout cela, il y a une colère sourde, ce qui effraie Ylang Hao plus que tout. Il n’a pas de raison d’être en colère à l’instant présent.
Ils s’installent sur le ponton. Il y a des choses à dire, même s’ils prendront sans doute beaucoup de temps pour les exprimer. Elle remarque comme il reste vigilant, surveillant tous les homins qui s’approchent. Finalement c’est lui qui commence :
— Pourquoi les lacs ?
— Je suis sortie de ce côté, je n’ai pas vraiment eu le temps de choisir. Ils m’avaient emmené dans les Primes et pris tous mes pactes, toutes mes affaires. Je n’ai pas voulu risquer de les recroiser en allant au Vortex du Bosquet de l’Ombre, ni traverser cette région ensuite.
— Ça n’a pas dû être facile d’arriver ici.
— Les Kamis m’ont aidé.
Manière élégante de dire qu’elle n’a pas échappé à tous les torbaks… mais qu’heureusement cela ne signifie pas la fin du voyage.
— Comment as-tu réussi à t’évader ?
— J’ai eu de la chance. Les Kamis veillent sur moi.
Haokan grogne, sa colère flamboie un instant, mais il se retient de dire quoi que ce soit sur le sujet. Ylang Hao choisit ses mots pour raconter son histoire. Cela lui brise le cœur de mentir à son fils, de devoir se comporter avec lui comme elle l’a fait avec les Antekamis, mais il n’est pas en mesure de bien réagir à certains détails :
— Il y a des Maraudeurs qui patrouillent dans les Primes. Ils attaquent tout le monde, même leurs alliés. J’ai profité de l’occasion pour m’esquiver.
Elle voit la façon dont il sert le manche de sa hachette avec fureur, et précise :
— Ce n’est pas la peine d’aller attaquer leur camp, cela ne changera rien.
— Le tour viendra aussi, répond Haokan d’une voie glaciale qui épouvante sa mère.
— La vengeance ne résout jamais rien. Et puis leur assaut m’a aidé, tu n’as pas de raison de leur en vouloir.
— Bien sûr, ricane Haokan. Ils ont tué les Antekamis, puis t’ont détaché et escorté aimablement jusqu’au vortex, sans doute. Peut-être même qu’ils t’ont soigné !
— Né. Bien sûr que ce n’était pas ça. Ils se sont contentés de tuer tout le monde sans distinction. Mais je suis libre, fii. C’est tout ce qui compte.
Il grogne, mais n’ajoute rien. Où est son fils doux et souriant, qui disait que les kamis n’ont soif que d’amour et que cet amour devait s’étendre à tout le monde ? Comme il a changé en quelques années…
— Fii, il y a plus important. J’ai parlé avec eux, durant mon enlèvement, je sais ce qu’ils veulent. Enfin, ce que veut Gia'Suki, surtout.
— Je me contrefiche de ce qu’elle veut. Elle va payer pour ce qu’elle a fait.
— Né ! Cela suffit ! Arrête ça !
Ylang Hao élève rarement la voix, et son cri est plus terrifié que grondeur. En d’autres époques, cela aurait cependant suffi à calmer son fils. Pas cette fois :
— Toi, arrête ! Cette situation dure depuis trop longtemps ! Après tout ce qu’ils t’ont fait, ils n’ont jamais été inquiétés, et ils peuvent se permettre de t’enlever encore aujourd’hui et… Jia ? Tu veux les laisser partir avec la bénédiction de Ma-Duk, pour qu’ils recommencent encore ? C’est leurs drogues qui te manquent ?
— Comment peux-tu dire ça ???
Ylang Hao se tait avant de dire des sottises, et Haokan se tait pour ne pas déverser toute sa rage. Il sait très bien ce qu’il va faire ; cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas été aussi sûr de lui. Gia'Suki avait fait la plus grosse erreur de sa vie, mais il pouvait presque l’en remercier : cela avait balayé tous ses doutes.
Ylang Hao finit par retrouver le courage de parler :
— Fii, je t’en prie, écoute-moi.
— Je t’écoute, Mi. Mais je ne veux pas entendre d’appel à la fraternité. Pas avec ces gens, pas venant de toi.
Un vertige la saisit. Comment faire ? Les plans de l’Antekamie semblent impossibles à arrêter. Seule, elle n’y arrivera vraiment pas.
— Ukio. Pas d’appel à la paix, alors. Mais j’aimerais te demander deux choses. En premier, je souhaite retourner dans la Jungle.
— Pour te faire capturer encore ?
— Parce que c’est chez moi, et ce n’est pas négociable. Je me suis exilée durant des années pour fuir les Antekamis, je suis lasse qu’ils décident de ma vie. Ma place est parmi les zoraïs et les Kamis, et je veux servir la Théocratie. Si tu m’aides à retourner à Jen Laï, je serais heureuse, mais sinon je me débrouillerais.
Haokan grommelle, mais n’envisage tout de même pas de kidnapper sa mère à son tour pour la garder dans un endroit plus sécurisé.
— On va rassembler un peu de monde pour t’accompagner. La route est dangereuse.
— Ari'kami. Le second point… Je ne suis pas d’accord avec toi. La Théocratie a agi. Elle a emprisonné une bonne partie des Antekami Kaze, elle avait même attrapé Ezek. Elle m’a aidé à briser les chaines qui m’entravaient et m’a permis de fuir. Sans les gens de la Théocratie, les choses auraient été bien pires. Donc, je vais demander une réunion des Cercles. Nous allons trouver une réponse collective au problème.
— Depuis le temps…
— Je ne veux pas entendre de critique sur les zoraïs. Tu n’es pas Initié, c’est ton choix, mais dans ce cas, ne te mêle pas des affaires de mon pays. Si tu veux te battre contre des Antekamis, fais-le quand la Théocratie sollicitera l’aide de tous pour ça.
— Et pendant ce temps je les laisse continuer à enlever et attaquer les gens ?
Ylang Hao secoue le masque. Elle n’aime pas ce qu’elle doit lui dire, mais il faut absolument qu’il arrête. Elle s’oblige à être aussi dure que possible.
— Ils n’ont enlevé personne depuis des années. Ils ne recrutent même pas tant que ça. Ils étaient calmes avant que tu ailles les voir, aussi calmes que des Antekamis peuvent l’être. Et s’ils m’ont kidnappé, c’était uniquement pour t’atteindre, toi. Ce sont tes actions qui m’ont mis en danger.
Haokan accuse le coup, plus durement que sa mère ne l’avait envisagé. Un instant son masque se fissure, elle entraperçoit le petit Nati qui essaie de toujours bien faire, puis sa colère flamboie à nouveau et il s’écrit :
— Évidemment, ça va être ma faute !
— Pour cette fois, tu as ta part de responsabilité. J’en ai aussi. Tu veux un laï-le Ban ?
— Certainement pas !
— Alors tu attendras l’avis de la Théocratie avant d’agir. Sinon, je demanderais un mandat d’arrêt contre toi en pays zoraï.
Cette déclaration finit d’achever Haokan :
— Jia ????
— Tes actions mettent tout le monde en danger. Tu ne veux pas écouter ce que j’ai à dire, ce que j’ai appris, lao. Tu es grand. Mais je reste ta mère, et je ferais de mon côté tout ce qui est en mon pouvoir pour te protéger. Tout. Y compris t’enfermer au temple pour éviter que ton histoire avec les Antekamis ne détruise tout.
Haokan se relève, détournant son masque pour qu’elle ne puisse plus le voir. Elle se sent mal. Elle aimerait revenir sur ce qu’elle a dit, lui demander pardon. Mais elle sait que c’est ce qu’il faut faire. Elle voudrait lui dire…
— Fii…
— Je dois rester ici pour veiller à ce qu’ils ne te reprennent pas, la coupe Haokan d’une voix pleine de tristesse. Je verrais si des gens de la Lune Éternelle et de Bai Nori Drakani peuvent me relayer. Dès que possible, nous te ramènerons dans la Jungle, comme tu le désires.
— Fii…
— Je ne veux rien entendre de plus. Je ferais ce que tu demandes. Mais je ne veux plus te parler.
— Fii…
— Je vais respecter tes demandes, eny pacty, ne me parle plus.
Ylang Hao se tait, immensément triste. Elle contemple le dos de son fils qui refuse obstinément de la regarder. Enfin elle secoue le masque, essuyant ses propres larmes, et retourne à l’appartement qu’on lui prête.
Infiniment plus confortable que la mousse humide des Primes.
Il fait beau, elle savoure pleinement la lumière sur son masque. Simple moment de bonheur, à remercier les kamis de l’avoir sauvé encore une fois, à prendre des forces pour les jours qui s’annoncent.
En se retournant vers la tour, elle remarque un zoraï en train de somnoler dans un coin. Un instant la terreur la saisit, persuadée qu’ils l’ont déjà retrouvée ; et puis elle reconnait le zoraï en question et son cœur bondit de joie.
Elle s’approche avec douceur, s’assoit à côté de lui, attentive à ne pas briser son sommeil brutalement.
— Ari'Kami.
Elle adresse une prière de gratitude aux Kamis dans ce simple mot du taki.
Elle scrute son masque. Même ainsi, endormi, il n’est pas serein, serrant les poings. L’ombre qui plane sur lui voile sa lumière.
— Ho, Wa'Laï, guzu, murmure-t-elle.
Elle a compris quelque chose, là-bas dans les ténèbres, à discuter avec les filles de Gia'Suki. Mais comprendre ne suffit pas à réparer. Elle a commis tant d’erreurs, et ses tentatives pour remédier aux problèmes ont conduit à des maux encore plus grands. Si seulement prier pouvait tout arranger. Mais à défaut de changer vraiment le monde, la prière apaise. Par habitude, elle cherche son chapelet, puis se rappelle que cela fait partie des nombreuses choses que les Antekamis ont gardées avec eux.
Son fils se réveille en sentant sa présence à côté de lui. Clignant des yeux dans la lumière matinale, il met quelques instants à se remémorer où il est et pourquoi il s’est endormi dans un endroit aussi inconfortable. Puis il voit sa mère et le changement sur son masque est fulgurant :
— Mi !!!
Un instant, un très court instant, il fait mine de l’enlacer, avant de se reprendre. Ylang Hao elle-même hésite, esquisse un mouvement, puis renonce à son tour. Ils sont là, ils sont ensemble : cela doit suffire. Elle voit passer sur le masque de son fils sa joie de l’avoir retrouvé, son inquiétude pour ce qu’elle a dû vivre, sa frustration de ne pas pouvoir la serrer dans ses bras, ses questions qu’il ne formulera probablement pas, et une étrange expression de honte qui le pousse à baisser le masque. Mais sous tout cela, il y a une colère sourde, ce qui effraie Ylang Hao plus que tout. Il n’a pas de raison d’être en colère à l’instant présent.
Ils s’installent sur le ponton. Il y a des choses à dire, même s’ils prendront sans doute beaucoup de temps pour les exprimer. Elle remarque comme il reste vigilant, surveillant tous les homins qui s’approchent. Finalement c’est lui qui commence :
— Pourquoi les lacs ?
— Je suis sortie de ce côté, je n’ai pas vraiment eu le temps de choisir. Ils m’avaient emmené dans les Primes et pris tous mes pactes, toutes mes affaires. Je n’ai pas voulu risquer de les recroiser en allant au Vortex du Bosquet de l’Ombre, ni traverser cette région ensuite.
— Ça n’a pas dû être facile d’arriver ici.
— Les Kamis m’ont aidé.
Manière élégante de dire qu’elle n’a pas échappé à tous les torbaks… mais qu’heureusement cela ne signifie pas la fin du voyage.
— Comment as-tu réussi à t’évader ?
— J’ai eu de la chance. Les Kamis veillent sur moi.
Haokan grogne, sa colère flamboie un instant, mais il se retient de dire quoi que ce soit sur le sujet. Ylang Hao choisit ses mots pour raconter son histoire. Cela lui brise le cœur de mentir à son fils, de devoir se comporter avec lui comme elle l’a fait avec les Antekamis, mais il n’est pas en mesure de bien réagir à certains détails :
— Il y a des Maraudeurs qui patrouillent dans les Primes. Ils attaquent tout le monde, même leurs alliés. J’ai profité de l’occasion pour m’esquiver.
Elle voit la façon dont il sert le manche de sa hachette avec fureur, et précise :
— Ce n’est pas la peine d’aller attaquer leur camp, cela ne changera rien.
— Le tour viendra aussi, répond Haokan d’une voie glaciale qui épouvante sa mère.
— La vengeance ne résout jamais rien. Et puis leur assaut m’a aidé, tu n’as pas de raison de leur en vouloir.
— Bien sûr, ricane Haokan. Ils ont tué les Antekamis, puis t’ont détaché et escorté aimablement jusqu’au vortex, sans doute. Peut-être même qu’ils t’ont soigné !
— Né. Bien sûr que ce n’était pas ça. Ils se sont contentés de tuer tout le monde sans distinction. Mais je suis libre, fii. C’est tout ce qui compte.
Il grogne, mais n’ajoute rien. Où est son fils doux et souriant, qui disait que les kamis n’ont soif que d’amour et que cet amour devait s’étendre à tout le monde ? Comme il a changé en quelques années…
— Fii, il y a plus important. J’ai parlé avec eux, durant mon enlèvement, je sais ce qu’ils veulent. Enfin, ce que veut Gia'Suki, surtout.
— Je me contrefiche de ce qu’elle veut. Elle va payer pour ce qu’elle a fait.
— Né ! Cela suffit ! Arrête ça !
Ylang Hao élève rarement la voix, et son cri est plus terrifié que grondeur. En d’autres époques, cela aurait cependant suffi à calmer son fils. Pas cette fois :
— Toi, arrête ! Cette situation dure depuis trop longtemps ! Après tout ce qu’ils t’ont fait, ils n’ont jamais été inquiétés, et ils peuvent se permettre de t’enlever encore aujourd’hui et… Jia ? Tu veux les laisser partir avec la bénédiction de Ma-Duk, pour qu’ils recommencent encore ? C’est leurs drogues qui te manquent ?
— Comment peux-tu dire ça ???
Ylang Hao se tait avant de dire des sottises, et Haokan se tait pour ne pas déverser toute sa rage. Il sait très bien ce qu’il va faire ; cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas été aussi sûr de lui. Gia'Suki avait fait la plus grosse erreur de sa vie, mais il pouvait presque l’en remercier : cela avait balayé tous ses doutes.
Ylang Hao finit par retrouver le courage de parler :
— Fii, je t’en prie, écoute-moi.
— Je t’écoute, Mi. Mais je ne veux pas entendre d’appel à la fraternité. Pas avec ces gens, pas venant de toi.
Un vertige la saisit. Comment faire ? Les plans de l’Antekamie semblent impossibles à arrêter. Seule, elle n’y arrivera vraiment pas.
— Ukio. Pas d’appel à la paix, alors. Mais j’aimerais te demander deux choses. En premier, je souhaite retourner dans la Jungle.
— Pour te faire capturer encore ?
— Parce que c’est chez moi, et ce n’est pas négociable. Je me suis exilée durant des années pour fuir les Antekamis, je suis lasse qu’ils décident de ma vie. Ma place est parmi les zoraïs et les Kamis, et je veux servir la Théocratie. Si tu m’aides à retourner à Jen Laï, je serais heureuse, mais sinon je me débrouillerais.
Haokan grommelle, mais n’envisage tout de même pas de kidnapper sa mère à son tour pour la garder dans un endroit plus sécurisé.
— On va rassembler un peu de monde pour t’accompagner. La route est dangereuse.
— Ari'kami. Le second point… Je ne suis pas d’accord avec toi. La Théocratie a agi. Elle a emprisonné une bonne partie des Antekami Kaze, elle avait même attrapé Ezek. Elle m’a aidé à briser les chaines qui m’entravaient et m’a permis de fuir. Sans les gens de la Théocratie, les choses auraient été bien pires. Donc, je vais demander une réunion des Cercles. Nous allons trouver une réponse collective au problème.
— Depuis le temps…
— Je ne veux pas entendre de critique sur les zoraïs. Tu n’es pas Initié, c’est ton choix, mais dans ce cas, ne te mêle pas des affaires de mon pays. Si tu veux te battre contre des Antekamis, fais-le quand la Théocratie sollicitera l’aide de tous pour ça.
— Et pendant ce temps je les laisse continuer à enlever et attaquer les gens ?
Ylang Hao secoue le masque. Elle n’aime pas ce qu’elle doit lui dire, mais il faut absolument qu’il arrête. Elle s’oblige à être aussi dure que possible.
— Ils n’ont enlevé personne depuis des années. Ils ne recrutent même pas tant que ça. Ils étaient calmes avant que tu ailles les voir, aussi calmes que des Antekamis peuvent l’être. Et s’ils m’ont kidnappé, c’était uniquement pour t’atteindre, toi. Ce sont tes actions qui m’ont mis en danger.
Haokan accuse le coup, plus durement que sa mère ne l’avait envisagé. Un instant son masque se fissure, elle entraperçoit le petit Nati qui essaie de toujours bien faire, puis sa colère flamboie à nouveau et il s’écrit :
— Évidemment, ça va être ma faute !
— Pour cette fois, tu as ta part de responsabilité. J’en ai aussi. Tu veux un laï-le Ban ?
— Certainement pas !
— Alors tu attendras l’avis de la Théocratie avant d’agir. Sinon, je demanderais un mandat d’arrêt contre toi en pays zoraï.
Cette déclaration finit d’achever Haokan :
— Jia ????
— Tes actions mettent tout le monde en danger. Tu ne veux pas écouter ce que j’ai à dire, ce que j’ai appris, lao. Tu es grand. Mais je reste ta mère, et je ferais de mon côté tout ce qui est en mon pouvoir pour te protéger. Tout. Y compris t’enfermer au temple pour éviter que ton histoire avec les Antekamis ne détruise tout.
Haokan se relève, détournant son masque pour qu’elle ne puisse plus le voir. Elle se sent mal. Elle aimerait revenir sur ce qu’elle a dit, lui demander pardon. Mais elle sait que c’est ce qu’il faut faire. Elle voudrait lui dire…
— Fii…
— Je dois rester ici pour veiller à ce qu’ils ne te reprennent pas, la coupe Haokan d’une voix pleine de tristesse. Je verrais si des gens de la Lune Éternelle et de Bai Nori Drakani peuvent me relayer. Dès que possible, nous te ramènerons dans la Jungle, comme tu le désires.
— Fii…
— Je ne veux rien entendre de plus. Je ferais ce que tu demandes. Mais je ne veux plus te parler.
— Fii…
— Je vais respecter tes demandes, eny pacty, ne me parle plus.
Ylang Hao se tait, immensément triste. Elle contemple le dos de son fils qui refuse obstinément de la regarder. Enfin elle secoue le masque, essuyant ses propres larmes, et retourne à l’appartement qu’on lui prête.