ROLEPLAY


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#1 [fr] 

Lyren se reveille, ouvre un oeil. C'est flou. Ça doit encore être la nuit. Elle roule sa tête sur le coté, et crache quelque chose, en soufflant entre ses lèvres, afin de débloquer sa bouche pâteuse. Un mugissement résonne quelque part, peut-être dans sa tête.

— Annn, Aaahhéé Eeeerr, Liiii...eeee... aaaèèèèèchhhhhhhh !!

Quoi, que, comment? Lyren essaye de réajuster son oreiller. Non, c'est bien plus dur qu'un oreiller. Depuis quand quelqu'un a remplacé son oreiller avec une planche de bois? Il va m'entendre Uzykos, encore un de ses tours... Toujours à embêter sa grande soeur, celui là. Elle cogne doucement sa tête contre la planche, et essaye de nouveau d'ouvrir les yeux.
Ah, quelque chose bouge, près d'elle. Une silhouette? Ah. Et c'est donc ça, un mal de crâne à décorner un bodoc, les oreilles qui sifflent, et une odeur... Non, ce n'est définitivement pas son lit. Une table ? Depuis quand elle dort sur une table? Planche de bois, gueule de bois. ça rime.

Ah, le quelque chose qui bouge, près d'elle, c'est un homin. Étrangement, elle ne se sent pas menacée. Ou elle n'est peut-être simplement pas en état de sentir un quelconque danger. L'homin émet un autre son, et la secoue un petit peu. Elle tente d'articuler, mais ses lèvres collent entre elle.

— Quoi que tu dis?
— J'ai dit : pas cracher par terre, Lyren, ramèch...

L'homine sursaute, se redresse, et passe frénétiquement ses mains sur sa tête afin de vérifier si elle a oui ou non des cornes de bodoc qui ont poussé. Ouf, rien. Elle revérifie quand même une seconde plus tard, au cas ou, on ne sait jamais, mais toujours rien.

L'homin en question est Pecus, le barman de Thesos. Il se plante en face d'elle et commence à lui parler. Lui parler? Seulement quelques mots parviennent à passer le bouchon de corne qu'elle a dans les oreilles. Des cornes, de bodoc? Elle sont là? Lyren vérifie, de nouveau, tourne nerveusement ses doigts dans ses oreilles. Non, rien. Elle a juste besoin de vomir.

Le peu de mots qu'elle comprend de Pecus sont assez clairs. Se laisser abattre, abandonner, ah, non, ne pas abandonner, redorer la retch redresser le blason, et, encore se laisser abattre, non, en fait, à y réfléchir, elle n’y comprend rien du tout.

— Tu peux répéter, mais lentement, elle demanda ?
— Hmmmrffff, j’ai pas que ça à faire, moi.
— Allez… S’te plait…

Pecus pris l’homine fermement par les épaules et la redressa sur sa chaise.

— Bon, mais alors tu m’écoutes, maintenant.

Il avait pris un ton plus ferme et plus paternel. Lyren se concentra.

— Tu sais, j’ai pas connu les tyranch… euh… ceux qui t’ont élevée. Mais je vais te dire, j’ai connu ta mère. Et bien connu ton père, aussi. Et Azazor, un de mes meilleurs clients. Et tous les légionnaires que tu as pu connaitre, je les ai connu mieux que tu puisses imaginer. Et s’il y a une chose qu’ils auraient TOUS pu te mettre dans ta petite tête de yubo, c’est que la shooki, c’est pas fait pour se lamenter. On boit pas par joie ou par tristesse, ou quoi que ce soit d’autre. On boit, c’est tout. Le reste, les problèmes, les sentiments, on les règle, à coup de hache s’il faut. Alors écoute-moi bien, ça fait trois jours que tu viens ici, tu n’as jamais bu de ta vie et là, tu enchaines les chopes plus vite que tu ne les pisses en couinant qu’Azazor n’est plus là, qu’il n’y a aucun espoir, que tu ne sais plus quoi faire. Et tu recommences.

Le ton de l’homin montait à mesure qu’il parlait.

—Alors oui, la plupart des légionnaires sont vieux, certains sont partis. Oui, deux officiers ont été trouvés morts, oui, Azazor a disparu. Oui. Mais qu’est-ce que tu peux y changer? Rien, rien du tout. Alors tu sais ce que tu vas faire ? Moi je vais te le dire ce que tu vas faire, ma petite légionnaire, moi je vais te le dire. Tu vas rentrer chez toi, te laver, OUI te laver. Ne pas se laisser aller, compris? Et tu sais ce que tu vas faire, après? Tu vas aller nettoyer le hall, oui. Tout ranger. Tu es légionnaire ou non? Alors, fais le, et arrête de gémir. Ensuite, tu vas aller à Pyr, et déclarer que tu prends la tête des légions en l’absence d’Azazor. Compris? ARRÊTE DE COUINER ET FAIS LE. Qui d’autre peut le faire maintenant? PERSONNE ? Alors c’est à toi de le faire.

Pecus beuglait littéralement sur l’homine, et tapait du poing sur la table pour appuyer certains mots.

— Ensuite, tu vas te lever, TOUS LES MATINS, et faire ce qu’une légionnaire doit faire. SEULE OU PAS. Ça c’est ce que tes parents auraient fait. Ça c’est qu’AZAZOR AURAIT FAIT. Seul ou pas. Même si tu es la dernière debout, les légions seront debout. C’est ça qui compte, tu comprends? Tu imagines un jeune fyros qui te voit ici, maintenant, tu crois qu’il a envie de rejoindre les rangs des légions à te voir dans cet état? ALORS NOM D’UN BODOC, ressaisis toi, redresse toi, et porte ce blason comme ton père l’aurait fait.

— Tu sais… je l’ai pas connu, mon père. Et tout juste ma mère. Mais tu as raison. Je vais faire comme tu dis. J’vais essayer.
— ESSAYER? ESSAYER?

Lyren essaya de se boucher les oreilles mais le barman, sans violence, attrapa ses mains pour lui en empêcher, mais continua d’un ton légèrement plus adouci.

— Tu veux que tout le monde se souvienne de toi comme la renégate en laquelle on avait confiance et qui a failli ?

*****

Encore un peu vaseuse, Lyren fit tout comme Pecus avait dit, sans trop réfléchir. Après tout, suivre ses conseils ne pouvaient pas empirer la situation. Oui, se laver, nettoyer le hall. Elle était déjà un peu moins vaseuse après ça, pour prendre la direction de pyr et déclarer à l’officier des guildes de pyr qu’elle prendrait la tête à la place de son chef, en son absence.

— Donc tu fais l'intérim... Et que fait-on, s’il ne revient pas, demanda t’il ?
— S’il revient pas… Je vais te lui foutre une baffe à lui faire regretter d’être fyros. Et ne me demande pas où.
— La localisation des baffes, ça n'intéresse pas le sharük. Vous réglez ça en interne.
— Bon, tu as encore besoin de ma signature quelque part, ou je peux y aller? j'ai encore du travail.
— C'est bon. Tu me diras s'il y a du changement.
— Ça, je l'espère... enfin, non : ça, va y en avoir !

#2 [fr] 

Trois gueules de bois plus tard.

Oui, avouons. Ça ne pouvait pas être aussi simple. Ça n'est jamais aussi simple. Une remontrance, une remise en question, une prise de conscience, une décision... Appelons ça comme on veut, la conscience homine est, et restera, sans surprise. Le monde est, lui-aussi, sans surprise. D'une morosité sans comparaison.

Certains matins, on se reveille avec cette énergie et cette volonté de changer le monde. On veut, on peut, on va plier le monde à nos décisions, à notre bon vouloir, parce qu'évidemment, ce qu'on a décidé est ce que le monde attend, le bien, le bon. Notre petit geste de ce jour sera décisif, notre vie sera meilleure, celle de nos proches, et le souvenir de ce que l'on a perdu sera plus doux, plus acceptable. On dormira mieux, la nuit d'après.

Et le matin d'après, comme toujours, on se rend compte. On aura essayé. On aura remué ce que l'on peut remuer, on aura parlé, agit, crié. Avec notre petite voix, nos petites mains, on aura fait ce que l'on pouvait. Et on se rend compte de la futilité, de l'impuissance, de l'inutilité de nos actes. On ne change que ce qui veut bien changer, et nos actions, si belles soit-elles, si pourvues de bon sens, de nécessité, d'urgence, nos actions sont aussi vites oubliées et ignorées qu'un nuage qui passe sans donner de pluie.

Bref, Lyren avait changé de bar, Pecus aurait refusé de la servir. Mais il se trouve que le barman fyros, le type même du barman fyros, c'est de poser des questions avant de donner une leçon de morale à qui est assez imbibé pour l'entendre. Et Lyren avait été de nouveau assez débile et imbibée pour répondre aux questions. Elle voulait juste boire tranquillement, sans s'épancher, du moins cette fois ci, pour suivre au moins ce conseil de Pecus. Mais elle avait fini par parler, après un soupir profond.

Oui, elle avait fait ce que Pecus avait dit, elle avait déclaré la disparition de son chef et beau-père, ce grognon de service, qui, comme tous les grognons de service, finissent par manquer quand ils ne sont plus là. Elle avait donc pris la direction des légions, et avait griffonné quelques morceaux de cuirs, qu'elle avait accroché ci et là dans la capitale.

"cal i selak - force et gloire ! Les légions fyros recrutent.
S'adresser à Lyren, Tour de Thesos."

Jusque là, le seul homin semblant intéressé avait été un traîne savate, à pyr, alors qu'elle accrochait l'annonce. Il avait hoché la tête, déclaré quelque chose qui pouvait se traduire "de toute façon, j'sais pas lire", puis il était parti.

Et Lyren, qui pensait, que les candidats allaient se bousculer à la porte de Thesos, s'était toutefois dit que de descendre une ou deux shooki, à Pyr, ne pouvait pas faire de mal. Elle reviendrait le lendemain, pour ne trouver devant la porte que le peu de candidats possédant une motivation assez tenace pour rester là à l'attendre toute la nuit.

Trois jours plus tard, ou plutôt, trois soirées plus tard, Lydix empoigna Lyren par les épaules :
— J'vais te dire, j’ai bien connu ta mère. Et bien connu ton père, aussi. Tu m'écoutes? Alors je vais te dire moi, ce qu'ils auraient fait.

Dernière édition par Lyren (il y a 5 mois).

#3 [fr] 

Plus moyen de boire une shooki tranquille dans le désert.

Au moins, à Fairhaven, Ba’Naer la laissait en paix. Il avait bien connu sa mère, lui aussi. Enfin, je précise pour les oreilles difficiles : "bien connu", comme un patron de bar peut connaitre l'une de ses clientes les plus fidèles, ni plus ni moins. Ba'Naer avait heureusement bien d'autres yubos à fouetter que de faire la morale à une légionnaire, mais hélas, sa shooki était relativement fadasse. Ça passait en ajoutant du lait, mais pas quand il s'agissait de boire sérieusement.

Lyren réfléchissait, autant que son cerveau fyros le pouvait. Les candidats à la légion étaient sans doute venus tellement nombreux, et la bousculade avait du être tellement intense devant la porte du hall, qu’ils s’étaient vraisemblablement tous découragés. Trop de concurrence, impossible, avaient sans doute pensé les futures recrues. Elle ne prendra que les meilleurs, je n’ai aucune chance. Et pas un n’était resté, en fin de compte. Le résultat était là, elle n’avait vu personne. Pas l’ombre de la sueur d’un fyros, rien de rien.

Le gardien des halls, le même gardien qui avait fait la morale à Lyren quelques années auparavant [[voir : Le hall de la terreur]] avait osé… Il avait osé lui expliquer pourquoi, selon lui, personne n’était venu. D’une part, il avait eu le toupet de dire qu’il n’avait vu personne, ce qui pour Lyren était impensable, un mensonge rien que pour l’embêter. Les candidats étaient venus et s’étaient découragés, un point c’est tout. Mais pour le gardien, c’était autre chose.
Autre chose, oui.

D’une, Azazor, il était devenu un peu fou ces derniers temps. Tout le monde s’accordait à le dire, et l’intéressé n’avait rien fait pour prouver le contraire. Être sous les ordres d’un fou, beaucoup s’en passent, même si certains pouvaient s’y complaire. Mais il n’y avait pas que ça, pour lui. Les Légions Fyros, surtout depuis le retour d’Azazor, puis avec la présence de Lyren, et encore plus depuis qu’elle avait pris les commandes, ça manquait… de Kamisme. Du bon kamisme fyros, hein, du Kamisme modéré, fervent, hein, pas le Kamisme somnolant et aveugle des Zoraïs, hein. Bref, le gardien des halls savait ce que le fyros moyen voulait, lui, hein, ne pas fâcher le petit Kami qui garde les dunes sous son oeil bienveillant.

Lyren rentra dans une colère folle.
—Comment ça, du Kamisme? Comment ça les Kamis? Si les Kamis étaient vraiment là pour nous, ils auraient ramené Azazor. Et ma mère, aussi, tiens. Et plein d’autres avant eux.
L’homin la regarda, tassant légèrement sa tête entre ses épaules, non pas de peur, mais parce qu’elle était sonore, tout de même. Il était habitué. Elle continua :
— Les Kamis… Juste là pour pomper vos dappers, contrôler vos esprits visqueux, et vous faire croire qu’Atys ne tourne qu’autour d’eux ! Ils n’ont pas plus de pouvoir qu’un pet de yubo ! S’ils pouvaient quelque-chose, pourquoi Lykos n’a pas encore de descendance, pourquoi l’empire est au bord du gouffre? Pourquoi tant d’homins rejoignent les ma…
— Ce que je veux dire, coupa t-il, c’est que les légions fyros sont historiquement Kamistes.
— Ouais. Officiellement. Et, c’est pas assez?
— Tout le monde sait que tu ne l’es pas dans le fond.
— Mais cite moi un nom de légionnaire qui ait été Kamiste, convaincu ! C’est pas nouveau, ça. On va quand même pas devoir aller faire tourner des chapelets au temple devant le Kami qui se dandine les fesses, non plus? Ça sert à rien, ils s’en foutent, ils veulent nos dappers. En plus, ils se lavent jamais, les Kamis.
— Tu parles de nouveau comme une Karavanière !
— Et alors? Je parle comme je veux. Ça change quoi?
— Personne ne veut voir des Légions Fyros Karavanières !
— Nan. Mais moi je rêve au moins de ne plus les voir Kamistes.
— Lyren, Tu ne vas tout de même pas…
— Les Légions, beugla t-elle, c’est moi ! Et j’vais m’gêner !!

#4 [fr] 

Lyren était dans une colère folle. La raison? Faut-il une raison pour être en colère? Non, juste l’envie de détruire tout ce qui se trouvait sur son passage. Elle avait même failli assommer son petit frère qui dévalait les marches du hall de guilde. Il avait esquivé le coup, et lui avait retourné un balayage, derrières les jambes. Lyren en resta comme deux ronds de flanc.

En fait, si. Il y avait bien une raison, une raison profonde, même. Après les sacrifices qu’elle avait fait, l’énergie qu’elle avait donné pour l’empire, se coupant de tout ce qui avait été son passé, et maintenant la responsabilité qui lui incombait de diriger les légions, sans aucune aide.

Azazor, ce hero, cette légende vivante qui sautait sur tous les problèmes et dans tous les trous qui se présentaient. Lyren pensa brièvement à sa mère, elle aussi une légende dans l’art de s’enliser dans les emmerdements. Les deux s’étaient bien trouvés, il fallait le dire. Mais maintenant, quoi? Azazor, dans son état, avait-il une chance d’être encore vivant? Sauter dans une faille de l’écorce, remplie de ktins des profondeurs et d’on ne sait quoi d'encore plus dangereux. On ne peut survivre aussi longtemps là-dedans, sans eau, sans nourriture, et surtout puant et suintant la sueur comme tout fyros en manque de shooki. Les kamis ne l’avaient pas ramené. Les kamis, en lesquels il faisait encore confiance malgré tout ce qui aurait pu lui faire changer d’avis. S’il avait survécu et avait pu revenir des anciennes terres, c’était vraiment pas grace à eux.

Non. Azazor, c’était fini. Il était bien mort. Comment en avoir la certitude? Impossible, mais comment avoir la certitude qu’il avait une chance d’être encore de ce monre? Azazor, fantôme du passé. Son temps était révolu. Les Légions Fyros, c’était Lyren, maintenant.

Et il était temps qu’elle les forge à son image. Elle avait ça dans le sang. Sa mère en avait eu le commandement, tout comme son père. Elle ne l'avait pas connu, mais selon Azazor, il avait été le plus grand chef que les légions aient jamais connu. Qui pouvait protester, arguer qu’elle n’était pas à sa place, et contester sa vision?
Non, personne ne le pouvait. C’était maintenant à elle de prendre des décisions. Les bonnes décisions. Et ça commençait maintenant.

#5 [fr] 

D’un geste lent mais sûr, pour ne pas laisser apparaitre la moindre hésitation, Wixarika posa son insigne sur la table puis sortit de la pièce sans quitter Lyren des yeux. Cette dernière se tenait debout, les bras croisés, immobile et raide dans sa kostomyx noire. Les deux homines avaient parlé longuement, puis s’étaient échangé à fort volume toutes sortes d’insultes, de menaces, puis d’injures. Wixarika était profondément attristée et contrariée, mais rien ni personne ne pouvait faire changer d’avis la nouvelle commandante des légions. C’était pour tout le monde pareil : tu renonces, ou tu pars.

Wixarika ne comprenait simplement pas comment les choses avaient pu en arriver là. Après ce que le chef et la tribu des Renégats lui avaient fait, après tout ce qu’elle avait mis en oeuvre pour aider Lyren à s’intégrer au sein de l’empire, elle prenait cette nouvelle comme on prend un coup de dague dans le dos, une trahison contre laquelle elle n’avait pas les ressources de se battre. Depuis plusieurs années, elle ne mettait que très rarement les pieds au hall des légions de Thesos, son poste d’akenakos lui prenant un temps fou à Pyr. Elle s’était même réjouit que Lyren prenne le commandement suite à la disparition d’Azazor, un renouveau qui n’allait pas faire de mal. Elle lui faisait confiance, et n’avait rien vu venir.


Immobile, Lyren ne répondit rien. Il lui était difficile de voir son amie partir, mais c’était sans doute l’un des prix à payer. Une seule règle, qu’elle avait fixée, la même pour tout le monde, un choix simple, et clair. Pas de discussion, pas de négociation. Il n’y avait pas de retour en arrière possible. Pourtant, il ne s’agissait pas d’aller décrocher Sagaritis ! Simplement : abandonner le culte des Kamis, ou se faire exclure des Légions. Elle lui avait laissé le choix, comme pour tous les autres légionnaires. Concernant ces derniers, il s’agissait plutôt d’une petite dizaine de réservistes, d’anciens officiers plus âgés, qui avaient gardé leurs badge par complaisance plus qu’autre chose, et quasiment aucun n’était reellement actif. Une poignée haussèrent les épaules, c’était pour eux égal. Beaucoup consacraient déjà ce qu’il restait de leur petite solde de légionnaire en honorant le culte du grand Glouglou plutôt que le les Kamis. Tant que la shooki a le même gout, tant qu’on peut rester neutres, tant que le bar ne brûle pas, avaient-ils dit. Tant que tu ne fais pas un pacte avec les matis, avaient-ils répété. Lyren fut surprise de certaines réactions. Ils considèrent sans doute que j’ai raison, au fond d’eux-même, sans pouvoir se l’avouer, pensait-elle. Plusieurs avouèrent même qu’ils avaient toujours été neutres, et que tant qu’ils pouvaient le rester, ils respecteraient la nouvelle décision de la guilde.

— Pour ce que ça change, lui répondit un vieux Tryker légionnaire au moins depuis le temps de Dexton. J’imagine que tu sais ce que tu fais, et ça ne fera pas de mal, un peu de changement. J’suis neutre, moi, je l’ai toujours été.
— Les neutres ne me posent pas de problème, déclara t-elle. akep de ton soutien.
— Mais bon, un jour tu te rendras compte qu’il vaut mieux se tenir loin des uns ou des autres…
— J’ai compris, mais j’ai besoin d’une puissance alliée.
— T’as peut-être raison. Tu sais que tu vas secouer le morveux de Dexton, avec ça…

Certains, plus kamistes que d’autres, ainsi qu’un neutre, protestèrent vivement. Il en fallut même deux pour sortir leur retch et attaquer Lyren sans autre forme de discussion. Mais il faut dire que ces anciens manquaient cruellement d’entraînement autre que celui de percer des tonneaux de shooki, ils ne faisaient simplement plus le poids. Elle para un coup de hache qui vint s’écraser sur une petite table, sortit vivement une dague Tekorn de sa ceinture, puis faisant volte-face, lui asséna un coup dans le flanc, suivit d’un coup de genoux dans le ventre. Elle n’eut aucun mal à désarmer l’homin dans la foulée, qui tomba à genoux, à bout de souffle.

— Tu les aimes, les kamis? Va les rejoindre, déclara Lyren d’une voix glaciale, plantant sa dague dans un interstice de l’armure et arrachant le badge du torse de l’homin.
— Ramassis de pourriture de matis, avait murmuré le légionnaire, avant de disparaître, rappelé.
— Suivant, cria Lyren, froidement, après s’être redressée et remis sa mèche de cheveux en place.


***


La journée fut longue. Lyren regarda les croix qu’elle avait faites dans le registre de guilde, son regard s’attardant sur certains noms. Une poignée manquaient encore à l’appel, quelques-uns depuis plusieurs années. Notamment le nom d’une légionnaire, une Kamiste convaincue, dont Lyren redoutait autant la fureur que le coup de massue. Celle-là même qui aurait pu prétendre à prendre sa place. Si seulement elle avait été là.

— Pff. Les absentes ont toujours tort, déclara Lyren, à haute voix, maintenant seule dans le hall de guilde.

L’écho que lui renvoya l’espace vide de la chambre du conseil de guilde résonna étrangement. Comme si les quelques mots que Wixarika lui avait adressé d’une voix froide et lente, sur le pas de la porte, résonnaient encore sur les murs du hall des Légions Fyros.

— Nous avons été amies. Nous ne le sommes plus. Au revoir, Lyren.

Dernière édition par Lyren (il y a 4 mois).

#6 [fr] 

La rumeur était donc vraie.

"talen commence et termine dans les bruits de rue de Pyr"

Lyren ne se souvenait plus de qui répétait ça à longueur de temps. Il s'agissait sans doute d'un de ces vieux fyros qui justement propageait des rumeurs aussi rapidement que leurs dappers dans les bars. En général, elle essayait de ne pas trop prêter attention à ce qui se disait, bruits, nouvelles, bonnes ou mauvaises, tant qu'il n'y avait rien d'officiel, ou tant qu'elle n'avait rien vu de ses propres yeux.

Mais alors, pourquoi l'empire était-il lui-même resté silencieux? Pourquoi n'y avait-il pas eu de communication officielle là-dessus? Thesos était si loin de Pyr? La capitale fyros considérait à ce point les habitants des dunes sauvages comme des bouseux du village, marchant dans la sciure jusqu'au genoux en poussant des gémissements de lumper?

Toujours était-il, la rumeur était vraie.


Remettons les choses dans l'ordre, se dit-elle. Point par point. Et imaginez à quel point il s'agit là d'une tache ardue, pour un cerveau de lumper. Euh, de fyros.


Un mystérieux fyros est nommé professeur de kitinologie. Rien que ça. L'un des plus importants enseignements de l'académie impériale, là où le sharük forme l'élite de ses troupes.
Le mystérieux fyros a le visage brûlé, ressemble trait pour trait à Azazor.
Le mystérieux fyros se nomme Azazor. Ah, donc c'est bien lui. On avance.
Le mystérieux fyros a des yeux rouge sang, chose qu'Azazor n'avait pas avant. Ah, là, n'importe qui aurait déjà déduit qu'il y a déjà quelque chose qui cloche.
Le mystérieux fyros avait de surcroit disparu dans des circonstances étranges, dans les profondeurs d'atys. Certes, Azazor était coutumier du fait, mais on a pas cherché plus loin. Il est revenu, on est content.


On revient en arrière : plusieurs fyros dont deux officiers des légions fyros ont été retrouvés sans tête, quelques années auparavant. Certains affirment d'avoir vu des homins aux yeux rouges rôder.
De surcroit, on raconte que les adeptes de la secte du grand dragon ont les yeux rouges et qu'ils pratiquent des sacrifices homins, détruisant leur graine de vie, on ne sait comment, et laissant leurs corps sans tête.

Alors, à part d'être un dégénéré consanguin, un lumper ou un noble matis, n'importe quel être normalement constitué a bien évidemment compris plusieurs choses :
Premièrement : Il y a quelque chose de louche, et j'enfonce même la dague à coup de poings pour dire que c'est là bien plus louche que la plus louche des louches.
Troisièmement : Que c'est à peu près tout ce qu'il faut déduire.

Et deuxièmement, considérant que l'individu louche, Azazor, était :
- anciennement chef des Légions Fyros,
- père indigne d'Uzykos, faisant de lui le demi-frère de Lyren, elle-même maintenant cheffe des Llégions,

La réaction du sharük, de l'académie impériale, bref, de l'empire, a été :

— Tiens ! Si on gardait le secret, qu'on le nommait professeur de kitinologie à l'académie impériale? Et en plus, on ne prévient pas Lyren et les légionnaires, ni même son propre fils qu'il est revenu, non, à vrai dire, talen, on s'en fout un peu, dey?
— Tope là, celiakos, ça passera crème.
— Ouais. Ils seront bien au courant assez tôt. Les rumeurs, ça sert à ça.
— En revanche, ses yeux rouges, moi, ça me fait un peu flipper. Faudrait peut-être le surveiller un peu?
— Tu parles. C'est un fyros, il répète talen tout le temps. J'ai confiance, les yeux fermés.
— Ouais, t'as peut-être raison. Gardons les yeux fermés.


****

Mais quel genre de champignon bouffait leur cerveau? Était-ce les kamis qui les empêchaient d'avoir un peu plus de jugeote qu'un najab affamé? Et comment annoncer ça à Uzykos, qui depuis les rumeurs de la réapparition de son père, passait son temps, jour et nuit, à l'attendre dans le hall des légions? Comment?


oren pyr Uzykos.
Ton père est réapparu, ouais, il n'est pas venu te voir, vu que c'est maintenant un adepte de la secte du grand dragon, oui, ceux qui décapitent des homins et ont les yeux rouges. Oui, les rumeurs étaient vraies, il était professeur de kitinologie, et maintenant, en plus, il a essayé d'empoisonner l'empereur Lykos et pas mal de patriotes et d'amis de l'empire, dont moi, ta demi-soeur, oui, il a aussi attaqué un celiakos, et il sera jugé bientôt pour haute trahison. Il va sans doute finir dans les prisons de pyr jusqu'à la fin de ses jours.

Fais toi une raison, les choses ne vont pas s'améliorer de ce coté là.


Allez, hein, la vie continue, on va se boire une shooki?
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