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[Nations & Neutres] Congrès Académique de Pyr

Intervention de Tao Sian

Tao Sian
Chers collègues, je tiens à renouveler l’expression du plaisir que je ressens à être aujourd’hui avec vous, et je remercie l’académie impériale d’avoir organisé ce congrès.

Tao Sian passe sa besace de guérisseuse à l'épaule, retrousse ses manches et s'avance, attitude qui lui confère soudainement une grande autorité.

Mes connaissances sur les kitins restent bien modestes comparées aux vôtres, je suis avant tout une guérisseuse qui s'occupe des souffrances des homins.

Cependant, un peu par hasard, j'ai fait une découverte qui m'a laissée dans une grande perplexité et dont je dois vous faire part.

Mais pour ce faire, permettez-moi d'abord de vous expliquer une partie de mon nouveau protocole pour le suivi des personnes souffrantes du Mal. Le détour est nécessaire.

Dans nos corps circule Qi-zi, la sève ou parfois nommée le sang. Car plus précisément, le sang est bien visible dès qu'on se blesse alors que la sève ne peut que se ressentir, en faisant usage de la magie notamment. Chez une personne en bonne santé, sang et sève circulent en harmonie entre les organes et jusqu'aux extrémités des membres. Plus exactement, la sève est véhiculée par le sang et donc se trouve toujours en abondance dans ce fluide. Je vous fais une démonstration dans quelques instants.

Le Mal, celui qui sévit dans mon pays, détruit nos corps en attaquant la sève, ce qui provoque ensuite inflammations et détériorations en cascade des organes. Le corps luttera en subissant d'atroces souffrances jusqu'à ce que la graine de vie soit atteinte. Paradoxalement, une personne bien portante au départ, "pleine de sève", a d'autant plus de risques d'être envahie par le Mal en cas de contamination intérieure. De même nos compagnons Kamis, purs êtres magiques, y sont extrêmement vulnérables.

Afin de soulager les souffrants, j'ai développé une méthode pour "endormir" légèrement la sève chez le patient. C'est très délicat car si la sève est trop faible, d'autres problèmes apparaissent, affectant en premier les fonctions respiratoires. Mais cela soulage des inflammations et, dans les rares cas favorables, permet au corps de mieux combattre le Mal.

Pour bien maîtriser ce que je fais - car c’est démarche sur le fil du rasoir - il me faut savoir précisément et au quotidien quelle est la proportion de sève dans le sang du patient, savoir si je peux continuer de l'endormir ou pas.

Mais comme la sève est invisible, j'ai donc un rituel qui me permet de la quantifier indirectement. Et au passage cela me permet de mesurer l'évolution de la contamination intérieure.

Elle sort de sa besace une sorte de petit bol au fond conique, et le nettoie consciencieusement avec un tissu.

Le rituel est simple, bien que vous n'imaginiez pas le nombre d'années qu'il m'a fallu pour aboutir à ce protocole. Je fais au patient une petite ponction de sang, dont je mesure très précisément le poids.

Elle passe d'un geste vif le poignet de son autre main sur le rebord du récipient qui s'avère tranchant. Elle laisse son sang s'écouler un instant en marmonnant une prière. Puis la coupure se referme d'un coup, signe caractéristique de l'usage de l'auto-régénération.

J'ajoute dans le liquide un petit bourgeon de psykopla. Il me sert de catalyseur.

Elle fait ce qu'elle décrit.

Puis, assise en position de méditation, je fais penduler régulièrement le bol, de manière à faire tourner le liquide le long de son bord ainsi que le bourgeon au centre, et je me concentre précisément sur ce bourgeon avec un sort Sen'oqi Bawaa'qi, c'est à dire un sort de mouvement ralenti de faible puissance mais qu'on exécute sans gestuelle, et de façon continue, uniquement à l’aide d'une subtile concentration.

Elle s'est déjà assise pour procéder au rituel, continue en psalmodiant des paroles inaudibles.

Petit à petit, une part du sang va se coaguler tout autour du bourgeon et au bout de trois minutes environ, le reste du sang ne coagule pas, même si je continue ou recommence.

Bien que visiblement très concentrée, elle parvient à parler à son auditoire tout en exécutant son rituel. On commence à entendre quelque chose qui roule dans le récipient.
Tao sian s'interrompt et sort de sa main libre deux baguettes de sa besace. Ses gestes sont incroyablement assurés.

Je retire le caillot avec des baguettes. C'est comme si cette partie du sang s'est vitrifiée autour du bourgeon.

Elle sort du bol une magnifique petite pierre rouge avec des reflets chatoyants et l'exhibe à l'assemblée.

Dans le cas d'une personne contaminée, son examen attentif me renseigne sur l'ampleur de la pathologie et en comparant d'un jour sur l'autre, je peux savoir si son état se stabilise ou non.

Je pèse la quantité restante de sang qui n'a pas coagulé. C'est la part qui n'a pas de sève, le xiao'qi-zi. Pour un individu sain elle est variable, entre 46 et 54% de la quantité de sang initiale. A 58% on suffoque, et à mon avis au delà de 60%, on ne peut pas vivre.
De son vivant le sage Saison avait consenti à ce que j'évalue la composition de son qi-zi. Le Da'qi-zi, sa part de sève ou "sang magique", était exceptionnelle : les deux tiers. Pour moi ça explique son métabolisme si singulier !

Elle range la perle dans un compartiment de sa besace, range les baguettes, jette le peu de sang restant en offrande au sol, essuie le récipient puis le range.

Un jour on m'a appelée en urgence car Cai-Ci Luoi, chasseur au Havre de pureté, avait été retrouvé gravement blessé, coincé sous un énorme capryni qu'il avait eu l'imprudence d'attaquer seul et vaincu de justesse. C'est toujours délicat quand les blessures traînent, mais Luoi avait simplement la jambe brisée et n'était pas en danger. Mais voyant la scène, j'ai pensé qu'il me fallait aussi évaluer le qi-zi animal, par devoir scientifique. Après m'être occupée de Luoi, j'ai donc recueilli une part du sang de la bête abattue et puis me suis rendue à mon sokna-hay pour y effectuer le rituel.

Au bout d'une minute, j'étais déjà surprise de la vitesse de coagulation.
Au bout de deux minutes, j'ai dû m'interrompre, le caillot était devenu trop gros et le reste trop pâteux pour que je puisse le faire osciller dans le bol.
C'est comme si le sang de cet animal n'était composé que de Da'qi-zi !

Cai-Ci Luoi, qui tenait tant à me remercier de lui avoir évité de devenir boiteux pour le reste de sa vie, fut ravi que je le charge de la mission de me livrer du qi-zi de chaque espèce de son terrain de chasse, avec une assistance cette fois ! En parallèle, j'ai demandé à Haido Xuan, jardinière dynastique, de me procurer des échantillons de sève ou suc de plantes de la jungle qu'elle pourrait me trouver.

Au bout de deux semaines, tous les résultats furent identiques : Le qi-zi animal ou végétal est toujours un da'qi-zi. Cela concernait seulement la jungle mais depuis j'ai pu diversifier mes tests et je n'ai pas encore trouvé d'exception.

Je m'excuse car je n'ai toujours pas parlé de kitins, vous le sentez, je vais y venir. Mais auparavant je vous impose une dernière digression, spirituelle cette fois.

Pourquoi nous homins, aurions-nous moins de sève que le reste de la création de Ma-Duk ? méditais-je.

La réponse me fit concevoir une grande joie. Un izam ou un slaveni font partie de Ma-Duk au même titre qu'un Kami, c'est inné pour eux. Mais un homin n'en fera partie qu'à l'aboutissement du chemin sur la voie de l'illumination. Tout prenait son sens. Ochi Kami no !

Mais plus tard, je réalisais que Cai-Ci Luoi avait oublié de m'apporter du Qi-zi kitin ! Ce à quoi d'ailleurs, il a rétorqué quand je suis retournée le voir, que je lui avais demandé du sang animal or “le kitin n'est pas un animal, mais un kitin". Yui, évidemment.

Je me suis confondue en excuses et les jours suivants, il m'a ramené diligemment des échantillons de sang kitin.

Le résultat de mon rituel sur ce sang me fit croire à une farce des kamis : bien que complètement différent du nôtre, le qi-zi kitin est lui aussi séparable en xiao'qi-zi et da'qi-zi.

Pour moitié-moitié environ, exactement comme le qi-zi homin. Cai-Ci Luoi a donc raison.

Je suis certaine que mon intuition première comporte une part de vérité, mais objectivement, j'admets que je n'ai pas toutes les clés ! Je laisse à chacun le soin de méditer sur la signification de ma découverte.
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