ROLEPLAY


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#52 Multilingue 

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Le matis s'est assis de l’autre coté de la table, en se servant un verre de quelque chose qui ressemblait, de loin, à du vin. Il en prit une gorgée et fit claquer sa langue sur son palais.

— Mange, déjà.

Eeri ne se fit pas prier. Elle prit une grande poignée de viande séchée, qu’elle engloutit aussi sec, avec une gorgée de shooki. Le regard du matis se posa un moment sur la voute de la caverne, puis il reprit la parole.

— Je te connais, sans te connaitre. Et je te dois quelques explications. Les Trytonistes sont tolérés ici. Tout dépend des Clans, on va dire. Dans tous les cas, nous sommes avant tout des Maraudeurs, mais nous n'oublions pas nos convictions. Beaucoup d’entre nous viennent des Nouvelles Terres, quelques anciens ont toujours vécu ici. Je t'ai connue quand tu n'étais qu'une jeune recrue, à l’époque. Je me souviens de la réunion que l’on avait eue, avant de te recruter. Tu sais ce que c'est, les anciens savent toujours qui ils recrutent, alors que les jeunes ne connaissent pas les plus vieux. Mais je suis parti depuis une vingtaine d’années de Jena, déjà.

Eeri écoute le matis, bouche-bée.

— …après la mort de notre chef. Ocyx Écarlate.
— Lopy…
— Lopy, oui… Ça sentait très mauvais pour nous. L’Empire Fyros avait fait tomber des têtes, alors qu’avant le Désert était encore un endroit sûr… Sa mort a été le signe que la Karavan avait trouvé sa trace, et osait agir sur le territoire de l'Empire.
— Beaucoup ont cru que ça venait du Royaume.
— Le royaume et les sujets matis sont fous, mais pas à ce point. Ils n'auraient pas été jusque là par simple vengeance. Une mort aussi subite ne peut venir que de l’une des Puissances. Nous sommes quelques anciens à avoir pris alors la décision de partir des Nouvelles Terres, après avoir rejoint les maraudeurs. Nous pensions que nous trouverions plus de réponses.

Eeri repose sa chope et la nourriture qu’elle a en main.

— Je suis désolé, continue Aride. Tu ne t’attendais sans doute pas à entendre parler de ça ici. Je sais que tu le connaissais bien.
— J’ai eu une enfant de lui… Née après sa disparition... J'avais peur, je l'ai cachée. Enfin… Je l’ai confiée, mais l’homine qui devait s’en occuper a disparu. J’avais peur.
— Ça a été un bouleversement pour beaucoup d’entre nous.

Après quelques minutes de dialogue, Aride se leva et reposa son verre de vin.

— Maintenant, essaie de manger et de te reposer.
— Cet endroit est sûr, demanda Eeri?
— Oui. Nous avons repris ici nos vieilles habitudes d’aménager des cachettes par endroits. C’est aussi pratique, à cause des kitins. Il y a beaucoup de cavernes, à Citadelles. Si les sbires de la Régente nous cherchent, ils leur faudra deux jours pour tout retourner.
— Qui ça ?
— La Régente. Elle administre la Citadelle et aide les Clans à s'organiser contre les Kitins.
— C'est donc la cheffe des Maraudeurs ?
— Non, les Maraudeurs n'ont pas de chefs.
— C'est ce qui me semblait oui. C'est peut-être même elle qui m'a interrogée... Enfin, bref. Akep. Vraiment.
— Ne me remercie pas trop vite. J’ai du assommer et attacher l’un des gardes pour te libérer. Ça veut dire qu’ils vont te rechercher, dès qu’ils s’en rendront compte. Avec un peu de chance, après le départ de ton compagnon.
— Ils le laissent donc prendre la route de Coriolis?
— Oui. Par le sommet de la dorsale.
— Il penseront sans doute que je ne le suivrai pas. Nous sommes fâchés. Mais je le suivrai.
— Si c’est ce que tu veux, tu n'auras sans doute que peu de répit après son départ. De toute façon, dans ton cas, rester à Citadelle serait du suicide. Demain matin, je t’amènerai une autre armure, tu passeras plus inaperçue. Maintenant, je vais devoir te laisser et rejoindre ceux de mon clan, avant que mon absence ne paraisse suspecte. Sois prête à l'aube.

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans).

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#53 Multilingue 

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Azazor finit de traverser le pont de corde qui relie deux falaises de la grande dorsale. Un pont tout ce qu’il y a de plus rudimentaire. Une corde en haut pour se tenir et une en bas pour poser les pieds. Evidemment, impossible de traverser avec un mektoub.

Portant tout son bardage sur le dos depuis son départ de la Citadelle, l’escalade fut un enfer. Entre les escaliers taillés à même l’écorce, les échelles la plupart extrêmement usées, les cordes auxquelles se hisser à la force des bras et des jambes, et maintenant ce pont d’izams comme ils l’appellent, du fait que de nombreux izams aiment s’y percher. Oui, il savait que ça allait être ardu, mais pas à ce point. Il n’en a pas autant bavé depuis la traversée du Continent Verdoyant, quand il fallait escalader de grosses racines avec les mektoubs. Tout cela serait tellement facile maintenant. Ce temps lui paraît si lointain. Il était encore avec Eeri, il avait encore confiance en elle…

Il s’assoit un moment pour reprendre son souffle. Pas de kitins à l’horizon, contrairement à hier où il a du patienter plusieurs heures parce qu’un groupe de kirosta barrait la route. Il en avait d’ailleurs profité pour les étudier au loin. Ceux-ci ne semblaient pas très différents de ceux qu’on peut croiser dans le désert, si ce n’est par leur taille, tous au moins aussi grand que Nymton. Il n’avait donc pas cherché à les affronter comme il aurait pu le faire dans les Nouvelles Terres, ni à les prendre de vitesse. Qui sait à quelle vitesse ils pouvaient courir et surtout quels dégâts leurs coups pouvaient porter. Même leur poison était peut être plus puissant. Il aurait dû demander aux Maraudeurs avant de les quitter. En tout cas, ils ne correspondaient pas à la description qu'on lui avait fait des Flamboyants. Ce devait être somme toute des kitins classiques, juste un peu plus gros et dangereux, comme à peu près tous les animaux ici...

Ouvrant son sac pour en sortir de quoi manger – un reste de viande de varinx séchée – il tombe sur le recueil de notes d’Eeri qu’il a emmené avec lui. Il le feuillette machinalement tout en mastiquant sa viande sans plaisir. Puis il pose le recueil, prend son propre journal et commence à écrire.

Journal d'Azazor
Cela fait des heures que je grimpe. Maintenant que je peux enfin me poser, il faut que je revienne sur cette soirée avec les Maraudeurs, la dernière avant mon escalade. Ce fut un choc, on peut le dire. Le groupe que j’accompagnais jusqu’ici devait se rendre dans l’un de ces campements semi-permanent dont on m’avait parlé. On m’y invitait donc à partager un repas et à y dormir avant mon départ le lendemain.

On s’était réuni dans une sorte de grotte particulièrement gigantesque à laquelle on accédait après le parcours de nombreux tunnels dans la falaise. L'entrée dans la grotte se faisait par un étroit tunnel après l'escalade d'un tumulus bloquant l'entrée. On m'avait expliqué que jadis l'entrée était beaucoup plus grande mais un éboulement avait été déclenché volontairement pour en bloquer l'entrée lors d'une bataille épique contre les kitins. C'est en me racontant cette bataille que j'entendais pour la seconde fois, après Barmie Dingle, parler des Flamboyants. Contrairement à ce que j'avais cru, il n'y avait pas que les kipestas à porter ce nom de flamboyant. En fait, on donnait ce nom à toute la nouvelle génération de kitins rouges apparus dans le désert, le terme de dragon rouge étant spécifiquement employé pour désigner ces kipestas géants, car leur feu était particulièrement destructeur et leur abdomen hérissé d'épines. Lors de cette bataille, de nombreux Maraudeurs avaient alors péris en tentant de défendre l'entrée de la grotte où s'était réfugié nombre d'entre eux. Depuis, cette grotte était devenu un symbole pour beaucoup. Les Flamboyants avaient continué de proliférer, rendant quasi inaccessible l'accès au désert. Ceux-ci étaient d'ailleurs, d'après les Maraudeurs, traqués et visés en priorité par la Karavan.

A l’intérieur de la grotte était installé un immense campement visiblement bien moins rustique que les précédents. Il y avait une sorte d’infirmerie dans une tente, un coin cuisine avec de quoi cuisiner pour un régiment entier, une étable pleine de mektoubs, des centaines de lits creusés dans les parois et même des sortes de bacs remplis d’eau pour se laver. Ici et là, quelques appareils et outils me rappelèrent que les Maraudeurs maitrisaient une technologie assez évoluée, liées d'une manière ou d'une autre aux Puissances.

En hauteur au niveau des parois, on pouvait voir plusieurs trous reliés entre eux par des passerelles. Il devait donc y avoir d'autres salles derrière les parois et sur plusieurs étages. C’était une véritable petite cité miniature, éclairée à la lumière de gigantesques braseros. L’un des marauds qui nous accompagnaient, probablement un peu trop bavard, m’expliqua qu’il y avait également une armurerie, des laboratoires et une bibliothèque quelque part, cachés dans ce dédale de tunnels menant à la grotte qui, elle, faisait office de hall d'accueil principal.

Mais ce qui m’étonna le plus, ce fut les enfants. J'imaginais jusqu’alors la Citadelle comme un immense champ de bataille, et je trouvais pourtant là des enfants, des vieillards, tout un tas d’homins que je ne m’attendais pas à trouver ici.

Finalement, je compris que cette grotte faisait office de lieux de repos mais aussi de zones de recherche et de points de repli en cas d’attaques massives, comme cela arrivait parfois. Ces rares espaces étaient en réalité les seules zones stationnaires de la Citadelle. Les points névralgiques de cette cité mobile, reconfigurée au grès des défaites et des victoires. Pourtant, rien ne certifiait que les kitins ne réussissent pas à prendre ces endroits, comme cela était déjà arrivé quelques fois. Ainsi, tout était pensé pour pouvoir être déplacé facilement, en témoigneait la forme du mobilier et les nombreux mektoubs équipés comme s'ils étaient sur le départ.

La soirée fut enrichissante, notamment sur le plan culturel. C'est en les voyant rire avec leurs proches, parler de leur dernière journée, s'aider dans les taches quotidiennes, jouer de la musique et danser que je compris définitivement que ces Maraudeurs ne correspondaient pas à l'idée que nous nous en faisons. Leur capacité à se créer des moments de vies, alors qu'a quelques dizaines de kilomètres à l'Est, un essaim gigantesque de kitins menaçaient de fondre sur la Route d'Oflovak, générait en moi des émotions confuses. Du respect, mais aussi un étrange sentiment de fierté. En observant ces Maraudeurs, je me rappelais que les premiers d'entre eux furent des Fyros. Des Fyros qui décidèrent de ne pas fuir face aux kitins, de se battre pour conserver leurs terres, et qui menaient encore aujourd'hui ce combat. J'en arrivais même à éprouver une certaine colère contre l'Empire de l'époque de Cerakos II, ayant abandonné son peuple pour fuir les kitins.

À ma grande surprise, ce soir là, nombreux d'entre eux partagèrent des moments avec moi. Leur convivialité m'étonna. Certes, ils me considéraient comme un étranger, et me firent gentillement comprendre qu'il ne fallait pas insister lorsque je les questionnai sur les liens qui les unissaient aux Puissances et leur demandai si je pouvais consulter la bibliothèque... Pour le reste, ils semblaient heureux de partager cette soirée avec quelqu'un venu d'aussi loin, et me posèrent un certain nombre de questions. Surtout que cette fois-ci, l'étranger n'était pas un Ranger ! J'étais un étranger parmi les étrangers. Je crois aussi qu'ils respectaient beaucoup que j'ai entrepris un voyage aussi dangereux pour mener à bien mes recherches. Comme dans la société fyrosse, le Courage, l'Honneur et la Vérité étaient des concepts forts de la société maraudeur.

Pourtant, plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest, Akilia menait une guerre sale contre les nations des Nouvelles Terres, n'hésitant pas à recruter des criminels et à commettre des actes terroristes. Pourquoi tant de différences ? J'osais poser la question à l'un de mes hôtes qui me commanda expressément, à voix basse, de changer de sujet. Un Fyros qui passait près de notre groupe à ce moment là entendit toutefois ma question et se lança dans un monologue vindicatif pour justifier la politique menée par Akilia. Puis, levant la tête vers une passerelle au dessus de lui, il tourna les talons et partit en maugréant. Je levais alors la tête et vit que des gardes s'étaient arrêtés pour nous surveiller. Ainsi, de ce que je pus en voir, à la Citadelle se côtoyaient des pro et des anti Akilia. Probablement même que beaucoup ne prenaient pas partie, à l'image de mes hôtes qui s'empressèrent de changer de sujet, visiblement mal à l'aise.

Un Tryker me dit plus tard, sous le ton de la confidence, que si les pro Akilia étaient présents en minorité à la Citadelle, et mal vus par beaucoup - car soupçonnés de fomenter des complots - ils étaient néanmoins admis en ces lieux. Premièrement, car nombre d'entre eux étaient membres des clans les plus anciens, de l'époque de Melkiar, et faisaient partie des Maraudeurs les plus puissants et craints. Deuxièmement, car les conflits entre les différents clans étaient depuis toujours monnaie courante, et qu'il était implicitement admis qu'aucune dissension ne doive jamais mettre en danger la société maraudeure. Troisièmement, car la Citadelle était le foyer de tous les Maraudeurs, et qu'en être définitivement bannis représentait la peine la plus lourde qui soit... Le Tryker rajouta cependant que le plus important, et ce sur quoi tous se rejoignaient, était le combat pour la survie et contre les kitins. Imaginer que la société maraudeure doive sa cohésion, et donc son existence, à la présence d'un essaim monstrueux aux portes de la Citadelle, me parut tristement ironique...

Finalement, je terminai ma soirée en racontant à des enfants l'Histoire du Culte du Grand Dragon. Ce fut un vrai bonheur que de voir leurs yeux à la fois émerveillés et terrifiés devant les aventures de Liriope. Je ne pensais pas trouver des enfants ici, si près du danger. Je les imaginais tous à Sentinelle, mais c’était une erreur. La Citadelle était le cœur des maraudeurs, là où battait la vie. Et en voyant ces enfants de maraudeurs, je pensai au mien...

Uzykos…

Il lâche son épine d'arma et pose son journal, soudain soucieux.

Ainsi il a un fils. Un fyros. Un roux. Un vrai. Et il est là, à des milliers de kilomètres de lui. Il ne peut pas en vouloir à Eeri de lui avoir caché cette fois-ci. Qu’aurait-il fait s’il l’avait su avant de partir ? Il n’aurait pu se résoudre à l’abandonner, et pourtant… Pourtant… Au moins, l’absence d’information s’était révélée bien pratique. Eeri avait raison sur ce point. Toutes les Vérités ne sont pas bonnes à dire. Du moins à l’instant T aurait-elle pu ajouter.

Il a bien sûr des scrupules à l’avoir laissée aux mains des maraudeurs. Mais que pouvait-il faire ? Elle leur avait menti, elle n’avait pas joué franc jeu. Il ne pouvait rien y faire. Et ce n'était pas faute de l'avoir prévenue.

Son esprit s’évade vers l’horizon. D’où il est, il ne peut percevoir le désert de ses ancêtres. Il lui reste encore de nombreuses falaises à franchir avant de se retrouver tout en haut de la dorsale et espérer voir ce qu'il y a au delà. Mais déjà, il commence à sentir quelque chose. Comme une sorte d’appel lancinant, des voix de fyros s’envolant dans le vent… des voix de plus en plus réelles. Qui l’appelle, lui, Azazor!

Se retournant, il voit Eeri au niveau du pont d’izam, suivie derrière par trois maraudeurs visiblement à sa poursuite.

- Aza, passe moi ta hache !
- Ma hache ? Pourq...

Son regard se pose sur sa hache, sa fidèle « Courtoisie », seule arme avec sa hachette « Politesse » qu’il a emmené dans ce voyage insensé. Dans un état second, il prend la grosse hache à deux mains et s’approche du pont d’izam alors qu’Eeri est encore à mi-chemin. L’un des gardes commence à poser un pied sur le pont tandis que les autres hurlent à Eeri de s’arrêter si elle veut vivre. Azazor lève sa hache au dessus de lui, prêt à frapper sitôt qu’Eeri sera à sa portée. Il est si près du but qu’il est hors de question qu’elle gâche tout. Eeri lui lance un regard épouvanté mais continue de se mouvoir sur le pont, se balançant en même temps pour faire tomber le garde qui s’accroche et n’en gueule que de plus belle à la fyros. Arrivée à l’autre bout du pont, elle se jette dans une roulade derrière Azazor. Celui-ci écrase alors sa hache... sur les cordes du pont qui se casse, faisant tomber le garde encore accroché devant les yeux exorbités des deux autres qui attendaient de l’autre côté. Ceux-ci leurs lancent un flot d’insultes en marund que les deux aventuriers ne prennent pas le temps de traduire. Azazor ramasse à la va-vite ses affaires avant de partir en marche rapide vers la suite de l’itinéraire tandis qu'Eeri se relève incrédule et suit le fyros sans broncher.


Après une heure de marche sans dire un mot, c’est Eeri qui se décide à briser le silence.

- akep ! J’ai bien cru que t’allais…
- J’allais le faire. Ne t’avise jamais de croire le contraire.
- Mais tu l’as pas fait.
- dey
- Et t'as coupé les cordes du pont! Pourquoi ?
- J’ai encore besoin de toi, dit-il en grognant.

Il jette alors un de ses deux sacs au sol. Eeri ramasse le sac en souriant. Le grognement d’Azazor est bon signe. Elle a appris à le connaître depuis tout ce temps. C’est quand il ne grogne pas qu’il faut s’inquiéter. Il leur faudra encore quelques jours pour finir leur ascension et parvenir sur le plateau de la dorsale. De là, il partiront à l'est pour rejoindre la bordure et la suivre.

Dernière édition par Fyrenor (il y a 2 ans).

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fyros pure sève
akash i orak, talen i rechten!
élucubrations
biographie

#54 Multilingue 

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Journal de bord d'Eeri

Azazor m’a rendu mon journal. Et m’a sauvée.
Ce n’est pas la première fois que j’écris ça, mais j’avais de nouveau perdu espoir de réécrire ici. Et une fois de plus, on s’en est sortis. Il faut croire que quelque chose veille sur ma vieille peau. Une puissance? Ou la chance, simplement. Comme à la roue de ce bon vieux gubani toujours plus fortuné.

Les maraudeurs lui ont donc rendu mes écrits. C’est dire qu’ils lui faisaient confiance. Pas comme à moi. Et par ma faute, on se retrouve comme des fugitifs, en haut de cette montagne.

Il a sans doute lu.

Mais je vais réécrire depuis le début, depuis notre arrivée à Sentinelle.
Nous avons été arrêtés par les maraudeurs, nombreux et lourdement armés. Séparés, privés de nos affaires. Il me semble qu’ils aient très vite mieux traité Azazor que moi… Et ils m’ont posé des questions idiotes. De quel clan je fais partie. Là, j'ai compris que mon cristal posait problème. Ce que je fais là. J’ai cru que je pouvais jouer à la plus fine avec eux. Mais pas moyen d’entendre parler du clan des Arpenteurs d’horizons. Résultat, ils m’ont transférée à Citadelle, attachée, avec le convoi qui emmenait Azazor. Détaché et libre, lui. Arrivée là-bas, ils m’ont pendue par les pieds dans un placard à balais. Si j’avais eu une hache à portée de main, je t’aurais fait une bouillie de maraudeurs… La tête en bas, je ne sais combien de temps. Quelques heures, quelques jours? Ils m'ont finalement emmenée pour être interrogée par plusieurs maraudeurs. Sans doute haut-placés, peut-être même celle qui administre la Citadelle, la régente, comme ils l’appellent. Mais je me demandais pourquoi mon cas les intéressaient plus que ça. Il semble que les maraudeurs s’espionnent entre eux, et que les clans se tirent dans les jambes pour récupérer un peu de pouvoir, faire valoir leurs opinions. Ils m’ont peut-être prise pour l’une de ces espionnes. Là, avec eux, j’ai joué franc-jeu, et dit toute la vérité. Je ne saurai jamais si ça à marché, s’ils m’auraient libérée ou tuée. D’après ce que j’ai compris plus tard, j’aurai sans doute été oubliée dans une cellule jusqu’à ce que je meure de faim, les maraudeurs ayant d’autres kitins à fouetter.

Et il s'est réellement passé ce à quoi je ne m'attendais pas, mais alors pas du tout...
Je pensais peut-être qu'Azazor, ayant arrangé les choses pour moi, allait arriver avec des gardes pour me faire libérer avant de reprendre la route. Enchaînée comme j'étais, je ne voyais pas d'autre échappatoire possible. Mais c’est Aride qui est arrivé. Un homin casqué, seul. Je compris après qu’il n’avait pas agit seul, mais je ne fus en contact avec nul autre. Il a assommé un garde, ouvert la porte, m’a délivrée. J’aurais pu tomber amoureuse, s’il ne s’agissait pas d’un matis, et plus tout jeune. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Il m’a dit connaitre mon nom, mon goût pour la liqueur de shooki - il m'en a même offert une. Je n’ai même pas eu la présence d’esprit de m’intéresser à sa provenance, mais j'ai cru comprendre que c'était plutôt quelque chose de rare à Citadelle. Il est tout à fait pensable que ce savoir-faire soit revenu des Nouvelles Terres, et qu'ils en produisent un peu, quelque part dans un camp du désert morcelé.

Aride, Arma Rapide, Maraudeur et Chercheur d’Elias, exilé dans les Anciennes Terres depuis une vingtaine d’années de Jena. Il m’a montré son visage, chose que les Trytonistes ne font normalement pas, chez nous. Il ne m’a pas donné son vrai nom, et je ne l’aurais de toute façon pas demandé. Il m’a donc connue alors que j’étais une jeune légionnaire qui se posait des questions et venait de tourner le dos aux kamis. Il a surtout connu Lopyrèch… Icus, mon mentor, mon ami. Celui qui a fait de moi une chercheuse de vérité, celui qui m’a fait ouvrir les yeux sur tant de mystères, sur tout ce que les puissances nous cachent… Le seul autre fyros, avec Azazor, auquel je me suis abandonnée... Une fois, l'alcool aidant. Encore une chose que je n'ai dite à quasiment personne, tiens... Et ramèch, voilà le résultat. Une fyros qui abandonne ses mioches et qui ment comme elle respire. Lopy... Si tu étais encore de ce monde, tu me mettrais une paire de baffes bien pires que celles qu’Azazor a envie de me coller tous les jours. Et tu aurais bien raison. Ou tu me dirais simplement de cacher la vérité plus intelligemment... Je me rends compte que si c’était utile sur les Nouvelles Terres, là ou les Puissances nous traquent, là ou nous faisons tant de cas des jeux de pouvoirs insipides entre les nations, c’est quelque chose de totalement stupide et inutile ici, en l’absence des Puissances et des pouvoirs politiques. Mais lorsque je réfléchis à ce que je peux répondre à une question, ne sort de ma bouche que l’option la plus improbable et mensongère… Je dois changer ça.

Je dois donc ma liberté à ce matis. Il a même pris le temps de récupérer mes affaires, et de me fournir une autre armure de maraudeur, bleue. Celle que j’avais en arrivant aurait trop attiré l’attention. Il m’a donnée une pique et un bouclier, en plus de ma hachette et de mes amplificateurs qu'il avait pu récupérer. Une pique ! La seule arme efficace contre certains kitins. J'avais cassé la dernière dans je ne sais plus quel combat. Des vivres, de quoi tenir quelques jours. Il n’a rien demandé en échange, je n’aurais pas pu lui offrir grand chose. Si ce n’est de faire vivre la croyance d’une hominité libérée. Nous sommes partis au petit matin de la cache ou il m’avait amenée et avons repris ce jeu de cache-cache avec les kitins et les patrouilles de maraudeurs. Je ne m’attendais pas à ça de Citadelle. Ce n’est pas une ville, c’est un champ de bataille, ou se déroule une guerre permanente avec les kitins. Les Maraudeurs ici sont presque les Rangers de chez nous, le coté j’aime tout le monde en moins. Ici, c'est marche ou crève, c’est la porte qui retient l’enfer du prochain essaim derrière les montagnes. Bon, je ne dois pas exagérer non plus. Il m'a aussi dit que Citadelle regorge de lieux de vie : des auberges, des écoles, des lieux d'entrainement, des armureries... Ils habitent ici, mais tout a été conçu, au fil du temps, pour être déplacé facilement et rester à l'abris des Kitins. Ils ne m'ont pas proposé de visiter, je lui ai répondu, en riant.

Avant de partir, il me raconta aussi son voyage pour arriver ici. À peu près le même que nous avons fait, mais avec un groupe plus large aux origines assez disparates. Ce qui ne l'empêcha pas de voir plusieurs de ses compagnons tomber, notamment pendant la traversée de la Mer de Bois. Lorsqu'il arriva, l'ancien Sujet du Royaume qu'il était du servir plusieurs années à l'Avant-Poste de la Falaise Nuageuse, avant de pouvoir être considéré comme digne de confiance et d'être autorisé à rejoindre leurs rangs. Après ça, finalement, il a pu rejoindre la Citadelle. Certains de ses compagnons sont toujours ici, quelques-uns, surtout les plus agés à l'époque, étaient restés sur l'île d'Oflovak.

J’ai aussi appris une chose très intéressante. J'avais compris que les maraudeurs utilisent des objets de la Karavan, pillés sur les croiseurs abandonnés par exemple, pour faire fonctionner leur propre technologie. Comment, ça reste à découvrir, mais le contact que j'ai eu avec eux ne va pas m'aider à en savoir plus. En revanche, ce que je ne savais pas, est que la Karavan est encore présente dans la zone, d’une certaine façon. Peu au sol, mais surtout depuis le ciel. Aride m’a expliqué que parfois les vaisseaux de la Karavan attaquent les Kitins. Ils appellent ça une "frappe" ici. De puissants sorts, envoyés depuis leurs vaisseaux situés vraisemblablement au dessus de la canopée. Sans doute quand les kitins sont trop concentrés à un endroit, parfois juste devant les portes de Citadelle. Ou, le plus souvent, dirigé contre certains spécimens en particulier, ces fameux flamboyants dont nous avions entendu parler.

Aucun kami dans la zone, en revanche, m’a dit Aride. En tout cas, pas qu’il sache. Il se raconte que du temps de Melkiar, certains chefs de clans avaient eu des contacts avec eux, mais c'est devenu presque une légende, de nos jours. Non pas que cela me surprenne, ça vient même confirmer pas mal de vieilles théories. Mais que la Karavan essaie encore et toujours de contenir les kitins, avec les maraudeurs, est une information étonnante. Parfois, m'a t-il dit, des agents Karavan sont aperçus à Citadelle, lors de certaines réunions importantes le plus souvent réservées chefs de clans. Nul ne sait, à part sans doute ces derniers, si ces ambassadeurs demeurent en permanence à Citadelle. Il me laissa aussi entendre, sans vouloir en dire plus, que la technologie des Maraudeurs était en partie liée à celle de la Karavan.

Alors, j'ai demandé... S’il n’étaient pas là, les maraudeurs arriveraient-ils à retenir les Kitins? Travaillent-ils vraiment ensemble? Il me semble que sa vision de la Karavan n'était plus celle que nous, Chercheurs d'Elias pouvions avoir dans les Nouvelles Terres. Mais Aride n’a pas vraiment pu m’en dire plus, nous étions déjà en retard pour assister au départ d'Azazor.

Puis quelque chose a sans doute mal tourné. Son plan était de suivre le convoi d’Azazor, et lui laisser quelques heures d’avance. Comme il l’avait prévu, les gardes qui l’avaient accompagné jusqu’à ce chemin escarpé étaient restés là un moment après le départ du fyros, et lorsque celui-ci ne fut plus en vue, ils se dispersèrent dans les anfractuosités du canyon. Après quelques secondes, du point d’observation où Aride et moi étions positionnés, il nous fut impossible détecter la présence d’un seul homin. Le matis semblait tendu. Nous avons encore patienté, puis il m’a indiqué le chemin à prendre, me disant qu’il allait me suivre à distance. En faisant attention à ne pas me faire voir. "Si quelque chose tourne mal pour moi, cache-toi, et laisse moi gérer. Nous ne nous en sortirons que si l'on ne me voit pas avec toi. Si tu es repérée... cours. Je verrai ce que je peux faire". Je lui ai demandé de partir dès maintenant, de se téléporter s’il pouvait. Il avait assez pris de risques. Il m’a fait oui de la tête sans vraiment répondre ce qu’il allait faire. J’espère qu’il n’a pas eu de problèmes. Puis après l'avoir remercié une dernière fois, je suis partie dans la direction qu’il m’avait indiquée.

Après quelques minutes, alors que j'allais traverser une zone relativement découverte, un brouhaha a commencé à se faire sentir, semblable aux nuées de kitins que j’avais pu voir quelques jours plus tôt. Je me suis cachée comme j’ai pu dans une anfractuosité de sciure, et j'ai attendu un bon moment, essayant de ne pas paniquer, que le brouhaha passe. Ça a duré, et je me suis perdue dans mes penséses... Et si ma libération compromettait la sécurité des Trytonistes de Citadelle? Et si, par ma faute, l'attention se portait sur eux, au point qu'ils soient incriminés? Lorsque je suis sortie de mes pensées, le bruit avait cessé.

En ressortant de ma cachette, malgré mes précautions, je suis tombée nez à nez avec un maraudeur, seul, et armé d'une lance. Mon clan, ce que je fais ici ? Je n’ai pas menti, et lui ai dit que je me cachais des Kitins, en ramassant ma pique pour feindre de la remettre sur mon dos. D'un mouvement vif, je la lui ai alors plantée en dessous du casque, droit dans le cou. Un coup sec, fatal, pour un homin qui ne s’y attend pas. "Avec les amitiés d’Akilia" j’ai dit en frappant, sans vraiment réfléchir. Son corps s’est dématérialisé. Toub de toub… Sur le moment, je n'avais rien trouvé de mieux pour détourner leur attention. S’ils pensent que je suis une espionne du clan des cendres, ils en oublieront peut-être les Trytonistes.

Il m'a fallu plusieurs heures d'escalade avant que je ne puisse voir Azazor, de loin. Le bougre s'en sort pas mal, je dois dire. Il est bien plus en forme qu'au début de notre voyage. Je suis restée à distance, pour qu’il ne me voit pas. Pas encore. Je devais lui laisser un jour ou deux d’avance. Par chance, il semblait ne pas regarder en arrière. Lorsqu'il a établi un camp pour la nuit, j'ai essayé de dormir à même la sciure dans une crevasse de la falaise, réfléchissant à comment arriver devant lui. Que pouvais-je lui dire... Pour dédramatiser, maintenant que Citadelle était derrière nous, je pensais à... "Aza ! 'ren pyr, ça marche la grimpette?" "C'est vivifiant ici, tiens. On se fout des avoines maintenant ou on garde ça pour plus tard?".

Il faut croire que je réussis toujours mes arrivées. Le lendemain, il prit une pause après sa traversée hasardeuse d'un pont de corde. J'attendais de l'autre coté qu'il veuille bien re-démarrer, toujours pour lui laisser de l'avance. C'est alors que j’ai réalisé, par chance car j'essayais de me cacher de lui, que quelques maraudeurs escaladaient plus bas, après moi. Ils m'avaient vue, et espéraient m'atteindre sans bruit. Je n'avais aucune chance de me cacher ni des uns, ni de l'autre. Le combat n'était pas une bonne idée, je me suis donc élancée pour traverser le pont avec mon barda sur le dos. Azazor était surpris, j'ai cru qu'il allait m'envoyer par le gouffre. C'était eux, ou moi. Mais il a attendu que je traverse, avant de donner un grand coup de hache dans les cordes du pont pour le couper.

Il a sans doute lu.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#55 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Les deux aventuriers sont enfin arrivés tout en haut de la dorsale. Alors qu'ils se dirigent vers la bordure du plateau à l'est, Eeri pousse un soupir. Cela l'embête de relancer le sujet, mais il faut crever l'abcès.

- Bon, tu peux me l'avouer maintenant, t'as lu mon journal?

Azazor pousse un grognement mais finit par répondre oui dans sa barbe. Il ne l'a plus taillée depuis leur arrestation par les maraudeurs, lui donnant une allure d'ermite un peu illuminé.

- Donc tu sais pour... Uzykos?

Eeri prend soin de peser ses mots, s'attendant à tout moment à un accès de colère comme le gros fyros en a l'habitude. Cependant, sa réponse est particulièrement posée, ce qui est inquiétant.

- ney, je sais.
- ça a un rapport avec le fait que tu as coupé ces fichues cordes du pont d'izam?

Le fyros ne répond pas, continuant sa marche vers l'est. Eeri ne préfère pas insister. Elle sait déjà une chose, il a lu ses notes. Et c'est pas plus mal finalement.

Une heure plus tard, Azazor s'arrête. Eeri croit alors qu'il va enfin lui en dire plus. Au lieu de ça, il reprend sa marche mais lentement et finit par se figer à une vingtaine de mètres. Eeri le rejoint prudemment, ne sachant trop à quoi s'attendre. La vision qui s'offre à elle est tout bonnement monstrueuse. D'où ils sont, ils peuvent enfin voir le sol en contrebas à l'horizon. Un sol rouge et mouvant. Encore quelques centaines de mètres, et ils sont au bord de la falaise. Tout en bas, on distingue à peine le sol. Celui-ci est littéralement recouvert de kitins. On peut remarquer des endroits plus denses en kitins que d'autres, mais où que porte leur regard, tout n'est qu'invasion rampante.

Azazor tourne son regard vers la fyrette. La peur se lit sur son visage. La peur mais aussi... l'excitation. Car ce qu'ils voient en contrebas, c'est aussi la terre de leurs ancêtres. Ils y sont enfin arrivés. Ils voient pour la première fois ce que peu d'homins des Nouvelles Terres ont déjà vu: l'ancienne terre des fyros.

Ils restent assis là une bonne heure, les jambes dans le vide, à contempler le paysage qui leur rappelle celui des dunes impériales, une marée de kitins rouges en plus. Quand Azazor prend enfin la parole.

- Eeri?

Celle-ci lève les yeux de la marée grouillante de kitin.

- Hein, quoi?
- Si je t'ai aidé avec les marauds qui te poursuivaient, c'est bien à cause d'Uzykos. Je ne veux pas qu'il grandisse comme moi sans connaitre sa mère.

Il pointe un doigt plein de menace vers Eeri.

- Alors t'as intérêt à survivre.

La fyrette sourit et hoche la tête.

- De toute façon, je te préviens, si tu survies pas, je te tue!

A ces mots, il éclate de rire, suivie aussitôt par Eeri. En bas, les kitins continuent de grouiller, occupant les terres qui furent jadis celles des fyros.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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élucubrations
biographie

#56 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri surgit de derrière un grand morceau d’écorce et lança sa pique, qui toucha sa cible au poitrail. Sans attendre, elle s’élança en sortant une dague de sa ceinture, rattrapa la pique de sa main gauche et fit pivoter le manche vers le haut, afin de faire tomber l’animal au sol. Elle acheva le capryni d’un coup de dague, en grimaçant un peu. Puis, l’attrapant par les pattes arrières, elle le traîna sur une centaine de mètres, en direction d’Azazor.

— Azazor, prépare un feu! On va se gaver de barbaque!

Le fyros s’exécuta aussitôt, avec le peu de bois qu’il avait pu trouver. Il avait faim,ça faisait bien deux jours qu’ils n’avaient pas vu la trace d’un animal.
Dès que le feu commença à prendre, il posa sa cuirasse dessus afin de faire cuire les tranches de viande que découpait Eeri. Après ça, elle fit pendre à sa pique de fines lamelles découpées dans les parties grasses, et positionna l’arme horizontalement à proximité du feu. Une façon assez rapide de faire sécher la viande pour pouvoir la conserver quelques jours, espérait-elle. La tâche aurait été plus facile à la lumière naturelle, mais la zone était fraiche, à l'ombre de la canopée, et le soir arrivait.

Les deux mastiquaient en silence, profitant du repas. Dès qu’Eeri eut terminé, elle se leva.

— Nous n'avons pas assez de bois pour terminer de faire sécher la viande. Je retourne essayer d'en forer.

Sans attendre, elle empoigna sa hachette, la pioche qu’Azazor avait encore, par chance, et s’éloigna.

Le fyros était assis à mâchonner le reste de son repas. Il observait la canopée au dessus de lui, d’un oeil un peu rêveur. La végétation qui couvrait certaines parties et pas d’autres, la façon dont certaines racines semblaient se reposer littéralement sur d’autres, comme si par leurs enchevêtrements complexes, elle s’entraidaient pour ne pas s’effondrer. Puis il suivait des yeux les entrelacs jusqu’à l’horizon, espérant apercevoir les endroits où l’écorce et la canopée se rejoignaient. À vue d’oeil, estimer la taille des différentes canopées était difficile, même d’où ils se trouvaient. Il se rapprocha un peu du feu. Tant ils avaient eu chaud durant leur ascension, ce qui contrebalançait les nuits fraiches, la zone qu'ils venaient de traverser était en permanence à l'ombre de ce grand pan de canopée. Ils s'attendaient à une nuit glaciale.

Passer par le haut de la dorsale était certes la meilleure solution pour aller en direction de Coriolis. En revanche, ils ne pouvaient transporter que peu de vivres, leurs mektoubs étant restés à la Citadelle. L’altitude et le chemin escarpé, ou plutôt, l’absence de chemin et les crevasses, rendait la probabilité de croiser des Kitins presque nulle. Au plus avaient-ils aperçu un ou deux kipestas, à flanc de colline, en contrebas. Mais très vite ils se rendaient compte qu’ils ne croisaient aussi que peu de gibier. Le capryni qu’Eeri venait de chasser était un miracle inattendu. Ils n’avaient, depuis leur départ, capturé tout au plus qu’un ou deux Yubos plutôt maigres et déshydratés.

Lorsqu’Eeri revint avec un peu plus de bois, elle commença par consolider le feu et en rapprocher un peu la viande à faire sécher. Restant accroupie là, près du feu, elle regarda Azazor, et sourit. Pour la première fois depuis des jours, il semblait reposé et détendu.

— Je dois te raconter comment je m'en suis sortie.

Azazor, détourna ses yeux de la canopée pour regarder le feu, et répondit.

— La question que je me pose, c’est comment on va revenir. Il est hors de question de repasser par la Citadelle, et je ne pense pas qu’ils re-construisent ce pont de corde de sitôt. D’autant que je ne serai pas bien reçu non plus…

Eeri continua en ignorant ces nouveaux bougonnements d’Azazor.

— C'est grace un ami de Lopyrèch. Il m’a connue quand j’étais jeune.

Azazor frissona en entendant ce nom, sa mâchoire s'arrêta lentement de mastiquer et ses yeux s'écarquillèrent. Il resta quelques secondes en silence, comme pour se convaincre qu'il avait bien entendu.

— Il t’a libérée?
— ney. Il a pris beaucoup de risques pour ça. C’est lui qui m’a donné cette armure bleue, la mienne était trop voyante.
— Ça ne les a pas empêchés de te repérer et te poursuivre.

Eeri raconta sa captivité et son évasion, en effleurant le sujet des convictions Trytonistes de son libérateur.

— Tu es sure que c’est tout?

La fyrette regarda le feu, hésita un moment, puis continua :

— J'avais pas fini. J’ai du tuer un maraudeur, avant de pouvoir escalader. C’était lui ou moi… Il s’est dématérialisé et a sans doute donné l’alerte. Je pense qu’ils croient que je suis une espionne d’un autre clan maraudeur. Ils doivent sans doute considérer que toi aussi, maintenant.
— Je ne pense pas, mais ça compliquera le retour.
— On s'en sortira. On trouve toujours un moyen.

Eeri recommença à s'occuper de la viande qui séchait là, alors qu'Azazor reprenait doucement ses bougonnement.

— D’ailleurs... Tu as toujours ton cristal?

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
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#57 Multilingue 

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Journal d'Eeri
J’ai tout dit à Azazor. Plus de mensonges. De toute façon, je n’ai plus rien à lui cacher… Je n’ai plus grand chose en ma possession. Ils ont tout pris. Toutes les expériences que j’avais prévues, envolées. Plus de poison, afin de tester si la réaction des kitins ici est la même que dans les Nouvelles Terres. Plus de goo, plus de casque filtrant, et ce n’est pas ici que je vais réussir à en reconstituer. Plus de fioles vides, je ne pourrai pas non plus ramener d’échantillons sensibles… On oublie les poisons et sécrétions de kitins locaux, ou autres résidus que je pourrai trouver à Coriolis. De toute façon, j’aviserai… Il faudra bien du courage pour transporter quelque chose de plus, sans avoir de mektoub…
Un miracle que je puisse encore écrire, et que mes carnets de notes me soient revenus. Les maraudeurs les ont copiés, d'après Azazor. Au point ou on en est, tout aurait pu être pire.

Je n’ai même pas demandé à Azazor pourquoi il n’avait rien dit, rien fait, pour me sortir de cette situation de ramèch. Je lui dois bien ça. Il avait ses raisons, que je respecte. J'ai merdé. Je n’aurais peut-être pas du écouter Mazé’Yum, mais sans lui, sans ce cristal, j’aurais vraiment terminé dans le ventre d’un monstre des eaux de la grande flaque. J'aurais peut-être simplement dû lui en parler. Qui a raison, qui a tort… Nous faisons bien de laisser de coté ce qui a pourri nos relations depuis qu’Azazor a découvert ce flacon de poison, il y a si longtemps déjà.

Qui avait dit que passer en haut de la dorsale serait une partie de plaisir? Le chemin que nous avons emprunté pour arriver en haut a certes été façonné par des homins par le passé. Mais arrivés en haut, quasiment plus rien. Nous avançons comme nous pouvons, évitant les crevasses, parfois obligés de faire un détour de quelques kilomètres pour traverser. Et parfois, un escalier ou une échelle sont installées. Peut-être que tout simplement, nous perdons la trace du peu d'aménagements qui ont été réalisés, le chemin étant si peu emprunté. J'espère surtout qu'ils n'ont pas installé de Zinuakeen plus loin, dans la direction que nous prennons. Les maraudeurs pourraient simplement être en train de nous attendre, les armes à la main... Azazor semble avoir entendu dire que seul quelques rares chasseurs de dragons rouges et quelques Rangers s’aventurent encore dans cette direction... Ils ont sans doute autre chose à faire que de nous poursuivre. J'imagine que nous ne sommes pas si important à leurs yeux.

D’après les indications qu’Azazor a reçues, il nous reste quelques semaines de marche avant de pouvoir atteindre Coriolis. Nous marchons à l’affut du moindre gibier, de la moindre plante comestible. Quand nous serons à Coriolis, il nous faudra trouver le moyen de descendre de la dorsale, très prudemment. Éviter de tomber, et éviter de nous faire repérer par les kitins. Qui sait ce que nous trouverons... Peut-être rien, peut-être la réponse à tant de questions.
Si nous ne mourrons pas de faim d'ici là.

En contrebas, nous pouvons voir l’enfer qui a envahi le désert de nos ancêtres. Lorsque nous ne marchons pas, la vue que nous avons sur le mouvement des kitins est impressionnante. Mais plus nous nous éloignons de Citadelle, plus nous pouvons voir qu'ils ne couvrent pas la zone, loin de là. Ils se déplacent en groupe, des groupes bien plus fournis que ceux que nous pouvons voir dans nos Nouvelles Terres. Mais certaines zones semblent compter moins de kitins, voir aucun. Peut-être s’agit t-il de terrains sans gibier ou nourriture? De zones que les Kitins évitent pour d'autres raisons? Se déplacent-ils de zones en zones, en fonction des saisons? En fonction de la nourrirure qu'ils trouvent? Il me semble que malgré leurs mouvements de groupes distincts, certains troupeaux de kitins on tendance à se rapprocher de la dorsale pendant la journée, et de s'en éloigner le soir. Peut-être pour trouver la fraicheur? Nous verrons, mais il nous faudra peut-être descendre vers Coriolis de nuit. Le désert s'étend à perte de vue, et nous n'en apercevons qu'une petite partie, il nous faudrait quelques jours de plus à observer ces mêmes zones pour déterminer s'il s'agit des mêmes groupes, ou si de plus larges mouvements s'opèrent. D'ici, il est aussi relativement difficile de distinguer de quelles espèces il s'agit, ni de se faire une idée sur la taille de ces régions. Nous sommes si loin du sol, si près de la canopée, sans qu'elle ne soit accéssible. Voir le monde de si haut donne une sensation mêlée, entre victoire, vertige et angoisse infinie. Et plus nous avançons vers Coriolis, plus notre impatience se transforme en fébrilité.

Coriolis, la terre de nos ancêtres, là où, en creusant, ils ont réveillé l'essaim de Kitin. Ou Fyrak, peut-être... Peut-être bien l'endroit ou les Puissances cachent leurs plus terribles secrets.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
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#58 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Journal d'Azazor
Après quatre ans de voyage depuis Silan, nous sommes enfin arrivé à Coriolis! Ou tout du moins là où aurait dû s’ériger la cité minière. Quatre ans pour en arriver là! Nous sommes des novices, clairement. Des novices, affaiblis par des générations à vivre sous la protections des Puissances, quand des homins, maraudeurs ou rangers, ont su faire sans et réussissent le trajet Silan-Citadelle en deux ou trois cycles.

Du haut de la dorsale, en regardant en bas, il n’y a rien. Pas de bâtiments, pas même de ruines reconnaissables. Tout semble avoir été balayé par les kitins. On peut les voir au loin émerger de différents trous au niveau du sol. Il s’agit peut être des anciennes mines d’ambres, depuis complètement colonisées par les kitins. Ceux-ci forment une nuée grouillante à première vue totalement anarchique. Pourtant, cette masse se sépare ensuite en deux. Une partie converge vers quelques part au sud-est, vers ce qui est d'après moi l'ancienne forêt matis, l’autre se dirige vers la Citadelle. On dirait vraiment que Coriolis est une sorte de point de départ des kitins.

Nous savons que nous sommes au niveau de Coriolis, car, hormis cet agglutinement de kitins plus dense qu'ailleurs dans le désert, on peut encore apercevoir quelques ruines à flanc de falaise, en hauteur. L’une d’elle me fait penser à ce qu’il reste d’une tour de guet, une autre à un morceau de façade à moitié écroulée. Mais la ruine la mieux conservée est celle dans laquelle nous nous trouvons. Il s’agit d’une sorte de temple plus ou moins troglodyte presque tout en haut de la dorsale. Seule sa façade émerge de la falaise, le reste du temple étant creusé dans l'écorce. Il nous a fallu descendre un peu avec les cordes pour y accéder. La position de cette ruine, très difficile d’accès pour les kitins depuis le bas ou le haut de la dorsale explique son relativement bon état de conservation.

Il s’agit très probablement d’un temple au regard des colonnes d'ambres qui décorent la façade d’entrée. Sur le tympan, lui aussi visiblement taillé dans de l'ambre pure et finement décoré, on peut encore y lire « talum glad èt », le savoir est une arme, ainsi qu’une gravure ressemblant à s’y méprendre au tatouage des Flammes de Coriolis. Difficile de dire la fonction qu'avait ce temple. Une bibliothèque? Je les imagineais plutôt à Fyre qu'à Coriolis. Un lieu de fabrication et de restauration des cubes d'ambres peut-être comme le suggère Eeri? Ce qui ne serait pas idiot, vu la proximité des mines d'ambres.

Concernant les accès, un escalier taillé dans la falaise permettait autrefois d'accéder au temple par le bas, mais celui-ci est désormais totalement inutilisable, ne subsistant que deci delà quelques morceaux, tout le reste étant écroulé. Il devait aussi y avoir d'autres batîments plus bas à flanc de falaise, accessibles par ce même escalier serpentant sur la paroi. En se penchant, on peut encore voir quelques restes de ces bâtiments de temps à autre.

A l’intérieur du temple, on y trouve une salle principale avec un toit à moitié effondré. Tout le fond de la salle est inaccessible à cause de l’effondrement du plafond qui forme un tas de gravas bouchant les possibles pièces du fond. Seules deux portes bien conservée, sur les côtés, sont encore accessibles. L’une à gauche, menant sur une pièce entièrement effondrée sur elle même, et une autre à droite, dans laquelle je me trouve. Au sol, quelques meubles tombant en poussières, des étagères vides taillées à même l’écorce, et les restes d’un feu de camp, laissant entendre que cette pièce a déjà été utilisée dans un passé par si lointain. Par qui ? Des marauds de passage comme ce fameux clan de chasseurs de dragons rouges dont faisait parti jadis le père de Titus ? Ou par des rangers en mission d’observation? Il faut dire que depuis l’unique fenêtre de la pièce, on a une vue imprenable sur le désert et sa marée grouillante de kitins.

Avec Eeri, nous avons décidé d’excaver le fond du hall principale, pour tenter d’accéder à d’hypothétiques pièces plus au fond. S’il reste encore quelques savoirs préservés en ces lieux, ce ne peut être que derrière l’éboulement. Il nous faudra bien plusieurs heures pour espérer se créer un passage vers ce qu’il peut y avoir derrière tout ce fatras.


......


Nous avons commencé à excaver l’arrière du hall mais nous prenons une pause pour réfléchir. Un truc nous intrigue. En retirant patiemment les gravas de bois, nous avons pu remarquer que certains n’étaient probablement pas la résultante d’un effondrement mais avaient été mis là volontairement. C’est en fait un endroit précis qui nous alerte. Comme si à cet emplacement, il y avait un tunnel déjà creusé dans l'éboulement originel et rebouché ensuite avec les moyens du bord. A croire que nous ne sommes pas les premiers à creuser pour se frayer un passage, mais que les derniers à l’avoir fait ont vite eu fait de reboucher par la suite. Ce rebouchage ne doit pas dater de très longtemps. Notre hypothèse est que derrière se trouve une galerie par où peuvent potentiellement sortir des kitins et que cela a été rebouché par des homins pour assurer une relative sécurité du lieu. Pourtant, même si ce n’est pas très prudent, nous devons voir ce qu’il y a de l’autre côté.

Je crois que pour la première fois de ma vie, j’aime creuser. J’ai l’impression d’être comme ces mineurs de Coriolis qui, s’enfonçant toujours plus profondément pour chercher le Grand Dragon, tombèrent les premiers sur les kitins. J’ai beau savoir ce que l’histoire a donné, je ne peux m’empêcher de ressentir cette excitation propre à ma race de fyros, celle d’avancer, toujours plus loin, toujours plus profondément, en quête de la Vérité. S’il y a des kitins derrière, alors tant pis. Je suis prêt à mourir, ici, sur nos terres, entouré de nos ancêtres. Car après tout, le courage demeure-t-il à jamais dans les souvenirs de nos ancêtres morts au combat, ou coule-t-il encore dans le coeur des patriotes ?

Edité 3 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#59 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
- Aza, regarde ça!

Eeri finit de déblayer la sciure recouvrant un crâne en à peu près bon état. Cela fait plusieurs heures qu’Azazor et Eeri déblaient minutieusement ce qui ressemble de plus en plus à un tunnel creusé par on ne sait qui. Des homins ? Des kitins ? Impossible à dire. Toujours est-il que celui-ci a ensuite été rebouché. L’état du remblai ne fait aucun doute là-dessus. Les deux fyros n’ont pas cherché à déblayer entièrement le tunnel et se sont contentés de se creuser un étroit tunnel où tenir à un seul homin, allongé. A force d’aller-retour, ils se sont creusés une galerie de plusieurs mètres de long pour finir par déboucher sur une sorte de petite caverne tapissée de sciure. La caverne se termine par un autre tunnel, parfaitement ouvert quant à lui. Celle-ci ne doit pas faire partie du temple, au regard des parois qui semblent plutôt brutes. Cette caverne et ce tunnel au bout étaient-ils déjà là lors de la construction du temple par l’Empire fyros ? Ou ont-ils été construits par la suite, le tunnel menant on ne sait où ? A moins que ce tunnel ne soit qu’une construction kitin ?

Avant d'éventuellement s'aventurer plus avant dans le tunnel après la caverne, les deux fyros se sont mis en tête de fouiller le sol à la recherche de quelque chose d'important qui aurait pu être conservé sous la sciure. Très vite, ils ont pu mettre à jour là un morceau de bouclier en décomposition avancée, ici la lame d'une retch sans son manche ou encore des boules de sèves finement taillées provenant probablement d'un bijou. Les quelques restes trouvés jusqu'ici laissent présager qu’ici périrent un certains nombre de fyros. La lumière de la torche plantée au sol par les fyros fait ressortir les restes de ce champ de bataille, rendant la scène plutôt lugubre.

Azazor se rapproche du squelette trouvé par Eeri. Seul le crâne est pour l'instant dégagé du sol. Le reste est encore enfoncé dans le sol meuble fait de sciure et de débris en tout genre. Contrairement à Eeri, ce n'est pas la première fois qu'il est confronté à un squelette, il en a déjà vu un lors des cours d'anatomie à l'Académie Impériale. Toutefois, c'est la première fois qu'il en touche un, et le contact de l'os sur ses doigts lui procure un frisson qui lui parcourt toute l'échine. Se raclant la gorge pour se recentrer, Azazor commence à déblayer autour du squelette pour en dégager le reste du corps.

- Qu’est-ce que tu fais ?
- ça se voit non ? Je creuse.
- Tu veux voir s’il était cul de jatte ?
- dey, je veux voir si le reste du corps a été mieux conservé grâce à la sciure. Des bijoux, des bottes, un semblant de vêtement, n’importe quoi. On trouve que des miettes pour l'instant.

Eeri hausse les épaules mais aide néanmoins le fyros dans sa tâche. Même si ça la dégoute, elle est aussi curieuse de savoir si l'homin en question a laissé autre chose que ses vieux os dans sa mort. Après quelques minutes de fouille autour du squelette, Azazor tombe sur une boite fermée par un loquet. Il la brandit fièrement à Eeri qui ouvre de grands yeux étonnés. Le fyros lui sourit et s’empresse d’ouvrir la boite. Hélas, rien ne se trouve à l’intérieur. La mine déconfite d’Azazor fait sourire la fyrette. Qu’est-ce qu’il espérait après tout ? Trouver un cube d’ambre ?

Alors que cette pensée traverse son esprit, son regard s’accroche sur un bref éclat de lumière en dessous de l’endroit où se trouvait la boite. Le fyros l’a vu également et plonge la main pour saisir l’objet avant elle.
Cette fois-ci, pas de déconvenue. L’objet qu’en sort Azazor est de forme cubique, renvoyant une légère lueur violacée.

- Coriolis ! ne peut s’empêcher de lâcher la fyrette.
- Il y a une inscription dessus. Attend…

Le fyros souffle dessus pour en chasser les impuretés puis se met à lire l’inscription. Sa voix résonne en échos dans la caverne.

- bavèchen coriolis fyrum...
- Rumeurs sur l’incendie de Coriolis !
- ney ! Mais vu l’état du cube, on ne pourra pas le lire ici. Il faudra le réactiver au minimum.
- Ouaip, il manque un morceau en plus.

Un coin du cube est en effet manquant. Voyant cela, Azazor se remet à fouiller autour du squelette à la recherche du morceau perdu, quand un bruit se fait entendre du fond du tunnel.

- Aza, t’as entendu? souffle Eeri.
- Aide-moi à chercher ! beugle le fyros tout en continuant à fouiller frénétiquement autour du squelette.

Un autre bruit se fait entendre, plus proche cette fois-ci. Eeri, l’oreille affûtée, reconnaît là le déplacement rapide d’un kitin venant à leur rencontre.

- Aza, y’a un kitin qui se pointe !

Le fyros lève les yeux vers Eeri, l’air agacé. Un grondement de kincher inscrit la terreur sur son visage.

- ramèch ! On s’arrache !

Ils se précipitent tout deux vers la galerie qu’ils ont creusé et, rampant aussi vite que possible, en sortent haletant, couverts de sciures et complètement affolés. Derrière eux, le kincher pousse un nouvel hurlement.

- Il… il pourra pas passer, la galerie est trop petite et…

Comme pour faire mentir le fyros, le kincher se met à furieusement gratter la galerie pour l’agrandir. Sa force est phénoménale, et très vite, il semble évident qu’il va rapidement passer de l’autre côté, là où l’attendent les deux fyros terrorisés. Ils ont déjà affronté des kitins dans les Nouvelles Terres, mais pas ici. Ceux des Anciennes Terres sont bien plus coriaces, ils le savent. Et surtout, s’ils tombent, il n’y aura personne pour les relever.
Mais très vite leur entrainement martial reprend le dessus et ils s’équipent avec leurs armes laissées dans la petite pièce à droite du hall. Azazor s’équipe de son bouclier et de sa hachette, Eeri enfile les amplificateurs d’Azazor, sa pique n'étant de toute façon pas efficace contre les kinchers et le fyros lui ayant formellement interdit de toucher à sa hache deux mains. De toute façon, c’est lui le tank, il l’a toujours été, rechignant à chaque fois à s’occuper du soin.

Prêts au combat, les deux fyros font face à la galerie d’où surgit bientôt le kincher qui explose le tas de remblai qui bouchait le tunnel. Celui-ci est immense comparé à ceux des Nouvelles Terres. Plus gros encore qu’un Gerder ou un Daï-den. Sa couleur rouge détonne également. Ses mandibules claquent violemment l’une contre l’autre tandis qu’il pousse un hurlement encore plus massif que tout à l'heure.

Comme pour répondre à la tentative d’intimidation du kincher, Azazor cogne son bouclier avec sa hachette.

- Viens là, kitin ! Ici, il y a encore des fyros qui se battent !

Le combat qui suit est particulièrement violent. Plus d’une fois, le fyros doit encaisser péniblement les coups du kincher sur son bouclier tandis que la fyrette apporte le soutien en arrière. Heureusement, le kitin ne se bat pas différemment que dans les Nouvelles Terres, et surtout, Eeri est là pour assurer le soin et lancer des sorts de feu quand l’occasion se présente. Après un rude combat, où le fyros voit sa hachette se briser dans les mandibules du kincher et être obligé de lâcher le bouclier pour se battre avec la hache à deux mains, le kitin finit par s’écrouler sous un dernier sort de feu fatal d’Eeri. Les deux fyros reprennent à peine leur souffle quand une secousse se fait ressentir dans le temple. Un crépitement d’un millier de pattes se fait entendre du fond du hall, là où a surgi le kincher.

- Il y en a d’autre Aza ! Faut qu’on dégage de là !
- ney ! On retourne à la corde et on remonte sur le plateau !

Courant comme des dératés, ils parviennent tout juste à s’accrocher à la corde quand un grand nombre de kitins, principalement des kirostas, déboulent du tunnel et se dirigent vers les fyros. Ceux-ci ne se font pas prier et remontent aussi vite que possible par où ils sont descendus, tandis que les kirostas restent en bas, ne pouvant les suivre dans leur escalade.

Edité 4 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#60 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
— Pour une fois, c’est pas à cause de mes conneries, haleta Eeri. Tu as pu sauver le cube?
— ney, râla Azazor dans un souffle, en s’avachissant sur le dos pour reprendre son souffle.
— ramèch, espérons qu’il n’y ait pas de galerie aboutissant sur le plateau de la dorsale…

Eeri se redressa vivement et entreprit de remonter lentement la corde.

— Un tryker de plus avec nous, et ça aurait lâché, ricana-t-elle. On a eu de la chance. Mais je pense qu’on ne pourra pas s’en resservir.
— Une fyrette de moins et j’aurais terminé mon voyage ici.
— Dis pas de bêtises. On forme juste une bonne équipe, répondit Eeri. Quand on ne se fout pas des tartes, pensa-t-elle.

Eeri s’empressa d’escalader une petite butte, et observa les alentours, aux aguets.

— Faut pas traîner, Aza. Si les kitins ont un moyen de monter ici, ils vont pas tarder à se pointer...
— T'as raison. Traînons pas.

Azazor se redressa vivement. Il leur fallait s’éloigner du bord de la dorsale et progresser prudemment, à l’affut. La montagne comptait sans doute de nombreuses galeries, il pourrait suffire d’un accès pour qu’une horde de kirosta déboule à leurs trousses.

— C’était donc ça, Coriolis, annonça Azazor, de façon solennelle..
— Faut croire. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre...
— Il ne reste plus rien, à part le peu qu’on a pu voir.
— Sinon, faudrait trouver un moyen de descendre plus bas.
— Tu y penses sérieusement?

Eeri s’arrêta, et regarda vers l’horizon.

— geniyùch, talorùch, didraùch… dey, odraùch.*
— Tu crois vraiment que c’est le moment de faire de la poésie, railla Azazor?
— Bah... On est arrivés jusque ici, et même si c’est pas aussi glorieux qu’on l’imaginait, il faudrait trouver le genre de citation qui pourrait rester dans la légende, tu vois…

Azazor haussa les épaules d’un air peu convaincu.

— La légende, ricana Azazor en reprenant sa marche. T’en fais une belle, de légende.
— T’as raison, ney, ça sonne pas si bien, continua-t-elle. Et puis y’a personne d’autre que nous, on pourra trouver un truc qui en jette un peu plus tard.

Eeri emboita le pas d’Azazor en lui tirant la langue.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English translation by Nilstilar !

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#61 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Ils trouvèrent l’endroit idéal pour poser leur campement alors que la nuit était déjà tombée. C'était un grand morceau d’écorce, formant par chance une petite hutte. Eeri sortit ce qu’il restait de viande séchée et la posa entre Azazor et elle. Ils avaient marché des heures. Ils avaient eu raison de rester sur leurs gardes : quelques kirostas avaient bien trouvé le chemin du plateau, et semblaient patrouiller dans la zone, en groupe. Les fyros redoublèrent de prudence. À deux, ils n’auraient pas eu la moindre chance contre plusieurs kirostas, mais un groupe était plus facile à éviter que s’il s’agissait d’individus épars et indépendants. Il leur fallut cependant plusieurs heures pour contourner la zone et s’éloigner suffisamment.

Encore haletants, ils piochèrent dans la viande, morceau par morceau, mastiquant lentement. Moins il y a à manger, plus il faut faire croire à son corps que l’on mange. Eeri prit la parole en chuchotant, afin de rester aux aguets du moindre bruit aux alentours.

— Aucune idée d’où on est, dey?
— Plus ou moins à l'est de Coriolis. Il aurait fallut aller vers l’ouest, mais ces satanés kirostas…
— Je pense qu’on a bien fait de rester très à distance. Certains kirostas de chez nous nous sentent de très loin… Alors ici, qui sait.
— Je dis pas qu’on aurait dû s’en approcher.

Eeri avala un morceau en déglutissant bruyamment.

— De toute façon, l'est, c’est notre route.
— Qu’est-ce que tu racontes?

Eeri prit un autre morceau de viande et commença à la mastiquer. Elle alla pour recracher un morceau de couenne, mais se ravisa et mâcha de plus belle. La nourriture était rare. Azazor continua.

— On va vers l’Ouest, on trouve un moyen de descendre de cette fichue dorsale vers le désert de la route d’Oflovak.
— dey. On continue vers l'est, vers Fyre.
— MAIS T’ES COMPLÈTEMENT MALA…
— Mais chuuuut !! On a dit pas de bruit !

Azazor, se reprit en chuchotant d’une voix étranglée, les yeux exorbités

— T’es complètement malade… C’est au moins à trois mois de marche...
— Et alors, tu as déjà été si près que ça de Fyre, toi? Moi dey.
— Et puis, on a plus rien à bouffer!
— On trouvera.
— Eeri... On a un cube d'ambre qui semble parler de Coriolis! Je peux pas prendre le risque de le perdre. Et puis, y’a sans doute plus rien, comme ici.
— Je suis prête à prendre le risque. J’irai seule, si tu ne me suis pas.

Azazor ne répondit rien. Il savait bien que si Eeri avait une idée en tête, il serait difficile de la convaincre de changer d’avis.

— On en reparle quand il fera jour, grommela-t-il.
— Je vais monter la garde quelques heures, dors un peu, répondit Eeri.

Eeri, à l’affut du moindre bruit, sortit de l'écrin d'écorce dans lequel le fyros ronflait déjà. Dans l'obscurité, son regard se porta à l'est, toujours plus loin des Nouvelles Terres. Fyre, la terre de ses ancêtres, la ville dont le nom faisait vibrer les rêves des enfants de Pyr, quand elle était petite. Une ville si grande, si lointaine. Probablement détruite, entièrement ou en partie, maintenant. Elle s'adossa contre un petit buisson, posa sa pique en équilibre sur ses genoux et ferma ses yeux. C'était décidé, dès que les lueurs du jour allaient apparaître, elle allait partir pour Fyre. Avec ou sans Azazor.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: english Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#62 Multilingue 

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— Eeri !!!

Le fyros s’époumonait, mais continua d’avancer en haletant pendant quelques centaines de mètres, avant de hurler de nouveau :

— Eeri !!! Bougresse de saleté de tête de bois !!

Azazor s’arrêta un moment, pour reprendre son souffle. Voilà plusieurs journées qu’il suivait ses traces, et maintenant il avait cru l’apercevoir, au loin. Elle avançait vite, bien plus vite que quand ils étaient à deux.
Alors que la nuit tombait, il pensa à allumer un feu. La lumière dans la nuit pourrait prévenir la fyrette qu’il était à ses trousses, et elle l’attendrait sans doute, du moins espérait-il. En même temps, la lumière d’un feu pouvait attirer des prédateurs. Trop risqué, surtout en étant seul.

— Quelle idée de la laisser partir seule, bougonna t-il en se remettant en route. Il pouvait encore marcher au moins deux heures avant la tombée de la nuit, il ne fallait pas perdre de temps. Si seulement il avait pris plus tôt la décision de finalement partir lui aussi vers Fyre... Mais était-ce bien une bonne décision? Il avait un cube d'ambre, un cube qui récélait peut-être une grande vérité sur le feu de Coriolis. C'était irresponsable de prendre ce risque, il le savait. Mais il ne pouvait se résoudre à laisser seule Eeri découvrir Fyre. Et puis... c'était la mère d'Uzykos. Son fils. Ils étaient partis ensemble, ils reviendraient ensemble.

Azazor avança tant qu’il put voir où il posait ses pieds, de plus en plus prudemment à mesure que la nuit tombait. Lorsque l’obscurité fut presque totale, il avisa une anfractuosité dans la sciure et s’assit là, la hache à la main. Depuis qu’ils étaient partis, ils s’étaient habitués au même rituel à la tombée de la nuit lorsqu’ils avaient à se reposer ou s’arrêter dans un endroit inconnu et sans protection. S’assoir. Pendant un moment, silence total, les armes à la main, et se concentrer sur les sons, en essayant d’imaginer leur distance et position dans l’obscurité. Un bruit isolé n’était jamais mauvais signe, il pouvait toujours s’agir d’un craquement d’écorce. Des bruits de pas rapides, plus ou moins proche, étaient souvent signes de la faune aux alentour, en général des herbivores, comme eux, à l’affut de prédateurs. Ici, il y en avait peu, il fallait se concentrer sur de possibles prédateurs. En général, des pas feutrés sur l’écorce, s’approchant, ou décrivant un cercle autour d’eux. Si après de longues minutes, la zone restait silencieuse, ils pouvaient commencer à se détendre. Les prédateurs n’attendent jamais longtemps avant de signaler leur présence et d’attaquer.

Alors que tout semblait silencieux, il put enfin fermer ses yeux, exténué.


***


Il s’éveilla dans la même position à l’orée du jour et regarda autour de lui. Tout semblait différent de ce qu’il avait pu observer dans l’obscurité. Il n’avait pas cru s’endormir si près du précipice, et réalisait maintenant que seulement quelques mètres le séparaient du ravin. Il se leva, s’étira et regarda le spectacle du désert en contrebas, une nouvelle fois. Le désert de ses ancêtres, toujours grouillant de Kitins, une véritable armée retenue par cette montagne. L’essaim qu’il avait vécu dans les nouvelles terres n’était rien comparé à la quantité de Kitins qu’il pouvait voir ici, et la petite portion de désert qu'il pouvait voir d'ici lui faisait imaginer qu'il devait y avoir des millions d’entre eux rien que dans ce désert, si ce n’est plus. Sans doute un nombre qu’aucun fyros ne pourrait jamais s’imaginer.

Rapidement, il se remit en route en suivant le bord de la falaise, et après plusieurs heures de marche, il se posta sur une petite butte pour observer s’il pouvait retrouver une trace d’Eeri. Mais rien, elle était sans doute déjà loin, en avant. Il redescendit et reprit sa route, en réfléchissant à une meilleure façon de lui signaler sa présence. Si seulement il avait un feu d’artifice… Ou une corne de torbak, c’était possible de créer des sons prodigieusement bruyants en soufflant dedans. Mais rien de tout ça. Il avançait légèrement dans ses pensées, jusqu’à ce qu’il entende un grognement. Par réflexe, il attrapa sa hache et s’arrêta.

Un cuttler, en face de lui, le regardait de ses yeux affamés, une sorte de bave poussiéreuse aux lèvres. Sa couleur se confondait avec la sciure de la dorsale.

— ramèch, j’avais bien besoin de ça…

Il regarda autour de lui, sachant bien qu’un cuttler n’arrive jamais seul. Il devina un second, légèrement en retrait sur sa gauche, dans l’ombre. Deux? Trop facile. Il serra sa hache et se prépara à l’assaut. Attaquer le premier, et être prêt à parer les crocs de celui qui arriverait par derrière, si possible en lui décochant un coup de hache. Pourtant, son attention était troublée par quelque chose, une autre présence. Un troisième cuttler? Il n'était pas sûr. Le prédateur, en face de lui, ne l'avait pas encore attaqué, semblant lui aussi hésiter. C'est alors qu’un cri terrible se fit entendre. Eeri surgit du talus et s’élança sur l'animal, les dagues à la main.

— Gruuuuhhh !!
— Eeri !
— Gaffe au troisième !
— Quel troisième?

Un autre cuttler, qu’il n’avait pas vu, sauta en direction d’Azazor. Le fyros esquiva, et d’un grand coup de botte, envoya l’animal dans le ravin.

— Bien joué ! Un autre derrière, s’écria Eeri, toujours aux prises avec le premier.
— Mais qu’est-ce que tu fous là, je te croyais à des jours d’ici, répondit Azazor, envoyant un coup net de hache dans la mâchoire de son attaquant, lui explosant quelques dents.
— C’est à moi de te demander ça ! Je te pensais parti !

Après plusieurs coups de hache d’Azazor, le troisième cuttler finit par s'enfuir sur trois pates, halletant et dégoulinant de sang, tandis qu’Eeri achevait celui qu’elle maintenait au sol, d’une série de coups de dagues. Azazor haussa les épaules.

— À deux, c’est facile.
— ney. Donc tu m’accompagnes?
— ney. Tu croyais quand même pas que j'allais laisser la redécouverte de Fyre à une fyros à moitié tryker?
— A la bonne heure.
Pointant un cuttler au sol, elle ajouta:
— T’as déjà bouffé du cuttler?
— dey. Ça doit être dégueulasse mais s’il n’y a que ça, je vais pas refuser.

Le visage d’Eeri offrit à Azazor son habituel sourire de bouchère, et elle entreprit de couper les quatre membres de l’animal.

— Il faut bien marteler la viande avant de la griller, ça réduit l’acidité et c’est plus digeste. Puis si tu as le temps, tu la fais cuire lentement, c’est un peu plus tendre.
— Je sais que ça l'attendrit, mais l'acidité?
— Tu savais que les fraiders mangeaient parfois du tyrancha? Eh bien, ils savent aussi cuire le cuttler.
— Et du coup ils tapent dessus?
— ney, tu l'écrases et fais sortir le jus. C'est plus sec, mais ça t'évite une sacré débâcle.

Elle jeta une cuisse à Azazor.

— La tête et le torse, c’est vraiment pas mangeable. En plus celui-là n’est pas bien gros. En revanche, il faut trouver un endroit à l’abris du vent, on ne peut pas faire de feu ici.

Elle attacha les deux membres avant à son sac à l’aide d’un reste de cordelette, puis jeta la cuisse sur son épaule.

— En route. On trouve un endroit pour établir un camp et on cuisi…

Eeri fut interrompue par un grondement d’une puissance incroyable qui fit vibrer la montagne.

— J’sais que tu as faim, mais quand même…

Quelque chose approchait. Les deux fyros restèrent un moment interdits, immobiles et silencieux. Le grondement se fit de nouveau entendre, plus proche, tandis que l'air se chargea d'une tension inquiétante. Scrutant le bord de la falaise d'où venait le bruit, ils virent surgir une créature gigantesque, comme ils n'en avaient jamais vue.

— Mets tes amplis, hurla Azazor !!
— dey, TU mets des amplis. Cette fois c'est à moi de jouer, hurla à son tour Eeri, arrachant la hache des mains du fyros.
— Mais… !!
— Ma pique ne fera pas le poids !! Fais ce que je te dis !

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans).

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Eeri
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#63 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri laissa tomber la viande qui pendait à son sac et vissa son casque sur sa tête. Ses mains se crispèrent sur la hache.

— Un dragon rouge ! gueula finalement Azazor.

L'homine se concentra, décidée à se battre, et observa le kitin afin de déceler la moindre faille dans sa carapace. Ce dernier était déjà à quelques mètres d’eux, et avait ralenti sa course, comme s’il voulait lui aussi observer et apprécier ses proies. Sa carapace était écarlate, vive et luisante. Chaque écaille semblait palpiter d'un feu brûlant, comme si les veines du kitin transportaient des braises en fusion. Ce dragon rouge était un énorme kipesta de plusieurs mètres de long, entouré d’un halo de fumée grise, semblant prêt à exploser. Sa carapace, bardée de crêtes d'épines acérées, reliait son crâne protubérant au bout de sa queue écailleuse. Quant à sa poche à pollen, elle était bien plus imposante que celle qu'un kipeskoo pouvait avoir, et suintait d'un liquide écarlate et fumant, bien différent du celui que les kipestas produisaient habituellement. Pour finir, le battement de ses six ailes faisait voler la sciure autour de lui, et générait un vrombissement assourdissant.

Obnubilée par l'allure de la créature, Eeri ne vit pas sa première attaque arriver. Le puissant coup de queue qu'elle reçut dans la poitrine la fit valser sur plusieurs mètres et l'envoya s'écraser droit sur une souche, qu'elle se prit en plein dans les reins. Le souffle coupé par le double impact, la Fyrette s'écroula dans la sciure, totalement sonnée. Elle ne s'était pas attendue à une telle vivacité. Ne perdant pas une seconde, Azazor lança un sort de soin en direction d'Eeri. Bien qu'il n'était pas un mage expert en magie curative, l'enchantement mis sur son amplificateur était de bonne qualité et faisait parfaitement son office. Enfin... Fallait-il encore qu'il n'épuise pas tous les cristaux de sève qu'il avait en réserve, sans quoi il ne serait plus capable d’utiliser l'enchantement de son amplificateur. Et malheureusement, le premier coup porté par le kipesta ayant mis KO Eeri, il se vit contraint de bien entamer son stock. Tournant autour du corps de son amie en envoyant des salves de soin, et en esquivant les attaques du kitin qui l'avait désormais repéré, il parvint finalement à la relever. Ce qu'il ne vit en revanche pas, c'est le bord de la falaise qui se rapprochait dangereusement de ses pieds...

— Par ici ! hurla Eeri, de nouveau debout.
— Rends-moi ma hache ! Tu soignes mieux que moi ! répliqua le Fyros.

Ignorant Azazor, la Fyrette fonça sur le kitin, qui lui tournait désormais le dos, et lui assena un puissant coup de hache, touchant l'une de ses ailes. La créature fit volte-face et riposta d'un coup de queue circulaire, qu'Eeri esquiva cette fois-ci. Voyant que le kipesta avait à peine bronché, elle comprit qu'il en faudrait bien plus pour venir à bout de cet ennemi. La blessure qu’elle venait de lui infliger était ridicule en comparaison de sa taille... Furieux, le monstre donna un troisième coup de queue en direction de l'homine, qui l'esquiva une seconde fois. En vérité, cela n'était pas chose facile : le monstre était si gros qu'il fallait largement anticiper son attaque pour espérer éviter le choc. Par ailleurs, chaque coup porté par la bête faisait voler la sciure, envoyant un nuage de poussière brouillant largement la vision des Fyros. Repérant l'aura incandescente du kitin dans le brouillard de poussière, Eeri s’élança de nouveau vers lui en hurlant, telle une furie, frappant où elle pouvait. Mais la hache ne fit que ricocher sur la carapace brûlante. Le kipesta tenta une nouvelle attaque avec sa queue et la Fyrette se baissa juste à temps pour sentir les pics acérés racler le dessus de son casque. Elle en profita alors pour exécuter une contre-attaque, que le kitin esquiva d'un battement d'aile en prenant de la hauteur. Se retournant brusquement malgré son immense masse, la bête effectua finalement une charge aérienne et réussit à percuter Eeri, qui valsa une seconde fois à plusieurs mètres. Désarmée et affalée dans la sciure, l'homine eut à peine le temps de comprendre que l'impact avait déboitée son épaule gauche que l'enchantement d'Azazor remit aussitôt l'articulation en place. Son camarade continuait inlassablement de tourner autour d'elle, attentif à soigner chacune de ses blessures. Ramassant sa hache et vérifiant d'un moulinet du bras l'efficacité de l'enchantement, Eeri fonça une nouvelle fois vers la créature. Le combat allait définitivement être long...

Et effectivement, le combat dura ainsi quelques minutes. Des minutes qui, dans ce genre de situations, étaient pareilles à des heures. Si le kitin réussissait la plupart du temps à blesser Eeri, rares furent les fois où la Fyrette put le toucher en retour. Sans les soins prodigués par Azazor, elle serait morte depuis longtemps... Et lorsqu'elle parvenait finalement à atteindre sa cible, la hache venait se fracasser sur l'épaisse carapace du kipesta. Pas une seule fois elle ne parvint de nouveau à toucher ses ailes, seule partie a priori plus vulnérable que les autres. Comme si la bête avait compris. Comme si elle avait compris qu'il lui suffisait de prendre un peu de hauteur pour éviter les coups les plus dangereux. Le kipesta était, en effet, capable de s'envoler très haut dans le ciel, hors de portée de toutes attaques. Quand il ne pouvait pas s'envoler assez rapidement, il lui suffisait de présenter sa tête de front pour parer le coup de hache qui venait alors buter sur l'épaisse carapace protectrice de son crâne. Pendant ce temps, Azazor vidait progressivement son stock de cristaux de sève en soignant Eeri à chaque fois qu'elle se retrouvait au sol. Il n'avait même pas eu le temps d'ôter son armure lourde pour tenter de lancer un quelconque sort de feu. À quelques moments, le monstre tenta de s'en prendre à Azazor. Lorsque que cela arriva, Eeri enfila sa propre paire d'amplificateurs, afin de soutenir son camarade le temps de réussir à attirer à nouveau l'attention du kitin. Et le manège se répéta.

Il se répéta jusqu'à ce que, soudainement, comme lassé par la tournure que prenait le combat, le kipesta fit tranquillement demi-tour, s'éloignant d'une dizaine de mètres. Déconcertée, Eeri baissa sa garde et jeta un coup d'œil à Azazor. Face à un tel adversaire, un match-nul avait valeur de victoire, non ? Si son camarade n'était pas casqué, la Fyrette aurait probablement pu lire l'horreur qui s'exprima sur son visage alors qu'il pointa ses amplificateurs en direction du kipesta. Mais il était déjà trop tard. La créature se raidit, fit pivoter ses six ailes, et se propulsa en marche arrière en direction d'Eeri. Jamais les deux Fyros n'avaient vu un kipesa opérer une telle manœuvre. Sans même qu'Eeri ne puisse réagir, la queue écailleuse et acérée transperça son ventre. Tel un fouet, le monstre n'eut alors qu'à faire claquer son extrémité abdominale sur le sol pour se débarrasser du corps de l'homine, qui roula dans la sciure telle une vulgaire poupée de chiffon. Son corps mutilé et désarticulé allait demander de nombreux soins avant d'être totalement réparé... Sa précieuse pique aussi, auparavant attachée sur son dos, et désormais brisée en deux dans la poussière.

Probablement conscient de sa réussite, le kitin délaissa Eeri et se retourna vers Azazor, qui tentait tant bien que mal de relever sa partenaire. La créature poussa un grondement terrifiant, mais n'agit pas, comme si elle jaugeait son adversaire. Profitant des quelques secondes qui lui étaient offertes, Azazor fonça vers Eeri, vidant ses amplificateurs de toute charge magique, épuisant tout son stock de cristaux. Cela ne suffit cependant pas à la relever. Elle était vivante, il le sentait. Mais en très mauvais état, quasiment inconsciente. N'abandonnant pas, il tenta de la soigner sans enchantement, en armure lourde, épuisant progressivement son endurance à manipuler la sève. Si le kipesta continuait à l'observer ainsi sans réagir, il aurait le temps de la relever. Il le devait. Et alors que la Fyrette commençait à peine à se remettre à genoux, le kitin la renvoya aussitôt au sol d'un coup de queue. Désemparé, Azazor accrocha sa paire d'amplificateurs à sa ceinture sans quitter la créature des yeux. Il jouait avec eux, il en était certain. Ce monstre jouait avec eux, et après avoir vaincu Eeri, il cherchait désormais à combattre Azazor seul à seul. Sans pouvoir confirmer son hypothèse, qui n'était peut-être que le fruit d'une projection fiévreuse, le Fyros accepta le duel. Quitte à mourir aujourd'hui, que ce soit une retch à la main que des amplificateurs !

De longues secondes s'écoulèrent, durant lesquels les deux guerriers se jaugèrent, puis Azazor passa finalement à l'action. D'un habile mouvement de pied, le Fyros ramassa la pique brisée d'Eeri et la lança en direction du kipesta, qui la para d'un énième coup de queue et fonça sur son adversaire. Le duel avait commencé. Jouant sa vie, Azazor évita la charge du kipesta d'une roulade et ramassa la hache qu’Eeri avait laissée échapper de ses mains. Puis, il s’élança également vers le kitin, hurlant comme une bête. Cet accès de courage n'impressionna pas le monstre, qui fit valser le Fyros par-dessus le précipice d'un coup de crâne en pleine poitrine. Plantant sa hache in extremis dans le rebord de la falaise, faisant fi de son souffle totalement coupé, Azazor réussit à éviter la chute mortelle. Il arrivait à peine à respirer, ses côtes étaient probablement brisées, et il n'était désormais plus capable de relever Eeri. Mais il n'était pas encore mort. Réussissant à se hisser sur le plateau, le Fyros leva sa hache et la fit tournoyer au dessus de lui, gueulant de toutes les forces qu'il lui restait. Un cri de guerre, peut être son dernier. Puisant dans ses dernières ressources pour régénérer son corps blessé, il chargea le dragon rouge. D'un saut, il évita la queue acérée, et à la suite d'une ultime roulade, il réussit à porter un coup de hache furieux sur le flanc de la créature, qui ne s'attendait probablement pas à voir le frêle homin prendre tant de risques. En récompense de sa bravoure, Azazor vit alors voler une écaille écarlate. La bête avait finalement un point faible.

— ORAK !!!!

Mais la joie fut de courte durée. Le kipesta poussa un hurlement ignoble, et au même moment, le Fyros crut voir des flammes palpiter en lieu et place de l'écaille qu'il avait réussi à arracher. Comprenant que quelque chose était en train de se préparer, Azazor décrocha le bouclier qu'il portait jusqu'alors sur son dos et vint se placer devant Eeri, gisante toujours sur le sol. À peine eut-il le temps de se positionner qu'il sentit la température augmenter. C'est en observant la créature une dernière fois qu'il comprit que son impression était fondée. Le kitin était en train d'enfler de part en part. Du bout de sa queue à son crâne. Mais cela n'était rien en comparaison de sa poche à pollen, qui venait de tripler de volume en à peine quelques secondes. D'un mouvement erratique, le monstre planta sa trompe dans le sol, et Azazor sut alors que c'était la fin. Une explosion gigantesque survint, brisant la portion de falaise sur laquelle ils combattaient, et libérant un flot de flammes si puissant qu'elles rasèrent tout sur une centaine de mètres. La dernière chose que sentit Azazor fut la chaleur.

Faisant fondre son bouclier.

Puis son armure.

Et enfin sa peau.

((HRP: texte écrit à 6 mains par Eeri, Azazor et Finaen))

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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fyros pure sève
akash i orak, talen i rechten!
élucubrations
biographie

#64 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Azazor ouvre un œil. Un seul. Il se voit flotter, voler, comme la fumée d’un grand brasier. Il flotte au dessus du désert. Il voit la grande dorsale, le désert et même de l’eau plus loin, par delà une autre chaine de montagnes. La grande flaque peut-être.

Mort, il est mort. Il n’y a pas de doute. Son corps est tout en bas, carbonisé, réduit en cendre par le dragon rouge, et il flotte comme la fumée. Il lui faut pourtant lutter contre l’envie de se laisser porter.

gladuch odraèt og, didrauch fyrak gladuch, tels sont les mots des gey-zas morts au combat, tel est son devoir. Combattre la fumée qui élève pour redescendre dans les profondeurs afin d’y combattre le dragon. Alors il ferme son oeil et se concentre pour redescendre vers son dernier combat.



Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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élucubrations
biographie

#65 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri ouvre un œil. Peut-être les deux, qui sait. Tout est brouillé. Elle ne voit rien, ne sent rien, à part l’impression d’être posée sur une matière en même temps glaciale et brulante, vibrante d'énergie. La douleur et l’absence de douleur. Un long hurlement sans fin semble avoir pris possession de son esprit, un fracas strident résonnant sur les parois de son crâne. Un cri long et terrible enfermé en elle, effaçant toute notion de temps, de passé, de présent, de futur.

C’est donc ça, le vide? Le néant? La punition pour son âme et sa graine de vie, le châtiment pour les erreurs de sa vie passée, ses secrets, ses mensonges, ses fuites, ses abandons?

Un hurlement sans fin, assourdissant.

Une ombre émerge du chaos. Il y a des ombres, dans le néant? Une forme, plutôt, une silhouette, un casque. Le casque de l’épouvante. Le vacarme dans son esprit se fait plus intense et perçant, à mesure que la silhouette se rapproche. Des dagues glaciales viennent se planter dans ses orbites, ses tympans, sa gorge, son torse.

La douleur, dernière délivrance avant la mort.

Et soudain, le silence. Son esprit sombre dans le néant.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
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#66 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri jeta doucement dans le feu l’os qu’elle tenait en main, dernier vestige de la cuisse de yubo qu’elle venait de manger. Son interlocuteur se tut et la regarda, en silence, concient qu'il allait falloir lui laisser du temps pour qu'elle encaisse ce qu'il venait de lui dire.

— C’était donc ça, articula t-elle. Ils n’ont rien dit de plus?
— Ils ont dit qu’ils vous avaient cru morts. C’est déjà arrivé, et parfois, ils offrent une sépulture décente aux homins qu’ils trouvent, s’ils le peuvent. Ça t’étonne tant que ça?
— De leur part, oui, répondit Eeri. J’ai toujours cru qu’ils œuvraient contre l’hominité.
— Contre l'hominité ? Tu sais, ils ont besoin d'elle. Et malgré ce que laisse croire leur apparence, ils ne sont pas tous pareil. Certains ont à cœur de protéger chacun d'entre nous.
— ney, je vois. Et nous leur devons la vie. Ils nous ont sauvés et soignés... Un kamiste et une... agnostique.

Le ranger sourit doucement et observa l’homine installée en face d’elle. Cela faisait plusieurs semaines que leurs corps avaient été déposés dans son campement, et il avait pris la suite des choses. Les soins qu'il leur avait prodigués commençaient à porter leurs fruits. Eeri avait été la première à reprendre ses esprits la veille. Elle avait poussé un hurlement incroyable, et s'était tellement agitée qu'il fallut deux homins pour la maintenir le temps qu'elle retrouve la raison. Puis elle s'était plongée dans un silence mutique en voyant son ami, près d'elle. Le lendemain, elle s'était levée calmement pour venir le trouver, acceptant enfin un peu de nourriture. Il avait bon espoir pour l’autre fyros, même si ce dernier avait encore besoin de plusieurs jours de repos.

— Il semblerait que ton ami t'ait protégée des flammes. Il a été beaucoup plus brûlé et blessé que toi, mais il semble lentement récupérer. Ils l'ont retrouvé agrippé à toi, sans doute la raison pour laquelle tu as été moins atteinte par les flammes que lui.
— Il m’a protégée…
— Ils suspectaient que sa graine de vie avait été touchée. Ils ont dû extraire une énorme épine de bois qui traversait son crâne de part en part, et qui aurait dû le tuer. J'espère qu'il n'a pas totalement perdu l’esprit... En tout cas, sa survie est inespérée. Et la tienne aussi ! En vérité, c'est un miracle que vous soyez encore en vie. "Miracle", c'est le mot qu'ils ont employé. Tu imagines ?

Eeri resta silencieuse, le regard plongé dans le feu de camp. Sa faute. C’était sa faute. De nouveau. Prendre le chemin de Fyre, comme si après Coriolis il ne s’agirait que d’une promenade sans aucun danger. Puis elle baissa son regard sur sa main, posée immobile sur son genoux. Les brûlures y étaient encore vives, marquant sa paume et une partie de son avant-bras. Elle retourna son bras gauche, pour contempler la paume de son autre main, miraculeusement épargnée par les flammes.

— Ça ne reviendra pas, dey?
— Je ne pense pas. Tu étais dans un sale état, inconsciente, incapable de te régénérer. Ils ont passé un long moment à déblayer pour vous retrouver sous les décombres de la falaise en partie explosée, et passé un certain délai, certaines blessures deviennent intraitables...
— Ces marques sont donc imprégnées dans notre graine de vie…
— Oui. Et même leur technologie ne peut rien y faire. Comme je te l'ai déjà dit, c'est déjà un fichu miracle que vous ayez survécu.
— On resiste bien au feu, nous autres fyros, il paraît.
— Et à l'enfouissement sous des tonnes de gravas visiblement ! Au fait, comment va ton oeil?
— Toujours rien.

Eeri se leva lentement en s’appuyant sur son bras gauche, et fit quelques pas pour arriver à la tente qui abritait Azazor. Elle regarda le visage marqué de son ami, semblant dormir paisiblement sur un lit de camp. Une étoffe légère couvrait pudiquement son torse et ses jambes.

Elle sentit une larme couler.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"
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