ROLEPLAY


Les chroniques d'Eolinius

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Le mektoub qui aimait les fleurs (2ème partie)

 

Au fil du temps Eolinius finit par apprivoiser Tapioca, mais ce dernier restait quand même parfois assez retors, surtout quand le mektoub voyait une homine avec des fleurs dans les cheveux. Il voulait toujours aller renifler dans sa coiffure, ce qui provoquait parfois des situations délicates.

Par une belle journée, Eolinius prépara son sac et décida de faire une expédition en emmenant Tapioca dans les landes obscures. Il ne savait pas pourquoi mais ce lieux produisait sur lui toujours un effet spectaculaire. En fait il aimait ces paysages étranges et désolés que d’autres auraient dit malsains mais que lui trouvait romantiques. Il aimait s’assoir sur les grosses racines surplombant les eaux vertes et saumâtres, étudier ou relire ses notes qu’il avait prises lors de ses excursions, ou bien rédiger son courrier personnel. On ne savait pas trop ce qui se passait dans la tête d’Eolinius. Parfois, il s’allongeait sur la racine géante, regardant le ciel en rêvassant.

Après un assez long voyage et avec un pas parfois encore mal assuré, le duo arriva enfin près des landes. Il existait plusieurs chemins pour y arriver. Eolinius ne prit pas le plus rapide mais le plus sûr pour préserver Tapioca des coups de pinces des cloppers qui pullulaient dans la région. Les rayons de l’astre lumineux commençaient légèrement à baisser et donnaient un bel éclairage contrasté aux hautes racines sur lesquelles les deux compères s’engageaient. Eolinius descendit de son mektoub et s’avança sur la racine centrale, contemplant le paysage et les marécages en dessous. La lumière rasante donnait une belle couleur verte émeraude à l’étendue d’eau en contrebas et procurait une impression encore plus irréelle.

C’est à ce moment qu’il l’aperçu pour la première fois. Sa silhouette longiligne contrastait avec le paysage désolé. Elle était là, insolente, admirable, fière et presque arrogante. Une magnifique fleur solitaire se tenait au milieu de la grande racine. Elle n’était pas très haute mais ses couleurs étaient éclatantes. Eolinius n’en avait encore jamais vu de pareille. Ces pétales semblaient doux comme du velours, ses feuilles étaient effilés et légères comme du satin. Il était évident qu’elle avait poussé là par accident. Une graine venue d’on ne sait où avait germé dans cet endroit hostile et elle paraissait encore plus fabuleuse comparé à la froideur du lieu.

Eolinius se dit tout de suite qu’il ne rentrerait pas sans elle, il devait la ramener coûte que coûte. Elle sera le plus beau spécimen de son herbier qu’il avait décidé de constituer pour les besoins de la science. Enfin ça c’est le prétexte qu’il se donnait. Peut-être avait-il une autre idée en tête, comme par exemple offrir une des tiges à une homine qu’il avait rencontré. Mais nous avons déjà dit que nous ne savions pas tout ce qui se passait dans sa tête de Tryker.

Il l’examina pendant de longues minutes et regarda comment il pourrait la prendre aisément. La fleur n’était pas en fin de compte si facilement accessible. Elle avait poussée sur le bord externe de la racine, un peu en contrebas dans une anfractuosité pleine de mousse. Eolinius s’approcha et tendit le bras pour la saisir mais ses doigts arrivaient à peine à l’effleurer. Il se pencha un peu plus, s’agrippant comme il pouvait avec son autre main sur les rugosités de la grande racine. Il ne se rendit pas alors compte qu’en cette fin de journée, les rayons lumineux chauffant la souche avaient maintenant presque disparus, et l’humidité du lieu et des marais en dessous emplissait maintenant l’atmosphère, rendant tout d’un coup sa prise de plus en plus glissante.

Il se sentit partir vers l’avant et pris machinalement la fleur pour s’agripper, mais celle-ci n’offrit que peu de résistance et se déracina presque immédiatement. La tige de la fleur dans une main, l’autre essayant de se raccrocher sur une surface glissante, il ne dut son salut qu’à son pied gauche qui se prit légèrement dans un bout de liane qui n’allait pas résister très longtemps. Eolinius resta ainsi suspendu au-dessus du vide, les bras ballants, n’osant plus bouger de peur de glisser d’avantage. Il distinguait maintenant en contrebas les marais verdoyants et des fumerolles rosées sortant des sources de goo. Allait-il finir de cette façon ? S’écraser lamentablement dans un gisement toxique ? Il repensa à ses amis de la guilde des Dragons noirs, Kyriann, Jazzy et Mohe qui étaient bien loin de lui maintenant. Il repensa aussi à ses parents à qui il avait promis de continuer leurs travaux scientifiques. Il s’était égaré ces derniers temps dans des considérations terre à terre et se promis, s’il arrivait à se sortir de ce mauvais pas de reconsidérer ses priorités. Ces quelques secondes lui semblèrent durer une éternité.

Il entendit à ce moment-là quelque chose remuer derrière lui. Tapioca qui était resté un peu plus loin et étonnamment tranquille jusqu’ici rappliquait.

« C’est bien le moment pour qu’il se remette à gambader n’importe où » se dit Eolinius.

Soudain il sentit une pression sur sa jambe gauche et se sentit soulevé subitement. Le mektoub le saisit en encerclant la jambe d’Eolinius de sa trompe et le leva au-dessus de lui. On vit alors un petit Tryker suspendu en l’air et qui se balançait, tenu au bout d’une trompe d’un gros mektoub. Celui-ci le déposa délicatement sur la racine. Eolinius encore essoufflé parce qu’il venait de vivre tenait toujours dans sa main au-dessus de lui la fleur tant convoitée. Ébahi, Il regarda Tapioca sans rien dire ni comprendre, puis fini par bredouiller :

« ben alors sul ! y ne sais pas comment y pourrai sul remercier »

Sans attendre, le mektoub attrapa rapidement avec sa trompe agile la fleur que tenait Eolinius et l’engloutit aussitôt dans sa bouche. Eolinius regarda encore plus abasourdi sa main vide, puis Tapioca, et ne sut pas si il devait en rire ou en pleurer. Les petits yeux noirs globuleux et sans expression du gros mektoub le fixaient. Eolinius fini par se jeter au cou de Tapioca en riant. Alors Tapioca émit un « trrrompffe » triomphal.

Les deux compagnons rentrèrent tranquillement vers Fairhaven comme deux larrons en foire, Eolinius chantonnant et Tapioca gambadant.

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