ROLEPLAY


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#34 Multilingue 

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Journal de bord d'Eeri
2620, été du troisième cycle.

Nous y voilà, nous repartons demain. Il s’est passé tant de choses ici que j’en ai oublié ce journal.
Pour résumer très vite… Des fois que je perde la mémoire.
Arrivés à l’avant poste. Ils ont pris notre viande, on a créché quelques nuits là à se demander ce qu’on pourrait faire, puis on s’est fait embaucher à l’auberge comme cuisiniers. On a commencé à planquer de la viande pour préparer le reste de notre voyage. Ils ont remarqué, Ostini, le chef des gardes, nous est tombé dessus. Azazor a eu l’idée brillante de raconter qu’on échangeait ça avec les akako akatorums contre un poison, En racontant qu'on a perdu celui qu’on avait emmené. Puis il a fallu que je montre mon poison à ce salopard d’Ostini, leur chef des gardes. Un matis. Bien entendu, il a tout de suite vu que ce poison ne venait pas des akatakomachins… Ensuite, celle qu’on prenait pour la simple tenancière de la taverne s’est révélée être la cheffe de leur clan. Elle nous a fait cracher le morceau, mais s’est montrée relativement compréhensive. Comme quoi, les maraudeurs d’ici, c’est pas comme ceux de chez nous. Ici, on peut parler.

Résultat, on a accepté de faire une livraison pour elle, pour repayer nos erreurs. Enfin, nos actions, pas nos erreurs. Ils ont eu la cordialité de ne pas nous balancer par dessus la falaise, ou quoi que ce soit d’autre. Sur le moment, la situation était assez excitante, je n’ai réalisé qu’après que l’on jouait vraiment avec nos vies.
La bonne chose, c’est qu’O’Teelo est prête à nous fournir en matériel pour ce travail. Des armures de maraudeurs, locales. Juste ce qu’il nous faut, pour espérer arriver à la Citadelle un peu plus inaperçus qu'avec nos tronches de fyros hébétés. Elle nous a filé une carte, le chemin à suivre semble simple, comme ça. Premièrement, longer la falaise vers le sud, pour trouver le point de livraison. Ensuite, là-bas, nous sommes censé rencontrer d'autres maraudeurs. Ils pourront nous en dire plus sur les danger qui nous attendent si nous décidons de suivre la grande chaine de montagne qui mène à Sentinelle. C'est ça ou faire demi tour, retrouver l'avant-poste et reprendre le chemin des Rangers.
Finalement, là est la moins bonne chose : quoi qu'on choisisse, on est contraint de faire un détour de plusieurs semaines, voire plusieurs mois...

Ce qu’on doit livrer? Je n’ai jamais vu un truc pareil. O’Teelo nous a ammené un petit coffret, et l’a ouvert devant nous. Elle sait bien que notre curiosité nous aurait poussés à l’ouvrir, de toute façon. Elle a sorti avec précaution trois objets, aux bords un peu verdâtres, ornés d’un coté d’inscriptions étranges, brillantes. Des lignes, dans tous les sens, des points. De près, j’ai remarqué qu’il s’agissait de motifs gravés, pas seulement dessinés. Les points sont de tout petits picots, incrustés. De l’autre côté, comment décrire… une multitude d’ornements, de petits objets, agglutinés les uns aux autres. Comme des éclats de bijoux de différentes couleurs, reliés par de petits fils brillants. Des rectangles, des cercles. À première vue quelque chose de chaotique, et pourtant laissant apparaître une organisation incroyable, chaque élément semblant trouver sa place. Comme s’il s’agissait d’une ville miniature.

O’Teelo les a rapidement enveloppés dans des étoffes de fibres, pour les caler dans le coffret, nous recommandant de ne pas l’ouvrir. Pas trop souvent, en tout cas. Elle pense que le vent et la sciure du désert pourraient les abîmer. On a promis d’en prendre soin. J’ai alors demandé : c’est Karavan, non?
La Trykette m’a alors regardée d’un air affligé : "Non, ça a été pondu par un Lumper". Azazor n’a pas perdu une occasion de se moquer de moi, avant qu’elle nous fasse signe de la suivre vers l’étable en emmenant le coffret. J’aurais voulu lui poser plein d’autres questions, mais ma première ayant été d’une bêtise totale, je n’ai pas osé en rajouter. Quand même, des fois je ferais mieux de fermer ma gueule.

Elle nous a sorti des armures. Couleur de la sciure du désert, rutilantes. Une à Azazor, une à moi. Déjà utilisées, visiblement, mais d’incroyable facture. On a négocié ça. Enfin, Azazor a réussi à négocier... Il m'a bluffée, là dessus. Ah oui, j’oubliais, avant ça, on a du aller chercher le fameux stock de viande. On s’est quand même sentis comme deux crétins, même si on était soulagés de l’issue de tout ça. Au final, on a même cru comprendre qu’ils allaient nous regretter en cuisine.

Il me faut écrire ça, aussi : je dois admettre que je me suis trompée. Nous nous sommes tous trompés. Les maraudeurs ici n'ont rien à voir avec ce à quoi on s'attendait. Akilia n'est qu'une cheffe de clan parmi d'autres, et tous ne reconnaissent pas son autorité, ni son combat, ni ses idéaux. Loin de là. La guerre qu'elle mène n'est pas la guerre des maraudeurs des Anciennes Terres.
Barmie le savait, sans doute. Je ne peux plus me souvenir de s'il nous l'avait dit, mais nous étions sans doute trop sûrs ne nous, de notre savoir, nous ne l'aurions de toute façon pas cru. Quoi, des maraudeurs qui ne sortent pas leur masse pour régler le moindre problème, qui savent écouter, et plus inquiets de contenir la menace kitin que de s'occuper des pitreries de nos empires des nouvelles terres. Presque des rangers, en fait. À croire qu'il s'agit des mêmes. Nous n'avons croisé que peu de rangers, jusque là.

Nous allons de surprise en surprise. Barmie nous avait prévenu des frahars du désert. Il s'agit surtout de Fraiders ! Je garde la hache que je tiens de ceux des nouvelles terres à mon ceinturon, mais je n'ai hélas pas eu le temps de créer de lien de confiance avec aucun d'eux. On en croisera sans doute d'autres dans le désert. Je dois en savoir plus sur eux.

Ah, tiens, et Azazor a décidé d'envoyer toutes ses notes vers Pyr. Je pense que c'est idiot, il a plus de chance de se les faire voler ou que le porteur se fasse bouffer par n'importe quelle bestiole sur le chemin. Je lui ai dit de faire une copie. Pas le temps pour ça, qu'il me dit. Tiens, ça me fait penser que les lettres que j'avais confiées au phare sont peut-être arrivées. J'espère qu'ils vont tous bien.

Pour résumer... En fait, non, il n'y a pas grand chose à résumer. Juste à se remettre en route.
Si. Je dois ajouter... et avouer : j'aimerais tant passer plus de temps avec les homins d'ici, découvrir les richesses et leur savoir, les comprendre mieux. Revenir un jour vers les nouvelles terres avec leur message. Mais allez, ce n'est pas le moment de s'arrêter, nous sommes si près de notre but. Un nouveau désert nous attend.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#35 Multilingue 

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Journal de bord d'Azazor

Je me suis résolu à envoyer vers les nouvelles terres tous mes rapports depuis Fort-le-Phare jusqu’à notre départ de l’Avant-Poste Diplomatique. Sur les conseils d’O’Teelo, je les ai remis à un ranger de confiance qui devait aller à la Halte. Espérons que tout se passe bien. La route dans la Mer de Bois est bien plus risquée. Au pire tant pis si le paquet se perd. Toutes les informations qu’on a récupérées sont dans ma tête et je jure de revenir vivant pour les raconter un jour.

Bref, comme déjà expliqué dans mon précédent rapport, nous avons trois artefacts à livrer aux maraudeurs installés près de la Grande Flaque au sud. Ils sont censés servir à la construction d'un zinuaken dans la région. Les marauds sont en contrebas d'une falaise. Mais a priori, il n'y aura pas de monte charge ou d'escalier. Donc ce sera escalade, sueur et huile de coude. S'ils se sont installés en bas, sans moyen pratique pour descendre, ça ne veut dire qu'une chose: que la région est très dangereuse et que c'est pour eux un moyen de se défendre.

Je vais tenter de décrire au mieux ces artefacts qui me rendent vraiment mal à l’aise. Déjà, on voit tout de suite que ce ne sont pas des créations homins. On dirait des sortes d’écailles de dragon vertes et oranges, sur lesquelles sont peintes ou peut être gravées des lignes qui se croisent et s’entrecroisent. Incrustés sur les écailles il y a des trucs noirs carrés, ronds ou rectangulaires et des sorte de coulées brillantes, durs et froides qui les relient à l’écaille. Eeri parle de bijoux. Pour moi, on dirait des pustules noires d’une créature innommable suintant un liquide gris et brillant qui se serait solidifié. Il y a aussi quelques symboles dessus. Des lettres, des chiffres, mais sans aucun sens. Des symboles qui insufflent la vie comme pour les foreuses kamis ? Mais ça n’a rien de kami. Rien que de toucher ce machin ça me dégoûte. Au moins, je n’ai pas vu de traces de goo dessus. Je note tous les symboles sur une page à part et je tente un dessin du plus gros artefact, pour vous donner une idée. Mais vous savez mes talents pour le dessin…

Extrait du dessin d'un des artefacts.


On nous a pas dit le nom de ces trucs, O’Teelo se contentant d’appeler ça une babiole. En tout cas, c’est pour moi clairement karavan. Je ne vois pas les maraudeurs créer ce genre d’artefacts. Il va falloir que j’en sache plus sur le lien entre marauds et kara. Sur les NT, il y a parfois des alliances de circonstances pour les batailles d’Avant-Postes. On peut imaginer qu’ici ce soit là même chose. La karavan fournissant la technologie pour fabriquer les zinuaken en échange de ressources récoltées par les marauds. Une rumeur que j’avais entendue autrefois parlait de dissidents de la karavan. Eeri en sait peut-être plus sur le sujet. Bref, tout ça renforce l'hypothèse d'un fyrak mécanique de la karavan dont les écailles seraient ce genre d'artefact, même si ici il ne s'agit pas de dragon mais d'un zinuaken.


Pour changer de sujet, laissez-moi vous décrire brièvement le désert que nous parcourons. A première vue, il n’y a pas de différences avec le désert impérial. Même dunes, même sciures, même plantes, peut être un peu plus chaud. Des olash, des olansis, des savaniels, des botogas qui nous aident à ne pas trop puiser dans notre stock d'eau. On n'a pas encore vu de Bothaya. Je présume que la présence de la grande flaque pas trop loin permet une hydratation des sous-sols qui empêchent son apparition. Mais je sais plus, je dois confondre avec une autre plante. J'aurai dû mieux suivre les cours de botanique à l'Académie. Il n'y a pas de papalexi non plus sur la route pour l'instant. Et pas croisé de loojine également. Il parait qu'ils sont de la même famille. Ceci explique peut être cela... Concernant la faune, pour l'instant on a seulement croisé au loin des varinx. D'après les maraudeurs, nous ne devrions pas croiser de Fraiders, ne passant pas sur leur territoire. Cela semble déplaire à Eeri, mais qu'elle se rassure, ce sera pour le chemin du retour, dans quelques années.
Par ailleurs, j'ai stocké dans une bourse une petite partie de sciure pour analyse ultérieure, quand je rentrerai. Si le maitre xylologue Ulyton Meros accepte de se pencher dessus, on aura peut être une surprise.
Ah oui, un point intéressant à noter: l'astre du jour est bien plus haut que dans les Nouvelles Terres. C'est un fait. J'ai pu le mesurer avec le sextant. Je note toutes mes mesures sur une page à part. En estimant le nombre de kilomètres parcourus vers l'Est, je pense qu'on peut donner une estimation de la courbure d'Atys. Mais n'étant pas doué pour les calculs, je laisserai ça au soin des maitres de l'Académie à mon retour. Est-ce que le fait qu'il fasse un peu plus chaud viendrait de là, les rayons arrivant moins obliques que dans les Nouvelles Terres? Plus nous avonçons sur la route, plus je découvre de choses, mais plus je me pose de nouvelles questions. La quête de la Vérité est un chemin infini.

Nous devrions arriver au point de rencontre d'ici quelques jours. En espérant ne pas se faire bouffer par un varinx d'ici là...


Journal de bord d'Azazor

Ce qui devait arriver arriva. Ce matin, nous avons croisé un groupe de quatre homins accompagnés d'un varinx. Ramèch! Un varinx de compagnie! Une bête magnifique, aussi haute qu'un homin. Un peu comme Aen chez nous. Sauf que ce n'était visiblement pas des maraudeurs. Ils ne se sont même pas présentés. Ce ne sont pas des Atakorum en tout cas, mais sûrement une énième tribus de nomades du désert. Ils ont exigé qu'on leur laisse tout notre bardage et le mektoub en échange de la vie sauve. On a essayé de négocier un peu de viande pour eux et leur varinx, mais rien à faire, c'était la totalité de nos affaires si on voulait pas, je cite: "finir dans le ventre de Razor". J'ai présumé que c'était le nom du varinx. Toujours est-il qu'on pouvait pas se permettre de leur filer l'objet de notre quête. Il y allait de notre honneur. Alors pour la première fois depuis notre départ de Silan, on a du se battre contre des homins pour sauver nos vies.
Résultat: on en a tué deux et le varinx, les deux autres se sont enfuis. Enfin... Eeri a tué le varinx, un homin et en a blessé un autre grièvement. Moi je me suis contenté de l'achever, récoltant au passage une belle entaille à la cuisse droite quand la pique d'un homin a réussi à perforer l'armure maraudeur au niveau d'une jointure. Sans Eeri, c'était mon thorax qu'il transperçait. C'est une vrai furie quand elle se bat celle-là. Je l'avais déjà vu faire dans les Nouvelles Terres. Mais jamais avec autant de rage et de détermination. On aurait dit une déesse de la guerre. Lopyrèch m'avait prévenu, cette homine est dangereuse. Heureusement que je suis son ami. Enfin, je crois.

Bref, aujourd'hui, j'ai tué un homin. Je veux dire, définitivement. Ce n'est pas du tout la même chose. Je ne l'avais pas encore remarqué jusque là, mais quand on tue quelqu'un d'habitude, on sait toujours au fond de nous que ce n'est pas, ou rarement, une véritable mise à mort. Là, quand j'ai planté ma hache dans le crâne de mon ennemi, j'ai su qu'il ne s'en relèverait pas. C'est comme si j'avais aspiré son âme. Je me suis senti sale. Cela m'a rappelé la mort d'une crise cardiaque du celiakos Lyan Cexius après qu'il se soit énervé contre moi. Sur le coup, j'ai ressenti une certaine culpabilité. Sauf que cette fois, je ne peux pas me rassurer en me disant que l'homin était très âgé et que son heure était venue. Je suis responsable du coup de hache qui l'a terrassé. J'ai pensé alors à nos ancêtres qui, au combat, devait vivre ça de nombreuses fois.

Tout s'embrouille dans ma tête, j'ai plein de pensées contradictoires. C'est vraiment un autre rapport à la vie.
Comme nous sommes devenus faibles à cause de la protection des puissances! Comme nous avons perdu tout cet aspect, je dirais, philosophique! Tous les guerriers, et moi le premier, nous nous trompons depuis le début. Tuer n'est pas une chose anodine. C'est un véritable pouvoir qui peut rendre fou. Celui-ci nous a été ôté par la résurrection des puissances. C'est désormais elles qui ont ce pouvoir. Et je ne suis pas sûr que ce soit forcément un bien.


Journal de bord d'Azazor

Décidément, c'est la loi des séries. Aujourd'hui, alors qu'on avançait tranquillement vers le sud, je suis tombé dans une crevasse. Une belle chute d'une dizaine de mètres. C'était pourtant pas marqué qu'il y a des crevasses dans le coin. C'est censé être plus loin, vers l'est. Bref, on a bien passé une heure pour qu'Eeri parvienne à me remonter à l'aide d'une corde et du mektoub. Soit disant j'étais trop lourd. Ce doit être le sac, il est chargé de cuir de varinx, ça pèse son poids. On va devoir redoubler de prudence. Autant on a aucun mal à se soigner ici, contrairement à la Mer de Bois, mais on n'est pas immunisé à la blessure mortelle. S'il y a des crevasses de dix mètres de profondeurs, on peut imaginer qu'il y en a de bien plus profondes. J'ai beau être résistant, je ne suis pas incassable.

Edité 3 fois | Dernière édition par Fyrenor (il y a 2 ans).

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#36 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Eeri s’arrêta de tirer sur la corde et fit signe au mektoub de s’arrêter. Puis elle s’assit, ignorant les gémissements qui résonnaient sur les parois, pendant un moment.

— Arrête de gesticuler, cria-t-elle finalement !!
— Mais alors qu'est-ce que tu fais? Remonte moi !
— La corde est coincée, ne bouge pas. Je gère.

Eeri resta sur place, sans bouger, un oeil sur la hache qu’elle avait posée à terre plus tôt, alors qu’elle sortait une corde en catastrophe pour secourir le fyros.


Il suffirait d’un coup sec, murmura-t-elle. Comme pour les frippos.

Le laisser là? Azazor avait bien failli les faire tuer.

L’hésitation. En combat, on hésite jamais. On frappe, là où l’on sait que l’ennemi aura mal. Mais non. Lui, une hachette à la main, il se contente de parer les coups, sans contre attaquer.

Contre une pique, c’est quitte ou double. Armé d'une hachette, on peut profiter de la longueur de l’arme adverse et du moment d’inertie après l’attaque pour lancer un coup où ça fait mal. En l’occurrence, au niveau de la ceinture, ou au niveau du cou. Deux fois il a eu l’occasion de frapper. Il s’est contenté d’attendre, laissant à ses adversaires les secondes nécessaires pour comprendre ses mouvements. Enfer de fyrak de ramèch, je n’aime pas frapper les homins de dos. Mais là, c’était ça ou laisser Azazor se faire transpercer une fois de plus.

Les deux restants, sans doute plus jeunes, se sont contentés de partir en courant lorsqu’ils ont vu le second homin s’écrouler. Ce n’est pas bon signe, ça veut dire que s’ils ont pu aller alerter leur tribu, on va se retrouver avec d’autres homins sur le dos. Si Azazor avait pu s’en sortir seul contre son adversaire, j’aurais pu me faire les deux autres. Un coup de hache bien placé, et on poursuit l'autre et le termine à la dague. Mais non, j’ai du faire volte face pour sauver Azazor. Quel gâchis.

Et quand j’ai dit qu’on devait s'attendre à ce qu'ils rameutent leur tribu... Il n'a rien dit, mais il doit sans doute paniquer, et maintenant il ne regarde plus où il pose ses pieds. S’il me refait le coup, là où on va, je vais me faire tuer, c’est sûr. Alors pourquoi pas le laisser là? Mais non, quand même, je vais devenir folle, si je continue seule. On est arrivés ici à deux, on doit continuer à deux. Et puis si la corde doit péter… Remarque, un coup sec… Non, quand même. Mais…


— Qu’est-ce que tu fous ???

La beuglante du fyros sortit Eeri de ses pensées. Elle se leva en soupirant, donna une grande tape sur le cul de Run-dun, et se remit à tirer sur la corde.

— Ça vient, ça vient. Tu pèses ton poids, tu sais…

Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#37 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Quelques jours plus tard, les deux homins marchaient toujours à quelques mètres du précipice, afin de garder une bonne vue sur ce bout de désert, en contrebas. Le paysage changeait peu à peu, devenant plus vallonné, comme si des racines sous le sol poussaient et sculptaient la sciure. Au loin apparaissait dans la brume ce qu'O'teelo avait appelé "Umawaka" : une chaîne de montagnes infranchissable, un enchevêtrement de gigantesques racines qui délimitait ce désert au sud, et qui, si l'on en croyait la carte de la cheffe de Clan, s'étendait jusqu'à la Citadelle . À chaque pas qui les en rapprochaient, cette cordillère leur paraissait de plus en plus gigantesque, semblant sortir des entrailles d'Atys. Par endroits, des pics d'écorce nus et acérés se dressaient vers le ciel. En d'autres, ils étaient couverts de végétations, à tel point qu'il se demandèrent s'il ne s'agissait pas des départs d'une canopée en devenir.

Le point de rendez-vous ne devait plus être bien loin, comme elle l'avait décrit à proximité de cette montagne, en contrebas. Ils s’arrêtèrent un moment afin de scruter l’horizon et le désert, dans l'espoir de déceler un village ou n'importe quelle trace de vie homine. Eeri s'approcha dangereusement du bord, afin d'observer la paroi de la falaise qu'ils surplombaient.

— Azazor?
— Hmmm?
— Tu réfléchis trop. Si tout ça doit se reproduire, dis-toi qu’il s’agit d’eux ou de nous.
— Je n’étais pas préparé à me battre. Pas de cette façon.
— La prochaine fois, frappe. Pare, et frappe. Là où ça fait mal, là où tu n’aimerais pas recevoir un coup.
— Ça va, ça va, je sais.
— La surprise, la rapidité. Eux, s’ils se battent, ils savent que c’est définitif. Ils n’hésiteront pas.
— Mais la contre-attaque suppose une prise de risque. C'était pas dérangeant chez nous, mais ici... Comment as-tu fait pour rester aussi froide?
— Pendant des années, je me suis appliquée à apprendre à me battre de façon à ne plus faire appel aux puissances. Dans l’idée qu’un jour peut-être les trytonistes arriveraient à libérer l’hominité. Garder l’esprit froid et analytique est la première des choses.
— Tu y crois toujours? La liberté?

La fyrette se redressa et fit quelque pas pour s'éloigner du bord.

— Non. Je n'ai plus d'espoir pour les nations. Maintenant, je crois qu’il suffit de partir. Ou devenir ranger… Ou maraudeur. Ça revient peut-être au même. Mais la liberté, non. Ça n’existe pas, même ici.

Azazor hésita un moment :

— Mais alors, tu ne crois plus en rien…?
— Je crois en la survie. Je crois que si tu mets de nouveau ce voyage en péril, je te laisserai en plan et continuerai seule.
— Tu quoi???
— Mais je t’aime bien quand même. Je n’aurais pas pu aller aussi loin toute seule.
— Hrmf… Mouais. akep.
— Et le problème de la solitude, c’est qu’on a plus personne à blâmer pour les conneries qu’on fait.

Après ces mots, Eeri s’assit en souriant.

— Allez détends-toi. J’ai un truc à te proposer, concernant la livraison.

Azazor ne bougea pas, continuant à scruter l'horizon.

— Je t’écoute.
— Vu la falaise, s’il n’y a pas de chemin, on ne peut pas risquer nos mektoubs.
— Tu veux donc descendre seule. Je savais que tu allais proposer ça.
— C’est moins de risques.
— Et si tu reviens pas?
— Ou tu descends, et je garde les mektoubs. Ça me va aussi.

Azazor grogna quelque chose d'inintelligible, les yeux toujours rivés au loin. Eeri en rajouta une couche, grinçante :

— Mais j'ai vu ton talent pour escalader...
— On en reparlera quand on verra où il faut descendre, répondit Azazor en remettant son sac sur le dos.
— T'as raison. Ne traînons pas.

Les deux fyros reprirent la route vers le sud, sans même jeter un oeil derrière eux pour savoir s'ils étaient suivis ou non. Le vent du soir commençait à souffler, mais ils purent encore marcher pendant quelques heures.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#38 Multilingue 

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Devant le désert qui s’offre à lui, Azazor ne peut s’empêcher d’avoir une bouffée de nostalgie pour son désert, celui qu’il a quitté voilà de ça des années. La sciure parait moins fine ici, où est-ce ses souvenirs qui s’embrouillent? Le vent, venu de l’est, semble s’engouffrer vers le bas de la falaise, faisant s’agiter les deux mektoubs attachés un peu plus loin. Leurs meuglements semblent répondre au sifflement du vent dans une sorte de complainte lugubre. Jamais il n’a ressenti la mélancolie dans son désert. Mais ici, tout est différent. À la fois si loin de ses proches, et si près de ses ancêtres.

Cela fait trois jours qu’Eeri est partie. Trois jours qu’il l’a vu descendre en rappel la falaise, accrochée à une corde dont elle a pris soin de vérifier l’attache à la racine sortant de la sciure avant de s’y harnacher. Comme si elle avait fait ça toute sa vie. Reviendra-t-elle ? Les maraudeurs de ce clan sont-ils aussi amicaux que ceux de l’Avant-Poste Diplomatique ? D’ailleurs, amicaux, c’est un bien grand mot. Disons plutôt civilisés. Avec un certain sens de l’honneur. Il n’y a a priori pas de raison qu’Eeri soit mal reçue. Elle leur apporte des « babioles » pour faire fonctionner leur zinuaken.

Leur campement s'est installé dans l'épave d'un gros vaisseau de la karavan. Celui-ci fait bien cinquante mètres de long vu d'ici. Comment a-t-il été détruit? Difficile à dire. Les kitins seraient-ils capables de cela? Ou les kamis? D'ailleurs, l'épave, à ce qu'il peut en voir, doit dater du premier essaim. Une partie semble enfoncée dans la sciure, ou disons plutôt recouverte par elle. De loin, la carcasse du vaisseau parait bien sombre. Il est incapable de reconnaitre un des vaisseaux visibles dans les Nouvelles Terres. Peut-être s'agit-il d'un ancien modèle, jadis utilisé dans les Anciennes Terres et aujourd'hui tous à l'état de ruines, pour il ne sait quelle obscure raison. Après l'épave au nord de Fort-le-Phare sur laquelle les rangers ont récupéré de quoi faire le système d'éclairage du phare, c'est la deuxième ruine de vaisseau de la karavan dont il prend connaissance, et la première qu'il voit de ses yeux. Ici, la karavan semble bien fragile, comme en décrépitude. Les kamis aussi d'ailleurs, il n'en a pas entendu parler. A croire que les puissances ont toutes déserté ces lieux. Seul survivent les homins, se réapropriant les ruines du passé, bâtissant de nouvelles cités, ne perdant pas espoir. Il avait décidément mal jugé les maraudeurs. Du moins ceux d'ici.

Eeri doit être là-bas avec eux, sûrement dans une des pièces du vaisseau réaménagée en lieu de vie, à siroter un baba ou à boulotter un morceau de varinx grillé au feu. Peut-être sont-ils en train de rire, de se dire qu’ils ont bien de la chance de l’avoir croisée, qu’elle leur apprendra à cuire la viande, qu’ils ont bien besoin d’une bouchère, qu’elle pourrait rester… Il ne lui en voudrait même pas. Il sait que ça viendra. Il a vu son regard quand elle a parlé de ces homins, de la rudesse de la vie ici. Ça lui plait. Ici, bien qu’elle le nie, elle se sentirait enfin libre. C’est la vie qu’elle a toujours rêvée. Alors pourquoi continuerait-elle de s’encombrer d’un gros balourd de fyros incapable de terrasser un simple bandit ? Il ne la mérite pas.

Azazor observe les dunes derrières lui. Des dunes déjà bien sombres, se détachant comme des silhouettes du ciel couleur pourpre. C’est de là qu’ils viennent. Si on les a suivis, c’est de là que viendra l’attaque. Trois jours qu’il redoute qu’ils lui tombent dessus. Si ça devait arriver, il ne combattrait pas et laisserait les mektoubs pour descendre par la corde. Autrefois, il serait resté pour combattre, en gueulant du cal i selak à plein poumon, cognant sa hachette contre son bouclier, sûr d’être un guerrier d’exception, certain de pouvoir tuer fyrak lui-même, car la peur de la mort ne faisant pas encore partie de ses concepts. Mais plus maintenant. Depuis l’épisode de Titus, et surtout, depuis son combat avec ces bandits, il sait ce que mourir veut dire. Et ça le hante. On pense être courageux, mais on ne sait pas ce que c’est tant qu’on n’est pas réellement passé près de la mort. Ce qu’il espère, c’est qu’un jour il sera lui aussi capable d’affronter la mort, de la défier en frappant sur son bouclier. Comme Eeri… Eeri qui ne reviendra pas. Car il n’a plus rien pour lui. Pas même le respect de la Vérité. Et elle le sait maintenant, depuis qu’il lui a dit son secret, son mensonge, qu’il traîne comme un fardeau depuis des dizaines d’années…

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#39 Multilingue 

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5 jours plus tôt, alors qu’Eeri et Azazor se sont arrêtés à l’ombre d’une dune pour manger leur ration du midi et faire une pause...

— Eeri, faut que je t’avoue un truc.

La fyrette lève ses yeux de sa patte de yubo grillée, l’air rieur.

— Quoi ? Tes parents étaient matis ?
— Je parle sérieusement.
— Oh… Allez je t’écoute.

Le fyros prend une grande respiration, comme s’il s’apprêtait à révéler quelque sombres secrets. 

— J’ai menti... une fois.
— Hahaha, juste une fois ? Ben ça va alors, s’exclame la fyrette, soulagée.
— Non, mais j’ai menti une grosse fois.
— C’est-à-dire ?
— J’ai fait croire à quelqu’un que j’étais son père.

Eeri reste muette, les yeux écarquillés.

— Y’a eu cette petite trykette, trouvée par des rangers à Silan. Galdor, un ami de mes parents et qui m’a élevé à la mort de mon père, l’a recueilli et élevé comme sa fille. Quand j’ai appris son existence, alors qu’elle avait une dizaine d’années, j’ai eu une idée.

La fyrette fait un moulinet de la main, comme pour dire au fyros de continuer.

— Je me suis dit qu’à cet âge, c’était aisément manipulable. Alors avec Galdor, on a commencé à raconter une toute autre histoire. Lui à son contact et moi par lettres. Comme quoi j’étais son vrai père, mais que je pouvais pas l’élever car j’avais trop de travail. Et que sa mère avait été tuée par des matis. Que l’Empire c’était ce qu’il y a de plus beau, de plus grand. 
— Un bel endoctrinement quoi…
— C’est ça. 
— Et elle est devenue quoi cette trykette ?
— Je lui ai confié une mission à ses seize ans. Celle de s’infiltrer dans le royaume et de me transmettre des renseignements.

Eeri lève les sourcils, surprise.

— Une espionne en quelque sorte ?
— Oui. Je pensais pas qu’elle y arriverait aussi bien. Avant qu’on parte, elle avait réussi à devenir sujet du royaume et envisageait de devenir servante auprès d’une maison noble.
— Tu veux dire qu’elle espionne encore ?
— Ouep, du moins quand je suis parti c’était le cas. Je lui avais dit de transmettre ses futurs rapports à Naveruss.
— Grosses cuisses est au courant ? Et ben...
— Le pire, c’est qu’elle pense toujours que je suis son père. J'ai trahi un pilier fondamental de l'Empire en lui mentant.
— Si la vérité était vraiment la valeur de l'empire fyros, il se serait déjà écroulé. L'important, parfois, c'est juste de croire en quelque chose. La vérité, j'ai abandonné depuis longtemps.

Sur ces mots, Eeri prend un air pensif et ne dit plus rien, se contentant de tourner entre ses doigts la cuisse de yubo à moitié rongée. Elle aussi aurait des choses à avouer. Le fyros le remarque et la regarde avec insistance.

— Tu as des choses à me dire? Je te sens soucieuse.
— dey, je pensais juste à notre ancien chez nous, ment la fyrette. 
— Ah...

Azazor touille la sciure au sol avec son pied. Lui aussi pense beaucoup à son ancien chez lui. 

— Du coup, t'as jamais eu envie de lui dire la vérité, à ton espionne? reprend Eeri. 
— Si, plusieurs fois je me suis dit que je devrais lui dire. Mais à chaque fois, elle me donnait de bons renseignements. Je me disais que si je révélais la mascarade, elle le prendrait mal et arrêterait son travail. C’est qu’elle est douée en plus.
— Oh tu penses qu’elle va mal le prendre si tu lui dis que le type qu’elle pense être son père depuis des années est en fait un imposteur qui la manipule ? Je vois pas pourquoi tu dis ça…
— C'est bon, arrête avec l’ironie. J’ai assez mauvaise conscience comme ça. Le pire, c’est si je lui dis et qu’elle se mette à parler...
— T’as peur de quoi ? Que les matis t’en veulent ? Je te rassure, c’est déjà le cas. T’as quand même insulté la mère du roi devant son fils le jour de ses funérailles. Alors qu’ils apprennent que t’as cherché à les espionner…
— Mouef… 

Azazor reste pensif quelques instants, gardant les yeux baissés vers la sciure. La honte le ronge, le mensonge étant pour lui comme une souillure. Finalement, après un temps silencieux, il relève la tête et regarde Eeri droit dans les yeux.

— Si je meurs, tu lui diras ?
— Que t’es pas son père ? 
— ney. Elle s’appelle Be’Lauren. 
— ney, compte sur moi. Mais tu lui diras toi-même, car tu vas pas mourir.
— Si tu le dis…

Oui, il lui dira tout. Quoi qu'en dise Eeri, la Vérité est sacrée. Sans ça, le peuple fyros n'a plus qu'à se laisser mourir.

Edité 3 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#40 Multilingue 

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Eeri planta sa pioche dans une écorce qui dépassait de la sciure et se hissa vers le haut, une fois de plus. Depuis plusieurs heures, elle escaladait en perdant espoir d’arriver en haut de la falaise. Impossible de retrouver l'endroit où elle avait pu laisser pendre la corde qu’elle avait utilisé pour descendre une partie de la falaise. Il fallait faire sans aucun repère quant au chemin restant à parcourir. À chaque morceau d’écorce ou chaque anfractuosité dans la sciure, elle répétait le même procédé : planter la pioche, se hisser, caler l’un de ses pieds où elle pouvait, et tenter de repérer le prochain support, plus haut. Des heures durant. Jusqu’au moment où elle hésita, tant le morceau d’écorce semblait différent des autres, à cet endroit. C'était un bras de fyros.

— Attrape ma main !
— Aza !! Attrape plutôt ma pioche !

Le fyros hissa Eeri qui poussa un soupir de soulagement, et s’écroula à quelques mètres du bord. Elle lui demanda un temps de répit pour reprendre son souffle, avant de répondre à toutes ses questions. Oui, elle avait des choses à raconter sur ses quelques jours en bas. À commencer par l’endroit. Un ancien vaisseau karavan. Relativement grand, en tout cas plus grand que ceux qu’ils pouvaient habituellement voir sur les Nouvelles Terres. D'apparence assez différente, aussi. Abandonné depuis des années, peut-être des siècles. Une relique du premier essaim? Il s’était écrasé là de biais, dans la sciure. Ce groupe de maraudeurs s’y était établi pour une durée indéterminée, et leur plan était de repartir vers le nord, en laissant ici quelques homins en garnison. La livraison était un élément clef qu’ils attendaient afin de terminer leur travail.
Leur chef était Li-Yon, un Zoraï imposant au masque entièrement tatoué de noir, à l'allure inquiétante, bien qu'il fut relativement amical avec Eeri. Un chercheur, comme il se présenta, tout comme la plupart des homins ici. Il expliqua qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un clan. Plusieurs homins de différent clans, plutôt, recrutés en fonction de leurs connaissances techniques. En fait, beaucoup de trykers et de zoraï, quelques matis qui semblaient plutôt affectés à des tâches de garde. Peu de fyros.

Eeri fut autorisée à séjourner deux nuits, avant de reprendre sa route. On lui donna une petite pièce dans le vaisseau, vétustement aménagée avec un petit lit calé par des pièces de bois. La structure étant entièrement de travers, il n'était pas si facile de se déplacer d'une pièce à l'autre, ailleurs que dans les parties que les maraudeurs avaient déjà réaménagées. Ici et là, les murs étaient couverts de protubérances de couleur, de petits poussoirs rouges ou verts, de surfaces faites d’une étrange matière lisse et verdâtre. Tout ceci devait avoir une fonction, mais semblait hors d’état depuis bien longtemps. Le zoraï lui accorda un tour de ce qui restait du vaisseau, en évitant la pièce centrale, sous le prétexte que les homins qui y travaillaient avaient besoin de beaucoup de concentration. Il resta relativement vague sur le contenu de leurs travaux.

— Et alors, ils t’ont donné à mangé? À boire?
— Hmmm, rien de bien terrible. Je leur ai proposé de faire cuire leur viande à notre façon, mais ils ont refusé.
— Ça vaut mieux, ils t’auraient gardée.
— Encore heureux que dey!! Amicaux, mais méfiants, et puis quasiment que des homins. Ils avaient l'air vraiment content de recevoir ces babioles, donc leur chef a été assez courtois pour me laisser une pièce avec une porte qui ferme. Aussi pour me surveiller, je pense.
— C'est vrai que tu as tendance à tomber enceinte aux mauvais moments, dit Azazor en hochant la tête.
— Et puis, ils sont pas méchants... mais pas très causants non plus, continua la fyrette sans relever la pique d'Azazor.
— Tu t’attendais à quoi?
— À rien de spécial. Livrer le truc, et repartir.
— Mais t’as bien dû leur poser des questions, non?

Azazor regarda Eeri avec une moue qu’il avait développée au fil du voyage, qu’il ressortait à chaque fois qu’il n’était pas convaincu par ce que lui disait la fyrette. Il la laissa continuer de parler, sans rien commenter. Eeri répondit en souriant :

— J’en ai posé, mais tu me connais. Je suis trop directe, j’arrive jamais à soudoyer des infos…
— Rien de rien?
— Je... pense qu'ils ont un Zinuaken quasi en état de fonctionner. Et puis, ce que je t'ai déjà dit. Ah, et si, ils m’ont donné quelques conseils pour la suite du voyage vers Sentinelle. Rien de bien difficile pour le chemin à suivre. Par là…

Eeri pointa vers l'est, vers la cordilière.

— Ça, on le savait déjà.
— Et autre chose aussi : à quelques heures de marche, il y a un chemin, sur une racine, vers le sud. Marqué par une balise.
— Pourquoi?
— Un accès vers la grande flaque. Il a pensé que ça pourrait nous intéresser de voir ça. C'est à un jour de marche de plus. Il y a une racine qui traverse la montagne.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans).

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Eeri
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#41 Multilingue 

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Journal de bord d'Azazor
                                   
Eeri m'a à peine décrit l’intérieur du campement maraudeur. Disons qu'elle n'a pas été très loquace. Ce qu'il faut retenir, c'est que les marauds cachent bien leur zinuakeen en construction à l'intérieur. Impossible de savoir comment ça marche, Eeri n'y ayant pas eu accès. Par contre, les marauds lui ont dit qu'il y avait un chemin menant à la Grande Flaque par le sud. Un léger détour. Du coup, on y est allé.

Après plusieurs jours de marche à travers la cordillère du sud, faite de racines géantes émergeant du sol et se torsadant comme des tresses, nous avons enfin atteint la Grande Flaque. Ce fut une vision particulièrement éprouvante. Imaginez une étendue d’eau à perte de vue. Où que porte votre regard, rien que de l’eau jusqu’à l’horizon. J’ai tenté de voir la fin de la cordillère à l’est, en vain. Celle-ci vient mourir sur l’horizon, laissant présager qu’elle ne se termine pas avant l’embouchure du fleuve munshia et des hypothétiques récifs de baldos. Passé l'émerveillement, on s'est approché de l'eau et on s'y est même baigné. Pas longtemps ceci dit, cette saloperie étant relativement froide en hiver. Il y avait quelques poissons que je n'ai pas spécialement reconnu. Mais bon, je n'y connais rien en poisson. Aucun prédateur à l'horizon visiblement. Peut être que certain viennent s'abreuver dans la Grande Flaque mais pas ici en tout cas. Il n'y a pas de traces de pattes sur le rivage. Ah oui, un phénomène intéressant à noter: la présence de vagues! Plus grosses que celles qu'on peut parfois observer à Trykoth. Je soupçonne que la taille de la Grande Flaque y joue pour quelque chose même si je ne vois pas quelle peut être la cause profonde de cela. Toujours est-il qu'on s'est bien marré avec Eeri à sauter dedans, certaines vagues nous arrivant au niveau de la tête.

Pour la suite de notre voyage, bien que selon la carte ranger, aucun accès n’y est répertorié, nous pourrions peut-être éviter le passage par Sentinelle en longeant la Grande Flaque puis escalader le plateau au sud de la Citadelle. Je suis curieux de savoir si des homins y ont élu domicile. Mais au vu de l’aide que nous ont apporté les maraudeurs jusqu’ici, nous nous priverions de renseignements essentiels pour la suite de notre voyage dans le désert ancestral. Aussi, après discussion, nous avons décidé de retraverser la cordillère pour suivre le petit sentier que les maraudeurs ont décris à Eeri et qui mène à Sentinelle par le nord de la chaîne de montagnes. Ce sentier n’est pas balisé sauf pour la zone appelé désert morcelé où des balises ont été placées au niveau des endroits sûrs pour cheminer. Le coin est en effet remplie de crevasses et de sciures mouvantes pouvant engloutir un homin en quelques minutes sans qu’il ne puisse rien faire pour en sortir. Il nous faudra cependant éviter de croiser les meutes de varinx qui hantent ces contrées. D’après Eeri, les marauds mettent un bon mois pour arriver à Sentinelle. Nous repartirons donc demain matin, laissant la Grande Flaque et ses vagues fascinantes derrière nous. Quant à savoir si on nous laissera passer, on verra bien comment se rendre utile une fois sur place.

Le lendemain matin, Azazor et Eeri termine de remballer leur campement de fortune sur le dos des deux mektoubs. Les vagues se sont un peu calmées ce matin. La nuit, celles-ci les ont bercés, leur faisant vivre leur plus belle nuit depuis bien longtemps. Alors qu'Eeri ramasse quelques coquillages en souvenir sur le rivage, Azazor finit d'harnacher le dernier mektoub. D'humeur joyeuse, il lui tend un sourire. La fyrette le lui rend sans se forcer. Derrière elle, l'étendu d'eau apporte une brise venue de la mer qui soulève ses cheveux roux. Le fyros, devant cette vision, ne peut s'empêcher de sourire de plus belle. Il n'avait pas ressenti ce sentiment pour elle depuis cette nuit torride aux bains de Pyr. 

Soudain, derrière Eeri, l'eau se met à bomber et une créature titanesque sort de l'eau. Elle ouvre grande une gueule remplie de dents acérées. Celle-ci se referme sur Eeri, la moitié du corps depuis la tête étant complètement engloutie dans la gueule du monstre. Azazor court vers la fyrette et lui attrape les jambes avant que le monstre ne l'emporte au fond de l'eau. Résistant comme il peut, il ne parvient pas à la retenir et se fait lui-même trainer dans l'eau, tiré par la force surhomine de la créature. Alors qu'il hurle à plein poumon toute la rage du désespoir, il parvient dans un ultime effort à tirer le corps d'Eeri de l'emprise de la bête. Il tombe alors à la renverse, s'affalant les fesses dans l'eau. Le prakker, car tel est son nom, replonge dans l'eau dans un tourbillon de vague. Complètement affolé et toujours agrippé aux jambes d'Eeri, il la tire précipitamment en dehors de l'eau.
Ce n'est qu'en se retrouvant au sec sur le rivage qu'il constate enfin que celle-ci a été littéralement coupée en deux au niveau de la taille, le monstre ayant emporté dans son estomac l'autre moitié. Une trainée de viscères est visible sur la plage, là où le reste du corps d'Eeri fut tiré. Regardant avec horreur les jambes sanguinolentes de son ami, Azazor pousse un hurlement de terreur. Les yeux révulsés, ne lâchant pas les jambes qui se vident de leur sang sur la plage, il tombe à genoux, tandis que le prakker s'éloigne à l'horizon.
La mort ici est irrévocable, il le sait. Il pousse un nouvel hurlement au ciel alors que le bas du corps d'Eeri, haché en deux, reste là, dégoulinant ses tripes et des jets de sang sur les genoux du fyros maintenant désespérement seul. 

Edité 2 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#42 Multilingue 

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Seul

Seul !

Seul !!!

Des pensées fusent dans sa tête. L'esprit embrouillé, il reste là, à genoux sur le rivage, les yeux exorbités.

Elle est morte. Eeri est morte. MORTE ! Elle ne reviendra plus. On ne rez pas ici. On est tout seul quand la mort frappe. Agrippant toujours les jambes d’Eeri, il ne peut se résoudre à les laisser là. Encore tièdes, sanguinolentes, tombant en poussières…

En poussières ? Oui, les jambes d’Eeri se désagrègent sous ses yeux. Redevenant poussières. S’évaporant dans la brise du matin... 

Disparaissant....

...

Mais alors ? 

...

MAIS OUI ! 

Elle est vivante ! Elle a pu rez ! Sûrement au niveau du zinuakeen ! ELLE A PU REZ !! HAHA...

???

Comment ça, elle a pu rez ? Il faut avoir un cristal maraudeur pour être rez au zinuakeen. Et Eeri ne lui a jamais dit qu’elle avait un….



RAMECH ! CATIN DE MATIS !!! Hurle-t-il d'un coup.



Voilà pourquoi elle n’avait pas peur de la mort! Oui, je me bats comme si c’était mon dernier combat. Oui, je me suis entrainée. Oui, je suis trop une badasse et toi mon gros t’es un yubo de deux semaines. 

Catin ! Toub de matis dégénérée ! Elle avait un foutu cristal maraud depuis tout ce temps ! Alors oui, elle peut bien faire la guerrière sans peur, mon derche ! Menteuse ! Traitre ! 

Il se lève d'un bond, balayant d'un coup de main le tas de poussières qui recouvrait ses jambes. Puis, parlant tout seul, il se dirige vers les mektoubs.

Oh ma chère Eeri, attend que je te retrouve ! Tu vas connaître la fureur fyros. Tu vas voir, là je vais taper comme si c’était mon dernier combat. T’inquiète pas la maraude, t’inquiète que le gros Azazor il va t’apprendre à lui cacher des trucs comme ça ! 

Tirant sans ménagement les deux mektoubs, le fyros reprend le chemin traversant la cordillère, direction le campement maraud. Un sourire carnassier aux lèvres, il a hâte, oh oui il a hâte de revoir la chère tête rousse de son « amie » Eeri. Pour discuter, échanger, cogner et plus si affinité.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#43 Multilingue 

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Elle fut réveillée en recevant un seau d’eau sur sa tête.

— Te revoilà? On t’avait manqué?

Eeri vomit, puis s’écroula sur le dos. La lumière lui crevait les yeux, et il lui fallut un moment pour discerner ce qui l’entourait et reprendre ses esprits.

— Tu as du faire une mauvaise chute, déclara Li-Yon. Une chance que tu avais ce cristal.


***


Depuis cette discussion avec Azazor, quelques jours plus tôt, la fyrette ne pensait qu’au secret qu’elle emporterait avec elle si elle tombait de cette falaise. La vérité? Non. Sa vie n’était plus qu’un immense tissu de mensonges, poussé par ses tentatives maladroites de réparer ses erreurs du passé. Elle marchait en triturant, au fond de sa poche, le cristal de Zin maraudeur qu’elle transportait depuis les nouvelles terres. Et si il fonctionnait? Depuis qu’O’Teelo, à l’Avant Poste de Falaise Nuageuse, leur avait parlé de la présence d’un réseau de téléporteurs dans les Anciennes Terres, la fyrette se sentait légèrement rassurée. C’était peut-être pour ça qu’elle s’était battue contre ces bandits en prenant tant de risques. Mais c’était encore là une chose dont elle ne pouvait parler à Azazor. Une imprudence stupide qu’elle déguisa sous une arrogance de facade. Et la chance d'être tombée sur des homins peu entraînés. Et si seulement ce cristal fonctionnait, il fallait qu’elle puisse d’abord le synchroniser avec un téléporteur. Ce détail auquel les homins des Nouvelles Terres, habitués à arpenter ces régions de long en large, ne pensaient plus.

Plus d’imprudence. Surtout pas maintenant.

Finalement, la descente fut moins laborieuse qu’Eeri ne s’imagina. Elle lança un oren fyraï à Azazor, la voix légèrement déformée par son appréhension, qu’elle tentait de cacher au mieux, puis se lança. L’idée de garder une pioche dans la main droite, qu’elle plantait dans la sciure pour se balancer de racine en racine, fonctionnait. Sans ça, il n’y avait clairement pas assez de prises. Les mektoubs ne s’en seraient pas sortis. Azazor se serait débrouillé, sans doute, mais il fallait bien quelqu’un pour garder les bêtes. Non, l'appréhension était bien là, la peur d’une descente en solitaire, sans aide aucune au cas ou il se passerait quelque chose.

Un flot de souvenir revenait à son esprit, alors qu'elle gisait, là, sur le sol. Ce moment où elle avait pu approcher le Zinuakeen, alors que les maraudeurs avaient le dos tourné. Puis la remontée, vers Azazor. Ils avaient repris leur route, et décidé de faire ce détour, pour aller voir cette légendaire immensité d'eau. Après ces jours passés dans le désert, prendre un bain valait bien un ou deux jours de marche de plus. L'eau mouvante et agitée de la grande flaque, pas comme les lacs de Fairhaven. Puis cette nuit au calme, comme si les prédateurs avaient décidé de leur donner un moment de répit. Le lendemain... Ne s'était-elle pas réveillée? Plus aucun souvenir, tout était brouillé, à part une image qui semblait s'incruster dans ses souvenirs, un coquillage. En était-ce bien un? Elle n'en avait jamais vu de semblable auparavant.


***


Eeri vomit une seconde fois, ce qui lui valut un second seau d’eau sur la tête.

— Où suis-je?
— De retour au Zinuakeen.

Eeri s’assit et se frotta les yeux, encore vaseuse. Oui, elle savait bien où elle était, il n'y avait plus le moindre doute, mais elle avait posé la question pour être confortée. Li-Yon, en face d'elle, la regardait de son masque noir en faisant tourner le cristal entre les doigts.

— Tu aurais pu nous dire que tu étais des nôtres, déclara le zoraï après un moment qui lui sembla une éternité.
— J’ai pensé que ça ne changerait pas grand chose, répondit Eeri.
— Vraiment?
— J’ai cru comprendre que beaucoup d’entre vous ici ne respectaient pas les maraudeurs des Nouvelles Terres. Et surtout leur adoration pour Akilia.
— Et si même c’était vrai, nous n'allions pas te tuer pour ça.
— Maintenant vous pourriez le faire parce que je vous ai menti?

Eeri devina un sourire derrière le masque du Zoraï. Il lui redonna son cristal :

— Non. Nous ne sommes que des scientifiques.
— C’est la première fois que je suis ramenée depuis mon départ. Ça va faire des années…
— Peut-être que nos Zinuakeen ne sont pas aussi confortables que ceux de là d’où tu viens.
— Ça vient sans doute du manque d’habitude…

Oui, c’était forcément le manque d’habitude, pensa Eeri, qui n’avait jamais utilisé ce cristal auparavant. Dire ça, ce n’était pas mentir.

— Tu peux passer une nuit de plus ici. J’imagine qu’il te tarde de retrouver ton compagnon s'il est toujours de ce monde. Mais après ce que tu viens de vivre, il vaut mieux te reposer. Je dois aussi te remercier. Grace à toi, nous savons que le Zinuakeen est fonctionnel. Autant dire que tu as de la chance. Aussi, avec tout ce que tu as ramené, nous pouvons dors et déjà nous mettre en marche pour trouver où nous installerons le prochain. Plus au nord d'ici.

Eeri ne répondit rien d’autre qu'un signe de tête en guise de remerciement, tant elle tentait de maitriser sa nervosité et ses tremblements. Elle devait se rendre à l’évidence, elle n’était pas passée loin de ne jamais revenir. Elle ne comprenait toujours pas comment tout ça avait pu se passer. Azazor... Espérons qu'il soit sain et sauf. S'il l'avait vue mourir et vu son corps se dématérialiser, il y avait des chances qu'il comprenne où la retrouver. Et elle pouvait toujours lui raconter qu'elle avait récupéré un cristal au campement, ici. Au point où on en est avec la vérité... Sinon, il s'était sans doute fait une raison et avait du continuer sa route. Il allait lui falloir des jours de marche pour qu'elle puisse le rattraper, sans mektoub.

Si seulement il était toujours de ce monde.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar

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Eeri
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#44 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Azazor était là, assis. Il attendait, regardant un feu de camp qu'il n'avait même pas pris la peine d'allumer en face de lui, à quelques mètres des deux mektoubs. Cette fois, il ne tendit pas son bras pour l'aider, alors qu'elle arrivait, haletante, au terme de son escalade. En haut, elle s'étira, puis alla s'assoir en face de lui, silencieusement. Il ne bougeait pas, mais Eeri savait bien qu'il fulminait, silencieusement.

— Tu m'excuseras, j'ai eu un petit contretemps, dit-elle.

Le fyros leva ses yeux bleus vers elle. Des yeux glacials.

— Je te dois des explications. Je sais que j'ai encore merdé. Et que j'ai beaucoup de chance.

Elle s'attendait à ce qu'il explose, d'un moment à l'autre. Mais elle profita du calme pour continuer.

— Je suis heureuse de te voir. Je ne savais pas si tu étais encore en vie. Je ne pensais pas que j'allais revenir non plus...

Azazor explosa. Il attrapa brusquement sa hache en se levant et donna un coup en direction d'Eeri. Avec vivacité, elle se leva pour l'esquiver, et recula de quelques pas.

— RAMÈCH DE MATIS ! MOINS QUE RIEN ! TRAINÉE !! TU COMPTAIS M'EN PARLER QUAND QUE T’ÉTAIS PASSÉE MARAUD?

Eeri esquiva un autre coup de hache. Se cognant le torse avec le poing, il continua:

— ALORS, VAS-Y, FRAPPE-MOI !! MOI JE N'EN AI PAS, DE CRISTAL. SI JE TOMBE, JE TOMBE. JE MEURS. ET TU SERAS SEULE ICI. TRAITRE!! MENTEUSE !!

Azazor, enragé, attaqua de nouveau la fyrette, qui sauta de coté et attrapa son bouclier accroché au dos d'un des mektoubs.

— TUES-MOI, TU VERRAS QUE JE N'AI PAS DE CRISTAL, MOI !! JE SAIS CE QUE C'EST QUE LA PEUR DE MOURIR!!
— Et alors, Qu'est-ce que ça change? J'ai un cristal maraudeur, ney, et alors? Tu devrais être content de me voir.

— QU'EST-CE QUE ÇA CHANGE, éructa t-il ? ON AVAIT UN ACCORD!!! PLUS DE MENSONGE!!! QUE TU SOIS MARAUDEUSE OU QUE T'AIES TROUVÉ CE CRISTAL DANS LE FION D'UN MEKTOUB, JE M'EN FOUS, MAIS TU M'AS MENTI!!

Azazor attaqua plusieurs fois, Eeri tentait d'esquiver ses coups comme elle le pouvait. Il planta finalement sa hache dans le bouclier, et la fyrette en profita pour faire un pas de coté et empoigner le manche de la hache d'Azazor, afin de l'immobiliser. Elle ajouta, à quelque centimètres du visage du fyros :

— Je ne suis pas une maraudeuse. J'ai juste fait le nécessaire pour être capable d'utiliser leur technologie. C'est tout.

Azazor dégagea sa hache d'un coup sec, utilisant tout la force dont il pouvait faire preuve, et envoya Eeri valser à quelques mètres de là.

— JE SUIS UNE DRAKANI, cria t'elle en s'écrasant dans la sciure.

Azazor planta sa hache dans le feu de camp, l'explosant sur plusieurs mètres aux alentours.

— Ouais ça c'est sûr, tu n'as plus rien d'un fyros! A mentir autant, tu es la honte de notre race!

— Tu veux la vérité, mais tu n'es pas capable de l'entendre, ajouta Eeri. Oui, j'ai un cristal maraudeur. Et je l'ai synchronisé en bas, sans même savoir qu'il était fonctionnel. Tu crois que je suis fière? J'ai juste eu de la chance qu'on soit encore à portée du Zinuakeen. Je ne me souviens même pas ce qui s'est passé à la grande flaque...

Azazor fulminait, toujours cramponné au manche de sa hache en ruminant qu'elle avait menti. Elle ajouta :

— Et alors, pourquoi es-tu revenu ici? Tu es revenu pour pleurnicher, parce que je t'ai menti? Pour me prouver une fois de plus que seule ta façon de faire est la bonne? Me reprocher mes fréquentations? ET ALORS, SI T'ES PAS CONTENT DE ME VOIR, CONTINUE TOUT SEUL !!

Le fyros ne répondit rien, se contentant de regarder froidement la fyrette.

— Mais il faut que tu sois complètement fou... Tu croyais quoi, que j'allais faire un voyage pareil sans rien préparer? On va chez les maraudeurs !! Tu crois vraiment qu'il y avait une autre option??
— T'as décidément rien compris ma pauvre. Je me moque de tes méthodes. Tu préfères la manipulation, c'est ton choix. Tiens, je suis même prêt à dire qu'avoir un cristal maraud, c'était une bonne idée.

Eeri leva un sourcil, interloquée.

— Mais tu m'as menti. Une fois de plus. On ment à ses ennemis, pas aux siens.
— C'est une obsession chez toi hein? fit-elle, sarcastique.

Le fyros ne releva pas et, après une grande respiration, dit d'une voix étonnement froide et posée:

— Tu peux continuer avec moi si tu veux. Mais sache une chose Eeri. Je ne te ferai plus jamais confiance. Tu n'es plus des nôtres et je ne te dois plus la Vérité.

Cherchant ses mots, il ajouta:

— Tu n'es plus... qu'une homine.
— Bah... Ça ne change rien, tu n'avais déjà aucune confiance en moi. Et je ne comptais pas revenir au sein de l'Empire, ne t'inquiète pas.

Azazor se dirigea vers les mektoubs et commença à les tirer en direction de l'est. Ils ne dirent plus un mot jusqu'à la tombée de la nuit.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
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#45 Multilingue 

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Sur la route pour Sentinelle, quelques jours après leur altercation, ils croisèrent une meute de trois varinx bien décidés à faire d'eux leur prochain repas. Azazor s'arrêta mais ne sortit même pas sa hache. Il resta là, placide. Jusqu'ici, il n'avait pratiquement rien dit, se contentant de grognements quand il devait communiquer avec Eeri. Pourtant cette fois, au grand étonnement de la fyrette, il ouvrit la bouche et lui dit:
    
— Occupe toi d'eux l'immortelle.

Eeri grommela quelque chose en protestation, mais n'eut d'autre choix que de sortir sa hache alors que les varinx déboulaient vers elle, et parvint tant bien que mal à se débarrasser d'eux. Heureusement, il s'agissait de jeunes mâles, probablement chassés de leur meute par le mâle dominant. Sans grande expérience de la chasse, ils ne parvinrent qu'à mordre l'armure d'Eeri sans la blesser. Une fois deux varinx abattus, le dernier ne se fit pas prier pour déguerpir.

— Tu aurais pu m'aider, fit Eeri.

Le fyros ne répondit pas et reprit le chemin de Sentinelle en tirant les mektoubs sans ménagement.

***

Deux jours plus tard, un matin, un nouvel évènement dramatique arriva. Eeri dût partir chercher un mektoub qui pendant la nuit avait réussit à détacher son harnais et était parti paître une centaine de mètres plus loin. Broutant nonchalamment le liketim qui poussait drue en cet hiver, il regardait d'un oeil torve l'homine venant vers lui. Quand celle-ci commença à s'enfoncer dans ce qui était manifestement une sciure mouvante, il poussa un léger meuglement et reprit son repas où il l'avait laissé. 

— ramèch! fit l'homine, tentant comme elle put de se défaire de l'emprise de la sciure. Mais plus elle forçait, plus elle s'enfonçait. La sciure mouvante lui arrivait à la taille quand elle se résolut à appeler à l'aide le gros fyros qui mangeait au loin sa viande séchées en guise de repas du matin. 

— Azaaa! Toub de toub... Je m'enfonce dans de la sciure mouvante! Viens m'aider! 

Le fyros se leva et s'approcha d'Eeri, sans se presser.

— Attend, prend l'autre mektoub avec toi et donne-moi sa laisse. Il va me tirer.

Pourtant, le fyros continua d'avancer vers la fyrette, regardant toutefois où il mettait les pieds. Arrivé au plus près qu'il pouvait d'elle sans marcher dans la sciure mouvante, il se baissa à son niveau. Eeri était alors enfoncée jusqu'au torse. Elle avait cessé de bouger pour ne pas s'enfoncer plus, ayant compris que plus elle bougerait, plus elle s'enfoncerait.

— Qu'est-ce que tu fous? Tu penses pouvoir me tirer sans le mektoub?

Il la regarda gravement mais ne tendit pas les mains vers elle. Son regard était figé sur la fyrette prisonnière de la sciure.

— Ah d'accord, on en est là? C'est le moment où tu me laisses crever? Tu veux quoi? Que je m'excuse? 

Le fyros ne bougea pas, fixant toujours gravement la fyrette.

— Ben désolé de te décevoir, mais j'ai aucune excuses à te faire. Alors laisse moi mourir ici si ça te fait plaisir, mais ne compte pas sur moi pour te supplier.

Azazor sortit alors un cristal maraudeur de sa poche d'armure et le montra à la fyrette.

— Qu... C'est le mien? Quand est-ce que tu m'as pris ça?

— Cette nuit. Je n'ai toujours dormi que d'un œil. Et aujourd'hui, tu vas comprendre une chose. 

Eeri le regarda avec un air de défi.

— Ce qui nous distingue, c'est que moi, je sais ce que c'est qu'avoir peur de mourir. Et en cela, je connais le vrai courage. 

— Tu es fou! Définitivement fou!

— oren fyraï Eeri. 

Il se releva et lui tourna le dos. Puis il récupéra le premier mektoub et se dirigea vers le campement récupérer le deuxième. Il prit son temps pour les harnacher et quand il eut fini, il jeta un bref coup d'oeil à la fyrette toujours coincée dans la sciure et reprit le chemin de Sentinelle.

— T'es complètement taré!! DETAL!!!

Comprenant qu'elle devrait se débrouiller seule, Eeri essaya de bouger lentement son buste pour se rapprocher du bord plus solide. Mais si le haut du corps pouvait encore se mouvoir, ses jambes restaient figées, comme incrustées dans le bois. Même si ses mouvements de bustes étaient aussi légers que possibles, ils eurent pour effet qu'elle s'enfonça encore un peu plus. La sciure lui arrivait maintenant presque à la base du cou et elle gardait les bras levés au dessus d'elle. Elle hurla, difficilement, espérant qu'un homin quelconque passerait par là. Mais ce chemin était peu fréquenté. Autant espérer qu'un varinx lui vienne en aide.

Une heure passa sans qu'elle ne s'enfonça plus profondément, mais sans pour autant parvenir à sortir ne serait-ce qu'un centimètre de cette sciure. Voilà, elle allait finir comme ça. Une tête et des bras qui dépassent de la sciure, attendant de crever de soif ou de se faire bouffer par elle ne sait quelle bestiole. La mort. L'inévitable mort l'attendait. Et cette fois, plus de cristal pour la ressusciter. De toute façon, même avec, elle n'était pas sûre d'être assez proche d'un zinuakeen pour ça.
Elle ne pensait pas qu'Azazor lui ferait un coup pareil. Il était rancunier, certes, mais de là à vouloir la tuer? Même quand il l'avait attaqué à la hache, elle avait senti qu'il s'agissait plus d'une explosion de rage que d'une véritable tentative de la buter. Mais là, utiliser la ruse pour la tuer? Il devait vraiment lui en vouloir. Tu n'es plus des nôtres, avait-il dit. Tu n'es plus qu'une homine. Elle aurait dû se douter. Si elle n'était plus qu'une homine, il pouvait s'en débarrasser. Il avait le cristal, il pouvait se faire passer pour maraudeur. Il n'avait plus besoin d'elle. Ramèch, oui, elle avait merdé. Et elle allait crever là, seule, et elle ne savait même pas quand...

Soudain, une corde tomba à son niveau qu'elle s'empressa de saisir. Levant les yeux vers son bienfaiteur, elle vit un gros fyros en armure maraudeur et au visage buriné. Azazor. Il avait attaché la corde aux deux mektoubs et s'activait à les faire avancer pour la tirer hors de la sciure mouvante. Eeri crut qu'on lui brisait les jambes quand on la tira, mais finalement, elle parvint à en sortir et se retrouva haletante en dehors de la sciure. Azazor ne l'aida pas à se relever, ne lui demanda pas comment elle allait ni même ne vérifia si elle pouvait se lever d'elle-même. 
Il prit simplement les rênes des mektoubs et lui dit doctement:
    
— La sciure mouvante obéit comme tout fluide à un principe simple. La force verticale dirigée de bas en haut est égale au poids du volume de fluide déplacé. Tu ne pouvais pas t'enfoncer entièrement. 

Puis, après une courte pause, il ajouta:
    
— Maintenant, tu sais ce que c'est qu'avoir peur de mourir.

Avant que la fyrette puisse dire un mot, il enchaina:
    
— Et oui, je suis fou. Alors méfie-toi de moi. Car un jour, je te laisserai crever. 

Il laissa tomber le cristal maraudeur au sol et tira les mektoub en direction de l'est.

Edité 3 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#46 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Journal de bord d'Eeri

Sentinelle est à notre portée. Nous apercevons les lumières d'un camp à une journée de marche. C'est un soulagement et tout autant terrifiant. La situation est tendue entre Azazor et moi. J'ai le pressentiment que quelque chose va mal tourner, pour l'un d'entre nous.

Si je disparais et que par chance, quelqu'un en vient à lire ce journal, ce n'est pas l'image que j'ai envie de laisser de moi et de notre voyage. Mais je dois avouer, j'ai merdé, en grand. Azazor ne me parle plus que pour me donner des ordres, et nous avons perdu confiance l'un envers l'autre. Il a tenté de me tuer il y a quelques jours. Ou de me faire peur. Ça a réussi. Il me traite comme si j’étais une orskos. Moi !!

C'est ma faute. ney. Mais je n’ai pas menti, dey! J'ai caché des choses. Est-ce un mensonge de ne rien dire? Il ne m'a pas posé de questions. Lorsqu'il m'a demandé si j'étais trytoniste, j'ai répondu que oui. Si tu me demandes, je réponds. Je ne mens pas. Oui, qu’on se le dise. Donnez ça à la kuilde et qu’ils viennent me trouver, s’ils osent.
Mais toub, Azazor, tu es aussi buté que moi... Oui, j'aurais du tout dire, tout dévoiler dès le début. Mais aurais-tu pu entendre ce que j'avais à dire? Déjà avant qu'on parte, tu voulais faire à ton idée, tu critiquais mes positions, mes fréquentations. Sans même prendre la peine d'écouter ou de t’intéresser à ce que j’aurais pu t’apporter. Et là, tu dois te dire que tu as parié sur le mauvais mektoub. Mais si je disparais et que tu lis ces lignes, sache que mon respect pour toi est encore vivant. Je n'aurais pas été aussi loin sans toi, et toi non plus, sans moi.
Si tu m'avais posé la question, Eeri, as-tu un cristal maraudeur? J'aurai répondu que oui... Oui, j'ai obtenu un cristal maraudeur grace à Mazé'yum. Sans comprometre mon vrai nom. Non, je ne veux pas les rejoindre, surtout pas ceux des Nouvelles Terres. Même si certains ici ont mon respect.
Une autre question que tu aurais pu me poser, et que tu n'as jamais formulée. Es-tu le père d'Uzykos? Je pense que la réponse est suffisamment claire, et qu'au fond de toi, tu le sais déjà. Mais ce n'est pas tout que de vouloir la vérité, il faut pouvoir l'accueillir. Un jour tu le sauras, et tu exploseras, comme tu le fais à chaque fois que tu t'intéresses à quelque chose d'autre que tes propres plans
Et Non, je ne suis pas immortelle. Tu l'as oublié, pour qu'un cristal fonctionne, il faut pouvoir l'activer. Et après une dizaine de jours de marche, on est simplement trop loin pour qu'il puisse encore fonctionner. Si je tombe, je meurs. Tout autant que toi. Si la distance n’avait rien à voir, j’aurais pu simplement revenir à Fairhaven, comme une fleur. Mais c'est encore là une vérité que tu ne veux pas entendre. Lorsque tu liras ces lignes, il sera trop tard pour t'en rendre compte.

Et puis, si le peu que tu m'as dit sur ce qui s'est passé à la grande flaque est vrai, jusque là, ce cristal ne m'aura servi qu'à ne pas me faire totalement bouffer par un gros poisson. Cette histoire est ridicule, et on aurait seulement dû en rire. Eeri, morte boulotée et digérée par un prakker. J'espère ma vrai fin un peu plus glorieuse, j'ai au moins encore ça de fyros en moi.

Demain, nous irons chez les maraudeurs, à Sentinelle. Avec un peu de chance, ils savent déjà que nous arrivons. J'ai l'impression que ces homins sont bien plus ingénieux que nous pouvons le penser, et qu'ils ont un moyen de communiquer plus rapidement qu'en envoyant un simple messager. Je vais laisser Azazor parler. De toute façon, si j'ouvre ma gueule il trouvera quelque chose à redire. Et j'ai promis, il y a quelques mois déjà, en arrivant à l'avant-poste de la falaise nuageuse, de le laisser faire à son idée. Si ça tourne mal, j'essayerai d'arranger les choses en sortant mon cristal. Pourtant j'ai l'impression que les dés sont déjà jetés et qu'Azazor sait exactement ce qu'il va faire. Et qu'il n'hésitera pas à m'abandonner, dès qu'il n'aura plus besoin de moi, ou qu'il sentira que ça pourra sauver la peau de ses fesses.

Nous avons établi notre camp en hauteur, sur une racine. Ça réduit les accès en cas d'une attaque de prédateur. Il y en a peu, mais ils sont bien plus gros et tenaces. Il y a aussi moins de gibier ici que dans nos contrée, c'est peut-être lié. D'ici, nous avons une vue sur le désert, au nord. À l'est, nous pouvions déjà deviner, de jour, la présence de cette chaine de montagne qui nous sépare du désert des Anciennes Terres. Nous sommes si près de notre but et pourtant rien n'a jamais été aussi incertain. Je n'avais pas prévu que nous puissions avoir envie de nous entretuer. C'est peut-être ça aussi, la force des homins d'ici. Le fait de ne pas devenir fou en sachant que quoi qu'on fasse, il s'agit peut-être de la dernière fois. Quoi que, maintenant qu’ils étendent leur réseau de Zinuakeen ici aussi, ça doit totalement changer leur vision des choses. Cette peur ne doit sans doute être valable que pour nous, qui n'avons juste jamais été habitués à ce sentiment. Nous en perdons l'esprit.



Après avoir écrit ces lignes, à la lueur de la nuit tombante, Eeri ferma son journal et le rangea dans son sac. Puis elle s’approcha de l’un des mektoubs, et farfouilla un moment. Azazor ne lui prêtait aucune attention, mais sa tête bougea, par réflexe, lorsqu’un léger "plop" se fit entendre.
Il resta quelques secondes, l’oreille tendue. Eeri déglutit, puis s’approcha de lui à pas tranquilles. Elle se planta devant lui, un flacon d’essence d’ocyx tendue vers le fyros. Lorsqu’il se décida finalement à lever les yeux vers elle, elle déclara d’une voix peu assurée :

— Tiens, prends-en une gorgée. C'est la dernière. Et c’est maintenant. Ou peut-être jamais.
— C'est pour m'empoisonner, c'est ça?
— C'est pour nous réconcilier. À deux, nous avons une chance.

Le fyros grimaça, mais prit le flacon et en soutira une gorgée, non sans un râle de satisfaction. Puis il prit une grande inspiration, comme pour se préparer à annoncer quelque chose, mais soupira bruyament en détournant les yeux d'Eeri, alors qu'il lui rendait le flacon.

Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: English Translation by Nilstilar

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Eeri
"Quand on a le nez trop près de la bouteille, on ne voit plus le bar"

#47 Multilingue 

Multilingue | English | [Français]
Journal de bord d'Azazor

Je ferai court. Sitôt arrivés à Sentinelle, les maraudeurs nous ont confisqué toutes nos affaires. Ce texte, je l’écris avec un morceau de charbon sur un unique cuir que j’ai réussi à dissimuler avant d’arriver ici.

Nous sommes arrivés en vue d’une sorte de tour géante construite dans un arbre lui aussi gigantesque. Ce n’est pas comme la tour de Fort-le-Phare dans le sens où ce n’est pas construit dans une racine mais dans un véritable arbre aux dimensions phénoménales. C'est même plus qu'une tour en fait, presque une cité circulaire à étages, avec quelques branches mortes en hauteur rappelant qu'on a quand même affaire à un arbre à la base. Je n’ai jamais vu un arbre aussi épais et aussi haut. Pourtant, il semble n’être qu’une partie de l’arbre originel. L’arbre est probablement mort car il n’y a aucun feuillage et il a l’air d’avoir été brûlé par je ne sais quel incendie très ancien. Quelques rares branches nues subsistent en plus du tronc.
C’est donc dans cet arbre immense qu’est construit Sentinelle. Il y a une entrée principale couverte par un auvent et divers escaliers secondaires extérieurs. A mi hauteur, on distingue des balcons où sont stationnés des homins a priori armés d’arme à feu. Au dessus on trouve encore quelques étages dans ce qui m’a fait penser au palais impérial, une sorte de pseudo coupole, là où aurait dû se trouver la cime de l’arbre. 

Alors que nous étions en vue de l’arbre, des maraudeurs ont surgis de derrière nous et nous ont fait baisser nos armes. Ils nous ont demandé de quel clan nous faisions partie. J’ai dit la vérité. Que j’étais patriote de l’Empire sur les Nouvelles Terres, que je venais en tant que chercheur dans le but d’étudier la route d’Oflovak et la terre de nos ancêtres, que cette armure maraudeur, je la devais à O’Tello, la cheffe de l’Avant-Poste Diplomatique de la Falaise Nuageuse et que nous revenions d’une mission de livraison pour la construction d’un zinuakeen afin de nous faire pardonner un détournement de viande séchée. Bref, la vérité, brute et sans fard. Je n’ai rien dit pour Eeri. Elle n’a d’ailleurs rien dit, me laissant la parole tout du long.

Ils nous ont alors séparé et j’ai été interrogé par deux homins. J’ai répété ce que j’avais dit. Quand ils m’ont demandé qui était Eeri, je leur ai dit que c’était une citoyenne tryker qui m’accompagnait. Ils m’ont alors explicitement demandé si elle était maraudeuse. Je leur ai dit que je ne pensais pas. Ils m’ont parlé du cristal maraud trouvé dans ses affaires. Je leur ai expliqué que je ne connaissais pas l’existence de ce cristal il y a encore un mois et qu’Eeri m’avait menti. Elle avait juré que ce cristal ne signifiait pas qu’elle était maraud. Je leur ai dit qu’elle l’avait probablement volé à quelqu’un ou qu’un de ces contacts lui en avait fourni un. Devant leur insistance, je leur ai donné le nom de Mayezum ou Mazeyum. Je ne sais plus exactement. Un type louche des Nouvelles Terres de je ne sais quel clan maraud. Ils m’ont alors conduit dans une sorte de cellule où j’ai attendu plusieurs heures.

Un homin est venu me chercher et on m’a réinterroger. Il y avait cette fois un fyros visiblement plus gradé. On m’a demandé mes intentions. J’ai dû répéter ce que je venais faire ici, que je voulais passer de l’autre côté de la dorsale. Pensant que j’avais cette fois affaire au véritable chef de Sentinelle, j’ai rajouté que mon but était aussi d’établir un premier contact avec les maraudeurs afin qu’à mon retour, nous puissions échanger du savoir. Pour asseoir ma demande et la rendre crédible, j’ai dû leur préciser ma fonction d’akenakos et mon statut d’étudiant à l’Académie Impériale. Je leur ai aussi proposé mes services de boucher afin de payer mon séjour ici, que s’ils pouvaient contacter l’AP diplomatique, ils apprendraient que j’excellais dans cet art et qu’ils ne le regretteraient pas. Le fyros a noté tout cela et m’a fait raccompagner en cellule où je patiente depuis un moment sans manger. J’en profite donc pour écrire cela. Et je ne sais pas où est Eeri. Qu’elle se débrouille avec ses mensonges. 

Chemin parcouru depuis Fort-le-Phare.

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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#48 Multilingue 

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Journal de bord d'Azazor
Lendemain de mon arrivée J+1

J’ai enfin pu récupérer mes affaires. Ils ont épluché tous mes textes et ceux d’Eeri. D’après le fyros, dont je n’ai toujours pas le nom, je semble honnête dans mes intentions. Ce qui n’est pas le cas de celle qui m’accompagne. Il n’a pas voulu m’en dire plus et je m’en moque. Ils peuvent bien la pendre, ce n’est plus mon problème. 
Les maraudeurs consentent donc à m’héberger pour une semaine en échange d’un travail en cuisine. L’armure maraudeur m’a été confisquée et mes armes me seront rendues quand je partirai. J'ai donc renfilé mon armure fyros. C'est pas plus mal finalement, même si j'aurais aimé ramener une armure maraud dans les NT. Le fyros attend les ordres de ses supérieurs pour savoir s’il doit me faire rebrousser chemin ou s’ils acceptent de me laisser continuer ma route vers les AT. 

J+2
J’ai pu discuter avec un maraud qui travaille en cuisine avec moi. Il m’a expliqué que la Citadelle n’est pas vraiment une cité telle qu’on l’imagine. C’est en fait plus une zone fracturée de la grande dorsale racinaire qui entoure le désert des Anciennes Terres et qui forme une sorte de labyrinthe. Il y a des crevasses un peu partout dans lesquelles les marauds se déplacent régulièrement. Il faut plutôt imaginer un agglomérat de petits campements temporaires se construisant et se démontant au fil des déplacements des kitins. Ceux-ci gorgent littéralement les Anciennes Terres. La stratégie pour les retenir est de les faire entrer en partie dans le labyrinthe et de les faire tourner en rond pour ensuite les tuer ou les faire ressortir. Il faut oublier toute idée de grand mur devant lequel se fracasseraient les kitins. Le combat permanent des marauds face aux kitins est avant tout fait de parties de cache-cache. Le maraud qui m’a raconté cela ne peut pas trop m’en dire plus hélas. Le culte du secret est assez prégnant ici, et on se méfie de moi. Je les comprends. On se méfie aussi beaucoup d’eux dans nos terres. Ce n’est qu’un juste retour de flamme. 

J+5
Les maraudeurs acceptent de m’accompagner jusqu’à un premier campement de la Citadelle dans trois jours. De là, je recevrai d’autres instructions pour me mouvoir à l’intérieur de la Citadelle jusqu’à la sortie. Ils n'ont pas voulu m'en dire plus pour le moment. On m’a demandé avec un sourire si j’aimais l’escalade. Je sens que ça ne va pas me plaire...

J+6
Un des marauds qui m’avait accompagné en cellule le premier jour est venu me voir aujourd’hui et m’a lancé un paquet de feuille sur ma couchette. Il m’a dit que ça devrait m’intéresser. Il s’agit des écrits d’Eeri, que je pouvais les garder, ils en avaient déjà fait une copie. Je lui ai demandé ce qu’il en était de son sort, il n’a pas pu me répondre. Mais a priori, elle n’est pas prête de sortir. Tant pis pour elle. Elle n’avait qu’à m’écouter et jouer franc jeu.
J’ai commencé à lire, mais je dois l’avouer, au moins par écrit, c’est assez difficile. Je me sens un peu coupable d’avoir été si tyrannique, je dois l’avouer. La toub est cachottière et a un sérieux problème de confiance, mais ses intentions étaient bonnes. Je devrais finir la lecture ce soir.

J+8 

J'ai rejoint un petit convoi en direction de la Citadelle et nous sommes partis tôt ce matin. Plus nous avançons, plus la dorsale parait gigantesque. À côté d'elle, les falaises du Couloir Brulé semblent ridicules. Vais-je réellement devoir escalader tout ça... ? Sinon... J'ai vu Eeri. De loin. Enchainée à un toub et bien gardée. Elle fait partie de notre convoi, à l'arrière. Évidemment, interdiction de l'approcher. D'après un maraud, elle va rencontrer une personne importante de la Citadelle et je n'ai pas à savoir où. Akilia j'ai demandé, il a poussé un grognement. Donc pas Akilia. Et visiblement, elle n'est pas en odeur de sainteté ici non plus. On nous bassine dans les Nouvelles Terres qu'Akilia est la cheffe des Maraudeurs, mais après ce qu'a dit O'Tello, et ça, je commence à croire qu'ici aussi se joue les luttes de pouvoir, avec des pros Akilia et les autres...


J+9
Ça y est, on est arrivé. Durant les dernières heures de marche, je n'ai pas osé regarder le sommet de la dorsale, de peur d'en avoir la nausée. Ici, les vents étaient particulièrement violents, mais on a finalement réussit à se faufiler dans une petite entailles pour finalement se poser dans un premier campement sommaire à l'intérieur de la falaise. Les maraudeurs semblent avoir l'habitude de ce voyage. D'après l'un d'entre eux, la plupart des camps sont troglodytes et temporaires. Il existe ça et là quelques campement permanent extrêmement bien cachés et défendus, mais la quasi totalité sont mouvants, en fonction des déplacements de kitins et des tactiques adoptées pour les neutraliser. À nouveau, ces falaises me font penser à celles du couloir brûlé. Un vrai dédale de grottes, de canyons et de crevasses. Mais en tellement plus grand... On repart dans une heure. Le temps d'écrire ceci. 

Du coup, je sais comment je vais passer dans les Anciennes Terres. Par le haut. On m'avait parlé d'escalade, ça sera le cas. Depuis un endroit de la Citadelle, je pourrai emprunter un ensemble de cordes, échelles et autres passerelles pour grimper sur la dorsale. Une fois tout en haut, on m'a conseillé, si je voulais aller à Coriolis, de suivre le bord de la falaise, plus ou moins suivant la présence des kitins. Ils sont moins nombreux en hauteur, mais toujours présents. Il faudra probablement faire des détours. Mais je ne devrai en aucun cas descendre. Ils m'ont dit que de toute façon, une fois en haut, je comprendrai pourquoi. 

Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).

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