ROLEPLAY


Les fables de Feinigan

Feinigan progressait dans les hautes herbes, avançant avec précaution. Derrière lui, le zoraï dépassait largement et voyait mieux ce qui pouvait les attendre.

— Et si je grimpais sur tes épaules ?
— On va se faire repérer plus vite par les prédateurs…
— Encore mieux, tu les tapes et vu que je suis sur tes épaules, ils peuvent pas me toucher, et je peux me concentrer pour te soigner.
— Feinigan, né. Tu ne monteras pas sur mes épaules, c’est une idée absurde.

Quelques kilomètres plus loin, le tryker savourait le monde à hauteur de zoraï. Plus haut, même. C’est vrai que ça changeait de perspective, de surplomber les choses comme ça. Sa « monture » ronchonnait un peu pour la forme, mais ne semblait pas vraiment fatiguée de ce poids en plus sur les épaules. Le plus long avait été de trouver les arguments pour le convaincre, et de les répéter en boucle jusqu’à ce qu’il cède.

Quelle bonne idée il avait eu de l’embaucher ! Ça n’avait pas été facile, mais c’était son meilleur coup de l’année. Et maintenant, c’était parti pour quelques mois de pur bonheur, loin du monde.

Quitter les Nouvelles Terres avait été un peu difficile. Cela voulait dire renoncer, au moins temporairement, à quelques conquêtes et quelques aventures passionnantes. Mais si Feinigan restait en vie depuis tant d’années, c’était aussi parce qu’il savait quand il était temps de prendre le large. Les choses commençaient à s’accumuler un peu. Entre la Compagnie (ou plutôt, Néjimbé qui lui avait donné une mission « simple » et à laquelle il avait une furieuse envie de déroger), le Cercle Noir, les Fyrakistes, la famille Royale, la tentative pour refaire les arbres généalogiques de Dexton, quelques trucs ici et là… ça s’accumulait un peu trop.

Ce qui l’avait décidé était surtout l’humeur massacrante de Mazé'Yum.

S’il y avait une chose dont le tryker était certain, c’est qu’un ultimatum donné par un membre du Cercle Noir était à prendre au sérieux. Il aurait été plus sensé de ne pas franchir la frontière que le zoraï avait tracé, mais c’était teeeeellement tentant ! Maintenant, il valait mieux fuir et espérer que dans quelques mois ou années, le chercheur aurait oublié les raisons de sa colère. Après tout, c’était juste une toute petite blague… pas de quoi s’énerver à vie.

L’avantage qu’il avait, c’est qu’il savait précisément « quand » le zoraï-goo déciderait de lui faire la peau. Il avait donc envoyé une lettre d’adieu à Néjimbé, puis préparé un grand panier plein des pâtisseries de la place Frogmore, pour emmener à son Antekamie favorite. Elle n’était hélas pas là, et il n’avait pas pris le risque de s’attarder. Les autres avaient été prévenus depuis plusieurs jours.

Son sac fut vite fait ; il se promenait généralement avec l’essentiel sur lui. On pouvait se moquer du style des pantalons matis, mais leurs grandes poches étaient vraiment géniales. Il y avait cependant un gros colis qu’il devait emmener… et qui ne rentrerait pas dans une poche.

Il avait employé ses dernières heures dans les Nouvelles Terres à chercher son bodoc de zoraï, et à le convaincre de venir.

Feinigan se mit à chantonner dans les oreilles de sa monture :
— Un kilomètre à pied, ça use, ça use…
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