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#42 Multilingue 

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Seul

Seul !

Seul !!!

Des pensées fusent dans sa tête. L'esprit embrouillé, il reste là, à genoux sur le rivage, les yeux exorbités.

Elle est morte. Eeri est morte. MORTE ! Elle ne reviendra plus. On ne rez pas ici. On est tout seul quand la mort frappe. Agrippant toujours les jambes d’Eeri, il ne peut se résoudre à les laisser là. Encore tièdes, sanguinolentes, tombant en poussières…

En poussières ? Oui, les jambes d’Eeri se désagrègent sous ses yeux. Redevenant poussières. S’évaporant dans la brise du matin... 

Disparaissant....

...

Mais alors ? 

...

MAIS OUI ! 

Elle est vivante ! Elle a pu rez ! Sûrement au niveau du zinuakeen ! ELLE A PU REZ !! HAHA...

???

Comment ça, elle a pu rez ? Il faut avoir un cristal maraudeur pour être rez au zinuakeen. Et Eeri ne lui a jamais dit qu’elle avait un….



RAMECH ! CATIN DE MATIS !!! Hurle-t-il d'un coup.



Voilà pourquoi elle n’avait pas peur de la mort! Oui, je me bats comme si c’était mon dernier combat. Oui, je me suis entrainée. Oui, je suis trop une badasse et toi mon gros t’es un yubo de deux semaines. 

Catin ! Toub de matis dégénérée ! Elle avait un foutu cristal maraud depuis tout ce temps ! Alors oui, elle peut bien faire la guerrière sans peur, mon derche ! Menteuse ! Traitre ! 

Il se lève d'un bond, balayant d'un coup de main le tas de poussières qui recouvrait ses jambes. Puis, parlant tout seul, il se dirige vers les mektoubs.

Oh ma chère Eeri, attend que je te retrouve ! Tu vas connaître la fureur fyros. Tu vas voir, là je vais taper comme si c’était mon dernier combat. T’inquiète pas la maraude, t’inquiète que le gros Azazor il va t’apprendre à lui cacher des trucs comme ça ! 

Tirant sans ménagement les deux mektoubs, le fyros reprend le chemin traversant la cordillère, direction le campement maraud. Un sourire carnassier aux lèvres, il a hâte, oh oui il a hâte de revoir la chère tête rousse de son « amie » Eeri. Pour discuter, échanger, cogner et plus si affinité.

Dernière édition par Fyrenor (il y a 2 ans).

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fyros pure sève
akash i orak, talen i rechten!
élucubrations
biographie

#43 Multilingue 

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Elle fut réveillée en recevant un seau d’eau sur sa tête.

— Te revoilà? On t’avait manqué?

Eeri vomit, puis s’écroula sur le dos. La lumière lui crevait les yeux, et il lui fallut un moment pour discerner ce qui l’entourait et reprendre ses esprits.

— Tu as du faire une mauvaise chute, déclara Li-Yon. Une chance que tu avais ce cristal.


***


Depuis cette discussion avec Azazor, quelques jours plus tôt, la fyrette ne pensait qu’au secret qu’elle emporterait avec elle si elle tombait de cette falaise. La vérité? Non. Sa vie n’était plus qu’un immense tissu de mensonges, poussé par ses tentatives maladroites de réparer ses erreurs du passé. Elle marchait en triturant, au fond de sa poche, le cristal de Zin maraudeur qu’elle transportait depuis les nouvelles terres. Et si il fonctionnait? Depuis qu’O’Teelo, à l’Avant Poste de Falaise Nuageuse, leur avait parlé de la présence d’un réseau de téléporteurs dans les Anciennes Terres, la fyrette se sentait légèrement rassurée. C’était peut-être pour ça qu’elle s’était battue contre ces bandits en prenant tant de risques. Mais c’était encore là une chose dont elle ne pouvait parler à Azazor. Une imprudence stupide qu’elle déguisa sous une arrogance de facade. Et la chance d'être tombée sur des homins peu entraînés. Et si seulement ce cristal fonctionnait, il fallait qu’elle puisse d’abord le synchroniser avec un téléporteur. Ce détail auquel les homins des Nouvelles Terres, habitués à arpenter ces régions de long en large, ne pensaient plus.

Plus d’imprudence. Surtout pas maintenant.

Finalement, la descente fut moins laborieuse qu’Eeri ne s’imagina. Elle lança un oren fyraï à Azazor, la voix légèrement déformée par son appréhension, qu’elle tentait de cacher au mieux, puis se lança. L’idée de garder une pioche dans la main droite, qu’elle plantait dans la sciure pour se balancer de racine en racine, fonctionnait. Sans ça, il n’y avait clairement pas assez de prises. Les mektoubs ne s’en seraient pas sortis. Azazor se serait débrouillé, sans doute, mais il fallait bien quelqu’un pour garder les bêtes. Non, l'appréhension était bien là, la peur d’une descente en solitaire, sans aide aucune au cas ou il se passerait quelque chose.

Un flot de souvenir revenait à son esprit, alors qu'elle gisait, là, sur le sol. Ce moment où elle avait pu approcher le Zinuakeen, alors que les maraudeurs avaient le dos tourné. Puis la remontée, vers Azazor. Ils avaient repris leur route, et décidé de faire ce détour, pour aller voir cette légendaire immensité d'eau. Après ces jours passés dans le désert, prendre un bain valait bien un ou deux jours de marche de plus. L'eau mouvante et agitée de la grande flaque, pas comme les lacs de Fairhaven. Puis cette nuit au calme, comme si les prédateurs avaient décidé de leur donner un moment de répit. Le lendemain... Ne s'était-elle pas réveillée? Plus aucun souvenir, tout était brouillé, à part une image qui semblait s'incruster dans ses souvenirs, un coquillage. En était-ce bien un? Elle n'en avait jamais vu de semblable auparavant.


***


Eeri vomit une seconde fois, ce qui lui valut un second seau d’eau sur la tête.

— Où suis-je?
— De retour au Zinuakeen.

Eeri s’assit et se frotta les yeux, encore vaseuse. Oui, elle savait bien où elle était, il n'y avait plus le moindre doute, mais elle avait posé la question pour être confortée. Li-Yon, en face d'elle, la regardait de son masque noir en faisant tourner le cristal entre les doigts.

— Tu aurais pu nous dire que tu étais des nôtres, déclara le zoraï après un moment qui lui sembla une éternité.
— J’ai pensé que ça ne changerait pas grand chose, répondit Eeri.
— Vraiment?
— J’ai cru comprendre que beaucoup d’entre vous ici ne respectaient pas les maraudeurs des Nouvelles Terres. Et surtout leur adoration pour Akilia.
— Et si même c’était vrai, nous n'allions pas te tuer pour ça.
— Maintenant vous pourriez le faire parce que je vous ai menti?

Eeri devina un sourire derrière le masque du Zoraï. Il lui redonna son cristal :

— Non. Nous ne sommes que des scientifiques.
— C’est la première fois que je suis ramenée depuis mon départ. Ça va faire des années…
— Peut-être que nos Zinuakeen ne sont pas aussi confortables que ceux de là d’où tu viens.
— Ça vient sans doute du manque d’habitude…

Oui, c’était forcément le manque d’habitude, pensa Eeri, qui n’avait jamais utilisé ce cristal auparavant. Dire ça, ce n’était pas mentir.

— Tu peux passer une nuit de plus ici. J’imagine qu’il te tarde de retrouver ton compagnon s'il est toujours de ce monde. Mais après ce que tu viens de vivre, il vaut mieux te reposer. Je dois aussi te remercier. Grace à toi, nous savons que le Zinuakeen est fonctionnel. Autant dire que tu as de la chance. Aussi, avec tout ce que tu as ramené, nous pouvons dors et déjà nous mettre en marche pour trouver où nous installerons le prochain. Plus au nord d'ici.

Eeri ne répondit rien d’autre qu'un signe de tête en guise de remerciement, tant elle tentait de maitriser sa nervosité et ses tremblements. Elle devait se rendre à l’évidence, elle n’était pas passée loin de ne jamais revenir. Elle ne comprenait toujours pas comment tout ça avait pu se passer. Azazor... Espérons qu'il soit sain et sauf. S'il l'avait vue mourir et vu son corps se dématérialiser, il y avait des chances qu'il comprenne où la retrouver. Et elle pouvait toujours lui raconter qu'elle avait récupéré un cristal au campement, ici. Au point où on en est avec la vérité... Sinon, il s'était sans doute fait une raison et avait du continuer sa route. Il allait lui falloir des jours de marche pour qu'elle puisse le rattraper, sans mektoub.

Si seulement il était toujours de ce monde.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#44 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Azazor était là, assis. Il attendait, regardant un feu de camp qu'il n'avait même pas pris la peine d'allumer en face de lui, à quelques mètres des deux mektoubs. Cette fois, il ne tendit pas son bras pour l'aider, alors qu'elle arrivait, haletante, au terme de son escalade. En haut, elle s'étira, puis alla s'assoir en face de lui, silencieusement. Il ne bougeait pas, mais Eeri savait bien qu'il fulminait, silencieusement.

— Tu m'excuseras, j'ai eu un petit contretemps, dit-elle.

Le fyros leva ses yeux bleus vers elle. Des yeux glacials.

— Je te dois des explications. Je sais que j'ai encore merdé. Et que j'ai beaucoup de chance.

Elle s'attendait à ce qu'il explose, d'un moment à l'autre. Mais elle profita du calme pour continuer.

— Je suis heureuse de te voir. Je ne savais pas si tu étais encore en vie. Je ne pensais pas que j'allais revenir non plus...

Azazor explosa. Il attrapa brusquement sa hache en se levant et donna un coup en direction d'Eeri. Avec vivacité, elle se leva pour l'esquiver, et recula de quelques pas.

— RAMÈCH DE MATIS ! MOINS QUE RIEN ! TRAINÉE !! TU COMPTAIS M'EN PARLER QUAND QUE T’ÉTAIS PASSÉE MARAUD?

Eeri esquiva un autre coup de hache. Se cognant le torse avec le poing, il continua:

— ALORS, VAS-Y, FRAPPE-MOI !! MOI JE N'EN AI PAS, DE CRISTAL. SI JE TOMBE, JE TOMBE. JE MEURS. ET TU SERAS SEULE ICI. TRAITRE!! MENTEUSE !!

Azazor, enragé, attaqua de nouveau la fyrette, qui sauta de coté et attrapa son bouclier accroché au dos d'un des mektoubs.

— TUES-MOI, TU VERRAS QUE JE N'AI PAS DE CRISTAL, MOI !! JE SAIS CE QUE C'EST QUE LA PEUR DE MOURIR!!
— Et alors, Qu'est-ce que ça change? J'ai un cristal maraudeur, ney, et alors? Tu devrais être content de me voir.

— QU'EST-CE QUE ÇA CHANGE, éructa t-il ? ON AVAIT UN ACCORD!!! PLUS DE MENSONGE!!! QUE TU SOIS MARAUDEUSE OU QUE T'AIES TROUVÉ CE CRISTAL DANS LE FION D'UN MEKTOUB, JE M'EN FOUS, MAIS TU M'AS MENTI!!

Azazor attaqua plusieurs fois, Eeri tentait d'esquiver ses coups comme elle le pouvait. Il planta finalement sa hache dans le bouclier, et la fyrette en profita pour faire un pas de coté et empoigner le manche de la hache d'Azazor, afin de l'immobiliser. Elle ajouta, à quelque centimètres du visage du fyros :

— Je ne suis pas une maraudeuse. J'ai juste fait le nécessaire pour être capable d'utiliser leur technologie. C'est tout.

Azazor dégagea sa hache d'un coup sec, utilisant tout la force dont il pouvait faire preuve, et envoya Eeri valser à quelques mètres de là.

— JE SUIS UNE DRAKANI, cria t'elle en s'écrasant dans la sciure.

Azazor planta sa hache dans le feu de camp, l'explosant sur plusieurs mètres aux alentours.

— Ouais ça c'est sûr, tu n'as plus rien d'un fyros! A mentir autant, tu es la honte de notre race!

— Tu veux la vérité, mais tu n'es pas capable de l'entendre, ajouta Eeri. Oui, j'ai un cristal maraudeur. Et je l'ai synchronisé en bas, sans même savoir qu'il était fonctionnel. Tu crois que je suis fière? J'ai juste eu de la chance qu'on soit encore à portée du Zinuakeen. Je ne me souviens même pas ce qui s'est passé à la grande flaque...

Azazor fulminait, toujours cramponné au manche de sa hache en ruminant qu'elle avait menti. Elle ajouta :

— Et alors, pourquoi es-tu revenu ici? Tu es revenu pour pleurnicher, parce que je t'ai menti? Pour me prouver une fois de plus que seule ta façon de faire est la bonne? Me reprocher mes fréquentations? ET ALORS, SI T'ES PAS CONTENT DE ME VOIR, CONTINUE TOUT SEUL !!

Le fyros ne répondit rien, se contentant de regarder froidement la fyrette.

— Mais il faut que tu sois complètement fou... Tu croyais quoi, que j'allais faire un voyage pareil sans rien préparer? On va chez les maraudeurs !! Tu crois vraiment qu'il y avait une autre option??
— T'as décidément rien compris ma pauvre. Je me moque de tes méthodes. Tu préfères la manipulation, c'est ton choix. Tiens, je suis même prêt à dire qu'avoir un cristal maraud, c'était une bonne idée.

Eeri leva un sourcil, interloquée.

— Mais tu m'as menti. Une fois de plus. On ment à ses ennemis, pas aux siens.
— C'est une obsession chez toi hein? fit-elle, sarcastique.

Le fyros ne releva pas et, après une grande respiration, dit d'une voix étonnement froide et posée:

— Tu peux continuer avec moi si tu veux. Mais sache une chose Eeri. Je ne te ferai plus jamais confiance. Tu n'es plus des nôtres et je ne te dois plus la Vérité.

Cherchant ses mots, il ajouta:

— Tu n'es plus... qu'une homine.
— Bah... Ça ne change rien, tu n'avais déjà aucune confiance en moi. Et je ne comptais pas revenir au sein de l'Empire, ne t'inquiète pas.

Azazor se dirigea vers les mektoubs et commença à les tirer en direction de l'est. Ils ne dirent plus un mot jusqu'à la tombée de la nuit.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#45 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Sur la route pour Sentinelle, quelques jours après leur altercation, ils croisèrent une meute de trois varinx bien décidés à faire d'eux leur prochain repas. Azazor s'arrêta mais ne sortit même pas sa hache. Il resta là, placide. Jusqu'ici, il n'avait pratiquement rien dit, se contentant de grognements quand il devait communiquer avec Eeri. Pourtant cette fois, au grand étonnement de la fyrette, il ouvrit la bouche et lui dit:
    
— Occupe toi d'eux l'immortelle.

Eeri grommela quelque chose en protestation, mais n'eut d'autre choix que de sortir sa hache alors que les varinx déboulaient vers elle, et parvint tant bien que mal à se débarrasser d'eux. Heureusement, il s'agissait de jeunes mâles, probablement chassés de leur meute par le mâle dominant. Sans grande expérience de la chasse, ils ne parvinrent qu'à mordre l'armure d'Eeri sans la blesser. Une fois deux varinx abattus, le dernier ne se fit pas prier pour déguerpir.

— Tu aurais pu m'aider, fit Eeri.

Le fyros ne répondit pas et reprit le chemin de Sentinelle en tirant les mektoubs sans ménagement.

***

Deux jours plus tard, un matin, un nouvel évènement dramatique arriva. Eeri dût partir chercher un mektoub qui pendant la nuit avait réussit à détacher son harnais et était parti paître une centaine de mètres plus loin. Broutant nonchalamment le liketim qui poussait drue en cet hiver, il regardait d'un oeil torve l'homine venant vers lui. Quand celle-ci commença à s'enfoncer dans ce qui était manifestement une sciure mouvante, il poussa un léger meuglement et reprit son repas où il l'avait laissé. 

— ramèch! fit l'homine, tentant comme elle put de se défaire de l'emprise de la sciure. Mais plus elle forçait, plus elle s'enfonçait. La sciure mouvante lui arrivait à la taille quand elle se résolut à appeler à l'aide le gros fyros qui mangeait au loin sa viande séchées en guise de repas du matin. 

— Azaaa! Toub de toub... Je m'enfonce dans de la sciure mouvante! Viens m'aider! 

Le fyros se leva et s'approcha d'Eeri, sans se presser.

— Attend, prend l'autre mektoub avec toi et donne-moi sa laisse. Il va me tirer.

Pourtant, le fyros continua d'avancer vers la fyrette, regardant toutefois où il mettait les pieds. Arrivé au plus près qu'il pouvait d'elle sans marcher dans la sciure mouvante, il se baissa à son niveau. Eeri était alors enfoncée jusqu'au torse. Elle avait cessé de bouger pour ne pas s'enfoncer plus, ayant compris que plus elle bougerait, plus elle s'enfoncerait.

— Qu'est-ce que tu fous? Tu penses pouvoir me tirer sans le mektoub?

Il la regarda gravement mais ne tendit pas les mains vers elle. Son regard était figé sur la fyrette prisonnière de la sciure.

— Ah d'accord, on en est là? C'est le moment où tu me laisses crever? Tu veux quoi? Que je m'excuse? 

Le fyros ne bougea pas, fixant toujours gravement la fyrette.

— Ben désolé de te décevoir, mais j'ai aucune excuses à te faire. Alors laisse moi mourir ici si ça te fait plaisir, mais ne compte pas sur moi pour te supplier.

Azazor sortit alors un cristal maraudeur de sa poche d'armure et le montra à la fyrette.

— Qu... C'est le mien? Quand est-ce que tu m'as pris ça?

— Cette nuit. Je n'ai toujours dormi que d'un œil. Et aujourd'hui, tu vas comprendre une chose. 

Eeri le regarda avec un air de défi.

— Ce qui nous distingue, c'est que moi, je sais ce que c'est qu'avoir peur de mourir. Et en cela, je connais le vrai courage. 

— Tu es fou! Définitivement fou!

— oren fyraï Eeri. 

Il se releva et lui tourna le dos. Puis il récupéra le premier mektoub et se dirigea vers le campement récupérer le deuxième. Il prit son temps pour les harnacher et quand il eut fini, il jeta un bref coup d'oeil à la fyrette toujours coincée dans la sciure et reprit le chemin de Sentinelle.

— T'es complètement taré!! DETAL!!!

Comprenant qu'elle devrait se débrouiller seule, Eeri essaya de bouger lentement son buste pour se rapprocher du bord plus solide. Mais si le haut du corps pouvait encore se mouvoir, ses jambes restaient figées, comme incrustées dans le bois. Même si ses mouvements de bustes étaient aussi légers que possibles, ils eurent pour effet qu'elle s'enfonça encore un peu plus. La sciure lui arrivait maintenant presque à la base du cou et elle gardait les bras levés au dessus d'elle. Elle hurla, difficilement, espérant qu'un homin quelconque passerait par là. Mais ce chemin était peu fréquenté. Autant espérer qu'un varinx lui vienne en aide.

Une heure passa sans qu'elle ne s'enfonça plus profondément, mais sans pour autant parvenir à sortir ne serait-ce qu'un centimètre de cette sciure. Voilà, elle allait finir comme ça. Une tête et des bras qui dépassent de la sciure, attendant de crever de soif ou de se faire bouffer par elle ne sait quelle bestiole. La mort. L'inévitable mort l'attendait. Et cette fois, plus de cristal pour la ressusciter. De toute façon, même avec, elle n'était pas sûre d'être assez proche d'un zinuakeen pour ça.
Elle ne pensait pas qu'Azazor lui ferait un coup pareil. Il était rancunier, certes, mais de là à vouloir la tuer? Même quand il l'avait attaqué à la hache, elle avait senti qu'il s'agissait plus d'une explosion de rage que d'une véritable tentative de la buter. Mais là, utiliser la ruse pour la tuer? Il devait vraiment lui en vouloir. Tu n'es plus des nôtres, avait-il dit. Tu n'es plus qu'une homine. Elle aurait dû se douter. Si elle n'était plus qu'une homine, il pouvait s'en débarrasser. Il avait le cristal, il pouvait se faire passer pour maraudeur. Il n'avait plus besoin d'elle. Ramèch, oui, elle avait merdé. Et elle allait crever là, seule, et elle ne savait même pas quand...

Soudain, une corde tomba à son niveau qu'elle s'empressa de saisir. Levant les yeux vers son bienfaiteur, elle vit un gros fyros en armure maraudeur et au visage buriné. Azazor. Il avait attaché la corde aux deux mektoubs et s'activait à les faire avancer pour la tirer hors de la sciure mouvante. Eeri crut qu'on lui brisait les jambes quand on la tira, mais finalement, elle parvint à en sortir et se retrouva haletante en dehors de la sciure. Azazor ne l'aida pas à se relever, ne lui demanda pas comment elle allait ni même ne vérifia si elle pouvait se lever d'elle-même. 
Il prit simplement les rênes des mektoubs et lui dit doctement:
    
— La sciure mouvante obéit comme tout fluide à un principe simple. La force verticale dirigée de bas en haut est égale au poids du volume de fluide déplacé. Tu ne pouvais pas t'enfoncer entièrement. 

Puis, après une courte pause, il ajouta:
    
— Maintenant, tu sais ce que c'est qu'avoir peur de mourir.

Avant que la fyrette puisse dire un mot, il enchaina:
    
— Et oui, je suis fou. Alors méfie-toi de moi. Car un jour, je te laisserai crever. 

Il laissa tomber le cristal maraudeur au sol et tira les mektoub en direction de l'est.

Edité 3 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#46 Multilingue 

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Journal de bord d'Eeri

Sentinelle est à notre portée. Nous apercevons les lumières d'un camp à une journée de marche. C'est un soulagement et tout autant terrifiant. La situation est tendue entre Azazor et moi. J'ai le pressentiment que quelque chose va mal tourner, pour l'un d'entre nous.

Si je disparais et que par chance, quelqu'un en vient à lire ce journal, ce n'est pas l'image que j'ai envie de laisser de moi et de notre voyage. Mais je dois avouer, j'ai merdé, en grand. Azazor ne me parle plus que pour me donner des ordres, et nous avons perdu confiance l'un envers l'autre. Il a tenté de me tuer il y a quelques jours. Ou de me faire peur. Ça a réussi. Il me traite comme si j’étais une orskos. Moi !!

C'est ma faute. ney. Mais je n’ai pas menti, dey! J'ai caché des choses. Est-ce un mensonge de ne rien dire? Il ne m'a pas posé de questions. Lorsqu'il m'a demandé si j'étais trytoniste, j'ai répondu que oui. Si tu me demandes, je réponds. Je ne mens pas. Oui, qu’on se le dise. Donnez ça à la kuilde et qu’ils viennent me trouver, s’ils osent.
Mais toub, Azazor, tu es aussi buté que moi... Oui, j'aurais du tout dire, tout dévoiler dès le début. Mais aurais-tu pu entendre ce que j'avais à dire? Déjà avant qu'on parte, tu voulais faire à ton idée, tu critiquais mes positions, mes fréquentations. Sans même prendre la peine d'écouter ou de t’intéresser à ce que j’aurais pu t’apporter. Et là, tu dois te dire que tu as parié sur le mauvais mektoub. Mais si je disparais et que tu lis ces lignes, sache que mon respect pour toi est encore vivant. Je n'aurais pas été aussi loin sans toi, et toi non plus, sans moi.
Si tu m'avais posé la question, Eeri, as-tu un cristal maraudeur? J'aurai répondu que oui... Oui, j'ai obtenu un cristal maraudeur grace à Mazé'yum. Sans comprometre mon vrai nom. Non, je ne veux pas les rejoindre, surtout pas ceux des Nouvelles Terres. Même si certains ici ont mon respect.
Une autre question que tu aurais pu me poser, et que tu n'as jamais formulée. Es-tu le père d'Uzykos? Je pense que la réponse est suffisamment claire, et qu'au fond de toi, tu le sais déjà. Mais ce n'est pas tout que de vouloir la vérité, il faut pouvoir l'accueillir. Un jour tu le sauras, et tu exploseras, comme tu le fais à chaque fois que tu t'intéresses à quelque chose d'autre que tes propres plans
Et Non, je ne suis pas immortelle. Tu l'as oublié, pour qu'un cristal fonctionne, il faut pouvoir l'activer. Et après une dizaine de jours de marche, on est simplement trop loin pour qu'il puisse encore fonctionner. Si je tombe, je meurs. Tout autant que toi. Si la distance n’avait rien à voir, j’aurais pu simplement revenir à Fairhaven, comme une fleur. Mais c'est encore là une vérité que tu ne veux pas entendre. Lorsque tu liras ces lignes, il sera trop tard pour t'en rendre compte.

Et puis, si le peu que tu m'as dit sur ce qui s'est passé à la grande flaque est vrai, jusque là, ce cristal ne m'aura servi qu'à ne pas me faire totalement bouffer par un gros poisson. Cette histoire est ridicule, et on aurait seulement dû en rire. Eeri, morte boulotée et digérée par un prakker. J'espère ma vrai fin un peu plus glorieuse, j'ai au moins encore ça de fyros en moi.

Demain, nous irons chez les maraudeurs, à Sentinelle. Avec un peu de chance, ils savent déjà que nous arrivons. J'ai l'impression que ces homins sont bien plus ingénieux que nous pouvons le penser, et qu'ils ont un moyen de communiquer plus rapidement qu'en envoyant un simple messager. Je vais laisser Azazor parler. De toute façon, si j'ouvre ma gueule il trouvera quelque chose à redire. Et j'ai promis, il y a quelques mois déjà, en arrivant à l'avant-poste de la falaise nuageuse, de le laisser faire à son idée. Si ça tourne mal, j'essayerai d'arranger les choses en sortant mon cristal. Pourtant j'ai l'impression que les dés sont déjà jetés et qu'Azazor sait exactement ce qu'il va faire. Et qu'il n'hésitera pas à m'abandonner, dès qu'il n'aura plus besoin de moi, ou qu'il sentira que ça pourra sauver la peau de ses fesses.

Nous avons établi notre camp en hauteur, sur une racine. Ça réduit les accès en cas d'une attaque de prédateur. Il y en a peu, mais ils sont bien plus gros et tenaces. Il y a aussi moins de gibier ici que dans nos contrée, c'est peut-être lié. D'ici, nous avons une vue sur le désert, au nord. À l'est, nous pouvions déjà deviner, de jour, la présence de cette chaine de montagne qui nous sépare du désert des Anciennes Terres. Nous sommes si près de notre but et pourtant rien n'a jamais été aussi incertain. Je n'avais pas prévu que nous puissions avoir envie de nous entretuer. C'est peut-être ça aussi, la force des homins d'ici. Le fait de ne pas devenir fou en sachant que quoi qu'on fasse, il s'agit peut-être de la dernière fois. Quoi que, maintenant qu’ils étendent leur réseau de Zinuakeen ici aussi, ça doit totalement changer leur vision des choses. Cette peur ne doit sans doute être valable que pour nous, qui n'avons juste jamais été habitués à ce sentiment. Nous en perdons l'esprit.



Après avoir écrit ces lignes, à la lueur de la nuit tombante, Eeri ferma son journal et le rangea dans son sac. Puis elle s’approcha de l’un des mektoubs, et farfouilla un moment. Azazor ne lui prêtait aucune attention, mais sa tête bougea, par réflexe, lorsqu’un léger "plop" se fit entendre.
Il resta quelques secondes, l’oreille tendue. Eeri déglutit, puis s’approcha de lui à pas tranquilles. Elle se planta devant lui, un flacon d’essence d’ocyx tendue vers le fyros. Lorsqu’il se décida finalement à lever les yeux vers elle, elle déclara d’une voix peu assurée :

— Tiens, prends-en une gorgée. C'est la dernière. Et c’est maintenant. Ou peut-être jamais.
— C'est pour m'empoisonner, c'est ça?
— C'est pour nous réconcilier. À deux, nous avons une chance.

Le fyros grimaça, mais prit le flacon et en soutira une gorgée, non sans un râle de satisfaction. Puis il prit une grande inspiration, comme pour se préparer à annoncer quelque chose, mais soupira bruyament en détournant les yeux d'Eeri, alors qu'il lui rendait le flacon.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#47 Multilingue 

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Journal de bord d'Azazor

Je ferai court. Sitôt arrivés à Sentinelle, les maraudeurs nous ont confisqué toutes nos affaires. Ce texte, je l’écris avec un morceau de charbon sur un unique cuir que j’ai réussi à dissimuler avant d’arriver ici.

Nous sommes arrivés en vue d’une sorte de tour géante construite dans un arbre lui aussi gigantesque. Ce n’est pas comme la tour de Fort-le-Phare dans le sens où ce n’est pas construit dans une racine mais dans un véritable arbre aux dimensions phénoménales. C'est même plus qu'une tour en fait, presque une cité circulaire à étages, avec quelques branches mortes en hauteur rappelant qu'on a quand même affaire à un arbre à la base. Je n’ai jamais vu un arbre aussi épais et aussi haut. Pourtant, il semble n’être qu’une partie de l’arbre originel. L’arbre est probablement mort car il n’y a aucun feuillage et il a l’air d’avoir été brûlé par je ne sais quel incendie très ancien. Quelques rares branches nues subsistent en plus du tronc.
C’est donc dans cet arbre immense qu’est construit Sentinelle. Il y a une entrée principale couverte par un auvent et divers escaliers secondaires extérieurs. A mi hauteur, on distingue des balcons où sont stationnés des homins a priori armés d’arme à feu. Au dessus on trouve encore quelques étages dans ce qui m’a fait penser au palais impérial, une sorte de pseudo coupole, là où aurait dû se trouver la cime de l’arbre. 

Alors que nous étions en vue de l’arbre, des maraudeurs ont surgis de derrière nous et nous ont fait baisser nos armes. Ils nous ont demandé de quel clan nous faisions partie. J’ai dit la vérité. Que j’étais patriote de l’Empire sur les Nouvelles Terres, que je venais en tant que chercheur dans le but d’étudier la route d’Oflovak et la terre de nos ancêtres, que cette armure maraudeur, je la devais à O’Tello, la cheffe de l’Avant-Poste Diplomatique de la Falaise Nuageuse et que nous revenions d’une mission de livraison pour la construction d’un zinuakeen afin de nous faire pardonner un détournement de viande séchée. Bref, la vérité, brute et sans fard. Je n’ai rien dit pour Eeri. Elle n’a d’ailleurs rien dit, me laissant la parole tout du long.

Ils nous ont alors séparé et j’ai été interrogé par deux homins. J’ai répété ce que j’avais dit. Quand ils m’ont demandé qui était Eeri, je leur ai dit que c’était une citoyenne tryker qui m’accompagnait. Ils m’ont alors explicitement demandé si elle était maraudeuse. Je leur ai dit que je ne pensais pas. Ils m’ont parlé du cristal maraud trouvé dans ses affaires. Je leur ai expliqué que je ne connaissais pas l’existence de ce cristal il y a encore un mois et qu’Eeri m’avait menti. Elle avait juré que ce cristal ne signifiait pas qu’elle était maraud. Je leur ai dit qu’elle l’avait probablement volé à quelqu’un ou qu’un de ces contacts lui en avait fourni un. Devant leur insistance, je leur ai donné le nom de Mayezum ou Mazeyum. Je ne sais plus exactement. Un type louche des Nouvelles Terres de je ne sais quel clan maraud. Ils m’ont alors conduit dans une sorte de cellule où j’ai attendu plusieurs heures.

Un homin est venu me chercher et on m’a réinterroger. Il y avait cette fois un fyros visiblement plus gradé. On m’a demandé mes intentions. J’ai dû répéter ce que je venais faire ici, que je voulais passer de l’autre côté de la dorsale. Pensant que j’avais cette fois affaire au véritable chef de Sentinelle, j’ai rajouté que mon but était aussi d’établir un premier contact avec les maraudeurs afin qu’à mon retour, nous puissions échanger du savoir. Pour asseoir ma demande et la rendre crédible, j’ai dû leur préciser ma fonction d’akenakos et mon statut d’étudiant à l’Académie Impériale. Je leur ai aussi proposé mes services de boucher afin de payer mon séjour ici, que s’ils pouvaient contacter l’AP diplomatique, ils apprendraient que j’excellais dans cet art et qu’ils ne le regretteraient pas. Le fyros a noté tout cela et m’a fait raccompagner en cellule où je patiente depuis un moment sans manger. J’en profite donc pour écrire cela. Et je ne sais pas où est Eeri. Qu’elle se débrouille avec ses mensonges. 

Chemin parcouru depuis Fort-le-Phare.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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fyros pure sève
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#48 Multilingue 

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Journal de bord d'Azazor
Lendemain de mon arrivée J+1

J’ai enfin pu récupérer mes affaires. Ils ont épluché tous mes textes et ceux d’Eeri. D’après le fyros, dont je n’ai toujours pas le nom, je semble honnête dans mes intentions. Ce qui n’est pas le cas de celle qui m’accompagne. Il n’a pas voulu m’en dire plus et je m’en moque. Ils peuvent bien la pendre, ce n’est plus mon problème. 
Les maraudeurs consentent donc à m’héberger pour une semaine en échange d’un travail en cuisine. L’armure maraudeur m’a été confisquée et mes armes me seront rendues quand je partirai. J'ai donc renfilé mon armure fyros. C'est pas plus mal finalement, même si j'aurais aimé ramener une armure maraud dans les NT. Le fyros attend les ordres de ses supérieurs pour savoir s’il doit me faire rebrousser chemin ou s’ils acceptent de me laisser continuer ma route vers les AT. 

J+2
J’ai pu discuter avec un maraud qui travaille en cuisine avec moi. Il m’a expliqué que la Citadelle n’est pas vraiment une cité telle qu’on l’imagine. C’est en fait plus une zone fracturée de la grande dorsale racinaire qui entoure le désert des Anciennes Terres et qui forme une sorte de labyrinthe. Il y a des crevasses un peu partout dans lesquelles les marauds se déplacent régulièrement. Il faut plutôt imaginer un agglomérat de petits campements temporaires se construisant et se démontant au fil des déplacements des kitins. Ceux-ci gorgent littéralement les Anciennes Terres. La stratégie pour les retenir est de les faire entrer en partie dans le labyrinthe et de les faire tourner en rond pour ensuite les tuer ou les faire ressortir. Il faut oublier toute idée de grand mur devant lequel se fracasseraient les kitins. Le combat permanent des marauds face aux kitins est avant tout fait de parties de cache-cache. Le maraud qui m’a raconté cela ne peut pas trop m’en dire plus hélas. Le culte du secret est assez prégnant ici, et on se méfie de moi. Je les comprends. On se méfie aussi beaucoup d’eux dans nos terres. Ce n’est qu’un juste retour de flamme. 

J+5
Les maraudeurs acceptent de m’accompagner jusqu’à un premier campement de la Citadelle dans trois jours. De là, je recevrai d’autres instructions pour me mouvoir à l’intérieur de la Citadelle jusqu’à la sortie. Ils n'ont pas voulu m'en dire plus pour le moment. On m’a demandé avec un sourire si j’aimais l’escalade. Je sens que ça ne va pas me plaire...

J+6
Un des marauds qui m’avait accompagné en cellule le premier jour est venu me voir aujourd’hui et m’a lancé un paquet de feuille sur ma couchette. Il m’a dit que ça devrait m’intéresser. Il s’agit des écrits d’Eeri, que je pouvais les garder, ils en avaient déjà fait une copie. Je lui ai demandé ce qu’il en était de son sort, il n’a pas pu me répondre. Mais a priori, elle n’est pas prête de sortir. Tant pis pour elle. Elle n’avait qu’à m’écouter et jouer franc jeu.
J’ai commencé à lire, mais je dois l’avouer, au moins par écrit, c’est assez difficile. Je me sens un peu coupable d’avoir été si tyrannique, je dois l’avouer. La toub est cachottière et a un sérieux problème de confiance, mais ses intentions étaient bonnes. Je devrais finir la lecture ce soir.

J+8 

J'ai rejoint un petit convoi en direction de la Citadelle et nous sommes partis tôt ce matin. Plus nous avançons, plus la dorsale parait gigantesque. À côté d'elle, les falaises du Couloir Brulé semblent ridicules. Vais-je réellement devoir escalader tout ça... ? Sinon... J'ai vu Eeri. De loin. Enchainée à un toub et bien gardée. Elle fait partie de notre convoi, à l'arrière. Évidemment, interdiction de l'approcher. D'après un maraud, elle va rencontrer une personne importante de la Citadelle et je n'ai pas à savoir où. Akilia j'ai demandé, il a poussé un grognement. Donc pas Akilia. Et visiblement, elle n'est pas en odeur de sainteté ici non plus. On nous bassine dans les Nouvelles Terres qu'Akilia est la cheffe des Maraudeurs, mais après ce qu'a dit O'Tello, et ça, je commence à croire qu'ici aussi se joue les luttes de pouvoir, avec des pros Akilia et les autres...


J+9
Ça y est, on est arrivé. Durant les dernières heures de marche, je n'ai pas osé regarder le sommet de la dorsale, de peur d'en avoir la nausée. Ici, les vents étaient particulièrement violents, mais on a finalement réussit à se faufiler dans une petite entailles pour finalement se poser dans un premier campement sommaire à l'intérieur de la falaise. Les maraudeurs semblent avoir l'habitude de ce voyage. D'après l'un d'entre eux, la plupart des camps sont troglodytes et temporaires. Il existe ça et là quelques campement permanent extrêmement bien cachés et défendus, mais la quasi totalité sont mouvants, en fonction des déplacements de kitins et des tactiques adoptées pour les neutraliser. À nouveau, ces falaises me font penser à celles du couloir brûlé. Un vrai dédale de grottes, de canyons et de crevasses. Mais en tellement plus grand... On repart dans une heure. Le temps d'écrire ceci. 

Du coup, je sais comment je vais passer dans les Anciennes Terres. Par le haut. On m'avait parlé d'escalade, ça sera le cas. Depuis un endroit de la Citadelle, je pourrai emprunter un ensemble de cordes, échelles et autres passerelles pour grimper sur la dorsale. Une fois tout en haut, on m'a conseillé, si je voulais aller à Coriolis, de suivre le bord de la falaise, plus ou moins suivant la présence des kitins. Ils sont moins nombreux en hauteur, mais toujours présents. Il faudra probablement faire des détours. Mais je ne devrai en aucun cas descendre. Ils m'ont dit que de toute façon, une fois en haut, je comprendrai pourquoi. 

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#49 Multilingue 

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Le temps aussi semblait suspendu. Régulièrement, comme une horloge qui venait ostensiblement lui rappeler le temps qui passe, une goutte de sueur se détachait de son front pour venir s’écraser quelques centimètres plus bas dans la sciure. La pénombre de l’endroit aurait presque pu rendre l’atmosphère supportable, mais en plus de la chaleur qui y régnait, la poussière de sciure forçait l’homine à garder une respiration minimale et aussi lente que possible.

Jusque là, ils ne l’avaient pas frappée. À Sentinelle, ils l’avaient laissée plusieurs jours dans une pièce, privée de tout à part d’un bol d’eau et d’une sorte de pain sans épices qui lui faisait amèrement regretter celui d’Eolinius. Un homin (était-ce toujours le même?) venait lui poser des questions. Elle ne répondait généralement pas, autrement que par oui ou non. Elle avait demandé à parler au chef des Arpenteurs d’horizons. Parfois il lui parlait en Marund, langue qu’elle ne maitrisait absolument pas, pour tester ses réactions, sans grand succès. "D’ou vient ce cristal?" "De quel clan fais-tu partie?". Elle en avait perdu le fil du temps. Mais qu'importe.

Azazor n’avait donc rien fait pour arranger son cas. Il avait dû affirmer qu’Eeri avait volé le cristal, qu’elle travaillait pour un clan quelconque… Il avait dû dire qu’elle lui avait menti. C’était suffisant pour que les maraudeurs se méfient d’elle.

Puis ils l’avaient fait marcher de Sentinelle jusqu’à la Citadelle, attachée derrière un mektoub, pieds et mains enchaînés, pas bien loin d’un Azazor aux mains libres qui ne déniait même pas lui jeter un regard. C’était un supplice bien plus cruel. Deux jours de marche en silence. L’un des maraudeurs s’était bien fait comprendre : "tu essaies de causer à ton fyros, je te file à bouffer aux varinx."
Elle fut emmenée là, dans cette cellule, et ils l’attachèrent par les pieds. La tête en bas. Pour tester ses nerfs, avait ricané l’un des gardes. Eeri se laissa faire, sans se débattre. Ils la laissèrent là, dans la chaleur et la poussière, pour plusieurs heures, ou plusieurs journées, qui lui semblèrent une éternité. Tout était déjà tellement confus dans son esprit, et d'être pendue la tête en bas n’aidait pas à réfléchir. Elle doutait maintenant de pourquoi elle était là. D’où elle venait. Pour qui elle se battait. La Fédération? L’Empire? Les Trytonistes? Les Rangers? Les Maraudeurs? Ou un peu tout à la fois? Ou simplement pour elle même? Elle ne savait plus quoi répondre.

***

— Elle doit être mure.
— Si elle n’est pas encore crevée…

Deux gardes arrivèrent, et coupèrent le lien qui entravaient ses pieds. Elle s’écrasa mollement sur le sol, la tête la première. Puis les deux homins l’attrapèrent par les épaules et la trainèrent à l’extérieur de la cellule. Ils étaient vétus d'armures maraudeurs lourdes relativement semblables à celles des Nouvelles Terres, à quelques détails près.

— Elle est encore vivante.
— Amenez là, dit un troisième.

Puis s’approchant de l’oreille d’Eeri, ce dernier murmura avec un accent à couper au couteau :

— Et tu ferais bien de répondre aux questions qu'on va te poser, si tu ne veux pas terminer ton voyage ici… Définitivement. Sois raisonnable.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#50 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri, encore vaseuse après des heures suspendue, n'eut d'autre choix que de suivre les deux gardes sans broncher. Elle fut alors trainée à travers un labyrinthe de petits couloirs, étroits, taillés dans le bois. Après une dizaine de minutes de marche, elle aperçut finalement la lumière de jour, au bout d'un couloir. Une sortie vers l'extérieur. Juste avant d'emprunter le passage, l'un des gardes jeta un coup d’œil dehors puis fit signe à son compagnon de s'arrêter. Quelques secondes plus tard, un bourdonnement s'éleva au loin dans le canyon. Il était composé d'un étrange son strident, qu'Eeri n'avait jamais entendu, et d'une multitude de cliquetis accompagnés d'un bruit de galopade, dont elle connaissait cette-fois ci très bien l'origine : les kitins. Le bruit strident augmenta en intensité et une forme fuselée passa à toute vitesse devant l'entaille dans laquelle les trois homins attendaient, soulevant au passage un nuage de poussière. Un engin appartenant aux Maraudeurs ? Probablement. Ou Karavan? Et à ses trousses, une trentaine de kitins, tous plus gros les uns que les autres... Les deux gardes attendirent une bonne minute que le canyon retrouve son calme, puis poussèrent la prisonnière en avant. Eeri put alors apercevoir des carcasses de kitins, abandonnées ici et là tout du long du gigantesque canyon. Il lui intimèrent l'ordre d'avancer, alors qu'ils prenaient eux-même la direction d'une autre entaille située sur la falaise opposée du canyon. Elle les suivit sans tarder : il ne fallait définitivement pas trainer dans cet endroit.

Les deux homins et leur prisonnière eurent encore à marcher une bonne vingtaine de minutes, traversant quelques labyrinthes de couloirs et petites salles, avant d'arriver dans une salle plus large et lumineuse, éclairée par quelques torches. Jusqu'alors, toutes les salles qu'ils avaient traversées ne semblaient qu'être des point de passage, celle-ci était légèrement décorée. Les deux gardes la firent assoir à genoux, et se positionnèrent derrière elle. Eeri eut à peine le temps d'observer les quelques meubles du lieu, elle remarqua un petit groupe d'homins de l'autre coté de la pièce.

— Voilà l’espionne, dit l'un des gardes.
— A t’elle parlé jusque là ?
— Non.
— Alors que voulez-vous que j’en fasse?
— Interrogeons-la, dit une troisième voix. Si elle persiste à ne rien dire, alors on avisera.

Les quelques homins, tous vêtus d'amures maraudeurs légères, moyennes et lourdes, s’approchèrent d’Eeri, et se positionnèrent en arc de cercle, face à elle. L’homine qui parla, au centre, était couverte d’un grand manteau noir qui dissimulait son visage et recouvrait une armure elle aussi noire. Au son étouffé de sa voix et son accent, Eeri ne put distinguer s’il s’agissait d’une fyros, d'une matisse ou d’une zoraie. Mais elle était définitivement trop grande pour être tryker.

— Nous t’écoutons, fit-elle.
— Je ne suis pas une espionne, déclara sèchement Eeri.
— Et encore?
— Quoi que je dise, Azazor m’a vendue. Il s’est servi de moi pour obtenir votre confiance. Il veut continuer seul. Il n’a plus besoin de moi.
— Nous l’avons écouté, et ses raisons sont respectables. Mais il n’a pas parlé contre toi. As-tu quelque chose de différent à nous apprendre sur lui?

Eeri fit non de la tête.

— Il dit la vérité. Sa vérité.
— Bien. Pour l'instant, nous le croyons.
— Vous pouvez. C’est moi qui me suis trompée sur vous.
— Comment ça?
— J’ai pensé que ce cristal pouvait m’aider.

Un homin s’avança pour prendre la parole, mais l'homine l’arrêta d’un signe de la main autoritaire, et continua.

— Chez nous, voler un cristal est un crime. Si tu l’as obtenu régulièrement, tu dois faire partie d’un clan. Lequel?
— Aucun.
— Alors comment?

Devant le silence d’Eeri, elle dit d’un ton menaçant

— Continuer de nous mentir plus ne t’aidera pas. La vérité sera beaucoup plus utile, avant que l’on te condamne.
— Je viens de la Fédération. Avant ça, j’ai combattu et appris auprès des Rangers, et passé ma jeunesse dans le Désert à servir l’Empire Fyros. J’ai rejoint les Maraudeurs des Nouvelles Terres sous couvert, avant d’entreprendre ce voyage, pour obtenir un cristal. Je n’ai jamais été maraudeuse.
— Nous avons lu ton journal, nous savons tout ça.
— Alors vous savez aussi que je suis une chercheuse d'Elias, et que mon but ici n’est pas de vous infiltrer ou de vous nuire.

L’homine ricana :

— Une Trytoniste… Tu n’as rien trouvé de mieux?
— Parler de la sorte me couterait la vie dans les Nouvelles Terres. J’ai passé ma vie à cacher mes convictions, même à mes proches. Ici aussi? Vous me décevez.
— Admettons. Et ce Maze'yum? Nous avons bien entendu parler de lui.
— Il m’a confié la mission de remettre des carnets à son ancien clan. Les Arpenteurs d’horizons.
— Nous savons ça.

L'homine se tourna, et un tryker prit la parole :

— Oui, nous avons reçu ces carnets. Un ramassis d’histoires obscènes sans aucun intérêt…
— Vous ne savez donc pas lire entre les lignes, coupa la fyrette en grognant? Des années de recherches…

Le tryker sourit, un peu surprit.

— Bien sur que si. Nous y travaillons. Tu sais donc ce que ces livres contiennent?
— J’ai fait des recherches avec Maze’Yum. Ce qui m’a déjà valu beaucoup de problèmes. J’ai lu et étudié ces carnets.
— Ce n’est pas un nom que je porte dans mon coeur, continua le Tryker en s’adressant cette fois à la maraudeuse. Mais il a fait récemment parler de lui dans les Nouvelles Terres, et ses recherches semblent somme toute dignes d'intêret. Tout comme la bombe à goo que nous avons trouvé dans ses affaires.

À ces mots, le groupe s’agita chaotiquement, chacun se mit à chuchoter à son voisin. Après quelques secondes, l'homine les arrêta d’un signe de la main.

— Donc nous avons là une scientifique en quête de vérité. Vous croyez à ça?
— Je ne pense pas que Maze’Yum serait assez fou pour confier ses carnets à n'importe qui. Surtout à un espion de la cendrée, annonça le tryker.
— Ce n’est donc pas vous, Akilia, Tempête de Cendre, demanda Eeri?
— Tais-toi, cria-t-elle avant de faire signe au groupe autour d’elle de se reculer de quelques pas pour échanger quelques messes basses.

— Et puis ramenez la dans sa cellule. Je n’ai plus besoin d’elle.






Note HRP :
Ces textes sont en cours de traduction vers l'Anglais, grace à notre cher ami Nilstilar Thorec. Un grand merci !
J'en profite aussi pour remercier de nouveau les homins de l'ombre qui se cachent derrière l'écriture de ce voyage, spécialement Finaen, mais aussi Drumel et Pavor, de l'équipe lore. Ils nous guident dans la découverte des Anciennes Terres, relisent, imaginent et commentent nos différentes étapes.
En passant : les notes que nos personnages écrivent dans leurs journaux ne sont pas toutes écrites ou publiées. Pour avoir leur teneur, il faut s'inspirer des textes narratifs.

OOC note :
These texts are being translated to english, thanks to our friend Nilstilar Thorec. A very big thank you !
I also take this opportunity to thank again the shadow homins who are behind the writing of this journey, especially Finaen, but also Drumel and Pavor, from the lore team. They guide us in the discovery of the Old Lands, reread, imagine and comment our different steps.
By the way: not all the notes our characters write in their journals are written or published. The content of these notes is inspired by the narrative texts.

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#51 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
— Liberté, fit l’homin à voix basse

Eeri ouvrit de grands yeux en direction de la silhouette casquée qui venait de se glisser dans l’encadrement de la porte. C’était la nuit. Les gardes l’avaient laissée pieds et mains attachés, en position assise.

— Je suis Arma Rapide. Tu peux m’appeler Aride.
— Ocyx Rebelle, répondit la fyrette émergeant de son demi-sommeil, sans trop réfléchir.
— Nous savons.
— Liberté, répéta-t-elle, incrédule.

L’homin entreprit de détacher Eeri, alors qu’elle reprenait ses esprits, encore somnolente.

— Ils veulent me tuer, c’est ça?
— Non, mais ils comptent bien te garder longtemps ici. Ça revient au même. Parfois, nous changeons d’endroit en urgence, et il peut arriver que l’on oublie des prisonniers.
— Et c’est si simple de s’échapper?
— Non. Mais on ne pense pas qu’il y ait d’autres espions à Citadelle, pour l’instant. La garde s’est un peu relâchée, par chance.
— Des espions de qui ?
— De ceux qui cherchent à nuire aux Maraudeurs de la Citadelle.

L’homin qui, entretemps, avait défait les liens de la fyrette, lui fit signe de se taire et de la suivre. En fermant la porte de la cellule, il ramassa un sac posé là.

— Ce qui reste de tes affaires. Je te donnerai une autre armure, celle-ci sera trop voyante.
— …akep
— Ton compagnon est libre, certainement beaucoup plus surveillé que toi. Il part demain escalader la dorsale.
— Je dois le rejoindre…
— D’abord, suis-moi. Tu as besoin d’un repas, et de dormir.

Eeri suivit l’homin à travers une multitude de tunnels labyrinthiques, parfois de chemins à l’air libre. Lorsqu'ils entendaient des Maraudeurs à proximité, ils s'arrêtaient et attendaient, voulant éviter de les croiser et de devoir converser. Après une bonne heure de marche, l’homin lui annonça qu’ils étaient arrivés. Il poussa une porte légèrement cachée, au fond d’un tunnel, et les deux entrèrent dans une pièce faiblement éclairée meublée d'une table et d'un lit. L’homin posa le sac contenant les affaires d’Eeri.

— Te voilà dans l’un des repères des Chercheurs d’Elias de la Citadelle.
— Donc ici aussi, il faut se cacher?

L’homin enleva son casque et sourit.

— Lorsqu’on libère en secret une prisonnière, on évite de l’emmener à la taverne.

Un matis. Pas très grand, dans la fleur de l'âge, les cheveux d’un noir profond, le regard perçant. Il lui indiqua la table un peu plus loin, sur laquelle se trouvait déjà quelques plats, et l’invita à s’assoir.

— Je reviens, dit-il. Je vais te chercher de quoi boire.

Quelques minutes plus tard, il revint, une chope de liqueur de shooki en main. L'expression incrédule de la fyrette, lorsqu'il posa la chope en face d'elle, provoqua chez le matis un sourire satisfait.

— Je me souviens bien qu’Ocyx Rebelle était une grande amatrice de shooki.
— Vous… me connaissez?

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English translation by Nilstilar !

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#52 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Le matis s'est assis de l’autre coté de la table, en se servant un verre de quelque chose qui ressemblait, de loin, à du vin. Il en prit une gorgée et fit claquer sa langue sur son palais.

— Mange, déjà.

Eeri ne se fit pas prier. Elle prit une grande poignée de viande séchée, qu’elle engloutit aussi sec, avec une gorgée de shooki. Le regard du matis se posa un moment sur la voute de la caverne, puis il reprit la parole.

— Je te connais, sans te connaitre. Et je te dois quelques explications. Les Trytonistes sont tolérés ici. Tout dépend des Clans, on va dire. Dans tous les cas, nous sommes avant tout des Maraudeurs, mais nous n'oublions pas nos convictions. Beaucoup d’entre nous viennent des Nouvelles Terres, quelques anciens ont toujours vécu ici. Je t'ai connue quand tu n'étais qu'une jeune recrue, à l’époque. Je me souviens de la réunion que l’on avait eue, avant de te recruter. Tu sais ce que c'est, les anciens savent toujours qui ils recrutent, alors que les jeunes ne connaissent pas les plus vieux. Mais je suis parti depuis une vingtaine d’années de Jena, déjà.

Eeri écoute le matis, bouche-bée.

— …après la mort de notre chef. Ocyx Écarlate.
— Lopy…
— Lopy, oui… Ça sentait très mauvais pour nous. L’Empire Fyros avait fait tomber des têtes, alors qu’avant le Désert était encore un endroit sûr… Sa mort a été le signe que la Karavan avait trouvé sa trace, et osait agir sur le territoire de l'Empire.
— Beaucoup ont cru que ça venait du Royaume.
— Le royaume et les sujets matis sont fous, mais pas à ce point. Ils n'auraient pas été jusque là par simple vengeance. Une mort aussi subite ne peut venir que de l’une des Puissances. Nous sommes quelques anciens à avoir pris alors la décision de partir des Nouvelles Terres, après avoir rejoint les maraudeurs. Nous pensions que nous trouverions plus de réponses.

Eeri repose sa chope et la nourriture qu’elle a en main.

— Je suis désolé, continue Aride. Tu ne t’attendais sans doute pas à entendre parler de ça ici. Je sais que tu le connaissais bien.
— J’ai eu une enfant de lui… Née après sa disparition... J'avais peur, je l'ai cachée. Enfin… Je l’ai confiée, mais l’homine qui devait s’en occuper a disparu. J’avais peur.
— Ça a été un bouleversement pour beaucoup d’entre nous.

Après quelques minutes de dialogue, Aride se leva et reposa son verre de vin.

— Maintenant, essaie de manger et de te reposer.
— Cet endroit est sûr, demanda Eeri?
— Oui. Nous avons repris ici nos vieilles habitudes d’aménager des cachettes par endroits. C’est aussi pratique, à cause des kitins. Il y a beaucoup de cavernes, à Citadelles. Si les sbires de la Régente nous cherchent, ils leur faudra deux jours pour tout retourner.
— Qui ça ?
— La Régente. Elle administre la Citadelle et aide les Clans à s'organiser contre les Kitins.
— C'est donc la cheffe des Maraudeurs ?
— Non, les Maraudeurs n'ont pas de chefs.
— C'est ce qui me semblait oui. C'est peut-être même elle qui m'a interrogée... Enfin, bref. Akep. Vraiment.
— Ne me remercie pas trop vite. J’ai du assommer et attacher l’un des gardes pour te libérer. Ça veut dire qu’ils vont te rechercher, dès qu’ils s’en rendront compte. Avec un peu de chance, après le départ de ton compagnon.
— Ils le laissent donc prendre la route de Coriolis?
— Oui. Par le sommet de la dorsale.
— Il penseront sans doute que je ne le suivrai pas. Nous sommes fâchés. Mais je le suivrai.
— Si c’est ce que tu veux, tu n'auras sans doute que peu de répit après son départ. De toute façon, dans ton cas, rester à Citadelle serait du suicide. Demain matin, je t’amènerai une autre armure, tu passeras plus inaperçue. Maintenant, je vais devoir te laisser et rejoindre ceux de mon clan, avant que mon absence ne paraisse suspecte. Sois prête à l'aube.

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans).

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#53 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Azazor finit de traverser le pont de corde qui relie deux falaises de la grande dorsale. Un pont tout ce qu’il y a de plus rudimentaire. Une corde en haut pour se tenir et une en bas pour poser les pieds. Evidemment, impossible de traverser avec un mektoub.

Portant tout son bardage sur le dos depuis son départ de la Citadelle, l’escalade fut un enfer. Entre les escaliers taillés à même l’écorce, les échelles la plupart extrêmement usées, les cordes auxquelles se hisser à la force des bras et des jambes, et maintenant ce pont d’izams comme ils l’appellent, du fait que de nombreux izams aiment s’y percher. Oui, il savait que ça allait être ardu, mais pas à ce point. Il n’en a pas autant bavé depuis la traversée du Continent Verdoyant, quand il fallait escalader de grosses racines avec les mektoubs. Tout cela serait tellement facile maintenant. Ce temps lui paraît si lointain. Il était encore avec Eeri, il avait encore confiance en elle…

Il s’assoit un moment pour reprendre son souffle. Pas de kitins à l’horizon, contrairement à hier où il a du patienter plusieurs heures parce qu’un groupe de kirosta barrait la route. Il en avait d’ailleurs profité pour les étudier au loin. Ceux-ci ne semblaient pas très différents de ceux qu’on peut croiser dans le désert, si ce n’est par leur taille, tous au moins aussi grand que Nymton. Il n’avait donc pas cherché à les affronter comme il aurait pu le faire dans les Nouvelles Terres, ni à les prendre de vitesse. Qui sait à quelle vitesse ils pouvaient courir et surtout quels dégâts leurs coups pouvaient porter. Même leur poison était peut être plus puissant. Il aurait dû demander aux Maraudeurs avant de les quitter. En tout cas, ils ne correspondaient pas à la description qu'on lui avait fait des Flamboyants. Ce devait être somme toute des kitins classiques, juste un peu plus gros et dangereux, comme à peu près tous les animaux ici...

Ouvrant son sac pour en sortir de quoi manger – un reste de viande de varinx séchée – il tombe sur le recueil de notes d’Eeri qu’il a emmené avec lui. Il le feuillette machinalement tout en mastiquant sa viande sans plaisir. Puis il pose le recueil, prend son propre journal et commence à écrire.

Journal d'Azazor
Cela fait des heures que je grimpe. Maintenant que je peux enfin me poser, il faut que je revienne sur cette soirée avec les Maraudeurs, la dernière avant mon escalade. Ce fut un choc, on peut le dire. Le groupe que j’accompagnais jusqu’ici devait se rendre dans l’un de ces campements semi-permanent dont on m’avait parlé. On m’y invitait donc à partager un repas et à y dormir avant mon départ le lendemain.

On s’était réuni dans une sorte de grotte particulièrement gigantesque à laquelle on accédait après le parcours de nombreux tunnels dans la falaise. L'entrée dans la grotte se faisait par un étroit tunnel après l'escalade d'un tumulus bloquant l'entrée. On m'avait expliqué que jadis l'entrée était beaucoup plus grande mais un éboulement avait été déclenché volontairement pour en bloquer l'entrée lors d'une bataille épique contre les kitins. C'est en me racontant cette bataille que j'entendais pour la seconde fois, après Barmie Dingle, parler des Flamboyants. Contrairement à ce que j'avais cru, il n'y avait pas que les kipestas à porter ce nom de flamboyant. En fait, on donnait ce nom à toute la nouvelle génération de kitins rouges apparus dans le désert, le terme de dragon rouge étant spécifiquement employé pour désigner ces kipestas géants, car leur feu était particulièrement destructeur et leur abdomen hérissé d'épines. Lors de cette bataille, de nombreux Maraudeurs avaient alors péris en tentant de défendre l'entrée de la grotte où s'était réfugié nombre d'entre eux. Depuis, cette grotte était devenu un symbole pour beaucoup. Les Flamboyants avaient continué de proliférer, rendant quasi inaccessible l'accès au désert. Ceux-ci étaient d'ailleurs, d'après les Maraudeurs, traqués et visés en priorité par la Karavan.

A l’intérieur de la grotte était installé un immense campement visiblement bien moins rustique que les précédents. Il y avait une sorte d’infirmerie dans une tente, un coin cuisine avec de quoi cuisiner pour un régiment entier, une étable pleine de mektoubs, des centaines de lits creusés dans les parois et même des sortes de bacs remplis d’eau pour se laver. Ici et là, quelques appareils et outils me rappelèrent que les Maraudeurs maitrisaient une technologie assez évoluée, liées d'une manière ou d'une autre aux Puissances.

En hauteur au niveau des parois, on pouvait voir plusieurs trous reliés entre eux par des passerelles. Il devait donc y avoir d'autres salles derrière les parois et sur plusieurs étages. C’était une véritable petite cité miniature, éclairée à la lumière de gigantesques braseros. L’un des marauds qui nous accompagnaient, probablement un peu trop bavard, m’expliqua qu’il y avait également une armurerie, des laboratoires et une bibliothèque quelque part, cachés dans ce dédale de tunnels menant à la grotte qui, elle, faisait office de hall d'accueil principal.

Mais ce qui m’étonna le plus, ce fut les enfants. J'imaginais jusqu’alors la Citadelle comme un immense champ de bataille, et je trouvais pourtant là des enfants, des vieillards, tout un tas d’homins que je ne m’attendais pas à trouver ici.

Finalement, je compris que cette grotte faisait office de lieux de repos mais aussi de zones de recherche et de points de repli en cas d’attaques massives, comme cela arrivait parfois. Ces rares espaces étaient en réalité les seules zones stationnaires de la Citadelle. Les points névralgiques de cette cité mobile, reconfigurée au grès des défaites et des victoires. Pourtant, rien ne certifiait que les kitins ne réussissent pas à prendre ces endroits, comme cela était déjà arrivé quelques fois. Ainsi, tout était pensé pour pouvoir être déplacé facilement, en témoigneait la forme du mobilier et les nombreux mektoubs équipés comme s'ils étaient sur le départ.

La soirée fut enrichissante, notamment sur le plan culturel. C'est en les voyant rire avec leurs proches, parler de leur dernière journée, s'aider dans les taches quotidiennes, jouer de la musique et danser que je compris définitivement que ces Maraudeurs ne correspondaient pas à l'idée que nous nous en faisons. Leur capacité à se créer des moments de vies, alors qu'a quelques dizaines de kilomètres à l'Est, un essaim gigantesque de kitins menaçaient de fondre sur la Route d'Oflovak, générait en moi des émotions confuses. Du respect, mais aussi un étrange sentiment de fierté. En observant ces Maraudeurs, je me rappelais que les premiers d'entre eux furent des Fyros. Des Fyros qui décidèrent de ne pas fuir face aux kitins, de se battre pour conserver leurs terres, et qui menaient encore aujourd'hui ce combat. J'en arrivais même à éprouver une certaine colère contre l'Empire de l'époque de Cerakos II, ayant abandonné son peuple pour fuir les kitins.

À ma grande surprise, ce soir là, nombreux d'entre eux partagèrent des moments avec moi. Leur convivialité m'étonna. Certes, ils me considéraient comme un étranger, et me firent gentillement comprendre qu'il ne fallait pas insister lorsque je les questionnai sur les liens qui les unissaient aux Puissances et leur demandai si je pouvais consulter la bibliothèque... Pour le reste, ils semblaient heureux de partager cette soirée avec quelqu'un venu d'aussi loin, et me posèrent un certain nombre de questions. Surtout que cette fois-ci, l'étranger n'était pas un Ranger ! J'étais un étranger parmi les étrangers. Je crois aussi qu'ils respectaient beaucoup que j'ai entrepris un voyage aussi dangereux pour mener à bien mes recherches. Comme dans la société fyrosse, le Courage, l'Honneur et la Vérité étaient des concepts forts de la société maraudeur.

Pourtant, plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest, Akilia menait une guerre sale contre les nations des Nouvelles Terres, n'hésitant pas à recruter des criminels et à commettre des actes terroristes. Pourquoi tant de différences ? J'osais poser la question à l'un de mes hôtes qui me commanda expressément, à voix basse, de changer de sujet. Un Fyros qui passait près de notre groupe à ce moment là entendit toutefois ma question et se lança dans un monologue vindicatif pour justifier la politique menée par Akilia. Puis, levant la tête vers une passerelle au dessus de lui, il tourna les talons et partit en maugréant. Je levais alors la tête et vit que des gardes s'étaient arrêtés pour nous surveiller. Ainsi, de ce que je pus en voir, à la Citadelle se côtoyaient des pro et des anti Akilia. Probablement même que beaucoup ne prenaient pas partie, à l'image de mes hôtes qui s'empressèrent de changer de sujet, visiblement mal à l'aise.

Un Tryker me dit plus tard, sous le ton de la confidence, que si les pro Akilia étaient présents en minorité à la Citadelle, et mal vus par beaucoup - car soupçonnés de fomenter des complots - ils étaient néanmoins admis en ces lieux. Premièrement, car nombre d'entre eux étaient membres des clans les plus anciens, de l'époque de Melkiar, et faisaient partie des Maraudeurs les plus puissants et craints. Deuxièmement, car les conflits entre les différents clans étaient depuis toujours monnaie courante, et qu'il était implicitement admis qu'aucune dissension ne doive jamais mettre en danger la société maraudeure. Troisièmement, car la Citadelle était le foyer de tous les Maraudeurs, et qu'en être définitivement bannis représentait la peine la plus lourde qui soit... Le Tryker rajouta cependant que le plus important, et ce sur quoi tous se rejoignaient, était le combat pour la survie et contre les kitins. Imaginer que la société maraudeure doive sa cohésion, et donc son existence, à la présence d'un essaim monstrueux aux portes de la Citadelle, me parut tristement ironique...

Finalement, je terminai ma soirée en racontant à des enfants l'Histoire du Culte du Grand Dragon. Ce fut un vrai bonheur que de voir leurs yeux à la fois émerveillés et terrifiés devant les aventures de Liriope. Je ne pensais pas trouver des enfants ici, si près du danger. Je les imaginais tous à Sentinelle, mais c’était une erreur. La Citadelle était le cœur des maraudeurs, là où battait la vie. Et en voyant ces enfants de maraudeurs, je pensai au mien...

Uzykos…

Il lâche son épine d'arma et pose son journal, soudain soucieux.

Ainsi il a un fils. Un fyros. Un roux. Un vrai. Et il est là, à des milliers de kilomètres de lui. Il ne peut pas en vouloir à Eeri de lui avoir caché cette fois-ci. Qu’aurait-il fait s’il l’avait su avant de partir ? Il n’aurait pu se résoudre à l’abandonner, et pourtant… Pourtant… Au moins, l’absence d’information s’était révélée bien pratique. Eeri avait raison sur ce point. Toutes les Vérités ne sont pas bonnes à dire. Du moins à l’instant T aurait-elle pu ajouter.

Il a bien sûr des scrupules à l’avoir laissée aux mains des maraudeurs. Mais que pouvait-il faire ? Elle leur avait menti, elle n’avait pas joué franc jeu. Il ne pouvait rien y faire. Et ce n'était pas faute de l'avoir prévenue.

Son esprit s’évade vers l’horizon. D’où il est, il ne peut percevoir le désert de ses ancêtres. Il lui reste encore de nombreuses falaises à franchir avant de se retrouver tout en haut de la dorsale et espérer voir ce qu'il y a au delà. Mais déjà, il commence à sentir quelque chose. Comme une sorte d’appel lancinant, des voix de fyros s’envolant dans le vent… des voix de plus en plus réelles. Qui l’appelle, lui, Azazor!

Se retournant, il voit Eeri au niveau du pont d’izam, suivie derrière par trois maraudeurs visiblement à sa poursuite.

- Aza, passe moi ta hache !
- Ma hache ? Pourq...

Son regard se pose sur sa hache, sa fidèle « Courtoisie », seule arme avec sa hachette « Politesse » qu’il a emmené dans ce voyage insensé. Dans un état second, il prend la grosse hache à deux mains et s’approche du pont d’izam alors qu’Eeri est encore à mi-chemin. L’un des gardes commence à poser un pied sur le pont tandis que les autres hurlent à Eeri de s’arrêter si elle veut vivre. Azazor lève sa hache au dessus de lui, prêt à frapper sitôt qu’Eeri sera à sa portée. Il est si près du but qu’il est hors de question qu’elle gâche tout. Eeri lui lance un regard épouvanté mais continue de se mouvoir sur le pont, se balançant en même temps pour faire tomber le garde qui s’accroche et n’en gueule que de plus belle à la fyros. Arrivée à l’autre bout du pont, elle se jette dans une roulade derrière Azazor. Celui-ci écrase alors sa hache... sur les cordes du pont qui se casse, faisant tomber le garde encore accroché devant les yeux exorbités des deux autres qui attendaient de l’autre côté. Ceux-ci leurs lancent un flot d’insultes en marund que les deux aventuriers ne prennent pas le temps de traduire. Azazor ramasse à la va-vite ses affaires avant de partir en marche rapide vers la suite de l’itinéraire tandis qu'Eeri se relève incrédule et suit le fyros sans broncher.


Après une heure de marche sans dire un mot, c’est Eeri qui se décide à briser le silence.

- akep ! J’ai bien cru que t’allais…
- J’allais le faire. Ne t’avise jamais de croire le contraire.
- Mais tu l’as pas fait.
- dey
- Et t'as coupé les cordes du pont! Pourquoi ?
- J’ai encore besoin de toi, dit-il en grognant.

Il jette alors un de ses deux sacs au sol. Eeri ramasse le sac en souriant. Le grognement d’Azazor est bon signe. Elle a appris à le connaître depuis tout ce temps. C’est quand il ne grogne pas qu’il faut s’inquiéter. Il leur faudra encore quelques jours pour finir leur ascension et parvenir sur le plateau de la dorsale. De là, il partiront à l'est pour rejoindre la bordure et la suivre.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#54 Multilingue 

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Journal de bord d'Eeri

Azazor m’a rendu mon journal. Et m’a sauvée.
Ce n’est pas la première fois que j’écris ça, mais j’avais de nouveau perdu espoir de réécrire ici. Et une fois de plus, on s’en est sortis. Il faut croire que quelque chose veille sur ma vieille peau. Une puissance? Ou la chance, simplement. Comme à la roue de ce bon vieux gubani toujours plus fortuné.

Les maraudeurs lui ont donc rendu mes écrits. C’est dire qu’ils lui faisaient confiance. Pas comme à moi. Et par ma faute, on se retrouve comme des fugitifs, en haut de cette montagne.

Il a sans doute lu.

Mais je vais réécrire depuis le début, depuis notre arrivée à Sentinelle.
Nous avons été arrêtés par les maraudeurs, nombreux et lourdement armés. Séparés, privés de nos affaires. Il me semble qu’ils aient très vite mieux traité Azazor que moi… Et ils m’ont posé des questions idiotes. De quel clan je fais partie. Là, j'ai compris que mon cristal posait problème. Ce que je fais là. J’ai cru que je pouvais jouer à la plus fine avec eux. Mais pas moyen d’entendre parler du clan des Arpenteurs d’horizons. Résultat, ils m’ont transférée à Citadelle, attachée, avec le convoi qui emmenait Azazor. Détaché et libre, lui. Arrivée là-bas, ils m’ont pendue par les pieds dans un placard à balais. Si j’avais eu une hache à portée de main, je t’aurais fait une bouillie de maraudeurs… La tête en bas, je ne sais combien de temps. Quelques heures, quelques jours? Ils m'ont finalement emmenée pour être interrogée par plusieurs maraudeurs. Sans doute haut-placés, peut-être même celle qui administre la Citadelle, la régente, comme ils l’appellent. Mais je me demandais pourquoi mon cas les intéressaient plus que ça. Il semble que les maraudeurs s’espionnent entre eux, et que les clans se tirent dans les jambes pour récupérer un peu de pouvoir, faire valoir leurs opinions. Ils m’ont peut-être prise pour l’une de ces espionnes. Là, avec eux, j’ai joué franc-jeu, et dit toute la vérité. Je ne saurai jamais si ça à marché, s’ils m’auraient libérée ou tuée. D’après ce que j’ai compris plus tard, j’aurai sans doute été oubliée dans une cellule jusqu’à ce que je meure de faim, les maraudeurs ayant d’autres kitins à fouetter.

Et il s'est réellement passé ce à quoi je ne m'attendais pas, mais alors pas du tout...
Je pensais peut-être qu'Azazor, ayant arrangé les choses pour moi, allait arriver avec des gardes pour me faire libérer avant de reprendre la route. Enchaînée comme j'étais, je ne voyais pas d'autre échappatoire possible. Mais c’est Aride qui est arrivé. Un homin casqué, seul. Je compris après qu’il n’avait pas agit seul, mais je ne fus en contact avec nul autre. Il a assommé un garde, ouvert la porte, m’a délivrée. J’aurais pu tomber amoureuse, s’il ne s’agissait pas d’un matis, et plus tout jeune. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Il m’a dit connaitre mon nom, mon goût pour la liqueur de shooki - il m'en a même offert une. Je n’ai même pas eu la présence d’esprit de m’intéresser à sa provenance, mais j'ai cru comprendre que c'était plutôt quelque chose de rare à Citadelle. Il est tout à fait pensable que ce savoir-faire soit revenu des Nouvelles Terres, et qu'ils en produisent un peu, quelque part dans un camp du désert morcelé.

Aride, Arma Rapide, Maraudeur et Chercheur d’Elias, exilé dans les Anciennes Terres depuis une vingtaine d’années de Jena. Il m’a montré son visage, chose que les Trytonistes ne font normalement pas, chez nous. Il ne m’a pas donné son vrai nom, et je ne l’aurais de toute façon pas demandé. Il m’a donc connue alors que j’étais une jeune légionnaire qui se posait des questions et venait de tourner le dos aux kamis. Il a surtout connu Lopyrèch… Icus, mon mentor, mon ami. Celui qui a fait de moi une chercheuse de vérité, celui qui m’a fait ouvrir les yeux sur tant de mystères, sur tout ce que les puissances nous cachent… Le seul autre fyros, avec Azazor, auquel je me suis abandonnée... Une fois, l'alcool aidant. Encore une chose que je n'ai dite à quasiment personne, tiens... Et ramèch, voilà le résultat. Une fyros qui abandonne ses mioches et qui ment comme elle respire. Lopy... Si tu étais encore de ce monde, tu me mettrais une paire de baffes bien pires que celles qu’Azazor a envie de me coller tous les jours. Et tu aurais bien raison. Ou tu me dirais simplement de cacher la vérité plus intelligemment... Je me rends compte que si c’était utile sur les Nouvelles Terres, là ou les Puissances nous traquent, là ou nous faisons tant de cas des jeux de pouvoirs insipides entre les nations, c’est quelque chose de totalement stupide et inutile ici, en l’absence des Puissances et des pouvoirs politiques. Mais lorsque je réfléchis à ce que je peux répondre à une question, ne sort de ma bouche que l’option la plus improbable et mensongère… Je dois changer ça.

Je dois donc ma liberté à ce matis. Il a même pris le temps de récupérer mes affaires, et de me fournir une autre armure de maraudeur, bleue. Celle que j’avais en arrivant aurait trop attiré l’attention. Il m’a donnée une pique et un bouclier, en plus de ma hachette et de mes amplificateurs qu'il avait pu récupérer. Une pique ! La seule arme efficace contre certains kitins. J'avais cassé la dernière dans je ne sais plus quel combat. Des vivres, de quoi tenir quelques jours. Il n’a rien demandé en échange, je n’aurais pas pu lui offrir grand chose. Si ce n’est de faire vivre la croyance d’une hominité libérée. Nous sommes partis au petit matin de la cache ou il m’avait amenée et avons repris ce jeu de cache-cache avec les kitins et les patrouilles de maraudeurs. Je ne m’attendais pas à ça de Citadelle. Ce n’est pas une ville, c’est un champ de bataille, ou se déroule une guerre permanente avec les kitins. Les Maraudeurs ici sont presque les Rangers de chez nous, le coté j’aime tout le monde en moins. Ici, c'est marche ou crève, c’est la porte qui retient l’enfer du prochain essaim derrière les montagnes. Bon, je ne dois pas exagérer non plus. Il m'a aussi dit que Citadelle regorge de lieux de vie : des auberges, des écoles, des lieux d'entrainement, des armureries... Ils habitent ici, mais tout a été conçu, au fil du temps, pour être déplacé facilement et rester à l'abris des Kitins. Ils ne m'ont pas proposé de visiter, je lui ai répondu, en riant.

Avant de partir, il me raconta aussi son voyage pour arriver ici. À peu près le même que nous avons fait, mais avec un groupe plus large aux origines assez disparates. Ce qui ne l'empêcha pas de voir plusieurs de ses compagnons tomber, notamment pendant la traversée de la Mer de Bois. Lorsqu'il arriva, l'ancien Sujet du Royaume qu'il était du servir plusieurs années à l'Avant-Poste de la Falaise Nuageuse, avant de pouvoir être considéré comme digne de confiance et d'être autorisé à rejoindre leurs rangs. Après ça, finalement, il a pu rejoindre la Citadelle. Certains de ses compagnons sont toujours ici, quelques-uns, surtout les plus agés à l'époque, étaient restés sur l'île d'Oflovak.

J’ai aussi appris une chose très intéressante. J'avais compris que les maraudeurs utilisent des objets de la Karavan, pillés sur les croiseurs abandonnés par exemple, pour faire fonctionner leur propre technologie. Comment, ça reste à découvrir, mais le contact que j'ai eu avec eux ne va pas m'aider à en savoir plus. En revanche, ce que je ne savais pas, est que la Karavan est encore présente dans la zone, d’une certaine façon. Peu au sol, mais surtout depuis le ciel. Aride m’a expliqué que parfois les vaisseaux de la Karavan attaquent les Kitins. Ils appellent ça une "frappe" ici. De puissants sorts, envoyés depuis leurs vaisseaux situés vraisemblablement au dessus de la canopée. Sans doute quand les kitins sont trop concentrés à un endroit, parfois juste devant les portes de Citadelle. Ou, le plus souvent, dirigé contre certains spécimens en particulier, ces fameux flamboyants dont nous avions entendu parler.

Aucun kami dans la zone, en revanche, m’a dit Aride. En tout cas, pas qu’il sache. Il se raconte que du temps de Melkiar, certains chefs de clans avaient eu des contacts avec eux, mais c'est devenu presque une légende, de nos jours. Non pas que cela me surprenne, ça vient même confirmer pas mal de vieilles théories. Mais que la Karavan essaie encore et toujours de contenir les kitins, avec les maraudeurs, est une information étonnante. Parfois, m'a t-il dit, des agents Karavan sont aperçus à Citadelle, lors de certaines réunions importantes le plus souvent réservées chefs de clans. Nul ne sait, à part sans doute ces derniers, si ces ambassadeurs demeurent en permanence à Citadelle. Il me laissa aussi entendre, sans vouloir en dire plus, que la technologie des Maraudeurs était en partie liée à celle de la Karavan.

Alors, j'ai demandé... S’il n’étaient pas là, les maraudeurs arriveraient-ils à retenir les Kitins? Travaillent-ils vraiment ensemble? Il me semble que sa vision de la Karavan n'était plus celle que nous, Chercheurs d'Elias pouvions avoir dans les Nouvelles Terres. Mais Aride n’a pas vraiment pu m’en dire plus, nous étions déjà en retard pour assister au départ d'Azazor.

Puis quelque chose a sans doute mal tourné. Son plan était de suivre le convoi d’Azazor, et lui laisser quelques heures d’avance. Comme il l’avait prévu, les gardes qui l’avaient accompagné jusqu’à ce chemin escarpé étaient restés là un moment après le départ du fyros, et lorsque celui-ci ne fut plus en vue, ils se dispersèrent dans les anfractuosités du canyon. Après quelques secondes, du point d’observation où Aride et moi étions positionnés, il nous fut impossible détecter la présence d’un seul homin. Le matis semblait tendu. Nous avons encore patienté, puis il m’a indiqué le chemin à prendre, me disant qu’il allait me suivre à distance. En faisant attention à ne pas me faire voir. "Si quelque chose tourne mal pour moi, cache-toi, et laisse moi gérer. Nous ne nous en sortirons que si l'on ne me voit pas avec toi. Si tu es repérée... cours. Je verrai ce que je peux faire". Je lui ai demandé de partir dès maintenant, de se téléporter s’il pouvait. Il avait assez pris de risques. Il m’a fait oui de la tête sans vraiment répondre ce qu’il allait faire. J’espère qu’il n’a pas eu de problèmes. Puis après l'avoir remercié une dernière fois, je suis partie dans la direction qu’il m’avait indiquée.

Après quelques minutes, alors que j'allais traverser une zone relativement découverte, un brouhaha a commencé à se faire sentir, semblable aux nuées de kitins que j’avais pu voir quelques jours plus tôt. Je me suis cachée comme j’ai pu dans une anfractuosité de sciure, et j'ai attendu un bon moment, essayant de ne pas paniquer, que le brouhaha passe. Ça a duré, et je me suis perdue dans mes penséses... Et si ma libération compromettait la sécurité des Trytonistes de Citadelle? Et si, par ma faute, l'attention se portait sur eux, au point qu'ils soient incriminés? Lorsque je suis sortie de mes pensées, le bruit avait cessé.

En ressortant de ma cachette, malgré mes précautions, je suis tombée nez à nez avec un maraudeur, seul, et armé d'une lance. Mon clan, ce que je fais ici ? Je n’ai pas menti, et lui ai dit que je me cachais des Kitins, en ramassant ma pique pour feindre de la remettre sur mon dos. D'un mouvement vif, je la lui ai alors plantée en dessous du casque, droit dans le cou. Un coup sec, fatal, pour un homin qui ne s’y attend pas. "Avec les amitiés d’Akilia" j’ai dit en frappant, sans vraiment réfléchir. Son corps s’est dématérialisé. Toub de toub… Sur le moment, je n'avais rien trouvé de mieux pour détourner leur attention. S’ils pensent que je suis une espionne du clan des cendres, ils en oublieront peut-être les Trytonistes.

Il m'a fallu plusieurs heures d'escalade avant que je ne puisse voir Azazor, de loin. Le bougre s'en sort pas mal, je dois dire. Il est bien plus en forme qu'au début de notre voyage. Je suis restée à distance, pour qu’il ne me voit pas. Pas encore. Je devais lui laisser un jour ou deux d’avance. Par chance, il semblait ne pas regarder en arrière. Lorsqu'il a établi un camp pour la nuit, j'ai essayé de dormir à même la sciure dans une crevasse de la falaise, réfléchissant à comment arriver devant lui. Que pouvais-je lui dire... Pour dédramatiser, maintenant que Citadelle était derrière nous, je pensais à... "Aza ! 'ren pyr, ça marche la grimpette?" "C'est vivifiant ici, tiens. On se fout des avoines maintenant ou on garde ça pour plus tard?".

Il faut croire que je réussis toujours mes arrivées. Le lendemain, il prit une pause après sa traversée hasardeuse d'un pont de corde. J'attendais de l'autre coté qu'il veuille bien re-démarrer, toujours pour lui laisser de l'avance. C'est alors que j’ai réalisé, par chance car j'essayais de me cacher de lui, que quelques maraudeurs escaladaient plus bas, après moi. Ils m'avaient vue, et espéraient m'atteindre sans bruit. Je n'avais aucune chance de me cacher ni des uns, ni de l'autre. Le combat n'était pas une bonne idée, je me suis donc élancée pour traverser le pont avec mon barda sur le dos. Azazor était surpris, j'ai cru qu'il allait m'envoyer par le gouffre. C'était eux, ou moi. Mais il a attendu que je traverse, avant de donner un grand coup de hache dans les cordes du pont pour le couper.

Il a sans doute lu.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#55 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Les deux aventuriers sont enfin arrivés tout en haut de la dorsale. Alors qu'ils se dirigent vers la bordure du plateau à l'est, Eeri pousse un soupir. Cela l'embête de relancer le sujet, mais il faut crever l'abcès.

- Bon, tu peux me l'avouer maintenant, t'as lu mon journal?

Azazor pousse un grognement mais finit par répondre oui dans sa barbe. Il ne l'a plus taillée depuis leur arrestation par les maraudeurs, lui donnant une allure d'ermite un peu illuminé.

- Donc tu sais pour... Uzykos?

Eeri prend soin de peser ses mots, s'attendant à tout moment à un accès de colère comme le gros fyros en a l'habitude. Cependant, sa réponse est particulièrement posée, ce qui est inquiétant.

- ney, je sais.
- ça a un rapport avec le fait que tu as coupé ces fichues cordes du pont d'izam?

Le fyros ne répond pas, continuant sa marche vers l'est. Eeri ne préfère pas insister. Elle sait déjà une chose, il a lu ses notes. Et c'est pas plus mal finalement.

Une heure plus tard, Azazor s'arrête. Eeri croit alors qu'il va enfin lui en dire plus. Au lieu de ça, il reprend sa marche mais lentement et finit par se figer à une vingtaine de mètres. Eeri le rejoint prudemment, ne sachant trop à quoi s'attendre. La vision qui s'offre à elle est tout bonnement monstrueuse. D'où ils sont, ils peuvent enfin voir le sol en contrebas à l'horizon. Un sol rouge et mouvant. Encore quelques centaines de mètres, et ils sont au bord de la falaise. Tout en bas, on distingue à peine le sol. Celui-ci est littéralement recouvert de kitins. On peut remarquer des endroits plus denses en kitins que d'autres, mais où que porte leur regard, tout n'est qu'invasion rampante.

Azazor tourne son regard vers la fyrette. La peur se lit sur son visage. La peur mais aussi... l'excitation. Car ce qu'ils voient en contrebas, c'est aussi la terre de leurs ancêtres. Ils y sont enfin arrivés. Ils voient pour la première fois ce que peu d'homins des Nouvelles Terres ont déjà vu: l'ancienne terre des fyros.

Ils restent assis là une bonne heure, les jambes dans le vide, à contempler le paysage qui leur rappelle celui des dunes impériales, une marée de kitins rouges en plus. Quand Azazor prend enfin la parole.

- Eeri?

Celle-ci lève les yeux de la marée grouillante de kitin.

- Hein, quoi?
- Si je t'ai aidé avec les marauds qui te poursuivaient, c'est bien à cause d'Uzykos. Je ne veux pas qu'il grandisse comme moi sans connaitre sa mère.

Il pointe un doigt plein de menace vers Eeri.

- Alors t'as intérêt à survivre.

La fyrette sourit et hoche la tête.

- De toute façon, je te préviens, si tu survies pas, je te tue!

A ces mots, il éclate de rire, suivie aussitôt par Eeri. En bas, les kitins continuent de grouiller, occupant les terres qui furent jadis celles des fyros.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#56 Multilingue 

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Eeri surgit de derrière un grand morceau d’écorce et lança sa pique, qui toucha sa cible au poitrail. Sans attendre, elle s’élança en sortant une dague de sa ceinture, rattrapa la pique de sa main gauche et fit pivoter le manche vers le haut, afin de faire tomber l’animal au sol. Elle acheva le capryni d’un coup de dague, en grimaçant un peu. Puis, l’attrapant par les pattes arrières, elle le traîna sur une centaine de mètres, en direction d’Azazor.

— Azazor, prépare un feu! On va se gaver de barbaque!

Le fyros s’exécuta aussitôt, avec le peu de bois qu’il avait pu trouver. Il avait faim,ça faisait bien deux jours qu’ils n’avaient pas vu la trace d’un animal.
Dès que le feu commença à prendre, il posa sa cuirasse dessus afin de faire cuire les tranches de viande que découpait Eeri. Après ça, elle fit pendre à sa pique de fines lamelles découpées dans les parties grasses, et positionna l’arme horizontalement à proximité du feu. Une façon assez rapide de faire sécher la viande pour pouvoir la conserver quelques jours, espérait-elle. La tâche aurait été plus facile à la lumière naturelle, mais la zone était fraiche, à l'ombre de la canopée, et le soir arrivait.

Les deux mastiquaient en silence, profitant du repas. Dès qu’Eeri eut terminé, elle se leva.

— Nous n'avons pas assez de bois pour terminer de faire sécher la viande. Je retourne essayer d'en forer.

Sans attendre, elle empoigna sa hachette, la pioche qu’Azazor avait encore, par chance, et s’éloigna.

Le fyros était assis à mâchonner le reste de son repas. Il observait la canopée au dessus de lui, d’un oeil un peu rêveur. La végétation qui couvrait certaines parties et pas d’autres, la façon dont certaines racines semblaient se reposer littéralement sur d’autres, comme si par leurs enchevêtrements complexes, elle s’entraidaient pour ne pas s’effondrer. Puis il suivait des yeux les entrelacs jusqu’à l’horizon, espérant apercevoir les endroits où l’écorce et la canopée se rejoignaient. À vue d’oeil, estimer la taille des différentes canopées était difficile, même d’où ils se trouvaient. Il se rapprocha un peu du feu. Tant ils avaient eu chaud durant leur ascension, ce qui contrebalançait les nuits fraiches, la zone qu'ils venaient de traverser était en permanence à l'ombre de ce grand pan de canopée. Ils s'attendaient à une nuit glaciale.

Passer par le haut de la dorsale était certes la meilleure solution pour aller en direction de Coriolis. En revanche, ils ne pouvaient transporter que peu de vivres, leurs mektoubs étant restés à la Citadelle. L’altitude et le chemin escarpé, ou plutôt, l’absence de chemin et les crevasses, rendait la probabilité de croiser des Kitins presque nulle. Au plus avaient-ils aperçu un ou deux kipestas, à flanc de colline, en contrebas. Mais très vite ils se rendaient compte qu’ils ne croisaient aussi que peu de gibier. Le capryni qu’Eeri venait de chasser était un miracle inattendu. Ils n’avaient, depuis leur départ, capturé tout au plus qu’un ou deux Yubos plutôt maigres et déshydratés.

Lorsqu’Eeri revint avec un peu plus de bois, elle commença par consolider le feu et en rapprocher un peu la viande à faire sécher. Restant accroupie là, près du feu, elle regarda Azazor, et sourit. Pour la première fois depuis des jours, il semblait reposé et détendu.

— Je dois te raconter comment je m'en suis sortie.

Azazor, détourna ses yeux de la canopée pour regarder le feu, et répondit.

— La question que je me pose, c’est comment on va revenir. Il est hors de question de repasser par la Citadelle, et je ne pense pas qu’ils re-construisent ce pont de corde de sitôt. D’autant que je ne serai pas bien reçu non plus…

Eeri continua en ignorant ces nouveaux bougonnements d’Azazor.

— C'est grace un ami de Lopyrèch. Il m’a connue quand j’étais jeune.

Azazor frissona en entendant ce nom, sa mâchoire s'arrêta lentement de mastiquer et ses yeux s'écarquillèrent. Il resta quelques secondes en silence, comme pour se convaincre qu'il avait bien entendu.

— Il t’a libérée?
— ney. Il a pris beaucoup de risques pour ça. C’est lui qui m’a donné cette armure bleue, la mienne était trop voyante.
— Ça ne les a pas empêchés de te repérer et te poursuivre.

Eeri raconta sa captivité et son évasion, en effleurant le sujet des convictions Trytonistes de son libérateur.

— Tu es sure que c’est tout?

La fyrette regarda le feu, hésita un moment, puis continua :

— J'avais pas fini. J’ai du tuer un maraudeur, avant de pouvoir escalader. C’était lui ou moi… Il s’est dématérialisé et a sans doute donné l’alerte. Je pense qu’ils croient que je suis une espionne d’un autre clan maraudeur. Ils doivent sans doute considérer que toi aussi, maintenant.
— Je ne pense pas, mais ça compliquera le retour.
— On s'en sortira. On trouve toujours un moyen.

Eeri recommença à s'occuper de la viande qui séchait là, alors qu'Azazor reprenait doucement ses bougonnement.

— D’ailleurs... Tu as toujours ton cristal?

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"
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