РОЛЕВАЯ ИГРА


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#1 [fr] 

Assis au sommet de la Souche, Mazé'yum profitait des derniers éclats du luminaire en fumant une longue pipe. C’était un petit plaisir qu’il s’accordait rarement, mais le moment s’y prêtait.

Tout était en place. Tout ce qu’il devait faire avait été fait. Il n’y avait plus qu’à agir, à donner le coup d’envoi. Le plan était simple dans sa mise en œuvre, complexe dans ses implications ; au-delà d’un certain stade, il se refusait à prédire quoi que ce soit. Mais les chances qu’il avait de s’en sortir vivant étaient, quoi qu’il arrive, extrêmement faibles. Alors, quitte à mourir, autant le faire d’une façon qui aurait un peu d’impact. Un sacrifice n’a aucune utilité s’il se fait discrètement.

Il se demandait si les deux fyrettes avaient transmis son « offre ». Probablement pas. Quand bien même, aucun risque que Nikuya et les siens acceptent. Ça ne méritait pas de s’y attarder…

Repenser aux messagères lui remémora Eeri. Quel dommage que la fyrette ait croisé son chemin si tard ; mais leur collaboration avait été fructueuse. Eeri avait eu une belle vie, elle avait même trouvé le temps de faire des enfants, ce qui montrait quelle homine de valeur elle était. Et à présent elle était en route pour rencontrer les anciens compagnons de Mazé'yum, pour leur faire passer son héritage. Il espérait qu’ils lui feraient bon accueil… et qu’elle arriverait à les rejoindre. Jusque là, son trajet semblait se dérouler sans problème majeur. Un petit sourire se dessina sur son masque en se remémorant la lettre qu’elle lui avait envoyée. L’humour particulier de la fyros avait frappé : tous les coursiers avaient eu l’occasion de voir cette feuille en apparence blanche, le courrier ayant évidemment été ouvert à un moment ou un autre de la route. Mais personne ne l’avait « lu ». Du reste ce qui était écrit, une fois l’encre révélée, n’était rien d’important : juste les grandes lignes du voyage jusqu’à Fort-le-Phare. Il espérait qu’elle aurait le bon sens de se débarrasser de certaines de ses marchandises avant d’aller plus loin. La bombe à goo, surtout. La fyrette avait été têtue et avait refusé d’entendre que ce n’était pas une monnaie d’échange mais plutôt une potentielle déclaration de guerre et les Maraudeurs se montreraient un peu plus tatillons que les Rangers. En attendant, ce courrier l’avait fait rire, parce que c’était une façon absolument parfaite de mettre en application certaines de ses leçons. Comment dire que son compagnon est un bodoc qui ne regarde pas plus loin que son nez ? Que les homins rencontrés jusque là sont une bande de naïfs imbéciles et inoffensifs ? Que cette partie du voyage s’est révélée étonnamment facile pour la guerrière ? Tout simplement en envoyant une lettre si blanche qu’elle aurait dû paraître suspecte à toute personne de bon sens, au lieu de cacher son véritable texte en écrivant par-dessus des banalités à l’encre ordinaire. Certes, tout ça pour coucher sur le papier des poncifs quand même, ce qui était aussi une preuve du génie de la fyrette ; si quelqu’un avait révélé l’encre, alors un autre message aurait été transmis, celui selon lequel les homins de la Route n’étaient pas si idiots. Vraiment l’une de ses meilleures élèves. Si seulement ils pouvaient tous être comme elle… mais, dans les jeunes, tous étaient un peu idiots.

En même temps, à leur âge, il ne brillait pas par son esprit non plus. Plus que certains, certes ; jamais il n’avait atteint l’insondable stupidité capricieuse de Nikuya par exemple. Mais il avait tout de même fait son lot de bourdes et pris son temps pour comprendre des leçons qui, aujourd’hui, lui semblaient d’une évidence absolue. Son maître avait été d’une grande patience… Raison pour laquelle il essayait aussi d’être patient avec ses élèves, même si l’envie était parfois grande de les plonger dans la goo et de les laisser s’y décomposer. Certains avaient peu de chance d’aller loin, d’autres finiraient probablement par faire une bêtise qui leur vaudrait une mort stupide et douloureuse, trop tôt pour avoir accompli quoi que ce soit. Mais peut-être que dans le lot, l’un d’eux se révélerait au fil du temps, reprendrait son héritage, et amènerait la science et l’hominité dans son ensemble à un nouveau stade.

Une grande partie de son savoir était actuellement disséminé un peu partout sur l’Écorce. L’en déloger serait comme d’essayer d’enlever tous les exemplaires d’une plante : un long travail qui ne pourrait jamais être achevé avec certitude. La Karavan allait bien finir par tomber dessus et les adeptes des Kamis découvrir le pot aux rosaes. Mais lorsque ce serait le cas, il serait trop tard. Les Trytonnistes avaient la clé, ainsi que quelques homins des Nouvelles Terres, et bientôt peut-être les gens des Anciennes Terres. Ni le feu, ni la goo, ni la traque ne détruiraient tous les exemplaires ; et même si tous les initiés venaient à disparaître, n’importe quel curieux pouvait redécouvrir le secret. Ce savoir n’était qu’un jalon sur la longue route menant l’hominité à sa délivrance et à sa survie, et peut-être que cela ne suffirait pas à faire face à la catastrophe qui s’annonçait, mais il avait fait de son mieux ; il aurait juste aimé avoir quelques années encore pour affiner le travail, pour transmettre plus.

Avoir atteint un âge aussi avancé que le sien tenait du miracle à bien des égards. Les Pourpres dépassaient rarement la cinquantaine, pour les plus chanceux. Il s’était toujours montré prudent, maniéré même pour certains… qui étaient morts aujourd’hui, tandis que lui avait survécu. Il avait pris des risques calculés tout au long de son existence, tout en n’hésitant pas à recourir aux solutions extrêmes lorsque cela semblait pertinent. Il était à l’aube d’une grande découverte, il était certain d’arriver d’ici quelques décennies à peine à déverrouiller certains aspects de la graine de vie, mais il était improbable qu’on lui laisse le temps d’achever ces recherches. Tout ça pour quoi ? Pour une gamine qu’il avait surestimée. Son désir de trouver des légataires parmi les Antekamis, sa tribu natale, l’avait aveuglé. Un sentimentalisme stupide, une envie idiote de prouver que cette sève valait mieux que ce que tout le monde en pensait. Mais ce n’était pas le cas. Le monde avait raison, les Antekamis ne produisaient que des dégénérés, à peine capables d’être des outils le temps d’une mission ; la folie était inscrite dans leur culture, et il fallait en extraire les jeunes bien plus tôt pour avoir une chance de les faire changer de destin. Nikuya et Nokkuya venaient d’une bonne lignée, de kwai forts, indestructibles ou presque, elles lui avaient donné l’illusion d’être plus intelligentes que la moyenne ; mais il les avait eus trop tard pour les sauver. Bien trop tard. Nokkuya encore n’était pas si mauvaise ; un peu paresseuse peut-être, trop portée sur la violence aveugle et les drogues comme les autres de sa tribu, et définitivement trop loyale à sa sœur, mais elle faisait une assistante acceptable. Mais Nikuya… rien à faire. Cela enrageait Mazé'yum de se remémorer cette longue trajectoire aboutissant en cul-de-sac. Jamais il n’avait toléré tant de bêtises de la part de quelqu’un ; résultat, la petite ingrate n’avait rien appris et pensait que le monde se plierait à ses désirs éternellement. Il aurait dû lui donner une vraie leçon dès la première fois, mais à l’époque Gia’suki avait tellement plaidé en sa faveur qu’il avait passé l’éponge. Après cela, l’Antekamie était devenue kamiste, Éveillée même, et cela durait un peu trop pour mettre ça sur le compte d’une rébellion adolescente. Elle lui avait créé des soucis avec les Pourpres, avec Gami, avec les Maraudeurs, évidemment avec la Théocratie aussi ; il avait passé plus de temps à réparer ses erreurs qu’à travailler sur ses propres projets. Et elle n’avait rien appris. Rien.

Ce qu’il sermonnait à tous ses apprentis, et qu’aucun ne voulait entendre, c’est que toute chose devait être payée. Agir avait un prix ; rester inactif en avait un aussi. Quelqu’un payait, toujours. Parfois le tarif n’était pas très élevé, parfois celui qui payait n’était pas celui qui avait initié l’action, mais il y avait toujours un moment où il fallait payer. Cette fois, lui-même devrait payer le fait d’avoir été si laxiste avec Nikuya, et elle paierait le prix de ses inconséquences. Et beaucoup, beaucoup de gens paieraient avec eux…
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