ROLEPLAY


Fin de partie

Garder un masque égal. Résister à l'envie de mettre son casque pour se laisser aller à ses émotions. Plus tard.

Pour le moment, il n'y avait pas la place pour ça. Il avait des devoirs à remplir, des gens qui comptaient sur lui. Il ne pouvait pas craquer. Pas maintenant.

Le répit avait été de courte durée. Pendant quelques semaines, il avait cru que l'espoir était permis. Quelques semaines de pur bonheur, où il s'était permis de rêver. Les kamis n'aiment pas les rêveurs, il le savait depuis longtemps. Du jour au lendemain, la situation s'était dégradée, et puis... Et puis l'inévitable était arrivé.

Les souvenirs d'Haokan étaient flous, et il n'avait aucune envie d'aller les explorer. Zhen avait été malade. Probablement une des cochonneries qu'il prenait. Haokan s'inquiétait de ce que le malaise de son mari ne passe pas et comment gérer les overdoses des drogués ? Autant demander à un autre drogué. Feinigan étant le plus proche, il était allé le voir, laissant Zhen aux bons soins du barman...

Feinigan n'était plus en état de répondre à la moindre question. Il y avait près du chevet une lettre, à son nom. Haokan avait mis un moment à la voir. Combien de temps était-il resté là, près du lit, figé, tétanisé face à l'immobilité macabre de son ami, tenant cette main trop froide et trop rigide dans la sienne ? Un temps infini, c'était certain. Cela avait été douloureux de se remettre en mouvement, de détacher son regard du visage du tryker. Cette expression, sur ses traits, allait hanter ses nuits.

Il avait pris la lettre, certain que Feinigan avait trouvé une dernière blague à faire. Si ce petit con pouvait se réveiller en criant "surprise !".

Mais il n'y avait aucune chance que cela arrive.
Lettre de Feinigan à Haokan
Désolé, mon chou.

J'ai tourné ça dans tous les sens, mais je me suis dit que tu m'en voudrais encore plus si je disparaissais sans que tu saches où j'étais, ou si je laissais un autre s'occuper de ça. Et puis il n'y a qu'à toi que je fais vraiment confiance. La famille, c'est sympa, mais les miens ne sont pas du genre à respecter les dernières volontés.

Ne laisse pas ma graine de vie tomber entre leurs mains. Entre les mains de personne. Juste toi. Elle t'appelait Mayu'kyo, si tu te souviens ; et il n'y a que mon mayu'kyo préféré qui peut comprendre. J'ai prévenu d'autres gens, tu auras sans doute des alliés, mais ne fait réellement confiance à personne. Je ne veux pas être le jouet de ce genre de blague, mais tu sais les gens que j'ai pu taquiner au fil du temps ; certains pourraient trouver l'occasion irrésistible. Ou pire, penser bien faire.

N'en veux pas trop à Canillia. Merci au passage d'être allé la chercher ; j'aurais été trop déçu de partir de ce monde sans goûter une seule fois à ses cocktails. Elle pourrait faire fortune comme dealeuse, si elle abusait un peu moins de ses produits. Son truc m'aura donné le petit coup de boost pour finir ce que j'avais à faire. Mais Gami n'allait pas attendre éternellement son dû. Faut bien payer un peu, parfois...

Je ne t'abandonne pas complètement, promis. J'ai laissé dans ton placard un coffre, au fond, derrière tes vieilles fringues que tu ne te décides pas à virer... Ça devrait t'occuper pendant quelques années. Ouvre-le quand tu te seras débarrassé de mon corps. Attends pas des années non plus.

Pour le reste, y'a tout ce qu'il faut dans l'armoire près de l'entrée. J'te laisse fouiller. Si tu lis les lettres que j'ai prévues pour les autres, veille à bien refaire le cachet, hein ? Qu'ils aient pas l'impression que t'as été indiscret.

J'ai pas souffert. Promis. Tu me connais, je suis pas con à ce point. C'est Néjimbé qui m'a filé l'idée. Elle m'a raconté une blague terrible l'autre jour, j'ai cru que j'allais mourir de rire, et là j'ai compris que c'était la bonne mort. Mourir de rire, c'est la meilleure. Et je suis certain que personne n'a parié sur ce genre de fin ! N'en veux pas non plus à Zhen de m'avoir fourni de quoi me poiler jusqu'à la fin ; il savait pas ce que j'avais en tête. Si tu veux rire aussi, demande à Néjimbé de te raconter la blague. Mais ne la laisse pas seule avec moi, hein ? Elle est capable de tout.

J'ai une dernière volonté (en plus des dispositions funéraires, on en a causé, tu sais quoi faire). C'est même mon dernier ordre. Reste loin du Promontoire du Vide. Si ça te titille, bois une bière à mon souvenir, okal ?

Et n'abandonne pas les enfants. Ils n'y sont pour rien, ils ont encore besoin de toi même s'ils commencent à être assez grands pour faire leurs bêtises tous seuls. Mais il faut encore un Wawa qui les réconforte quand ils se brûlent à jouer avec le feu.

Je t'aime, mon chou. J'aurais voulu te rendre heureux encore des années, mais ça, ce sera le boulot de Zhen à présent.

Vis.

F.

Zhen... Zhen malade au bar... Mais il n'allait pas mourir (et en se disant ça, Haokan avait senti une angoisse terrible l'envahir ; est-ce qu'il allait lui aussi mourir ? Était-ce le retour de sa malédiction ?). Zhen allait se débrouiller tout seul, sur ce coup, à assumer d'avaler toutes les cochonneries du Cercle Noir, des Illuminés et d'on ne sait quelle autre bande de toxicos.

De façon mécanique, Haokan avait préparé le corps selon des instructions reçues bien longtemps auparavant. Il avait dû s'y reprendre à plusieurs fois pour arriver à incanter le sort, mais il y était arrivé. Puis il avait rangé l'appartement et fait un grand ménage. Il avait trouvé, là où Feinigan le lui avait indiqué, une pile de lettres et quelques feuilles de diverses instructions. Il n'y avait qu'à les suivre, sans se poser de questions. Le tryker d'habitude si bordélique avait été un modèle d'organisation sur le sujet, et Haokan lui en était reconnaissant. Arrêter de penser, il savait faire, c'est ce dont il avait besoin pour le moment, d'autant qu'il n'y avait rien de neuf dans tout ça. S'enfoncer dans un grand néant, le masque vide, repousser aussi longtemps que possible les émotions...
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