ROLEPLAY


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#1 [fr] 

Nikuya marchait dans Zora, dissimulée dans son armure. Elle passa devant le temple et fut prise d’un familier sentiment de dégoût. Ce n’était pas seulement le Dévoreur tapis en son sein qui lui provoquait cet étrange malaise. Quelque chose d’autre lui donnait une mauvaise impression sans qu’elle puisse dire exactement quoi. Elle repensa à la dernière conversation qu’elle avait eu avec l’autre masque pourpre.

« …les messagers n'ont pas une grande espérance de vie et leur fin est systématiquement tragique.»

À croire que l’homin se savait condamné d’avance, destiné à brûler pour avoir rechercher le savoir. Pourtant, il jouerait son rôle jusqu’au bout.

« Te considères-tu comme une messagère? »

Elle avait eu envie de répondre oui mais cette destinée ne concordait pas avec ses projets. Les jumelles avaient l’intention de vivre longtemps, il y avait certaines choses qu’elles ne pouvaient pas se permettre de faire. Il avait raison, les messagers ne vivent pas longtemps.

La prochaine assemblée des Cercles arrivait à grand pas et l’Antekami ne savait pas à quoi s’attendre. Nikuya jouerait sur le fait que Sève essayait depuis un moment déjà de rallier les Antekamis à sa cause. La Sage, plus jeune et plus dégourdie, avait des idées de conquête déguisées en actes de rédemption. Une victoire comme celle-là pouvait ébranler les tribus pourpres du Pays Malade. Si elle parvenait à purifier ne serait-ce que quelques masques déchirés, elle parviendrait à faire peur aux autres et tranquillement les diviser.

La parole irait à Ylang Hao.

Curieusement les jumelles n’éprouvaient aucune animosité contre l’Initiée. Elles estimaient que le fait d’être en vie et saine d’esprit après tout ce qu’elle avait endurée forçait le respect. Elle s’était montrée indomptable et tête de toub, comme n’importe quel Antekami bien qu’elle n’en fusse jamais une. Nikuya admirait comment elle avait refusé d’être brisée, n’importe qui d’autre se serait donné la mort depuis longtemps.

Elle se dirigea vers le sous-sol de la mairie de Zora et enleva son casque pour méditer.

***


*Note hrp pour ceux que ça intéresse. Les jumelles ont lacéré leur masque de la même façon puisqu’elles ont cette volonté de rester identiques jusqu’au bout. Les entailles sont faites comme des scarifications tribales et non pas de manière désordonnée ou hasardeuse. Concrètement nous avons choisi le tatouage Gravure de Cho (même si c’est paradoxal!) puisque c’est celui qui se rapproche le plus de l’impression générale que nous voulons donner.

Dernière édition par Nikuya (il y a 2 ans).

#2 [fr] 

Ce n’est qu’une fois la porte de son appartement refermée qu’Ylang Hao laissa sa crise d’angoisse s’exprimer. Roulée en boule, terrifiée, elle sanglota un long moment avant d’arriver à se reprendre.

Quelle idée de se mêler de ces choses-là !

Peut-être qu’elle devait écouter son fils. Demander asile encore une fois loin de la Jungle, dans une tribu kamiste, changer de tatouage et de coiffure, et espérer qu’on ne la retrouverait pas. Ça avait bien marché la dernière fois… Jusqu’à ce que Haokan aille réveiller les fantômes du passé.

Elle connaissait suffisamment les Antekamis pour savoir qu’elle était dans un danger mortel. Pas juste parce qu’elle était la mère d’Haokan ; non, ça, ce n’était pas une grande menace. Désagréable, mais gérable. Tant qu’elle n’était qu’un outil, un moyen de pression à leurs yeux, un élément secondaire, le degré d’infamie qu’ils pouvaient trouver était limité. Elle n’avait pas envisagé être autre chose ; les seuls qui auraient pu avoir un avis différent étaient morts.

C’était pour cette raison qu’elle avait discuté avec Nikuya. Elle ne se faisait pas d’illusion sur l’homine, mais il y avait tout de même un espoir, un infime espoir, que sa jeunesse lui permette de voir au-delà de la vision déformée de sa tribu. Vu l’ambition de la zoraïe-goo, peut-être que cela amènerait les Antekamis à être une tribu moins désagréable à l’avenir. Quant à en ramener certains dans la Théocratie… Il y avait des précédents, bien sûr, et si quelqu’un pouvait y arriver, c’était bien la Sage Sève, mais Ylang Hao était persuadée d’une chose : si un jour quelqu’un comme Nikuya proclamait qu’elle voulait devenir Initiée, il faudrait la surveiller de très, très près.

Ylang Hao se méfiait, tout en poursuivant un objectif simple : combattre les Antekamis à sa façon, non pas par la guerre, mais en leur montrant un autre chemin à emprunter, plus pacifique, sans souffrances. Rien de compliqué ! Il s’agissait de témoigner un peu de douceur à cette homine qui ne devait pas en avoir eu beaucoup et de partager avec elle des moments agréables pour que les zoraïs ne soient plus des ennemis à ses yeux. Malgré sa défiance, elle s’était mise à bien aimer Nikuya ; ce qui était aussi bien, car il fallait de la sincérité pour espérer changer le cœur de quelqu’un.

Elle n’avait pas songé qu’en faisant cela, elle pourrait être vue comme « intéressante ».

Que les Kamis prennent en pitié ceux que les Antekamis trouvaient intéressants… Ils s’acharnaient toujours avec une obstination sans borne sur ce genre de proie.

Une vie à essayer d’être juste une ombre, à ne jamais attirer l’attention, et voilà qu’elle mettait tout en l’air en souriant à une homine au masque déchiré. Comment aurait-elle pu imaginer que cela allait suffire...

Nikuya avait montré son véritable masque, un court instant. Ylang Hao avait eu l’impression de revoir celui de Fakuang lorsqu’une proie lui résistait. Cette terrible frustration à attendre quelque chose de quelqu’un et que ce dernier refuse… Et toutes les implications que cela aurait.

L’Initiée avait réussi à ne pas fuir dans la foulée. Et l’Antekamie avait compris qu’elle abattait trop rapidement son jeu. Aucune des deux ne souhaitait que la partie se termine si vite. Mais Ylang Hao ne voulait pas de tels enjeux. Elle avait déjà assez souffert comme ça.

Quelle alternative avait-elle ?

Elle pouvait s’enfuir. Sève saurait se débrouiller de cette jeune cheffe. Mais la Sage ne connaissait pas les Antekamis comme Ylang Hao les connaissait et elle risquait de payer cher cette ignorance. Les conséquences retomberaient sur des homins innocents.

Si elle restait, elle pourrait peut-être continuer à aider la Théocratie. Mais elle ne pouvait pas le faire en demeurant anonyme. Or elle savait maintenant que Nikuya s’intéresserait à ses actions ; qu’elle serait de plus en plus passionnée si Ylang Hao commettait l’erreur de « réaliser son potentiel », et de plus en plus désagréable si l’Initiée s’y refusait.

La seule solution moralement acceptable était de persévérer sur son chemin, de tenter de détourner l’Antekamie de sa tendance au sadisme. Seulement, à présent, réussir devenait absolument nécessaire. Cela allait dans la direction d’un Wa Ma'lian, et elle ne pourrait pas y échapper en courbant la tête…

Se doigts effleurèrent son chapelet, dans ce geste routinier qu’elle avait lorsqu’elle cherchait du réconfort. Prier l’aiderait à traverser tout cela. Cela lui remit en mémoire la rencontre précédant l’altercation avec l’Antekamie, et Ylang Hao s’accrocha à ce souvenir bien plus agréable quoique déroutant.

Trouver Nair'Jazzy à Zora avait été une surprise ; un instant, elle avait songé qu’il venait réclamer le paiement de l’ancienne dette. Mais il ne l’avait pas reconnu et la raison de sa présence était toute différente. Il voulait apprendre à méditer et pensait qu’elle pouvait l’aider. Ylang Hao doutait d’être la personne la plus appropriée, cependant elle devait tant à cet homin et sa famille qu’elle ferait tout ce qu’elle pouvait pour répondre à sa demande. Cela rétablirait peut-être un peu d’équilibre.

Elle se mit à égrener son chapelet, composant une prière pour Jazzy. Mieux valait se concentrer sur ce qui était agréable, et laisser de côté le reste sur lequel elle n’avait pas un grand pouvoir. Les Kamis la soutiendraient dans toutes ces entreprises ; ils donnaient toujours du sens à ce qui arrivait.

#3 [fr] 

Le mauvais pressentiment d’Ylang Hao s’était cristallisé. Il était temps de mettre la Théocratie au courant. Dès qu’elle fut en état de tenir une plume, Ylang Hao écrivit sa lettre à Sève. Mais à mesure qu’elle posait ses mots sur le papier, elle s’interrogeait sur ce qu’elle devait réellement faire.

Après l’attaque, elle avait songé fuir dans un endroit où Nikuya ne la trouverait pas. Seulement, elle s’était aussi engagée à aider Jazzy dans sa recherche de méditation. Que faire ? Peut-être, rester au maximum enfermée chez elle et proposer au tryker de l’y retrouver ? Il faudrait bien qu’elle sorte pour refaire son stock de provisions, tout de même… La réunion des Cercles n’était pas pour tout de suite.

Elle reprit sa lettre, corrigea quelques fautes et signa. Il n’y avait pas grand-chose à ajouter. Cependant, un léger doute l’arrêta avant de confier la missive à un izam.

Ne pas agir dans la précipitation. Ylang Hao savait que les décisions qu’elle prendrait dans l’urgence, sous le coup de l’émotion, pouvaient s’avérer mauvaises après une bonne nuit de sommeil. Laissant le message sur sa table, elle tourna en rond dans son appartement un moment, avant de se poser pour méditer, puis de s’endormir enfin.

La nuit fut agitée. Les cauchemars familiers étaient de retour, enrichis de détails récents. Elle n’était pas vraiment calmée au réveil : la peur lui tordait le ventre et elle n’avait qu’une envie, fuir au Nexus et retrouver la sécurité du camp de l’Arbre Éternel. Mais c’était une mauvaise idée. À présent, tout le monde savait qu’elle avait trouvé refuge là-bas durant des années et c’était l’un des premiers endroits où les Antekamis chercheraient. Ensuite… Elle ne voulait plus fuir. Elle ne voulait plus qu’ils décident de sa vie, même en creux.

Ce qu’elle voulait, c’était prier les Kamis en paix et participer à la vie de son pays. Elle voulait pouvoir partager un chaï avec ses voisins et aller au marché sans crainte. Ce n’était tout de même pas des demandes excessives !

Elle relut la lettre à Sève. Il fallait que la sage soit prévenue. Pourtant… à bien y réfléchir…

Ylang Hao comprenait en partie ce qui se passait. Ce n’était pas simple de donner du sens à la folie des Antekamis et elle pouvait se tromper. L’acte de Nikuya sonnait le glas des relations diplomatiques… mais la jeune fille en était-elle consciente ? Après tout, ce qu’elle avait fait était une façon normale de réagir dans sa tribu. Modérée, même ; c’était des sorts de confusion et de sommeil qu’elle avait lancé, pas d’acide ou d’électricité. À tout prendre, plus de peur que de mal.

Pour la peur, c’était réussi, car l’Initiée était terrifiée, au point d’en oublier que Nikuya n’avait très probablement vu ça que comme un jeu, voir une marque de reconnaissance.

Et après ? Même si c’était ça, qu’est-ce que ça changeait ?

Cela changeait tout. Qu’elle le veuille ou non, Ylang Hao était la plus qualifiée pour servir d’ambassadrice auprès des tribus à goo, et elle savait à quel point il était important pour Sève de ramener le maximum d’égarés dans les rangs de la Théocratie. Si Ylang Hao espérait être une bonne Initiée, elle devait rester et faire ce qu’il fallait. C’était elle seule qui pouvait décortiquer les complexes nuances de l’amour-haine antekamie. Il y avait de quoi rendre fou n’importe quel zoraï… mais elle avait réussi à garder sa santé mentale (plus ou moins) jusque là, dans des circonstances bien moins favorables.

Elle recommença sa lettre à Sève, modifiant quelques passages avant de la sceller dans une enveloppe. Puis elle en rédigea une seconde pour l’Antekamie. Elle s’y reprit à plusieurs fois avant d’arriver à écrire sans que ses tremblements ne se transmettent à sa plume.

Elle sortit enfin de son appartement. Elle salua le gardien de son immeuble, et lui confia le message pour Sève, avec mission de la faire parvenir à sa destinataire si jamais elle ne réapparaissait pas dans les deux jours.

— Tu as des soucis, miko ?
— Je vais essayer de les régler, kito.
— Il y a des drôles de rumeurs qui circulent…
— Tout s’éclaircira aux Cercles. Tout ira bien.

Elle aurait voulu y croire.

Elle se rendit ensuite à l’herboristerie, regardant avec attention autour d’elle dans la crainte de voir arriver un Antekami. Jen-Laï était paisible, il y avait uniquement ses habitants ordinaires.

Enfin, quand elle se sentit prête à affronter Nikuya, elle envoya son izam. Il était temps de passer à une nouvelle étape des négociations.

#4 [fr] 

Nikuya était prise d’une violente fièvre, le poison dans son organisme la tourmentait et elle fini par se maudire d’être aussi tête de mektoub. Elle avait refusé l’antidote parce quelle était convaincue qu’endurer la douleur la rendrait plus forte. Plus tôt, son état physique avait fini par déteindre sur son mental et elle avait refusé d’entendre l’Initiée. Lors de sa discussion avec le Karavanier, l’Antekami avait reproché la passivité d’Ylang Hao et voilà qu’elle la laissait tomber à son tour. Rien ne faisait de sens. Lorsqu’une trouvait le courage de parler et trouver des solutions, l’autre se braquait puis les rôles s’inversaient.

 

L’homine n’était plus en contrôle de rien. Tout était en train de s’écrouler, il n’y avait plus que les ténèbres.

Nikuya se leva péniblement et s’emmitoufla dans un grand manteau capuchonné. Elle sorti de ses appartement, la nuit était tombée et l’air frais l’apaisa un peu. Elle marcha nu-pieds jusqu’au temple de Zora et s’installa devant la fontaine. 

 

Des heures durant, elle resta éveillée sans dire un mot. 

Dernière édition par Nikuya (il y a 2 ans).

#5 [fr] 

Ylang Hao méditait chez elle. Elle était si fatiguée. Tant de choses se passaient, elle ne savait plus que croire.

Les kamis étaient une valeur sûre, la seule chose de stable dans son existence.

Elle repensait à cette assemblée. Elle devait en faire le compte-rendu pour les générations futures, mais par où commencer ? Quel bazar ; quelle horreur. Rien de tel ne serait arrivé du temps de l'Éveillée Fey-lin. Elle n'aurait jamais permis ça.

Quoi que, à bien y repenser...

Prise d'un doute, Ylang Hao se releva et se rendit aux Archives. Les minutes des Cercles précédents étaient là ; certains exemplaires avaient été perdus, mais le principal restait. Si de nombreuses assemblées avaient été paisibles, voire lénifiantes, il y avait tout de même eu d'autres cas d'assemblées bien plus chaotiques encore.

Son regard tomba sur cette assemblée fatidique où Pao-Len était morte. Elle se souvenait clairement de ce jour. Cela relativisait vraiment la dernière assemblée. Yui, il y avait beaucoup de problèmes aujourd'hui. Mais rien d'aussi terrible.

Pour le moment.

En entendant Eeri parler, des éléments épars avaient trouvé du sens dans l'esprit de l'Initié. C'était une intuition qui demandait à être confirmée, mais elle ne devait pas être ignorée. Quelque chose se dessinait, qui dépassait les habituels conflits avec les Antekamis.

Il y avait tant à faire, et hélas les évènements ne se calmaient pas. Elle ne savait toujours pas si elle avait raison de faire confiance à Nikuya, si cette dernière n'allait pas la trahir de la façon la plus cruelle qui soit ; mais elle devait accepter les preuves de bonne foi de l'Antekamie. La jeune fille s'était encore une fois opposée à sa mère pour aider l'Initiée ; elles avaient combattu, Nikuya avait été empoisonnée. Ce qui se passait entre elles désolait Ylang Hao : il n'est jamais bon que parents et enfants s'opposent, et cette fois la kamiste était à l'origine de leur brouille. Le malheur de ses ennemis ne pouvait pas la réjouir, elle n'était pas ce genre d'homine.

Tant de chose à faire...

Il devenait urgent de se poser et d'écrire, afin de résoudre chacun de ces problèmes, les uns après les autres.

D'abord, son devoir envers la Théocratie, répondre à la demande de Sève. Ylang Hao savait qu'il lui manquait des éléments, mais elle voyait tout de même la voie qu'il fallait emprunter pour le moment.

Et il y avait aussi le compte-rendu de cette assemblée. Un cube d'ambre pour garder l'ensemble de la scène dans les archives zoraïes, et une version plus concise pour l'affichage public.

Ensuite, discuter avec Eolinius. L'Initiée ne pouvait pas supporter que les Bai Nori Drakani se brouillent avec la Théocratie ; ils l'avaient aidé à revenir à Zora après son enlèvement par Gia'Suki et elle avait une dette envers eux. Il fallait prendre le temps de remettre les choses dans l'ordre. Nul doute que les mensonges des zoraigoo avaient contaminé les Lacs, vu ce que l'ambassadeur avait déclaré. Elle ne pouvait pas laisser ces choses s'installer.

Enfin, comprendre le tableau d'ensemble. Ayant vécu longtemps à la frontière de deux mondes, l'Initiée savait où chercher. Elle n'avait pas vraiment envie de renouer avec ce passé et surtout pas d'attirer l'attention de certains groupes, mais comme avec les Antekamis, elle ne pouvait pas simplement renoncer au combat et faire comme si de rien n'était. Une troisième lettre fut écrite et confiée à un izam.

Toutes ces tâches accomplies, il restait encore bien des choses à faire. Discuter avec Ashuleila pour comprendre son incroyable comportement ; aider Jazzy à méditer et trouver la paix, et peut-être là aussi, à un moment, assumer la dette qu'elle avait envers lui ; prendre soin de la relation fragile qu'elle avait avec Nikuya ; tenir Sève au courant de ce qu'elle ne pouvait exposer en public (mais le ferait-elle ? Sève comprendrait-elle ce qui s'était passé ?) ; essayer de savoir ce que devenait son fils ; enfin, peut-être, essayer de trouver des Initiés qui auraient le potentiel d'être Éveillés. Dextrelame était un homin de grand savoir, mais il ne pouvait pas tout porter seul. Il fallait d'autres Éveillés pour ramener l'équilibre dans la Théocratie. Mais qui pouvait assumer ce rôle ?

#6 [fr] 

Masque surgi du passé, ramenant une cohorte de fantômes dans sa traîne.

Champs de pourpre à l’infini, monotones et délétères.

La peur, la peur qui lui tordait les entrailles, qui l’empêchait de bouger, de respirer. Terreur absolue, nourrie par la certitude que tout finissait toujours par empirer. Toujours.

Suffocante, Ylang Hao émerge de son cauchemar, retrouvant le décor familier et épuré de son appartement de Jen Laï. Moment de confusion, le temps de laisser la réalité faire refluer peu à peu les illusions qui la poursuivent dans son sommeil.

Quelqu’un fredonne doucement à côté d’elle. Un chant apaisant, qui l’a sorti du dédale de ses songes, qui tente à présent de calmer les battements de son cœur.

Elle se souvient, elle lui a demandé de rester pour la nuit. Pour ne pas être seule, espérant que sa présence chasserait les mauvais rêves.

Elle lève le regard, voit le masque atrocement mutilé. Dans ce moment entre sommeil et éveil, les deux sentiments se télescopent. Horreur et soulagement, reconnaissance et envie de fuir. Elle se sent comme un yubo entre les pattes d’un ragus ; comme un yubo qu’un ragus aurait choisi de protéger de tous les autres prédateurs.

Étrange paradoxe que de s’en remettre à la fille de son pire tortionnaire pour faire fuir le fantôme de ce père et de ses semblables.

Elle referme les yeux, futile tentative pour dissimuler les émotions de son masque. Il ne reste que la voix, cette voix si belle qui la berce.

La peur reflue à mesure que son souffle s’apaise. Alors qu’elle se rendort, tout dans son corps et son masque exprime l’abandon et la confiance absolue qu’elle place en celle qui veille sur son sommeil.

#7 [fr] 

Nikuya parcourait les cités de l’Intuition, montée sur le dos de son gubani. Le métier de cartographe était un prétexte idéal pour permettre à sa bête de dégourdir ses longues pattes. Aucun danger n’était vraiment réel dans cette région, à part elle ou l'ermite qui méditait à la sortie de la ville. Elle lui apporta de la nourriture et la déposa, respectant le silence de l'homin, avant de repartir. L'homine au masque mutilé pensait que le mieux était de le laisser en paix. Malgré sa terrible réputation, il n’avait montré aucun signe de violence quelconque depuis qu’il était réapparut. Peut-être que cela faisait parti d’une manoeuvre à long terme visant la Théocratie mais Nikuya avait du mal à y croire. Elle sentait bien les intentions des autres prédateurs et celui là ne semblait pas en chasse. Elle en parlerait tout de même aux Éveillés et aux Sages le moment venu.

L’Antekami posa sa main sur le chapelet que lui avait offert Ylang Hao. Les billes chantaient au gré du galop de sa monture. Un jour pluvieux au bord des Eaux Paisibles, l’Initiée lui avait fait promettre de ne jamais lever sa main sur elle. Curieuse demande. Quelle victoire pouvait représenter un acte aussi bas de toute façon puisque l’homine n’était ni guerrière, ni mage. Si frêle, si fragile et pourtant... Nikuya avait promis et dans un petit coin de sa tête, sans en prendre pleinement conscience, elle avait aussi fait le choix de la protéger. 

Elle aimait l’emmener au temple pour qu’elle puisse prier ses démons kami, l’accompagner au marché, prendre le chai sous le jayazeng. Faire des choses qu’elle ne faisait pas avant, qui lui semblaient dénuées d’intérêt tellement elles étaient simples. Elle aimait contempler cette douceur infini sur le masque d’Ylang Hao.

L’Antekami s’enfonçait dans son rêve.
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