Lore & Chroniques


Contes et Légendes d'Atysoël

Conte, par Kyriann - Veillée des contes d'Atysoël de l'année 2606 de Jena (29/12/2019)



Lillipukin et le botaniste

Il était une fois un lutrykin tellement petit que le Père Atysoël ne savait pas très bien quoi faire de lui.
S’il lui demandait de conduire le traîneau, les mektoubs ne bougeaient pas d’un millimètre, s’il l’envoyait à l’atelier de fabrique des jouets, il manquait se faire écraser par les yubos en peluche et ne parlons pas d’aller récolter quoi que ce soit, un simple morceau de sciure le faisait vaciller.
Alors il préférait le percher sur son bonnet, au moins là, il ne risquait pas de le perdre.
Et notre lutrykin s’ennuyait, perché sur le bonnet, sans avoir la moindre chance de participer à toute cette agitation.
Et voilà qu’une année, juste avant Atysoël, alors que l’agitation était à son comble, le Père Atysoël se retrouva bien embêté. Il fallait impérativement porter un message à Ke-Piang Geoi, un colporteur qui se trouve généralement au Vide, mais absolument personne n’était disponible. Le Père Atysoël se lamentait, désespéré, quand il entendit une petite voix pépier :
— Mais, moi, je pourrais porter le message ! Je voudrais tellement aider !
Le Père Atysoël sursauta. Il faut bien dire que, dans toute cette agitation, il avait un peu oublié son petit lutrykin.
Il le prit dans ses mains et le mit devant son visage puis réfléchit, réfléchit, réfléchit…
— D’accord, je n’ai pas d’autre solution… Lillipukin, je vais te confier une mission essentielle. Tu vas aller demander à Ke-Piang Geoi où il a mis ma commande. Tu vas partir sur le dos d’un des mektoubs. Il t’amènera à la Forteresse de la Contemplation. Quand tu auras la réponse, tu crieras « OOOOOOOOH ! » dans l’oreille du mektoub, et il te ramènera ici. Tu as bien compris?
— Oui ! pépia Lillipukin. Merci Père Atysoël ! Tu seras content de moi, je te le promets !

Aussitôt dit, aussitôt fait, Lillipukin est transporté au Vide à toute allure.
Mais arrivé à la Forteresse, force est de constater que le colporteur, lui, n’est pas là.
— Mais comment vais-je faire ? Je ne peux pas repartir sans la réponse ! J’ai promis au Père Atysoël de la lui rapporter.
— Allez toi, avance, il ne doit pas être loin !
Mais Lillipukin a beau taper de toutes ses forces et tenter de secouer les rênes, le mektoub ne bouge pas d’un poil.
— Par les couettes de Jena, il va falloir que je me débrouille sans toi !
Quand il était énervé, notre lutrykin n’était pas très poli ! Mais nous lui pardonnerons cet écart de langage, la situation était difficile.
— Tant pis, je descends. J’arriverai bien à trouver un moyen de remonter.
Il s’accroche à la trompe et commence à descendre, quand le mektoub, agacé par une démangeaison, se retourne brusquement et envoie le pauvre Lillipukin dans les airs.
— AAAAAH ! crie Lillipukin avant de s’écraser dans la pente.
— Ouille ouille ouille ! Lillipukin se relève tant bien que mal et commence à remonter la pente, effrayé à l’idée que le mektoub soit reparti vers le Père Atysoël à cause du cri.
Quand enfin il parvient au sommet, épuisé par la course, il retrouve, soulagé, le mektoub qui n’a pas bougé.
Lillipukin en tombe sur l’herbe.
— Pfff ! Je suis exténué.
Il s’adosse contre une tige de fragaria et ne tarde pas à s’endormir de fatigue.

— Hummmmmmm, mais qu’est-ce donc que cette excroissance ?
Lillipukin se réveille en sursaut et voit penché sur lui un énorme œil d’ambre.
— AAAAAAAAAAAAAAAH ! crie-t-il.
— OOOOOOOOH ! crie l’oeil d’ambre. Et dans un grand fracas, une grande masse tombe à terre tandis que Lillipukin voit s’envoler le mektoub d’Atysoël.
— Nooooon ! Mais il est trop tard.
Lillipukin se retourne vers la masse en tas. Il s’aperçoit que ce qu’il a pris pour un œil est une sorte de lunette et que le reste de la masse correspond à un immense matis en train de s’asseoir.
— Mais qu’est-ce qu’il t’a pris de crier comme ça ? Par ta faute, le mektoub est parti et moi je suis coincé ici et le Père Atysoël ne me confiera plus jamais rien !!!
Des sanglots secouent le petit lutrykin de la tête au pieds.
— Je suis vraiment désolé, Ser, si ma présence a causé le moindre problème. Puis-je me permettre de m’en enquérir ? C’est, comment dire, la première fois que je croise une entité de votre espèce et cela m’a surpris, je dois bien l’avouer. J’ai cru pendant un instant avoir découvert une nouvelle variété de fragaria mais je ne connais aucune plante capable de pousser un tel cri ! Je manque à tous mes devoirs ! Je suis Tolo Di Niolo, modeste botaniste du Karan.
— Lillipukin, lutrykin du Père Atysoël et présentement, tellement plein de problèmes, que je ne sais pas si je m’en sortirai un jour.
Et Lillipukin raconte tout, la demande du Père Atysoël, le colporteur disparu et le mektoub envolé.
— Hum, je vois. Est ce que vous me permettriez d’essayer de vous trouver une solution ? J’ai une idée qui me trotte dans la tête depuis que je vous ai vu, mais c’est un peu expérimental !
— Je suis prêt à n’importe quoi pour arriver à prouver que je peux servir à quelque chose !
— Alors voilà mon idée. Peut-être avez-vous déjà remarqué qu’il existe, au Vide, des petits animaux volants avec des hélices. Certains sont verts. Je les appelle des héliarachnes. Ils sont très rapides. Je me disais qu’ils ont juste la bonne taille pour vous servir de monture. Et si vous parvenez à en dompter un, vous pourriez alors vous déplacer à votre gré et retrouver Ke-Piang Geoi pour lui délivrer le message du Père Atysoël.
Le lutrykin bondit sur ses pieds.
— Ouiiiii ! Quelle merveilleuse idée. Allons sur le champ tenter d’en capturer un !
Lillipukin retombe assis, découragé.
— Mais s’ils sont si rapides, comment peut-on en attraper un ?
Le Matis a un sourire en coin.
— Ne vous inquiétez pas trop. Je sais bien que je ne paie pas de mine mais, du fait de mes recherches, j’ai développé une certaine aisance dans la capture de ces petites bêtes. Il y a, juste au dessus de nous, tout ce qu’il faut pour la capture.
— C’est un dorao, on le reconnaît à son long tronc et aux lianes qui pendent de sa frondaison. Avec les lianes et une branche, je peux construire un filet.
Tout en expliquant, Tolo Di Niolo saute pour attraper une ou deux lianes et commencer à les tresser entre elles, fabriquant le filet à la vitesse de l’éclair.
— Et voilà, je suis prêt. Voulez-vous grimper sur mon épaule ? Je connais un coin, un peu plus bas dans la pente, où on trouve souvent des héliarachnes.
Lillipukin bien accroché à son armure, le botaniste s’élance dans la pente, le filet prêt, et, d’un coup d’une habileté certaine, capture une héliarachne.
— Et hop ! Voyons voir notre prise.
Tolo s’empare habilement de la petite bête pour la montrer à Lillipukin toujours perché sur son épaule.
Deux yeux rouges globuleux, un corps tout rond vert brillant et un toupet en forme d’hélice, Lillipukin trouve la petite bête très sympathique.
— En avant Messire Lutrykin, grimpez sur votre monture !
Lillipukin s’installe sur le dos de l’héliarachne et Tolo libère la petite bête qui se met à faire des bonds dans le ciel, espérant désarçonner ce voyageur non désiré. Bientôt, ils disparaissent de la vue de Tolo qui commence à craindre le pire pour son petit compagnon.
Lillipukin, lui, s’accroche désespérément au toupet pour ne pas tomber malgré les vrombissements rageurs. Les virages et autres loopings s’enchaînent mais la prise ne lâche pas ! Il faut dire que le petit lutrykin était habitué à se cramponner au bonnet du Père Atysoël dans toutes les circonstances et avait donc un formidable entraînement. Petit à petit, le rythme des cabrioles ralentit et Lillipukin peut envisager de diriger la manœuvre en déplaçant délicatement le toupet. Il passe près d’un groupe d’autres héliarachnes qui viennent entourer Lillipukin et sa monture, les suivant comme aimantés.
Lillipukin jubile, trop heureux de son dressage et entraîne tout le groupe vers Tolo pour le remercier.
Il le voit, alors, remontant la pente à toute allure, poursuivi par un zerx qui l’a pris en chasse. Il presse sa monture et la lance, ainsi que tout le groupe, à la tête du zerx, vrombissant, tournant, aveuglant et déboussolant la bête immonde par leurs cabrioles. Le botaniste court se mettre à l’abri. Le zerx finit par tomber, essayant d’attraper les héliarachnes qui l’aveuglent, et par rouler au bas de la pente.
Le botaniste est sauvé !
Lillipukin peut se présenter, fièrement monté sur son destrier, devant son ami.
— Je ne pourrai jamais assez vous remercier, messire Lutrykin.
— Tu rigoles botaniste ! Tu viens de me faire le plus beau des cadeaux d’Atysoël, tu m’as rendu ma liberté et la possibilité d’être un lutrykin à part entière. C’est moi qui te dois tout !
La voix profonde et grave du Père Atysoël résonne alors.
— Oui, c’est un cadeau merveilleux que vous vous êtes faits mutuellement.
— Oh ! Père Atysoël ! Tu es là ?
— Quand j’ai vu le mektoub revenir tout seul, je me suis douté qu’il s’était passé quelque chose et je suis arrivé au bon moment pour voir ce combat épique. Tu es un valeureux lutrykin, Lillipukin ! Va vite maintenant trouver Ke-Piang Geoi et rentre à l’atelier ! Ton Héliarachne est tienne à jamais. Quant à toi, Botaniste, je ne peux te faire un don assez précieux pour te remercier d’avoir rendu la joie de vivre à mon petit lutrykin mais j’espère que les bardes chanteront cet épisode longtemps.

C’est la fin de mon histoire mais la prochaine fois que vous irez au Vide, regardez bien si, sur le dos d’un héliarachne, vous ne voyez pas un petit lutrykin, et souvenez-vous de son ami botaniste.
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