ROLEPLAY


Shogaï Kushu

Ainsi se poursuivent les jours.
Terreur,
Douleur,
Désespoir,
Quotidiennement.

Cela a beau se répéter, aucune routine ne s’installe, impossible de se familiariser à ces rituelles.
Une fois, il a ramené un raspal devant nous et la torturé, avec sa cruauté habituelle.

Nous avons perdu la notion du temps. On n’a même pas le droit de mourir, de détourner les yeux : il nous revitalise avec leur magie, nous soigne nos blessures, nous nourrisse de force et nous gave de drogues stimulante pour conserver notre attention.

Progressivement meurt l’espoir de mettre fin à tout ça, de s’enfuir, de le raisonner.

Aujourd’hui, il m’a en parti brulé le masque avec une buche de braise, toujours avec son plaisir sadique.
Je n’en peux plus, je ne veux pas continuer comme ça, je le refuse…
Il a enfin fini, il s’en va hors de l’abris pour chasser. Lagezas reste dans une pièce voisine, je l’entends bricoler.
Doucement je place ma langue entre mes dents et referme progressivement mes mâchoires.
Père, mère, frère, je suis désolé : je n’en peux plus.
Je rassemble le peu de force et de courage pour me mordre… à la première reprise j’abandonne, je ne supporte plus la douleur.
Je reprends mon souffle et recommence : je serre plus fort les dents… et refais une pause.
Allez, un dernier effort et tout sera fini.
Déterminé, je recommence, je sens la sève commencer à couleur de ma langue et persiste malgré ma douleur et… une braise ! Il a laissé la buche encore brulante à côté de moi ! Je peux l’utiliser pour défaire mes liens !
Mes bras sont attachés au mur, mais mes jambes, bien que ligotés entre elles, restent libre de mouvement !

Je commence à me contorsionner pour placer les liens au-dessus de la braise, je deviens complètement hystérique face à cette lueur d’espoir. J’ai un soudain regain d’énergies, je me met en trembler et respirer fort.
Calmes toi ! Doucement ! Concentre-toi !
Délicatement, je refais une tentative, arg ! Je me suis évidemment brulé, je persiste, je commence à forcer sur mes jambes pour défaire les cordes. Mais la douleur devient trop forte et je retire instinctivement mes jambes de la braise.
Allez…
Je recommence, je sens la chaleur prendre sur mes mollets, la douleur est très forte, aigu, intense et persistante, je fais des mouvements de jambes pour me délier.
Enfin !
Les cordes ont cédé ! Mes pieds sont à présent libre ! Il ne reste que les bras attachés à la paroi dans mon dos !
Oh non ! J’entends du bruit ! Lagezas arrive !
Rapidement, je me refais en position, les jambes rapprochées, et arrête de bouger. Je ferme les yeux et je prie qu’il ne me voit pas…
Il est passé, je crois qu’il a détourné le regard de nous, qu’il ne voulait pas contempler ce spectacle.
Il retourne dans son atelier, et à l’instant où il ne peut plus me voir, je recommence, les bras maintenant !
La tâche est cette fois ci plus difficile encore, je dois me contorsionner pour passer la buche derrière moi, et faire de même pour bruler les liens, sans voir les braises.
Je me brule plusieurs fois, mais refuse cette fois ci de m’interrompre !
Allez ! Encore un effort ! Allez !
Oui !!!

Mes bras sont libérés ! Je suis libre !!

Je suis complètement ankylosé, impossible de me mettre debout pour le moment. Alors je rampe auprès d’Ukuh, avec ma buche. J’entends toujours Lagezas faire du bruit dans l’atelier… mais pour combien de temps ?
Je chuchote à mon frère « Hey ! Tu m’entends ? Je vais nous sortir de la ! ».

Il ne réagit pas, seul deux choses peuvent le faire : La torture, et mes cris…

Alors je commence à bruler ses liens… mais je le blesse involontairement, et il commence à s’agiter, à pleurer et à me demander d’arrêter bruyamment.
« Chuuuut, tais-toi, il va nous entendre ».
Rien à faire, il continue de geindre.

Je n’entends plus Lagezas travailler, seulement se précipiter vers nous… le voilà.

Je commence à paniquer, et je tends ma buche dans sa direction, essayant d’être menaçant.
Il a une lame dans la main, il va nous découper, nooooon ! Ukuh ! C’est de ta faute !

Il s’approche de nous, me bouscule et… coupe les liens de mon frère :

« Allez-vous-en ! Vite avant qu’il ne revienne ! »

Je reste figé un moment… puis j’essaye de me relever, et d’aider Ukuh à faire de même.
Il est à nouveau plongé dans un état de légume, je suis presque obligé de le porter.

On sort de cette antre de souffrance. Je suis frappé par la chaleur et la luminosité de l’extérieur. La sciure est brulante, mais je ne m’arrête pas.

L’avancé est très difficile, Ukuh est lourd, je suis bouillant à cause de la chaleur, je transpire énormément. J’ai la gorge sèche et extrêmement mal au crane. Mes blessures commencent à me faire terriblement souffrir à cause de l’effort.
Je nous dirige au hasard, je ne vois même plus correctement : seulement des dunes ondulantes qui semblent respirer.
Le vent me chuchote des histoires, des conseils, des anecdotes.

Je n’en peux plus. J’avance machinalement dans un état à moitié végétatif. Je ne sens plus la douleur, la soif ou la fatigue.

On continue d’avancer. La nuit commence à tomber.

« Mais qu’est-ce que vous faites la ?! »

Il suffit de cette phrase, de cette voie, de cette folie, pour me sortir de ma torpeur et réveiller douleurs et terreurs dans mon esprit.
Sans réfléchir, je relâche Ukuh qui s’effondre au sol, et je cours. Je ne sais pas d’où me vient cette force. Mais je cours. Mon instinct de survie m’interdit de m’arrêter. Je cours.
Dans la nuit glaciale du désert, je continue de courir, sans m’arrêter, sans me calmer, à nouveau plongé dans l’hystérie.

Je tombe, je vois un petit lézard devant moi. Je l’attrape, mord dans son ventre et commence à boire son sang, à avaler sa chaire. Je me relève.
Quand le jour se lève, je me cache à l’ombre et somnole. Quand je dors, je revois son visage atroce et je ressens ses tortures.
« Non ! Arrête ! Laisse-moi ! Je ne veux pas te voir ! Vas t’en ! »

Quand il fait nuit, je recommence à marcher. Aux hasard dans le désert. J’avale tout ce qui me tombe sous la main : parfois des brins desséchés d’herbes, des insectes, des petits vertébrés.

Je retombe dans un état primitif, agissant d’instinct : s’éloigner, se nourrir, dormir. Je ne pense plus, je réagis uniquement à mes pulsions à présent.
Quand je m’assoie, je repense à tout ça et je pleure.
Je continue mon avancé, je me cache des prédateurs, des kitins, des homins.

Progressivement, mon instinct me guide et les paysages desséchés et claire du désert se transforme en ceux de la jungle, humide et fraiche.
Je continue d’avancer, sans objectif, quand un animal qui migre.

J’arrive dans une ville. Je m’assoie contre une ruelle. Maintenant, mes journées consistent à manger les déchets qui se trouvent à ma portée, et à dormir.

Qui suis-je ? D’où viens-je ? Que suis-je ?

Je ne me souviens de rien, seul les ténèbres restent dans ma tête. Et quand je dors, je vois des bribes de souvenir, des silhouettes, je veux m’en approcher, mais elles disparaissent quand je commence à les discerner.
Ces rêves m’obsèdent, que veulent-ils me dire ?

Tu ne t’enfuiras jamais, je serais toujours avec toi, j’ai apposé mon sceau sur toi…

Mon périple de fait que commencer…
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