ROLEPLAY


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#1 [fr] 

C'était une belle matinée d'automne, et Krill inspira une grande bouffée de l'air frais et piquant des Lacs en sortant de chez elle, avant de le relâcher avec un soupir de satisfaction.
Elle aimait Atys dans toutes ses humeurs, toutes ses saisons, toute la diversité de ses paysages. Mais son cœur gardait un attachement particulier pour les Lacs.
Et l'automne était une belle saison. La meilleure pour brasser la bière.
La Trykette sourit à cette idée, en se dirigeant vers le bar d'Avendale. Qu'allait-elle faire aujourd'hui ?

Elle venait de passer une semaine à fouiller l'humus riche et humide de la Jungle, et elle commençait à mieux comprendre les subtilités du forage dans ce sol si particulier.
Mais le contact direct avec la sciure lui manquait. Un peu de forage récréatif en pays lacustre semblait donc à l'ordre du jour. De préférence près d'un point d'eau fraîche, pour y conserver les tonnelets de bière à bonne température.
Tout à passant commande auprès de Ba’Dardan Naroy, Krill réfléchissait au meilleur endroit où passer la journée.
De préférence, loin des bestioles agressives. Elle n'avait pas envie de faire la course avec un torbak ou un kirosta aujourd’hui. Et pas plus envie de devoir estourbir un clopper trop curieux.
La petite homine jeta un coup d'œil vers le nord-est, là où un repli dans la grande falaise masquait le passage vers les Lagons de Loria. Elle ne prendrait donc pas la direction du Lac Supérieur aujourd'hui.
Repassant mentalement la carte de ses sites de forage préférés, la Trykette s'avisa soudain qu'il y avait de grands vides dans ses connaissances du Lac de la Liberté. Les bouleversements liés au Second Essaim avaient profondément modifié les veines, et huit années d'exode loin de son foyer avaient émoussé ses souvenirs. Elle s'était dépêchée de re-cartographier les endroits à haut potentiel, comme la Loria ou l'Ile Enchantée, mais avait à peine commencé à noter les filons autour de Fairhaven et Avendale. Et encore. Plus par habitude de foreuse, à force de passer devant, que par volonté délibérée.
Il était temps de remédier à cet oubli.

Son programme établi, Krill salua le barman, rangea ses tonnelets dans son sac, et prit la direction de Windermeer.
Les transporteurs de New Horizon rendaient la ville bien plus accessible qu'elle ne l'avait été à une époque. Et il y avait eu pléthore de ressources, autour de la cité, avant l'Exode. Il devait bien rester quelque chose.
Sans compter que la cascade conservait l'eau de la baie toujours fraîche.

****

Krill éclaboussa un garde sur le ponton de Windermeer en contournant la cité à la nage, et rit quand il la menaça gentiment du doigt.
Il ne restait pas grand-chose des riches filons qui avaient fait la réputation de la cité auprès des jeunes foreurs de l'ouest des Lacs, avant l’Essaim. Mais elle avait quand même trouvé quelques veines, et elle était d'excellente humeur. Comme souvent quand elle forait. Quel que soit le résultat de son activité, d'ailleurs.
Elle s'était même accordée un tonnelet complet de bière, avant d'attaquer la plage au nord de la cité. Ça irait vite : elle n'était pas très grande.
Elle sortit de l'eau, essora ses couettes, et se mit à la recherche des indices qui indiquaient qu'un filon était prêt à être découvert.
Des feuilles mortes, un peu de fibre... Peut-être quelques mesures de sève... Elle commença à piocher pour confirmer ses premières impressions, mais la zone ne semblait guère prometteuse. Il ne lui faudrait pas longtemps pour en faire le tour, et aller se reposer un peu au bar de Windermeer.

Au bout de quelques coups de pioche, elle réalisa cependant qu'il n'y avait pas que des gardes avec elle sur la plage.
Un Tryker semblait promener son yubo.
Ou plutôt... Krill s'arrêta de forer un instant pour l'observer... Peut-être qu'il essayait d'éloigner le yubo ? En tous cas, il lui disait "Pssss", et faisait de petits gestes dans sa direction.
Krill le regarda un moment, amusée, tandis qu'il arpentait la plage, toujours suivi du yubo, qui ne semblait pas décidé à le lâcher.
Elle le salua poliment quand il passa à proximité, mais il ne sembla pas l'avoir entendue. Du moins, il mit quelques instants à réagir, et à réaliser qu'elle n'était pas un petit herbivore à fourrure rayée doué de parole.
Après quoi, il se lança dans une longue tirade sur l’attention immodérée et importune que les yubos, selon lui, lui portaient.

La Trykette l'écouta en souriant. Elle avait l'habitude des discours d'ivrogne, même si l'homin semblait sobre. Et celui-ci avait au moins le mérite de ne pas bredouiller.
Il se présenta, vaguement, comme un chercheur. Mais il n'avait visiblement jamais entendu parler de la N'ASA avant que Krill n'évoque la Nouvelle Académie des Sciences d’Atys devant lui.
Et quand elle tenta d'en savoir plus sur ses recherches, au cas où il aurait pu rejoindre le groupe réuni par Zorro'Argh, il éluda. Expliquant que ceux à qui il avait parlé de ce qu'il faisait avaient disparu. Ou le pourchassaient.
Cela laissa l'homine perplexe : elle soupçonnait bien que l'inconnu pouvait se révéler horripilant si on le fréquentait trop longtemps, mais elle ne voyait rien qui justifia les choses sinistres qu'il semblait impliquer.

Mais, alors que Krill hésitait entre sa curiosité et le respect qu'on doit aux secrets des autres, le Tryker sortit un étrange objet de son sac.
Un truc pour, expliqua-t-il, étaler des produits sur d'autres. Fait de poils de yubos et de caprynis, attachés au bout d'un manche. Krill observa l'objet avec curiosité, se demandant comment un homin pouvait disparaître à cause d'une chose pareille. A moins, bien sûr, qu'on n’étale quelque chose de désagréable sur la tête de quelqu'un qui n'avait pas le sens de l'humour. Mais elle avait assez l'habitude d'embêter divers individus de sa connaissance pour savoir qu'on pouvait parfaitement se passer de "l’étaleur" pour faire ce genre de bêtises.

Le deuxième objet que l'inconnu sortit de son sac était nettement plus bizarre que le premier : un couteau pour un cuisinier fyros, expliqua-t-il. Pour une raison quelconque, ce cuisinier avait souhaité une lame ronde. Fixée au bout d'un manche. Là, même l'esprit taquin de la Trykette ne put trouver de raison suffisante pour qu'on veuille faire disparaître son inventeur. Ou son commanditaire.
Tout cela ressemblait de plus en plus à une vantardise ou aux élucubrations d'un fou. Mais l'homin restait amusant, et Krill attendit patiemment tandis qu'il tirait un troisième objet de son sac.

Celui-ci semblait parfaitement normal. Une fiole.
Emplie d'un liquide, expliqua-t-il, qu'on pouvait boire. Ou étaler.
Il contenait un peu d'alcool, ainsi que tout un tas d'autres choses. Et Krill crut comprendre que c'était la cause de l'attirance des yubos pour le Tryker.
Apparemment, il en avait donné un peu à un yubo, et tous les autres s'étaient mis à le suivre pour en avoir un peu aussi.
Cela n'avait guère de sens pour la petite homine, et cela dut se voir sur son visage, car l'homin entreprit de faire boire un peu du liquide au yubo.
Il annonça, un peu théâtralement, qu'il fallait attendre que ça fasse effet. Et Krill attendit donc le temps de voir si le yubo se précipitait pour léchouiller l'homin. Ou tout autre comportement imaginable pour un yubo amoureux d'un Tryker. Elle commença d'ailleurs à en imaginer certains, de préférence de mauvais goût, pour passer le temps...

Le résultat, cependant, la laissa parfaitement abasourdie.

Le yubo disparut.
Comme ça.
Un instant, il était sur la plage, grattant la sciure de ses pattes arrières. Et l'instant d'après, il n'était plus en vue nulle part.
Krill eut beau se tourner dans toutes les directions, elle ne put trouver le petit animal.

Elle reporta son attention sur le Tryker, qui venait de passer brusquement du statut "amusant, potentiellement pénible" à "franchement mystérieux, peut-être dangereux".
Celui-ci contemplait l'endroit où s'était tenu le yubo, assez fier de lui.
Krill comprenait soudain mieux pourquoi on aurait pu en vouloir à cet homin apparemment anodin. A moins, lui souffla le côté narquois de son esprit, qu'il n'ait fait boire lui-même sa mixture aux homins disparus.
"Euh... Où est passé le yubo ?" Ça semblait une question relativement inoffensive. Même si elle ne put s'empêcher d'ajouter, parce qu'on ne se refait pas : "Et tu es sûr que les yubos te suivent ? Là, on dirait plutôt que tu les éloignes.".
L'inconnu releva la tête, observant le ciel : "Vu l’heure, dans les Plages d'Abondance, je dirais."
Krill le regarda, perplexe. Se moquait-il d'elle ?
"En plus, c'est un gros progrès. Ça n'explose plus."
Krill fronça les sourcils. Une vague idée essayait de se former, à partir du mot explosion et de la brusque disparition du yubo : "Explose ? Mais quel genre de recherches fais-tu ?"
"Les moyens de transport, la Canopée, la téléportation homine... Un peu le magnétisme zoraï, aussi, mais c'est pour l'aspect ludique."
La Trykette n'avait jamais rien trouvé de ludique au peu qu'elle savait du magnétisme, mais elle écarta cette idée pour se concentrer sur les souvenirs que ces mots, associés à l'étrange comportement du Tryker, réveillaient chez elle.
Ça datait d'avant l'Exode. Quelque chose que Kaaon avait expliqué à une réunion de l'ASA. Ou au bar. Ou peut-être à une réunion de l'ASA au bar. Quand la goo avait recommencé à se propager autour d'un avant-poste. Et qu’il avait fallu des magnétiseurs pour aider les Matis... La petite homine n'écoutait plus qu'à moitié le discours de son compagnon, une histoire de qualité de paille pour les explosions et de palefrenier zoraï qui n'avait pas fait ce qu'il fallait, cherchant dans les recoins de sa mémoire le nom de cet inventeur génial. Ou fou. A moins que ça ne soit la même chose.

"Tepsen ! Tu es Tepsen, n'est-ce-pas ?"
Le Tryker sursauta. Krill avait peut-être crié un peu fort.
Mais il acquiesça, un peu soupçonneux. "Oy".
Krill n'en revenait pas. Il fallait absolument qu'elle prévienne Zorro'Argh !
Même si elle était plus une amie de la N’ASA qu'un véritable chercheur, son fondateur et président ne pensait qu’à la science et à la recherche. Et elle savait que c’était un fervent admirateur du Tryker qui se trouvait là, devant elle, alors que plus personne n'avait eu de nouvelles de lui depuis des cycles.
Mais il la regardait toujours avec méfiance, et elle avait bien conscience qu'il avait probablement disparu volontairement pendant toutes ces années. Elle se força donc à reprendre un air calme, et lui demanda poliment si elle pouvait prévenir un de ses amis de sa présence, expliquant succinctement de qui il s'agissait.
Tepsen accorda l'autorisation sans sourciller, et Krill se dépêcha d'envoyer un izam à Zorro'argh, espérant que celui-ci ne serait pas trop loin, et qu'il pourrait arriver avant que Tepsen ne décide de tirer une nouvelle fois sa révérence.

Puis, autant pour occuper le Tryker que par curiosité, Krill reprit la conversation à peu près où elle l'avait laissée.
"La téléportation homine ? Tu veux dire que ta mixture" - Krill désigna la fiole - "fonctionne aussi sur les homins ?".
"On va voir ça tout de suite" lui répondit Tepsen, en l’aspergeant copieusement, avant que la Trykette ait le temps de réagir.
Krill protesta. "Eh ! Je n'ai aucune envie d'aller dans les Plages d'Abondance, moi ! En plus" – elle renifla ses vêtements et fit la grimace – "ça pue ton truc !"
Mais l'inventeur ne l'écoutait pas, se contenant de la regarder comme il l'avait fait pour le yubo, en déclarant "Il faut attendre que ça fasse effet."
Krill se demandait encore si elle devait prendre sa pioche et sauter sur l'inventeur, quand une étrange nausée la submergea. Le temps qu'elle rouvre les yeux, la plage de Windermeer avait disparu. Remplacée par ce qui ressemblait effectivement aux Plages d'Abondance.
Même si c'était un peu difficile à dire, depuis le milieu d'une meute de torbaks...

Ils avaient sans doute été aussi surpris que la Trykette par sa brusque arrivée. Mais ils firent vite, très vite, le point de la situation, et se jetèrent sur elle avec toute l'avidité dont ils étaient capables.
Krill n'était pas armée, pas même de sa pioche, et elle ne se faisait guère d'illusions quant à ses chances de battre toute une meute à la course. Elle tenta quand même de leur échapper, maudissant Tepsen autant que le lui permettait sa course effrénée, tandis que les griffes et les dents se rapprochaient.
Heureusement, au moment où elle espérait que sa graine de vie survivrait à l'appétit des fauves, la nausée revint, et elle se retrouva brutalement, tremblante et ensanglantée, à son point de départ.
Tepsen la regardait en souriant : "Et voilà ! Ça marche aussi sur les homines ! Et ça n'explose plus, c'est un gros progrès ! En plus, on peut revenir à son point de départ.".
Krill, qui s'apprêtait à se lancer dans une tirade acide sur le choix du point d'atterrissage, en resta coite. Encore heureux qu'elle n'ait pas explosé !
Elle commença maladroitement à fouiller dans son sac, à la recherche de pansements, et surtout de quelque chose à boire pour se calmer, quand Tepsen lui tendit une seconde fiole.
La Trykette la considéra avec méfiance, se demandant quels effets celle-ci risquait de provoquer et si ça valait la peine d'y goûter.
Tepsen lui expliqua alors que ça la soignerait et que ça lui éviterait de subir une nouvelle téléportation 10 minutes plus tard.
En grommelant, Krill avala le liquide offert. Qui s'avéra effectivement avoir des effets thérapeutiques certains, et une odeur bien plus agréable que le précédent. Impossible, par contre, de savoir à quel point il empêcha réellement une téléportation ultérieure.

Elle resta assise quelques minutes, le temps de reprendre son souffle et de s’assurer qu’elle ne risquait pas de repartir pour les Plages de façon inopinée. Et elle allait se relever quand elle avisa un ou deux yubos qui tournaient toujours autour de Tepsen.
"Hum. Dis-donc... Ta mixture... Ça attire aussi les homines ?" Krill ne ressentait pas de sentiment particulier pour l'homin, à part une vague exaspération qui refluait, maintenant qu'elle était revenue en vie sur la plage. Et toujours l’amusement un peu interloqué du début. Mais elle ne savait pas si, comme pour la téléportation, il ne fallait pas "attendre le temps que ça fasse effet". Elle n'avait absolument aucune envie de se mettre à suivre Tepsen comme un yubo. Mieux valait encore les torbaks !
La réaction de l'inventeur la fit presque rire : visiblement, l'idée d’un troupeau d'homines se mettant à le suivre à la place des yubos le paniquait légèrement.

Heureusement, avant qu'elle n'ait trop eu le temps de s'inquiéter sur ce sujet, ce ne fut pas une horde de Trykettes, mais bien un Tryker seul, qui arriva enfin sur la plage.
Zorro'Argh avait visiblement reçu le message, et accouru aussi vite qu'il le pouvait, si elle en jugeait pas son apparence.
Elle lui présenta rapidement Tepsen, découvrant au passage que les deux homins partageaient le même nom de famille, Be'Laroy. Et Tepsen ne se fit pas prier pour reprendre l'exhibition de ses inventions, en commençant par le badigeonneur, et en finissant par sa mixture de téléportation.
Utilisant même, à sa demande et malgré les avertissements de Krill, le premier pour enduire Zorro'Argh de la dernière. Les conditions climatiques, ou le sujet de l'expérience, étaient visiblement suffisamment différents pour que Zorro'Argh atterrisse au Couloir Brûlé, plutôt qu'aux Plages d'Abondance. Et il y fut accueilli par des ocyx, au lieu de torbaks. Mais Tepsen était ravi de constater que son invention fonctionnait aussi bien sur des Trykers que des Trykettes ou des yubos.
Et dès le retour de Zorro’Argh, les deux chercheurs se lancèrent dans une longue discussion à propos de diverses inventions, techniques, pistes de recherches et autres considérations philosophiques.

Krill tenta de suivre un moment leur conversation, mais elle ne se sentait pas la même fascination que les deux homins pour les explosions. Et l'odeur de la mixture de Tepsen continuait de l'agresser. Elle se dirigea donc vers le lac pour se laver, laissant Zorro'Argh admirer un étrange instrument permettant, apparemment, de couper des branches hautes.
Tout en se récurant et se frottant comme elle pouvait, elle écoutait vaguement d'une oreille le sujet dériver sur les flyners et le rapport entre l'ambre et le magnétisme. Elle secoua la tête en souriant.
Tout cela confirmait ce qu'elle avait toujours pensé : elle n'avait pas l'étoffe d'une chercheuse. Elle était bien plus intéressée, et amusée, par l'homin Tepsen que par ses inventions. Oh, elle aimait bien tester des trucs rigolos, comme la fois où elle avait fait un tour en flyner.
Mais elle ne souciait pas de savoir comment ça marchait. Surtout quand il s’agissait d’un truc qui vous envoie dans les torbaks, ou les ocyx, et qui empeste vêtements et cheveux pendant des heures. Elle reprit son nettoyage pour la quatrième fois en grommelant.
Décidément, l'eau des lacs n'y suffirait pas. Il ne lui restait plus qu'à aller à Pyr, en espérant que l'eau chaude et les savons des bains seraient plus efficaces contre les odeurs. Et en se promettant de s'arrêter chez Lydix au retour pour se remettre de ses émotions.

Elle passa saluer les deux homins, qui lui répondirent distraitement, toujours absorbés par leur conversation. Elle ramassa donc son sac, et déchira un pacte pour Pyr en souriant.
Quoi que fasse Tepsen par la suite, elle connaissait un homin qui allait avoir beaucoup de choses à dire à la prochaine réunion de la N'ASA...

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Peu importe que la chope soit à moitié vide ou à moitié pleine, tant qu'on a le tonneau.

#2 [fr] 

[ Lordolh Krill, Tepsen-portation ! ]

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Lak She Me / La Lune Eternelle

#3 [fr] 

Suite de la rencontre vue et narrée par Zo'ro-Argh

Zo'ro-Argh avait besoin de dépaysement, de quitter pour un temps les Lacs et d'aller méditer sous d'autres cieux, car chaque saison, chaque terre apportait sa source d'inspiration. En effet, la NASA commençait à fonctionner et il avait donc à remplir les charges de sa mission alourdie par la présence d'Atysiens aux dialectes variés. Il avait besoin de calme pour rédiger ses rapports, et depuis qu'il n'avait plus d'appartement il campait de-ci de-là. Parfois, lorsqu'il était fatigué, ce qui n'était pas rare, il se rendait dans la capitale des Trykers où il était presque sûr de rencontrer Kaaon qui l'avait hébergé après l'hécatombe qui avait frappé la guilde Hoodo. Quand ils se rencontraient au bar, parfois, ils se taisaient longtemps, comme de vieux amis qui n'ont pas besoin de remplir les vides que laisse le silence. Et lorsqu'il se sentait vraiment mal, il savait qu'il pouvait se rendre dans l'une des salles libres de la halle de guilde des Talodis pour se reposer à l'abri du temps, des bêtes sauvages, des bandits et des maraudeurs.

Mais il y a moins d'une saison, Kaaon sortit de ses réflexions.

— Zorro, il va falloir défendre l'Académie tryker

— Ah?

— Les choses ont un peu changé dans les lacs

— Je sais...

— L'assemblée tryker qu'on connaissait avant se retrouve être une assemblée taliari d'Avendale

— Mais ça ne risque pas d'être incompatible avec la NASA qui est politiquement et religieusement neutre ?

Zo'ro-Argh était ennuyé. Il était tryker de sève, et d’ailleurs en avait acquis beaucoup l'esprit qu'il ne reniait d'ailleurs pas sous prétexte de neutralité. C'était d'ailleurs précisément l'un des corollaires des deux premières lois de Hoodo qui promouvaient l'art de la différence sans dissension, la symbiose, l'idéal des hoodo qu'il continuait à défendre.

— Non justement, expliqua Kaaon, c'est juste la branche tryker. Il faudra proposer le projet aux autres villes et nationalement pour assurer le soutien des scientifiques trykers comme Nili la botaniste ou Winny le météorologue ou d'autres encore...

Depuis, Zo'ro-Argh se promenait dans la jungle, essayant de renouer avec les souvenirs du passé qui étaient particulièrement nombreux dans cette région d'Atys. Cela lui permettait aussi de mettre de l'ordre dans ses pensées et de réfléchir au propos de Kaaon...

Ce soir-là, il s'abrita sous un jayazeng de la cité Jen-Laï, lorsque deux izams se percutèrent à ses pieds. Le premier rempli le cœur de Zo'ro : Rajaaar était de retour. Le deuxième le fit sursauter : Krill lui annonçait sa découverte. Elle était tombée nez à nez avec Tepsen et essayait de le retenir pour que Zo'ro-Argh ait le temps de le voir et de discuter avec ce chercheur qui l'intriguait depuis longtemps.

Sans hésiter, il remballa son matériel de camp dans son barda et se téléporta à Fairhaven. En se précipitant vers le stand de la « New Horizon » où il déboursa avec un pincement au porte-dappers le voyage pour Windermeer, il eut à peine le temps de saluer de loin ses deux amis de la diaspora hoodoi, Sylwa et Rajaaar, et faillit bousculer un certain homin patricien du nom de Kemen, affublé du gigantesque sceptre lumineux — peut-être encore un objet à étudier à la NASA. Dans son affolement, il eut quelque peine à rejoindre la plage au nord de la cité, car il avait perdu son acuité visuelle et ne distinguait plus les berges, aussi se cogna-t-il la tête à un ponton en nageant dans la mauvaise direction après avoir quitté l'étable de la compagnie de voyage.

C'est tout essoufflé qu'il arriva enfin à rejoindre Krill et le personnage qui l'accompagnait : Tepsen.

Il entendit à l'arrivée la voix de Krill : « … les Trykettes, y ne sais pas. Mais voilà un Tryker »

Après les traditionnelles salutations, Krill enchaîna ; « Lordoy, Zo'ro-Argh. Laisse-moi te présenter Tepsen... »

Ce dernier regarda intensément le chercheur de la NASA et mit dans l'embarras le timide homin qui se demandait s'il essayait de se rappeler quelque chose.

Tepsen Be'Laroy secoue la tête laissant perplexe Zo'ro-Argh qui avança pour voir les réactions du Tryker : « Nous avons le même nom... » .

Mais ce fut Krill qui réagit en ouvrant tout grand les yeux : « Y ne savais pas! Vous êtes parents? »

Zo'ro-Argh sauta sur l'occasion, car il était convaincu que lui et Tepsen étaient de la même famille... ne fusse qu'à cause de leur passion commune pour la recherche scientifique : « Avec un nom pareil... je le crois... »

— J'ai connu beaucoup de Tepsen, répondu celui qui était devant Krill et Zo'ro. Deux, quand j'étais jeune.

— Et de Be'Laroy? se risqua Zo'.

En vain, le chercheur de la NASA sentait que cette quête d'identité n'aboutirait pas surtout quand il entendit Tepsen dire à Krill : « Il n'a pas l'air d'un chercheur. On dirait un homin qui revient d'une promenade dans la jungle plutôt. »

— Je n'aime pas me vanter, mais je suis le fondateur de la N'ASA, fit Zo'ro-Argh un peu vexé.

— Oy c'est ce qu'il parait.

C'était suffisant pour décourager Zo' — momentanément, car il était particulièrement tenace — qui, de surcroit, était troublé par les regards sévères que Krill jetait sur ses amplis.

— Mes amplis sont les instruments d'un guérisseur, bougonna Zo'ro-Argh, tout en les retirant pour obéir à la dame, et malgré tout persuadé qu'un homin comme Tepsen était au-dessus de ces considérations futiles.

D'ailleurs, ce dernier, lui, se promenait avec un objet des plus étranges à la main. À première vue, Zo' avait pris cela pour une bouteille de bière, objet fréquemment présent dans la main droite des trykers quand ils ne se battent pas.

— Vous avez là quelque chose d'intéressant... À quoi sert l'objet que vous tenez en main?

— Le couteau fyros, une commande d'un cuisinier ?

— L'autre...

— Ah, ça?

— Oui, ça !

— C'est un étaleur. Je peux faire une démonstration.

— Un étaleur ? Mmmm... D'accord, faisons une démonstration, accepta le chercheur insatiablement curieux.

— Euh ! An ! Ce n'est pas la peine ! C'est pas une bonne idée, Zorro ! S’exclama Krill essayant de protéger Zo' d'un danger inconnu.

— Et ne t'avise pas d'essayer, d'ailleurs ! Menaça-t-elle du doigt Tepsen.

— On peut vérifier si ça fonctionne, répondit ce dernier, sur un ton aussi détaché que s’il avait dit lordoy à un yubo.

— J'ai confiance, Krill. Et puis, c'est pour la science...

La trykette leva les yeux au ciel en maugréant pour elle-même : « Ben j'espère que t'aimes les Torbaks.... »

— Non, même assaisonné avec un étaleur de sauce tryker, répondit Zo' qui avait entendu.

— Dommage... Y espère juste que le retour marchera aussi....

Zo'ro-Argh haussa les épaules avec un brin de bravade pour masquer son inquiétude croissante: « Je dois voir pour croire. »

— Pour la science, il faut savoir sacrifier des mektoubs, renchérit Tepsen.

Le genre de phrase qui met mal à l'aise !

Krill s'énerva : « Pousse-toi, toi. Tu n'es pas obligé de le suivre, tu sais... » gronda-t-elle aux yubos qui trainaient dans nos jambes.

— Krill, tu notes bien tout ? Murmura Zo'ro-Argh qui craignait vivre un moment... sans retour.

Tepsen versa une mixture sur l'étaleur, une odeur particulièrement... Zo' hésitait entre bouse ou musc de mektoub.

Le tryker à l'étaleur puant huma l'air. Zo' pensait que c'était pour mieux sentir l'air frais des Lacs au-delà du parfum imposant de la mixture et fut étonné de l'entendre dire comme on juge l'origine d'une bonne boisson: « Couloir brulé, je dirais... ».

Puis, Tepsen badigeonna Zo' sous le regard parfois coquin de Krill.

Au travers des odeurs et autres impressions désagréables, Zo'ro Argh eut l'impression d'entendre une dernière fois la voix de Krill : « Ah. Pas de torbaks, alors. Des kiros, je dirais... ». Et Zo'ro de rêver de reine kitine avant de sombrer dans une mort noire...

Quelques longues minutes après, Zo'ro-Argh se réveilla dans une région chaude et sèche, relativement calme, car il n'y avait aucune bête dans les environs. Sur la pointe des pieds, il sortit d'une espèce de grande caverne et là découvrit... des ocyx, prêts, évidemment, à l'ocyxre. Pourtant, il était expert à la fuite... mais les horribles bêtes étaient trop nombreuses. À peine croqué en deux coups de mâchoire, il fut téléporté là d'où il venait, vivant, et en entier.

— Ça va, Zorro ? s’écria Krill en se précipitant vers le revenant.

— Fascinant! répondit ce dernier un peu éberlué.

Krill se recule un peu : « Ne me dis pas que je sens comme ça. Beurk... » et Zo'ro-Argh en voulut à Tepsen de créer des potions aussi répulsives. « Quoique, pensa-t-il, en diminuant la concentration, le musc pourrait être un parfum agréable... »

— C'est mieux qu'avant, oy ! apprécia Tepsen.

Immédiatement, il renversa une autre potion sur l'homin en expliquant laconiquement : « Hop avant que ça reparte. » Encore étourdi par voyage à la Tepsen, Zo'ro-Argh ne réagit même pas. Quant à Krill, à la fois soulagée et agacée par tant de bizarreries du génial inventeur, singea celui-ci : « Oy. Ça n'explose pas ! »

— Je n'ai jamais vu la mort de si près. Les « Oxi », ce n'était rien à comparer avec le voyage, bafouilla Zo'ro-Argh qui se remettait de ses émotions.

— Ne me dis pas que tu veux recommencer ? S'étrangla Krill.

— Non... quoique... mais... on maitrise bien la destination, Tepsen?

— Pfff... Quand je dis que je ne suis pas une vraie chercheuse, hein...

— Oy! dans les grandes lignes, répondit Tepsen.


En vain, Zo'ro-Argh tenta d'obtenir la formule de la potion. Ils parlèrent de tout, d'inventions pratiques, de théories audacieuses et même de politique... Mais Tepsen resta hermétique quant à sa formule, et le temps passant devint même inquiet de rester trop longtemps au même endroit. Il avala donc sa potion.

— Attention, moi, ça m'a secoué! dit avec Zo'.

— Il faut le temps que ça fasse effet … Toi, tu n'as pas bu la même...

Et Tepsen Be'Laroy disparut en disant : «Je me souviendrais de toi Krillorro.»

Ce fut bien plus tard que Zo'ro-Argh comprit «Krillorro». Tepsen avait une aussi mauvaise mémoire des noms que lui... et il avait mélangé Krill et Zo'ro en un seul mot...

En attendant, il fallait en parler à la N'ASA...(compte rendu et texte)

Last edited by Zorroargh (1 decade ago)

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Zo'ro Argh
Chargé de recherche dans la guilde du Cercle du Bois d’Almati.
Ambassadeur des Rangers auprès des Matis.
Président de la N’ASA et fondateur de Hoodo.

#4 [fr] 

Les Contrebandiers étaient relativement accueillants, tant qu’on ne fourrait pas son nez dans leurs affaires. Et comme Krill “oubliait” en plus assez souvent des bouteilles de bière ou d’autres objets chez eux, ils la laissaient aller et venir à sa guise dans le camp.
Ils la débarrassaient même des ragus un peu trop curieux qu’elle ramenait parfois à ses basques.

Elle s’installa donc discrètement dans un coin du camp après avoir salué Derus Krinn et se mit à fouiller dans son sac.
Après un certain nombre de tâtonnements infructueux, elle finit par le renverser carrément à même la sciure et par étaler son contenu sur le sol.
Au milieu des bouteilles, des outils, des vêtements de rechange, et de tout un fatras de matériaux divers, elle dénicha finalement une feuille de papier pas trop froissée et à peine tâchée.
Quelques minutes de fouille supplémentaires ramenèrent une plume ébarbée mais fonctionnelle, et un flacon d’encre pas complètement séchée.
Elle reliquéfia l’encre avec un peu de bière (l’eau avait tendance à croupir dans son sac, donc elle avait arrêté d’en transporter), et se mit à écrire.
‘doy Stcentor.
Y ai croisé Tepsen aujourd’hui. Il est toujours à la recherche de son yubo.

Krill s’interrompit et leva les yeux vers le drone de la Karavan qui survolait le camp. « Il peut tout surveiller », avait dit Tepsen. « Yubos, kitins, homins… »
Tepsen ne faisait pas confiance aux Puissances. Et même si la Trykette ne partageait pas forcément sa méfiance maladive, elle n’avait pas l’intention d’attirer des ennuis à un compatriote.
Mais ils avaient discuté à portée du drone, donc le machin était forcément déjà au courant de ce qu’elle allait écrire. Et Tepsen n’avait pas paru plus inquiet que ça.
Elle reprit sa plume.
Apparemment, il l’aurait perdu à l’Île Enchantée, il y a quelques années, et il est persuadé que quelqu’un l’a retrouvé, et se promène avec dans les Lacs.
Il n’a pas été vraiment explicite sur comment reconnaître le yubo en question,

Krill s’arrêta avec une grimace.
Tepsen était peut-être – bon d’accord, il était sûrement – un génie sur un paquet de sujets, mais il manquait singulièrement de sens pratique sur certains autres. « Unique sur tout Atys », il avait dit.
« Il ne craint pas les zerx et autres bestioles du même genre. »
C’est sûr qu’un yubo qui ne risquait pas de se faire manger par un zerx, c’était assez unique. Mais elle se voyait mal agiter le yubo de Stcentor sous le nez d’un prédateur pour voir ce qui se passait…
Et c’était à peu près tout ce qu’elle avait comme indication.
à part que c’est une femelle, qui ne ressemble à aucun autre yubo, et qui a un de ses outils à l’intérieur.

Ça aussi, ça laissait la Trykette perplexe.
Apparemment, le yubo n’avait pas mangé l’outil : Tepsen l’avait “mis dedans”.
Et il lui fallait son yubo pour que ça marche mieux, mais il considérait qu’ouvrir le dit yubo pour vérifier si l’outil était bien là était un moyen d’identification tout à fait approprié…
Elle secoua la tête. Ah ces génies…

Bizarrement, elle aimait bien Tepsen.
Même si la moindre discussion avec lui la mettait sur les dents. Impossible d’avoir un semblant de suivi dans la conversation. Son esprit partait dans tous les sens, et elle se retrouvait ballottée comme un fétu sur les Lacs au milieu d’une tempête à essayer de le suivre.
La preuve, elle n’avait même pas trouvé le moyen de lui parler du seul de ses sujets d’expérience qui l’intéressât un tant soit peu : le ba’to.
Elle soupira. Au moins, il ne l’avait pas enduite de son truc nauséabond cette fois-ci.
Encore que… S’il l’avait vraiment amélioré au point de pouvoir envoyer quelqu’un au bar de Thésos comme il le prétendait…
Mais non. L’odeur de ce truc pouvait probablement faire tourner n’importe quelle bière. Mieux valait éviter de se pointer au bar comme ça si on ne voulait pas se faire abattre par Pecus.

L’encre séchait. Elle reprit son griffonnage.
Je ne connais pas beaucoup de yubettes apprivoisées, mais je me demande si ça ne pourrait pas être la tienne.

Tepsen n’est vraiment pas doué pour retenir les noms,

Krill ricana. C’était un euphémisme…
mais il essayera peut-être de te contacter. Alors je préfère te prévenir avant, histoire que tu aies une chance de comprendre de quoi il cause s’il arrive à te trouver.

Krill regarda sa feuille presque remplie et le bazar étalé à côté d’elle. Les nécessaires d’écriture ne faisaient pas partie de son barda habituel. Elle n’allait pas pouvoir écrire une deuxième lettre tout de suite.
Pourras-tu prévenir Zorro’argh si tu le croises avant moi, pacty ?
Il me semble qu’il cherchait un moyen de retrouver ce yubo.

Et s’il avait eu autant d’indications qu’elle, il n’était pas étonnant qu’il n’ait pas eu plus de succès.
Et puis, il aura peut-être une idée pour vérifier cette histoire d’outil sans ouvrir ta pauvre yubette.

Seelagan
Krill

PS : N’oublie pas la bière pour la passation de titre ! Et préviens Lerya qu’Eto veut un bisou de la future Miss Atys, sinon elle risque de le décapiter avant qu’il ait fini sa phrase. Ça lui éviterait d’avoir d’autres mauvaises idées, mais un maire sans tête, ça fait pas plus sérieux qu’un Kard’al invisible.

Krill roula rapidement la feuille et entreprit de ranger son sac. Enfin, de tout fourrer dedans sans rien oublier dans la sciure.
Il ne lui restait plus qu’à trouver un izam pour envoyer son message.

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Peu importe que la chope soit à moitié vide ou à moitié pleine, tant qu'on a le tonneau.
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