#16 Ajouté par Eeri il y a 3 ans
Edité 4 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: NOTE : Traduction en Anglais par Nilstilar ! English Translation by Nilstilar
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#17 Ajouté par Eeri il y a 3 ans
Sans doute Nivia, 2nd AC, 2618. Ou 3rd AC, nous ne savons plus.Fini de jouer.Cet endroit a raison de notre discernement.Si j’ai vraiment un conseil à laisser, si on arrive au moins à laisser une trace de ce voyage, et qu’on ne crève pas bêtement en route, c’est bien celui-là : Prenez un guide, mes petits. Laissez votre fierté de fyros de coté, votre dignité de matis, votre assurance de tryker, et votre… qu’importe, je ne trouve rien pour les Zoraïs... Laissez tout de côté, prenez un guide. Reconnaissez que vous ne serez pas à la hauteur. Personne ne peut l’être. Ah, si, votre certitude de Zoraï. Au final, tout ça est pareil, certitude, dignité, fierté… Vous allez crever. Nous allons crever.Ce que nous venons de traverser, ce qui s’est passé entre Azazor et moi, je ne l’écrirai pas ici. Je ne veux pas laisser ça aux générations futures. Nous ne sommes pas nous-mêmes, nous sommes à cran. Le moindre détail devient prétexte à des querelles sans fin. Bon, nous aurions du mettre certaines choses sur la table depuis bien longtemps, avant notre départ. Mais Il n’aurait pas accepté mes méthodes de toute façon… À tort ou à raison.Je fais mon possible pour ne pas lui montrer que je flippe. Il me dit avoir vu "quelque chose". Et ça semble assez pour qu’il puisse occulter pas mal de choses et se concentrer sur la route. Ou alors, il joue avec moi, c’est son tour, mais il n’a pas assez d’énergie pour inventer une histoire correcte. Quelque chose, une forme, gigantesque, dans la brume. Des yeux. Encore des yeux, il voit des yeux partout. Je crois que je vais devenir aussi folle que lui ici. Je n'ai vu que de la brume.D’abord, nous devons rejoindre Fort-le-phare. Nous avons besoin de repos et de manger autre chose que des graminées. Ensuite nous pourrons parler, et prendre une décision. Si on ne crève pas avant.
Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: NOTE : Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar
#18 Ajouté par Azazor il y a 3 ans
2618 Dia tria quadria.... qu'importeJe ne dors pas. Les Yeux. Ils sont là, dans la nuit. La Bête est là aussi. Elle fait vibrer l’air de son meuglement.Eeri dort. Mais elle a peur, je le sais. Elle tremble dans son sommeil. Si on ne fait pas de bruit, la Bête ne s’approche pas. Mais les Yeux nous regardent. Ils attendent qu’on s’endorme pour se rapprocher. La technique, c’est de dormir assis. Comme ça, les Yeux ne savent pas qu’on dort et ne se rapprochent pas.Nuptina 3450 après DextonJe ne dors pas.Eeri pousse un gémissement. Elle doit rêver des Yeux. Ou de la Bête. Le jour, elle ne me croit pas. Mais la nuit… la nuit même les plus irréductibles finissent par voir l’indicible.3450 après la mort de mon pèreEncore une nuit à veiller et dormir assis. Demain, nous quitterons je l’espère LEUR territoire. On va partir oui. J’ai vu la tour ce matin à l’aube. L’espace d’un instant avant que la brume la recouvre. Une tour penchée, tordue, comme un mauvais rêve. Eeri ne sait pas. Je n’ai rien dit. Si c'est une hallucination ??? Et puis, j’aime voir Eeri trembler dans son sommeil.Tu as peur Eeri ? Tu as peur des Yeux n’est-ce pas ? Tu ris le jour, mais la nuit… La nuit ils t’observent toi aussi. Ils voient que tu dors.MOI AUSSI je te vois dormir EeriFragile Faible Seule dans tes rêves2799 après la mort de LykosDes pas le vent crac fait l’écorce. L’écorce aux pieds de géant. La Bête bouge. Elle se déplace. Mais la Bête n'est pas seule, d'autres monstres la traquent. Ou ce sont ses enfants? Et il y a les Yeux. Les Yeux savent que je ne dors pas. Je ne dormirai pas ce soir.Elle Dors Eeri Je veille Pour ne pas que les Yeux nous emportentCrrrrrrrrrr écorce écorce crac petite écorce, craque sous les pas de la Bête.3000 années après la naissance de la BêteEeri tu vois la Bête ? Elle se déplace. Ils y a ses petits aussi, qui grognent à côté d'elle.Crac Crrrrrrrrrrrrrr kkkkk l’écorce l’écorce l’écorce vient jouer sur l’écorceSi tu fermes les yeux tu as perdu. Ne ferme pas les YEUXEeri tu dors ? Moi pas. Jamais. Je regarde. Je TE regarde. Et j’écoute l’écorce qui craque craque craque sous les pas de la Bête et de ses enfants. Demain nous serons liiiiiiiiiiibre9310 après la mort d’EeriCette nuit je vois le phare. Et la Bête elle dort avec Elle. ELLE ! Nous dormons tous ensemble.Crac Crac crrrrrr fait l’os brisé.Un matin je verrais la tour. Fort le phare. Toute tordue, je l'ai vu en rêve. Un matin trois jardins fait le tour du gradin Crac Crac une shooki deux shookis c’est le fête à EeriEeri tu dors ? Tu DORS ? Pour toujours ? Et Moi ? Je dors ? Je DORS ? JE DORS ???
Edité 2 fois | Dernière édition par Fyrenor (il y a 2 ans).
#19 Ajouté par Eeri il y a 3 ans
Date? 2618 - ...Fort-le-phare.J’avais perdu espoir de réécrire un mot dans ce journal.Où commencer? La fatigue me fait perdre la notion du temps, et la notion des choses qui nous entourent. Je vais essayer de reprendre où je m’étais arrêtée. Azazor est toujours plongé dans ses pensées.La lumière. Nous avons aperçu cette lueur, au loin, dans l’obscurité profonde. D’abord très diffuse, comme un reflet sur le ciel ou la canopé. Nous l’avons suivie, oubliant de chercher d’autres repères.L’obscurité. Comparé à ce trou, le couloir brulé est une promenade de santé, les kitins en moins. La brume quasi permanente qui règne ici rend l’orientation sur les astres quasiment impossible. Après avoir vu cette lueur, nous avons marché encore plusieurs jours, ainsi qu’une partie de la nuit quand la brume se dissipait, car la journée nous perdions ce repère précieux. Je ne saurais dire combien de jours.Azazor n'a rien dit. Il me regardait avec ses yeux de plus en plus fous, et marchait. J'ai discrètement gardé ma hache à portée de main, et je n’ai dormi que d’un oeil. Il avançait bien, le bougre, mais son esprit semblait ailleurs. Sans doute le manque de nourriture. Mais la lumière au loin a fait renaître l’espoir en nous, même en lui. Même s'il n'a rien dit.Alors que la lueur est devenue plus concrète, nous sommes soudainement arrivés en bas d'une falaise. Nous avons escaladé, le chemin était relativement aménagé, plus facile que j’avais pu prévoir. Notre pauvre mektoub a même réussi à nous suivre, je ne saurais expliquer comment. Plus tard, lorsqu’il a compris que nous étions arrivés, il s’est écroulé. Il a du sentir notre soulagement. J’espère qu’il s’en remettra. Une bête comme ça, c’est irremplaçable. Au point où on en est, s'il claquait, ça me ferait quelque chose de le bouffer. Un pincement au coeur. Non, je ne pourrais pas.Et donc, nous sommes arrivés. Comment décrire l'endroit? Au fur et à mesure que nous nous approchions, je me suis rendue compte que le village n'était pas juste au bord de la falaise, comme je l'avais imaginé. La lueur, encore haute au dessus de nos têtes, semblait toujours sortir de la canopée. Nous avons continué, et sommes arrivés à ce que je pourrais appeler le village lui-même. Il est comme encerclé dans une énorme souche, mais sans aucune racine. Comme un arbre gigantesque. La lumière rayonne étrangement dedans. Il doit s'agir d'une magie puissante que je n'avais jamais vue auparavant.Puis un tryker est venu vers nous, non armé, il semblait néanmoins sur ses gardes. Relativement massif, il était habillé d'un genre d'armure que je n'avais jamais vue auparavant."Nous venons des nouvelles terres", j’ai dit, sans réfléchir. Azazor est resté silencieux, derrière moi.Le tryker a levé un sourcil, étonné : "Des nouvelles terres?"Son accent était différent de ce que j'avais pu entendre jusque là. Il a fait signe à deux homins que je n’avais pas vus. Ces derniers sont sortis de l’ombre et se sont approchés de nous, les armes à la main, sans pour autant nous menacer."Maraudeurs?" a dit l’un d’eux, un Zoraï au masque buriné.J’ai répété : "Nouvelles terres. Pas maraudeurs."J'ai senti qu'ils ne me croyaient pas, mais ce qui me restait de discernement a pris le dessus."Nous avons du prendre un détour", j’ai fait. "Et nous sommes revenus ici"Le Zoraï s’est approché de notre mektoub, l’a observé un moment, puis a reposé les yeux sur nous."ça m’a tout l’air" il a dit, avant de faire un signe de tête au tryker.Azazor s'est alors approché de l'un des gardes et l'a regardé avec des yeux à moitié révulsés. "les Yeux... la Bête... ils peuvent rentrer ici ?"Je ne peux pas savoir quelle tronche atterrée j'ai dû faire en entendant la voix d'Azazor, lui qui n'avait pas dit un seul mot depuis des jours, ou des semaines... Les homins ont rigolé un coup, et se sont adoucis.Le tryker s’est finalement approché et a repris la parole : "Nous avons peu de voyageurs. En général ceux qui arrivent d’où vous venez ont l’air un peu plus… enfin... Vous m'avez l'air trop armés pour de simples voyageurs, et trop inoffensifs pour des maraudeurs." Il a sourit.J’ai hoché la tête, ne sachant quoi faire d’autre. Puis il a continué en regardant Azazor qui restait planté là : "Lui, c’est le bras armé ? Ce qu’il reste de vos troupes? Il y a d’autres homins?"J'ai secoué la tête, pour lui signifier que nous n’étions en effet que deux. D'un ton presque facétieux, à moins que ce ne soit cet accent étrange, Il a dit quelque chose du genre :"Quoi, un armadaï a mangé votre cristal ?"Voyant que notre réaction n'était qu'un regard confus, il ajouta :"Bon. Alors vous êtes encore en vie, on va dire que c’est de la chance. Vous restez la nuit et rentrez chez maman?"Ils nous ont observés encore un moment, puis le zoraï et son comparse se sont éloignés. J'ai cru les entendre rire, l'un deux disant quelque chose du genre : "définitivement pas des maraudeurs, ils se seraient déjà énervés. Des mous des nouvelles terres… ça nous changera"Ils ont rit de nous, et peu importe. Un rire. Les derniers jours, j'aurais donné mon âme pour un rire.Le tryker nous a fait signe de le suivre. Nous avons passé des murs épais. Il me semble qu'Azazor a redemandé quelque chose à propos des yeux, de la bête. Le tryker a expliqué que le village était un endroit sûr. J'essayais de concentrer toute mon attention à observer ce qui nous entourait, malgré la fatigue. Il nous a mené vers une petite pièce, pas loin de l'entrée. Je ne peux décrire en quoi les murs sont fabriqués. Un coté de cette chambre ressemble à un gigantesque morceau d'écorce, de l'autre coté le mur semble être un enchevêtrement de lianes et de boue séchée. Quelques lits sont installés. Des lits !! J'ai failli pleurer quand j'ai réalisé que je n'avais pas dormi dans un véritable lit depuis presque une année déjà.Puis on nous a apporté de la nourriture et de l’eau. Un autre a amené de quoi faire boire notre mektoub, puis l'a emmené, sans doute vers une étable. Il est aussi mal en point que nous, j'espère qu'il passera la nuit. J'ai amené tous nos sacs, dont celui du mektoub, dans ce qui nous servira de dortoir. Azazor a avalé ce qu’on lui a servi, puis s'est allongé, sans me dire un mot. Il s'est sans doute vite endormi.Les homins ne nous ont pas beaucoup plus parlé. Ils nous observent, un peu étrangement, mais sans animosité. L'endroit est calme, silencieux, si l'on excepte le sifflement du vent qui nous apporte les réminiscences de lointains et étranges hurlements.Lorsque le tryker est revenu, je lui ai fait comprendre que je voulais parler. Il nous a regardés, Azazor alongé et moi. Puis il nous a dit de nous reposer, avec un je ne sais quoi de bienveillance dans la voix. Nous parlerons demain. Je lui ai dit nos noms, et il nous a dit le sien : Kickan. Mac'opin Kickan..Maintenant, j’ai juste la force de terminer l'écriture de ces lignes. Je lui demanderai la date demain. Je tombe de sommeil et pour la première fois depuis des semaines, je sais que je réussirai à dormir.
Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: NOTE : Traduction en Anglais par Nilstilar ! English Translation by Nilstilar
#20 Ajouté par Azazor il y a 3 ans
Edité 2 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).
#21 Ajouté par Azazor il y a 3 ans
J1 La première chose que j’ai vu depuis que je me suis effondré de fatigue, c’est le plafond de la salle où je me trouve allongé. Un plafond très bas, où un zoraï tiendrait à peine de debout. Sur ce plafond, mais aussi sur les quatre murs de la salle, sont gravés des noms, probablement d’homins de passage, mais aussi des dates, des symboles, certains faisant penser à ceux de la rue Arispotle à Pyr. J’ai vite pris mon sac et sorti un cuir de varinx pour noter tout ça, avant qu’un fyros n’arrive et me demande de le suivre.Il m’a demandé si j’avais bien dormi. J’ai rien dit. Bien dormir est un euphémisme. Dormir, c’est forcément bien. L’homin m’a emmené dans une autre pièce, plus grande, où j’ai pu retrouver Eeri. Elle m’a accueilli avec un sourire. Il y avait aussi une zoraï. Puis on m’a tout expliqué. L’arrivée à la tour dans un état déplorable, moi qui demande à un garde si les Yeux et la Bête peuvent rentrer dans le camp, leurs éclats de rire. Et… trou noir. Je me suis endormi pendant une journée entière. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Je crois en fait que je n’avais jamais eu peur avant ça. Comment nous, homins des nouvelles terres, habitués à ne pas mourir sous les coups, habitués à notre environnement, pouvons-nous savoir ce qu’est la peur ? Sans les puissances, nous sommes si faibles. Et pourtant… Pourtant cette tour existe. Il y a des homins qui vivent là, dans cet endroit inhospitalier, sans puissances pour les aider. Et je leur demande si les yeux peuvent rentrer ici… Mais quel toub ! On a encore un peu discuté avec le fyros et la zoraï, puis je suis retourné dans le dortoir des voyageurs, prétextant avoir des choses à revoir. En fait, j’avais honte. Moi, Azazor, akenak, ancien légionnaire, j’ai honte de ce que j’ai été dans ce désert qui rend fou. Une loque, un moins que rien. Sans Eeri, je serai mort. Maintenant que j’ai dormi, je dois me reprendre. J’irai faire le tour du propriétaire, noter tout ce que je peux, interroger du monde aussi. Je dois savoir ce qu’il y a réellement dans la Mer de Bois. Sur akash, Azazor ne faiblira plus. J2La zoraï est l'intendante de Fort-le-Phare. Elle a été nommée par le conseil ranger qui administre la Halte de Oflovak. En fait, ici, c'est une sorte d'antenne de l'Halte. Son nom est Tao Shin, 73 ans, ce qui d’après les homins ici est plus que vénérable. Avec l'absence de résurrection, la durée de vie sur la route d’Oflovak est bien plus courte que dans les nouvelles terres. Le fyros, c’est Barylus Abythan, chef des gardes. Il m’a dit que ceux-ci ont bien rigolé quand ils nous ont vu arriver. Ils ne nous ont pas cru quand Eeri leur a dit qu’on venait des Nouvelles Terres. C’est rare les homins passant par là qui ne soient pas rangers ou marauds. Alors venant des Nouvelles Terres, c’est du jamais vu de mémoire d’homin. Tao Shin m’a dit que dans les archives, il y a quelques noms d’homins comme ça. Mais elle n’était pas née et n’a pas pu les connaître. La plupart des voyageurs sont rangers. Quelques maraudeurs de temps en temps, mais aussi des émissaires ou des bannis d'autres tribus des environs, du moins ceux qui ne sont pas morts en route. Parce que oui, il y a des tribus implantées de-ci de-là le long de la route, surtout au nord de Fort-le-Phare. Certaines entretiennent d'ailleurs de bonnes relations avec eux. Le marchandage est régulièrement pratiqué.Du coup, on nous a questionnés, que ce soit sur les Nouvelles Terres, qu’ils connaissent un peu grâce aux témoignages d’autre rangers, ou sur le but de notre voyage. Quand on leur a dit qu’on voulait aller jusqu’au désert de l'ancien Empire fyros, de l’autre côté de la Citadelle, ils ont cherché à nous en dissuader. Il paraît que traverser la Mer de Bois sans guide, c’est du suicide (et ne parlons pas du reste de la route). Plus on reste de temps dans cet endroit, plus on perd en vitalité. Il faut aller vite, et donc il faut suivre les balises avec soin. Mais entre la fatigue, l’absence de repère à cause de la brume et les prédateurs, c’est impossible pour des novices comme nous. Si on a survécu, c’est miraculeux. Justement, les prédateurs (la Bête et les Yeux…), c’est pas ce qu’on croit. Le genre de craquement plaintif qu’on entend, le même que celui qu’on pouvait entendre en bord de falaise dans les Nouvelles Terres, c’est Armadaï. Enfin, c'est comme ça qu'ils l'appellent ici. Il parait qu'il a d'autre nom ailleurs. Mais c'est toujours la même bête. Pour faire simple, c’est une sorte d’arma géant, mais pas tout à fait. Plus long, mais avec des pattes plus courtes. Herbivore pour le coup. Voilà ma Bête, celle qui fait trembler l’écorce. Juste un bon gros herbivore, plus gros toutefois que nos plus grands shalah. Faudra que j'en vois une de plus près pour me faire à l'idée. Ce qu’on doit craindre par contre, c’est les prédateurs de ces armadaïs (les Yeux...). Des yetins, de type bien coriace. Ils viendraient des îles de la Mer de Bois ou du Continent Verdoyant (c'est comme ça qu'ils appellent l'endroit où on est, ou alors Forêt Ancestrale). Contrairement aux armadaïs, ces yetins ne sont pas fait pour vivre dans la Mer de Bois. Eux aussi ça les tuerait d'y rester trop longtemps. Et s’ils nous ont épargné lors de notre petit périple dans la Mer de Bois, c’est juste un coup de chance. Barylus m’a expliqué qu’ils chassent en meute les armadaïs. Quand ils chassent, c’est là qu’on a le plus de chance de s’en tirer. On ne représente pas grand-chose à se mettre sous la dent par rapport aux armadaïs. Le risque, c’est si on passe à côté d’une meute qui n’est pas en pleine chasse. Il y en a toujours un ou deux pour se faire un petit en-cas opportuniste. Mais a priori, pas de risque d'en croiser dans la mer de bois sans qu'ils soient en chasse. Ceci dit, vaut mieux éviter de les croiser quand même. Bref, on a eu droit à un topo sur la Mer de Bois. Ils nous ont bien sûr parlé de la Halte d’Oflovak. C'est une île assez tranquille, sur laquelle la ville de La Halte a été construite il y a très longtemps par les descendants des premiers Rangers. Ils ont bien insisté sur le fait qu’il serait impératif, si on voulait malgré tout poursuivre notre voyage, d’y passer avant de continuer vers l’Avant-Poste Diplomatique de la Falaise Nuageuse, ne serait-ce que pour se reposer et ne pas devenir fou dans la Mer de Bois. Ça m’a fait tiquer. Effectivement, j’étais en train de devenir fou. Mais maintenant que je sais mettre un nom sur ce que j’ai entendu là-bas, j’aurai moins peur. C’est la peur qui rend fou. Surtout quand on ne l’a jamais vraiment éprouvée.Ils nous ont dit qu’on pouvait rester ici quelques jours, le temps de nous remettre d’aplomb et surtout de bien peser notre choix sur continuer ou non le voyage vers l’est. Puis ils sont retournés à leur fonction, nous laissant là, Eeri et moi, avec encore tout un tas de questions sans réponse. Moi, ce que j’aimerais savoir, c’est quels homins des Nouvelles Terres ont réussi notre exploit de venir jusque-là ? Et qu’est-ce qu’ils cherchaient ? J3Mac'opin Kickan, le tryker qui nous a reçu à notre arrivée ici, et avec qui Eeri a beaucoup sympathisé, nous a fait une petite visite des lieux. La tour est un morceau de canopée qui serait tombé et resté planté dans l'écorce. Leur hypothèse est que le morceau est longtemps resté à moitié attaché au reste de la canopée, ce qui lui a permis de se stabiliser avec la pousse de la végétation adjacente. Heureusement aujourd'hui, la tour est totalement solidaire. Donc pas de risque qu'elle s'effondre malgré qu'elle soit penchée. D'ailleurs, au vue du relief très accidenté autour de la tour, il doit y avoir une quantité de débris de cette canopée aux alentours, depuis recouvert par la végétation. La chute doit avoir eu lieu il y a au moins plusieurs siècle. C'est donc à l'intérieur de cette racine que ces descendants de rangers ont construit leur habitat, en creusant tout un tas de cavités dans la racine. On y retrouve des dortoirs comme celui où on loge, des salles de vie et même un bar, le tout relié par des boyaux étroits, des escaliers taillés à même le bois et des échelles. Tout en haut de la tour se trouve le bureau de l'intendante Tao Shin. On a aussi pu visiter le phare en lui-même. Il s'agit d'un gigantesque brasero et d'un ensemble de miroirs et de... de quoi? Des trucs qui déforment la vue quand on regarde dedans. J'ai pas posé la question sur leur nom. Mais c'est constitué de matières totalement inconnues. Il parait que ça vient d'une épave d'un vaisseau de la karavan, retrouvée au nord du Continent Verdoyant il y a un siècle environ. Du haut de la tour, on peut voir l'Arbre Éternel à l'ouest, émergeant au dessus du couvert végétal. D'après le tryker, il y a là bas des animaux très hostiles et particulièrement gros. Lui n'y ait jamais allé, donc il ne sait pas trop, mais d'après ce qu'on lui a dit, il y a aussi des homins qui y vivent, et même des tribus de gibbaïs. Cependant, c'est assez compliqué à confirmer, les rangers y allant rarement. Pourtant, il y aurait des ressources extrêmement rares dans ces terres. Il nous a aussi expliqué que d'autres arbres de ce genre, que certains appellent Arbres Ancestrales, existent ailleurs, loin de la route d'Oflovak. Mais il a été bien incapable de me dire où ils sont. Ou alors, il n'a pas le droit de le révéler? Tout ce que je peux dire, c'est que de là-haut, Atys est bien plus grande qu'on ne peut l'imaginer. Ce sont des forêts donnant sur d'autres terres nues, des îlots de vie, des reliefs, des plaines désolées. Un monde si vaste, si... inconcevable? On n'a pas idée de l'immensité tant qu'on n'a pas vu ça.Après cette belle visite, Kickan nous a proposé de le rejoindre ce soir au bar. Il nous fera goûter la spécialité de la route d’Oflovak : le baba. J4Gros mal de crâne ce matin. Son foutu baba, mais qu’il se le garde ! J’ai rarement bu un truc aussi insipide. Même la byrh de Lorlyn a plus de goût. Le baba, c’est un alcool fait à partir de graines de balogna, une sorte de buisson rustique de la forêt. On pile les graines, on laisse macérer avec de l’eau puis on y met un peu de sciure pour la conservation. On a à boire et à manger avec ça. Alors oui, je comprends que ce soit utile quand y'a rien à manger, surtout que ça se conserve assez longtemps. Mais de là à boire ce truc par plaisir… En plus ça bourre très peu. C’est pas immonde, mais c’est pas la joie à boire. Et si j’ai mal aux cheveux ce matin, je suis sûr que c’est leur baba. Avec Eeri, on a hésité à sortir la fiole d’essence d’ocyx qu’on a réussi jusqu’ici à préserver miraculeusement de la casse. Mais on s’est dit que c’était pas encore l’occasion de fêter ça. On n’a même pas fait la moitié du chemin. Ceci dit, c'était une bonne soirée avec le Kickan. Il est né à la Halte d'Oflovak, comme la plupart ici. Puis, après avoir commencé comme garde là bas, il est monté en grade. Il y a 5 ans, il est venu comme officier ici. De temps en temps, il repart à la Halte. Il est officier de liaison, principalement. La plupart des rangers ici ont plusieurs postes à la fois. Lui, c'est surtout la liaison avec la Halte (courriers, quelques marchandises). Il s'occupe aussi de l'entretien des balises dans cette portion de la route. Il nous a d'ailleurs proposé de nous accompagner dans quelques jours jusqu'à la Halte. Il a justement quelques messages à apporter, principalement des messages personnels des homins à leurs familles restées à la Halte. Bref, c'est un chic type et Eeri s'entend bien avec lui. Faut l'entendre glousser à chaque fois que Kickan sort une blague. Ils ont un humour particulier ces rangers...
Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).
#22 Ajouté par Eeri il y a 3 ans
Winderly 14, 1st AC 2619Si seulement j’avais la moindre idée de ce qui nous attendait.Fort-le-phare, dans mon imagination, c’était un petit camp, au bord d’une falaise, perdu dans un environnement des plus hostiles, un peu comme le camp des Veilleurs. Un brasero fixé en haut d’une pique, sur une butte, en hauteur. Une bande de rangers acariâtres et rudes, luttant contre les éléments. Trois tentes, un feu de camp.Nous avons découvert une petite ville, construite à l’intérieur d’un morceau de canopée, illuminée par une magie incroyable. Je ne m’attendais pas à avoir un choc pareil avant de voir les remparts de Fyre. L’étage supérieur, là d’où la lumière vient, est un habile enchevêtrement d’objets, les "lentilles" d’un vaisseau Karavan, apparemment accidenté et pillé il y a plusieurs siècles, comme nous l’a expliqué l’intendante du camp. Des objets qui reflètent et amplifient la lumière d’un grand brasero. J’ai pu observer l’un de ces objets, de près, l'une des lentilles qui était un peu cassée. On peut y voir à travers, d’une certaine façon, comme s’il s’agissait d’eau solidifiée, incrustée dans un grand anneau fait de la matière étrange des vaisseaux Karavan. En observant Azazor à travers ça, j’ai ri, il semblait avoir repris le poids qu’il a perdu ces dernières semaines. Oy, on a tendance à flotter dans nos armures, il faut dire.L’intendante a eu beau m’expliquer qu’il n’y avait aucune magie dans ces objets, je reste à penser qu’il s’agit d’une sorte d’amplificateur, comme ceux que l’on porte, mais spécialement pour la lumière. Quelque chose de magique qui déforme la réalité. J’ai demandé s’il serait possible de prendre l'un de ces fragments de lentille avec moi… Puis réfléchissant un instant, sentant l'oeil lourd d'Azazor, j’ai ajouté : "sur le chemin du retour... On est déjà assez chargés comme ça". Elle a sourit, et m’a proposé d’en reparler lorsqu'on reviendra.L’intendante, Tao est une homine d’un calme incroyable. Elle a demandé des nouvelles des Nouvelles Terres, et nous a écouté sans vraiment s’impressionner de quoi que ce soit. J’ai raconté ce que je pensais : un empereur fyros grabataire et sans descendance, la théocratie toujours terrifiée dès qu’un yubo pète de la goo, des trykers qui mettent le nez partout… On a pas vraiment parlé des matis. Azazor a donné quelques autres nouvelles, peut-être un peu moins désabusées que les miennes. L'homine nous observait, et semblait s’amuser de nos personnalités diamétralement différentes. Nous avons évoqué le nexus aussi, le tremblement d’écorce, les gibbaïs, des matières premières, sujet qui a suscité plus d’intérêt de sa part. Azazor a aussi raconté sa chute dans la faille, sa fameuse rencontre avec fyrak. Tout comme moi, Tao n’a pas caché ses doutes. Il a alors sorti un objet, qu’il gardait visiblement dans une poche de son armure, tel un conteur exhiberait une preuve. "J’ai ramené ça" il a dit. "Une dent, qui s'est incrustée dans mon armure quand j'ai donné un coup de lance dans sa gueule béante". Une dent de fyrak, d’une matière aussi froide que les éclats de vaisseau karavan que nous avions observés plus tôt. J'ai regardé Azazor avec étonnement, mais n'ai rien dit de plus.Puis j'ai expliqué à Tao avoir été ranger, pendant des années, avant de rejoindre les drakani pour servir la fédération des lacs. J’ai demandé pourquoi les rangers ici n’utilisaient pas de tunnels pour se déplacer. Sa réponse était si évidente, je me suis sentie idiote. Les tunnels sur les Nouvelles Terres ne font tout au plus que quelques kilomètres, et il s’agit toujours d’un moyen de transport dangereux, même s’il est bien maîtrisé. De plus, les accointances des rangers d’Almati avec les deux puissances font qu’un homin sera de toute façon ramené, si quelque chose tourne mal. Ici, les distances à parcourir sont infiniment plus grandes. "Nous avons développé et cherché ces passages", elle a dit, "mais nous avons eu trop de pertes. Chez nous, un homin qui reste coincé dans un tunnel n’a aucune chance de revoir la lumière de la surface."Bref, nous avons beaucoup parlé avec l’intendante, et avec Kickan aussi, autour de quelques boissons. Azazor est relativement moins bavard avec lui. Pour ma part, je l’aime bien ce tryker. Il faut dire que j’avais pris l’habitude d’en être entourée, ces dernières années. Je me rends compte que ces filous de drakani me manquent un peu. Il faut croire que Kickan a le même humour caustique et sincère. On a ri en comparant son accent à celui des nouvelles terres, Il a expliqué que les rangers ici parlaient le dialecte ranger entre eux, et qu’il est possible que le tyll et les autres langues homines aient eu moins d’occasion de se déformer avec le temps. On a aussi goûté à leur alcool local, le Baba, et j'ai essayé de lui faire goûter un reste du pain d’épice d’Eolinius, un peu sec maintenant. J’ai dû lui expliquer que c’était une spécialité de chez nous et que c’était bien meilleur frais, rien à faire. Même trempé dans le baba. Bon, faut dire que c’était sec comme un casse-croute de légionnaire.Quand je lui ai demandé pourquoi tant d’homins vivaient ici et pourquoi ils ne venaient pas habiter dans les Nouvelles Terres, il m’a répondu : "Pourquoi partir d’ici? Aller nous entasser dans les Nouvelles Terres, devoir respecter les caprices de vos empereurs et rois… Et puis, si nous ne restons pas, qui fera notre travail ici? Recueillir les imprudents dans votre genre? " Il a ri, j’ai ri aussi. Azazor pas trop.Puis il a ajouté avec un sourire : "la Halte d’Oflovak compte au moins 10 fois plus d’homins qu’ici, et pourtant on a assez de place pour tous. Vous verrez ça bientôt. Nous y partons dans cinq jours"Nous avons ouvert de grands yeux et attendu son explication : "Il me tardait d’y retourner. Je viens d’obtenir de Tao l’autorisation de faire la prochaine liaison à la place de Pad’ocett et de Laniolle. Nous partons toujours au moins à deux normalement, et mon équipier habituel a d'autres tâches en ce moment. Mais comme vous serez sans doute du voyage… Nous serons assez de trois."On a souri. Cinq jours, c’était assez pour qu’on se remette totalement sur pied.Un peu plus tard dans la soirée, alors qu’Azazor commençait à dormir debout, ou qu'il râlait dans son coin comme à son habitude, j’ai demandé nonchalamment si l’île d’Oflovak comptait des Trytonistes. Il a hoché la tête et souri : " Oh, ceux qui combattent les puissances des Nouvelles Terres? Pas trop à la Halte, non. De ce que je sais, ils se réunissent à Sombre Rive pour échapper à la Karavan. C'est leur repère. Et puis, s'ils viennent jusqu'ici, ils n’ont plus de raison d'être Trytonistes. Il n’y a pas de puissances ici"J’ai répondu que, de ce qu'il me semblait, il ne s’agissait pas vraiment de livrer un combat, qu’ils n’attaqueraient pas les puissances de front et qu'ils tentent surtout de maintenir un certain équilibre. Il a rit, s’est levé et a fait quelques pas titubants (ou était-ce une danse?) vers le bar. "l’équilibre, on est les rois de l’équilibre, ici !". Il est revenu avec d’autres doses de baba.Lorsqu'il s'est assis, son regard s'est ostensiblement posé sur ma main, celle où cette tache noire reste incrustée dans ma peau. Je me suis figée, ramèch de toub d'idiote que je suis d'avoir oublié de porter un gant. Puis ses yeux se sont posés sur moi, et il m'a regardée profondément un moment. Je suis restée silencieuse, avec l'impression qu'il lisait mes pensées. Après un moment, il a tendu une fiole de baba, a sourit et dit :"Tu sais ce que dit un zoraï qui se cogne sur une table de bar?""Tahi !! Ça va encore me faire un bleu" *****Aujourd’hui, j’ai pu accompagner deux rangers, un fyros et un matis, pour un tour de garde autour du fort. C’est une tâche qu’ils accomplissent très régulièrement. Azazor est resté à la tour pour tenter d'accéder aux archives. Il veut savoir quels homins des Nouvelles terres sont passés par là. Il faut croire que ça l'obsède.Nous avons commencé par faire le chemin jusqu’à la falaise, celui que nous avions emprunté en arrivant. Cette fois, ça m'a paru être une distance beaucoup plus courte. Nous devions vraiment être dans un état lamentable en arrivant. Ils ont inspecté le chemin et les éventuels signes au sol, expliquant que dans de rares cas les prédateurs de la mer de bois s’étaient aventurés jusqu’ici, laissant de nombreuses traces de griffes dans la sciure. Ceci aurait pu être le signe d’une agitation inhabituelle. Dans ce cas, nous devrions repousser notre départ vers la Halte. Mais tout semble calme et habituel en ce moment, m’ont-ils dit.Ensuite, nous avons longé la falaise vers le nord. Ils ont noté deux ou trois glissements de terrain, fréquents dans cette zone et sans grande gravité. D’un endroit, nous avons eu une vue imprenable et dégagée sur la brume de la Mer de Bois. Le temps était relativement dégagé. Ils m’ont montré une zone, au loin, une trainée de brume qui semblait s’élever un peu plus, comme si elle était remuée par une agitation au sol. "Ils sont en chasse" m’ont ils dit. "Cette zone au nord est l’une des plus dangereuse, plus on remonte, et en général, plus on est proche d’une falaise où se trouve une rampe d’accès". J’ai plissé les yeux, pour essayer d’observer. "Ils sont à 7 ou 8 kilomètres, tu n’y verras rien de plus. En bas, nous nous repérons surtout à leurs cris."Les prédateurs ne restent pas dans la zone, m’ont-ils dit plus tard. ils y viennent seulement chasser et se nourrir, en meute. C’est aussi parce qu’il est difficile de survivre à mesure qu’on s’enfonce vers le centre de la Mer de Bois, phénomène que les homins ressentent aussi. Seul l’Armadaï et quelques autres créatures aussi étranges que discrètes y vivent. Les meutes viennent en général du nord, parfois du sud, et les rangers soupçonnent qu’une ou deux meutes auraient trouvé refuge sur l’un des îlots en hauteur, un peu plus au sud. La falaise de Fort-le-Phare n’étant pas adaptée pour les griffes de ces sortes de grands yetins, ils ne s’y aventurent que s’ils sont surpris par de forts orages ou tempêtes de sciure.Nous avons laissé la falaise et pris la direction des terres. Ils ont pointé l’horizon, droit devant nous :"l’arbre éternel est dans cette direction. Par temps très clair, comme aujourd'hui, nous en voyons la cime depuis le haut de la tour."À mesure qu’on avançait dans les terres, nous passions d’une zone désertique à une sorte de jungle. Nous sommes arrivés dans ce qu’ils appellent les souches dormantes. Un endroit qui m’a tout de suite rappelé le couloir aux écorces, entre Pyr et l’Oasis d’Oflovak, mais couvert d’une végétation dense et variée. Il s’agit de résidus des morceaux de canopée tombée, lors de la formation naturelle du Fort. Une multitude d’écorces, certaines gigantesques, tombées du ciel il y a des siècles. Autant dire, je suis restée émerveillée par cet endroit. Les rangers sont restés sur leur gardes, car les jugulas s’aventurent parfois jusqu’ici pour chasser les petits herbivores qui y vivent. J’ai ramassé quelques spécimens de feuilles, de petits arbres inconnus sur les Nouvelles Terres, ainsi que quelques petits morceaux d’écorce.Puis nous avons continué, en restant à distance du fort, et sans vraiment le perdre de vue, décrivant un large cercle. Les deux rangers ont observé plusieurs mouvements de troupeaux, des jugulas au loin, quelques groupes d'herbivores, dont des yelks très communs avec ceux de notre désert. Après une ou deux heures de marche, nous avons repris la direction du Fort, afin de rentrer."Pendant que nous faisons la partie nord, une autre équipe s’occupe du sud. Autrement le tour est beaucoup trop long pour être fait en une journée, surtout quand il y a des imprévus. Mais c’est une journée calme, pas grand chose à signaler."En rentrant, j’ai retrouvé Azazor et nous sommes montés en haut de la tour, afin d’admirer la cime de l’arbre éternel, encore éclairé par la lumière du soir. Ce que nous pouvons voir n’est qu’une infime partie de ce gigantesque arbre, qui s’étend sur des milliers de kilomètres au sol. Je me demande s'il est possible pour des yeux homins de l’admirer en entier dans son immensité. D’autres rangers sont venus raviver la flamme du grand brasero qui illumine le phare. Nous les avons observés, puis Azazor est redescendu à l’appel du repas du soir. Je suis restée un moment seule en haut, à m’imaginer rester et passer la fin de ma vie dans cet endroit. Puis j’ai pensé à la route qu’il nous restait, et à tout ceux qui attendraient notre retour.Nous repartons dans deux jours.Il me faut encore écrire deux lettres, les sceller, et les confier à l'intendante, en espérant que quelqu'un de pas trop empoté fasse la route vers les Nouvelles Terres bientôt. L'une est pour mes amies et amis des lacs et du désert. L'autre, codée, pour Mazé'Yum, par l'intermédiaire de Nikuya pour plus de discrétion, je pense qu'elle saura le trouver. Avec l'ordre sur chaque enveloppe de ne rémunérer le porteur à l'arrivée seulement si le sceau est intact.
Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans).
#23 Ajouté par Azazor il y a 3 ans
#24 Ajouté par Eeri il y a 2 ans
Tria, Harvestor 21, 2nd AC 2619À l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes arrivés au village de la Halte d’Oflovak. Nous sommes encore épuisés, mais déjà moins qu’en bas. Et nous avons devant nous quelques bonnes nuits de sommeil. Je n'ai pas écrit depuis longtemps, et vais essayer de reprendre où je m’étais arrêtée.Nous sommes partis avec Kickan du fort, par une belle journée. Je dois avouer ici avoir eu beaucoup d’appréhension à redescendre dans cet enfer de la mer de bois, et le plus grand mal du monde à le cacher. La présence de Kickan était tout de même rassurante, surtout après les mots élogieux de Tao, l'intendante du fort, à son égard. J’arrivais à entrevoir qu’Azazor cachait lui aussi tant bien que mal son anxiété par un silence pesant et un peu dramatique. Notre bon mektoub, remis sur pied, nous a suivi sans rechigner, sans doute content d’avoir un peu d’exercice.Il faut dire qu’avec un guide, le chemin est nettement plus rapide. Nous allions de balise en balise, sans en rater une seule. De temps en temps, les balises étaient écrasées au sol, sans doute renversées par un armadaï. Pas étonnant que nous nous soyons perdus… Ratez une balise, et la brume vous empêchera de trouver la suivante. C’est donc la principale tâche des officiers de liaison comme Kickan, de veiller à ce qu’un maximum de balises soient visibles. Certaines, carrément cassées, ne montent pas plus haut que notre mollet... Nous en avons redressé un certain nombre sur le chemin. C’est primordial pour cette partie de la route, qui doit être faite en un minimum de temps au risque de perdre la tête. On a vu ce que ça donne, déjà.Kickan nous a expliqué en riant qu’à force, il pourrait sans doute faire le chemin sans balise. À vue de nez, il a effectué le chemin une cinquantaine de fois, au moins. Nous, sans balise, on balise.Finalement, Azazor a compris quelles étaient mes convictions. Je ne saurais comment raconter ce moment, autour d’un feu, où il a quasiment renié l’existence de Fyrak, expliquant que son histoire avec le dragon n’était peut-être qu’un rêve… Finalement, il n'est peut-être pas totalement fou. Puis des théories encore plus inattendues, demandant à la Trytoniste que je suis si je comprenais de quoi il parlait. Incroyable. J’ai feint la surprise, très mal. Ou non, j’étais vraiment surprise, je ne m’attendais pas à ce qu’il sorte ça devant quelqu’un d’autre. Depuis son retour, il faisait un candidat parfait pour être recruté parmi nos cercles, pourtant le bougre de Fyros semblait toujours s’accrocher aux Kamis comme un gingo nous mordrait les fesses. De plus, la discrétion… Bon, je ne peux rien reprocher sur ce point, non plus, mais quand même. Mais qu'est-ce que j'ai été faire dans cette galère, avec un Fyros qui doute à ce point de ses propres convictions? Il semblait déjà moins fragile mentalement, quand nous sommes partis. Je me suis sans doute trompée sur ce point. Ou pas, je ne sais plus quoi penser. Ça n’a plus trop d’importance maintenant.Bon, il sait. Je m’en doutais bien, maintenant je sais qu'il sait. Heureusement, il ne sait pas encore tout. D'une part, ce n’est pas ici que la Kuilde va venir nous chercher des puces. Et au final, Kickan, lui, se moque bien de tout ça. Et puis de toute façon, vais-je passer le reste de ma vie sur l'écorce à cacher ce que je suis? Qu'elle vienne, cette Kuilde, qu'elle s'occupe de ma graine de vie, ça renforcera l'opinion que la karavan a beaucoup trop de choses à nous cacher. Notre cause a peut-être besoin de ça, d'un nouveau sacrifice. Je m'égare. Revenons à nos frippos.Le voyage s’est passé sans trop de heurts. Nous avons pu voir quelques Armadaïs d'un peu plus près, une cinquantaine de mètres. Et nous avons entendu ses prédateurs en chasse, ils étaient heureusement trop loin pour qu'on puisse les voir. En théorie, tant qu’il y a du gibier pas trop loin et que les carnivores sont en meute, nous ne les intéressons pas trop. En théorie. S'ils ne nous sentent pas. Azazor était très intéressé par voir l'armadaï de près. "les yeux... la bête..." on s'est moqué. On a surtout pu observer quelques carcasses gigantesques, des os aussi gros qu'une cuisse de légionnaire. En parlant de cuisse, marcher ici est épuisant, je ne l'écrirai jamais assez. Chaque geste requiert une énergie bien plus grande, et beaucoup plus de concentration. Heureusement, nous avons pas dû sortir nos haches, je n'aurais peut-être pas eu la force de la soulever.Et finalement, la Halte.Nous sommes arrivés au pied d’une falaise, étrangement moins haute que celle du Phare. Nous l’avons longé un petit moment, Kickan avait l’air de chercher un endroit précis, avec nonchalance, content d'être arrivé. Puis il a dit : "Voilà, ici ! " et il a attrapé une sorte de liane qui pendouillait là, un petit morceau de bois attaché au bout. Il a tiré quelques coups secs dessus, et nous a dit qu’on allait attendre un petit moment. Après quelques minutes, nous avons entendu quelques bruits au dessus de nos têtes, et vu une énorme chose décoller à quelques pas de nous. Quelques morceaux de sciure tombaient par ci par là. "le contre-poids" a dit Kickan, le plus naturellement du monde. Nous nous sommes écartés, et avons vu une sorte de plate-forme descendre vers nous, attachée par plusieurs cordes. Nos deux tronches de fyros perplexes ont certainement dû prendre une expression de bolobi désorienté. Puis nous avons ri nerveusement :— On va devoir monter là dedans, a demandé Azazor?Kickan a considéré un moment et a répondu : — D’abord Eeri et son mektoub. Elle est un peu plus légère. Puis nous deux.— Plus légère, plus légère... On voit que tu ne la connais pas, a gromellé Azazor.— On ne peut pas laisser vot’ mektoub seul dans la nacelle, de toute façon, il a dit, très sérieusement.— ney, tu as raison. Les bêtes d’abord, les homins après.Foutu Azazor, j'ai rien trouvé à répondre… Je ne vais pas retranscrire la totalité de ses moqueries, quand j’ai mis mon foulard sur les yeux de Ru-Dun et que nous sommes montés dans la nacelle, pas trop rassurés. Ha, oui, c’est Kickan qui a appelé le toub comme ça en route, du tyll local avec leur accent étrange. Puis il nous explique qu'il existe un autre chemin, une rampe d'accès, mais tout au sud de l'île, ce qui ferait plusieurs jours de marche en plus.La nacelle a commencé à se hisser vers le haut. Un ingénieux système, qu’ils ont. Le contrepoids descend lorsque la nacelle monte, et pareil dans l'autre sens, avec un système de poulies. Sans doute une invention de Trykers, d’ailleurs, la structure en haut pourrait ressembler à celles de nos réservoirs d’eau dans les lacs.Je suis arrivée là-haut, et quelques homins m’ont accueillie d’un regard, occupés à freiner les poulies pour stopper la nacelle en douceur. Je ne saurais pas dire s’ils étaient aimables. L’un d’eux a simplement sourit et fait un signe de tête lorsque, ne sachant quoi leur raconter après mon oren pyr, je leur ai indiqué que nous étions avec Kickan, qui attendait encore en bas.Kickan et Azazor sont arrivés en haut après quelques minutes. J’en ai bien profité pour lancer quelques piques à ce dernier qui s’accrochait fébrilement à une cordelette, tâchant d'avoir l'air décontracté. Puis nous avons pris la direction de la Halte, un peu plus à l’intérieur des terres. Il existe deux camps comme ceux-ci, à l’ouest et à l’est de l’île, pour accueillir et remonter, ou descendre les voyageurs, chacun étant à environ une journée de marche du village lui-même. Était-ce la présence de Kickan, qui semblait connaître chaque homin du camp, personne ne nous a posé de questions.Après une nuit de sommeil à mi-chemin, et une autre petite journée de marche, nous sommes finalement arrivés au village lui même. Si l'on peut appeler ça un village. De quelques constructions éparses dans la forêt sans organisation apparente, nous sommes arrivés en haut d'une petite vallée couverte d'habitations, donnant sur un grand lac. Bon, rien de comparable avec la beauté du lac de Fairhaven, mais même par cette journée nuageuse, l'endroit ne manque pas de charme. Chaque cabane semble relativement propre et bien tenue, mais possède son propre style. À y voir de plus près, certains murs semblent constituées de grands os, parfois de bois, ou de grands morceaux de cuir. Nous avons continué notre chemin en descendant vers ce qui semble le centre, ou la place principale.Puis quelqu’un a crié le nom de Kickan, quelques homins sont arrivés pour l’accueillir, d'autres sortaient la tête de leur fenêtres. Nous aurions préféré passer un peu plus inaperçus. Kickan arborait un grand sourire, saluant chacun d'entre eux, en lançant ses inimitables lordoy de chaque coté du chemin.Un matis est arrivé, sans se presser, et Kickan l’a montré de loin :— Un membre du conseil, nous a dit Kickan en souriant, avant de nous faire signe de rester un peu à l'écart et d’aller à sa rencontre. Ils ont parlé un moment, puis sont venus vers nous.Le matis nous a lancé un oren pyr pour nous saluer, avec un accent encore plus étrange que celui des habitants du fort, mais d’une voix maîtrisée et peut-être trop polie… Un matis, quoi. Il nous a souhaité la bienvenue, commençant à nous poser des questions sur notre voyage. Partant du principe qu’Azazor n’allait pas lui faire le plaisir de bavarder, j’ai répondu quelques banalités, rien de plus que ce que Kickan aurait pu lui dire. Puis que nous souhaiterions d'abord nous reposer un moment, pour commencer. Il a sourit et a pris congé, nous invitant à partager un baba plus tard. Kickan nous a mené vers une sorte de petite hutte, nous invitant à nous installer, avant de nous laisser aussi. Il a beaucoup de monde à saluer, à commencer par sa famille. Famille, tiens, un mot que j'avais presque oublié. Je me suis perdue un moment dans mes pensées, espérant qu'Uzykos et Wixarika vont bien. Quelle misérable je suis de les avoir abandonnés... Puis Azazor m'a secouée. Nous allons devoir nous concerter, rafraichir notre stratégie sur ce que l’on peut dire et ce dont il vaudrait mieux ne pas parler. Il y a peut-être déjà quelques maraudeurs par ici. Pas le temps de laisser mes émotions prendre le dessus.Avant de nous laisser, Kickan nous a prévenu à propos du conseil. Il s'agit d'un groupe de six, élus par la population. La vie ici est très tranquille et en général ils n'apprécient pas ce qui peut troubler le calme des lieux. Maraudeurs, réfugiés, voyageurs sont acceptés, mais ils ne sont pas habitués à voir des voyageurs qui partent vers l'est, autres que les officiers de liaison comme lui. Par chance, ce matis s'était trouvé là et Kickan le connait un peu. Il nous a dit avoir préparé le terrain pour qu'on le rencontre et qu'on puisse le convaincre des bonnes intentions de notre voyage. Ce sera déjà ça de gagné, non pas qu'ils puissent nous empêcher de partir, mais nous savons bien que les homins des Nouvelles Terres sont rares et pas forcément bien vus ici. Étrange comportement, pour des rangers, j'ai dit. Puis Kickan a rit : "hahaha ! Des Rangers?" Là dessus, il est parti sans rien ajouter.J'aurai encore temps de comprendre ce qui se passe ici, et de décrire plus précisément les lieux dans les prochains jours. La route qui nous attend jusqu’à l’Avant-Poste Diplomatique de la Falaise Nuageuse est similaire, et Kickan nous a déconseillé de repartir avant une bonne semaine, le temps que notre métabolisme se remette suffisamment. Il nous a aussi expliqué que contrairement à Fort-Le-Phare, vu que nous sommes ici sur une île relativement peu élevée, les effets néfastes de la Mer de Bois se ressentent, dans une moindre mesure. Nous ne recouvrirons pas totalement notre énergie physique, mais il faut au moins que l’on récupère tout notre entendement.Azazor ronfle déjà, toub. Et je n'ai plus que de la fibre de shu à me mettre dans les oreilles. Ça suffira pas, mais j’ai plus rien d’autre sous la main.
Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: NOTE : Traduction en Anglais par Nilstilar ! English Translation by Nilstilar
#25 Ajouté par Eeri il y a 2 ans
Folially 24, 3rd AC 2619Les choses commencent à se préciser quant à notre départ. Le temps de nous préparer, nous repartons dans deux jours. On sera de nouveau accompagnés, mais cette fois pas par Kickan. Lui repart dès demain vers le Fort, avec un autre équipier et des marchandises.Celui qui nous accompagnera, c’est Titus. Un fyros, qui parait jeune, mais semble avoir l'énergie d'un celiakos grabataire. J'exagère. Il est juste jeune, en fait. C'est apparemment aussi dû à l'altitude, ici tout le monde semble un peu plus lent qu'ailleurs. Moi-même, je me sens faible. Je vois bien que Ru-Dun mâche son fourrage plus lentement que d'habitude, aussi. Azazor semble vouté comme après 3 fioles d'ocyx. Comme si tout tournait légèrement au ralenti.Ce Titus, donc. Depuis que nous sommes arrivés, il nous a suivi, nous a regardés avec de grands yeux, puis nous a posé des questions. Puis il nous a demandé de nous accompagner. Il veut quitter l'île, partir, trouver les maraudeurs. Il parait que son père en était un, sauf qu'il ne l'a jamais connu, il a grandi sur l'île. À force, Azazor a finit par céder à sa demande avec un "Bon. Mais pas de blague, hein?". Emmener un fils de Maraudeur, la belle affaire. Je me suis opposée à ça. Azazor pense sans doute que ça jouera en notre faveur. Et si le père les avait trahi? Bon, ça doit faire un sacré bout de temps, ils auront oublié. Il semble surtout trop inexpérimenté pour un tel voyage. Tu sais au moins tenir une épée par le bon bout, j'ai demandé? Soit disant, il s'entraîne tous les jours, il nous a dit. Je n'ai pas voulu être trop dure avec lui, mais je ne pense pas qu'il se soit déjà confronté un kirosta, ou quoi que ce soit de cette taille.Et il a demandé pourquoi on voyageait, si nous aussi nous allions rejoindre les maraudeurs.Je n'ai rien répondu de plus que "voyage scientifique", en sortant tout naturellement ma hache afin de refaire l'affûtage de la lame. Je n'aime pas ça, mais c'est vrai qu'arriver à notre prochaine destination avec un homin de la Halte pourrait être un bon point pour nous. Tenez, une recrue toute fraiche, faites en ce que vous voulez. Ou pas, qui sait. Il faudra que l'on s'adapte très vite à l'accueil qu'ils nous feront.Donc c'est décidé, il fera le voyage avec nous jusqu'à l’Avant-Poste Diplomatique de la Falaise Nuageuse. Discrètement j'ai demandé à Kickan s'il le connaissait, si on pouvait avoir confiance. Ici, m'a t-il dit, personne n'a de raison de vouloir notre perte, tant que l'on ne provoque pas de catastrophe. J'ai compris ça en buvant un baba avec lui et le matis. En passant, le baba est légèrement meilleur ici qu'au Phare, mais ça reste quand même plus fadasse et insipide que la plus légère des byrh.Ils nous ont raconté tout un tas de choses sur la Halte. Les habitants ici sont des descendants des Rangers d'Atys, qui se sont installés ici. Au début, il y a maintenant plusieurs générations. Afin de guider les réfugiés, leur offrir une pause sur le chemin des Nouvelles Terres. Ça on le savait. Beaucoup sont partis, mais certains ont fait le choix de s'installer, et la Halte s'est rapidement transformée en une petite ville. Ils ne manquent de rien, ici, m'explique Coccio, le matis. Peu de prédateurs, quelques Javing au nord, tout au plus, assez de gibier, une forêt assez généreuse, un lac. Les homins chassent l'Armadaï, aussi. C'est donc ça, les os et cuirs qui servent à construire les maisons. Azazor a demandé comment, et s'il pouvait assister à une chasse, mais la prochaine n'aura lieu que dans un bon mois. Il y a un grand trou, un piège, quelque part au sud-est de l'île. Des homins imitent le cri de l'animal, ou de son prédateur, et l'attirent vers le piège. Quand ils arrivent à le faire tomber, il est achevé à la pique par les chasseurs, puis dépecé sur place. Il ne pourra de toute façon pas ressortir du piège en un seul morceau. La chasse de l'Armadaï nécessite de nombreux homins, et donne en parfois lieu à une grande fête. Sa viande est très fortifiante et revigorante, la principale source d'énergie pour eux. Coccio nous a d'ailleurs offert deux grands sacs remplis de cette viande séchée, pour la suite de notre voyage.Plus personne n'est véritablement ranger ici, ou ne fait partie de la guilde, maintenant. L'un des seul qui pourrait prétendre à les rejoindre, c'est Kickan, comme quelques autres de son tempérament. Mais il est satisfait de son travail entre le Fort et la Halte. Et comme il nous disait : s'il ne le faisait pas, qui s'en occuperait? Les véritables rangers passent régulièrement par ici, et sont admirés et accueillis comme des héros, tant la vie à l'extérieur de l'île est rude. Mais si beaucoup de jeunes rêvent de les rejoindre, peu le font. Comme dit le matis, quand on naît ici, la vie est tellement tranqulle, nous n'avons pas besoin de partir courir le monde... Kickan a blagué quelque chose du genre : "Coccio, tu dis ça à deux fyros qui viennent de traverser la moitié de la route d'oflovak, tu crois quoi, que tu vas les convaincre de s'installer ici?"Le cas de Titus est assez rare, ainsi. Ça s'est déclenché lorsqu'enfant, il a appris que son père était un ancien maraudeur. L'homin en question était d'ailleurs mort lors d'une chasse à l'Armadaï, en glissant et tombant dans le piège. L'animal, paniqué, l'a écrasé d'un coup de patte, accident rare mais fatal.Mais alors, on a demandé : Sur l'Île, ni rangers, ni maraudeurs, comment peuvent-ils rester aussi désinvoltes? Les Maraudeurs, dans les Nouvelles Terres, sont en guerre contre les nations. Que feraient-ils si les Maraudeurs d'ici venaient envahir l'île ? De ce que j'ai compris dans les explications de Coccio, ça n'aurait aucun intérêt, pour personne. Les maraudeurs sont aussi bien accueillis que n'importe quel homin, par fidélité à la tradition Ranger. Les capacités physiques sont moindres, pour ceux qui n'y sont pas nés, ce qui fait que ces derniers ne restent pas bien longtemps, ils se sentent trop faible. Tout comme pour nous. Et puis, il n'y a rien à combattre ici : pas de Kitins, pas de puissances, pas ne nation, et une organisation populaire. Le travail du Conseil de l'Île est de veiller aux respects de ces traditions, et d'administrer la ville en concertation avec tous. Coccio est élu avec 5 autres pour quelques années de Jena, il laissera sa place, dans deux années. Peut-être à Kickan, a-t'il sourit. Il ferait du bon travail. Ce à quoi Kickan a répondu sarcastiquement qu'il n'était pas assez vieux, comme lui, pour une telle tâche. "Le conseil? Un truc de grabataires". Pas autant que chez nous dans le désert, j'ai ajouté.Nous savons calmer les fauteurs de trouble, pour en revenir aux maraudeurs, me dit Coccio. En général ils se comportent bien. Il est même arrivé par le passé que certains s'installent sur l'île, ce qui est très mal vu chez eux. Tout comme nous, on sera très mal accueillis, nous prévient-il. Le fait que nous partions avec un homin d'ici aidera peut-être, et si l'on amène quelques marchandises, aussi.Outre leur bienveillance, Azazor et moi avons cru voir une sorte d'insouciance face aux problèmes du monde, et surtout, étions stupéfaits par ce manque de curiosité, cette absence totale de la soif de savoir qui nous habite. Nous nous sommes regardés, et n'avons rien dit. Comme si pour la première fois depuis pas mal de temps, nous nous comprenions.
#26 Ajouté par Azazor il y a 2 ans
Aujourd’hui, deux étrangers sont arrivés de l’ouest. Ils accompagnaient notre cher Kickan. Je les ai pas encore vu, mais Tikra dit que ce sont deux fyros venus d’au-delà des contrées verdoyantes. Plus loin que Fort-le-Phare. Plus loin que chez Kickan. Je dis que Tikra raconte encore n’importe quoi. Depuis qu’elle travaille à la passerelle ouest, elle me raconte que des conneries. La dernière fois, elle avait vu un armadaï plus gros que les autres écraser un yetin sous son poids. Si c’était pas ma grande sœur, je la haïrai. Demain, j’irai voir les deux étrangers, et on verra si c’est encore des krakras de Tikra.J’y crois pas, les deux fyros viennent bien d’un endroit très à l’ouest de la Halte. Par de là l’horizon, il existe des terres où les homins ont bâti d’immenses cités. Le fyros a parlé d’un empire avec un type à sa tête qui a plus d’un siècle. Ça a fait rigoler la fyrette qui l’accompagne. Mais le plus incroyable, c’est que ces deux homins vont vers l’est, en direction de la Citadelle. Du coup je leur ai parlé de mon père, qui était un ancien maraudeur venu prendre sa retraite ici. Ils ont trouvé ça intéressant puisqu’ils m’ont tout de suite posé des questions sur comment c’est là-bas, et où était mon père. J’ai bien vu la déception sur leur visage quand je leur ai dit que mon père était mort deux ans après ma naissance et que je connaissais rien de là-bas. Mais moi, j’ai plein de questions à leur poser. Des étrangers venus d’aussi loin, ça a forcément des tas de choses à raconter, sûrement plus intéressantes en tout cas que les conneries de Tikra et ses armadaïs géants.Le fyros s’appelle Azazor. Il m’a dit qu’il était une sorte de chercheur de dragon. Du coup, je lui ai montré le dessin du tatouage qu’avait mon père, celui avec le monstre volant cracheur de feu qui s’appelle dragon rouge d’après les vieux du Conseil. Mon père, c’était un chasseur de dragon lui aussi. J’ai bien vu que ça a plu à Azazor. Il a d'ailleurs un tatouage de dragon sur le visage lui. Mais c'est pas le même. Ouais que je lui ai dit, mon père maraudeur était un vrai tueur de dragons. J’aimerai tant être comme lui. Mais faudrait que je quitte ce trou. Parait qu’en dehors de la Halte, c’est trop dangereux. Mais je m’en fous moi du danger ! Je suis fils de maraudeurs ! Fils de chasseur de dragon ! Qu’est-ce que ça peut me faire des yetins ou des armadaïs ?JE VAIS QUITTER LA HALTE !!!! Après 3 jours à leur tanner les fesses, ils ont fini par céder. Je partirai donc avec eux, direction la Citadelle ! Azazor m’a montré la carte de la route qu’ils suivent depuis tout ce temps. Ça passe d’abord par l’Avant-Poste de la Falaise Nuageuse. Ils me laisseront là-bas et je devrais me débrouiller ensuite tout seul pour continuer. Azazor m’a dit qu’il aimerait bien que je continue avec eux jusqu’à la Citadelle, mais Eeri, la fyrette, ne préfère pas. Parait qu’elle a pas confiance. Azazor m’a rassuré en me disant que la confiance, je la gagnerai en chemin et qu’Eeri changera peut-être d’avis une fois qu’on sera arrivé à l’Avant-Poste. Maman, si tu reviens un jour de la Grande Flaque, je te laisserai mon journal intime, pour que tu saches que je t’aime. Mais mon destin m’attend, loin à l’est, chez les maraudeurs. Je veux vivre comme papa.Le grand départ arrive. J’ai fini de charger Polly avec ma viande séchée. Mes deux nouveaux compagnons l’ont goûté et ont adoré. C’est des bouchers chez eux, entre autre métier qu’ils exercent. Ma viande doit donc être exceptionnelle. Je vais t’ouvrir un marché à l’avant-poste de la falaise, ça va être la folie ! Allez, qu’est-ce que je peux écrire comme phrase ultime sur mon journal ? Un truc qui en jette. Je sais, la phrase que m’a dit Azazor quand Eeri a dit que ce serait trop dur pour moi de les accompagner.Ne souhaite pas que ce soit plus facile, souhaite que tu n’en sois que meilleur. Ouais, je sais que je vais en baver. Mais quand j’arriverai à la Citadelle, je serai un autre homin. Fort et fier, comme mon père !
Edité 4 fois | Dernière édition par Azazor (il y a 2 ans).
#27 Ajouté par Eeri il y a 2 ans
Germinally ..., 4th AC 2619Je lui avais dit de mettre un casque.Si seulement. La bête aurait arraché le casque, et sa tête serait encore sur ses épaules. Qui sait.Mais dey, j’ai chaud sous mon casque, ça me démange, il a dit.Cela fait cinq jours que nous marchons, Azazor et moi, sans dire un mot, sans même presque rien avaler. J’ai l’impression de voir les yeux de ce Titus en face de moi, dans la brume. Ses yeux exorbités de terreur sur sa tête sans corps, un flot de sang imbibant sa bouche encore ouverte.Et dire, j’en ai vues, des choses dégueulasses. Des scènes de torture, des morts atroces, des membres voler. Tiens, quand j’étais jeune légionnaire, la fois où Icus avait tranché le bras d’une matisse, avant de lui ouvrir les veines du cou une à une. Le sang avait giclé sur mon armure, et on lui avait dit de ne pas revenir. On a rigolé. Et évidemment, elle est revenue. On a recommencé jusqu’à ce qu’elle ne revienne plus.Si seulement on pouvait arriver à la falaise nuageuse, et voir un Titus tout frais, ramené par je ne sais quelle puissance… Peut-être par les maraudeurs ? Mais ça me semble peu probable qu’il ait un cristal, et quand bien même il aurait celui de son père, que celui-ci soit actif.Sur le moment, je n’ai pas eu le temps d’enfiler mes amplificateurs et d’essayer de le soigner. La bête était déjà loin, emportant son corps. Je sais maintenant que ça aurait été vain. Aucune magie de soin, même la plus puissante qu’il soit, ne peut recoller une tête sur un corps, autrement qu’en passant entre les mains des puissances. Nous avons donc fui, emportant les mektoubs, et laissant sa tête là où elle était tombée. Si Jena ou Ma'Duk l'avaient rappelé à eux, son visage terrorisé aurait déjà disparu en poussière fine, dégageant cette lueur bleutée.J’ai peur. Nous avons peur. Mais il faut avancer. On ne le reverra plus. Mis à part dans ma propre folie, ses yeux dans la brume, et ma propre voix qui ressasse dans ma tête : "‘si tu tombes ici, tu ne reviendras pas.".D’après nos estimations sur la carte, l’avant poste devrait encore être à cinq ou six jours de marche. Jamais je ne me suis autant réjouie de rencontrer des maraudeurs.
Edité 2 fois | Dernière édition par Eeri (il y a 2 ans). | Raison: Traduction en Anglais par Nilstilar / English Translation by Nilstilar
#28 Ajouté par Azazor il y a 2 ans
#29 Ajouté par Eeri il y a 2 ans
fin de Nivia, 4th AC 2619. Ou déjà 2620?Nous y voilà, nous sommes chez les maraudeurs.Depuis que nous sommes arrivés, nous avançons de surprise en surprises. Certaines plus désagréables que d’autres.La plus inattendue, c’est qu’Azazor a été de bien meilleure humeur ces derniers jours. Nous parlons plus calmement, et nous nous sommes mis d’accord sur notre ligne de conduite. C’était pas trop tôt. Je ne m’y attendais plus. Le bodoc, il m’a même demandé mon avis, et pas qu’une fois. J’ai cru qu’il manigançait quelque chose, mais j’ai dû me tromper.Bref. Nous avons passé une nuit à flanc de falaise. Je n’ai jamais escaladé une falaise si haute. Nous nous sommes arrêtés à mi-chemin environ, suivant les indications des homins de la Halte, lorsque nous avons pu trouver une plateforme convenable. Puis nous avons encore marché quelques heures le matin avant de trouver cette fameuse nacelle. Là, ça n’a pas été aussi facile.Déjà, il a fallut comprendre ce qu’ils racontaient. Plus on s’éloigne des Nouvelles Terres, plus l’accent est atroce. Toub, et il a fallu qu’on se rende compte que c’était réciproque. Que nous devions parler lentement, avec des mots simples, articuler. Ne pas parler vite en mangeant des mots comme j’avais pris l’habitude de le faire chez les trykers, par imitation.Alors, ils ont descendu la nacelle, et gueulé des trucs d'en haut. À force de gueuler de chaque côté sans se comprendre, ils ont finit par remonter la nacelle avec nous dedans. Elle était bien plus large que celle de la Halte, ce qui nous a permis de tenir avec les deux mektoubs. En arrivant en haut, on a tout de suite senti que les homins en face de nous avaient une autre carrure que ceux de la Halte. Le système de poulies était pourtant similaire, faut croire qu'ils savaient tirer plus fort.Ils nous ont regardés avec des yeux un peu effarés, sans doute à cause de notre accoutrement ou de ce qu'on avait gueulé d'en bas, puis l'un nous a dit qu'ils ne s'attendaient pas à voir un convoi de la Halte avant plusieurs semaines. J’ai laissé Azazor parler, comme convenu. Nous ne sommes pas un convoi de la Halte, même si nous en arrivons. Nous sommes des scientifiques fyros des Nouvelles Terres, nous nous dirigeons vers la Citadelle. Ils étaient visiblement confus, comme on s’y attendait. Ils ont demandé si on avait des marchandises, on leur a vaguement expliqué ce que l’on transportait, un mektoub chargé de sacs de viande d’Armadaï. De derrière eux est arrivé un matis le pas un peu pressant et l’air sévère."c’ui là, je l’aime pas" j’ai chuchoté à Azazor. Deux heures plus tard, on était fixés, j’avais entièrement raison de pas l’aimer.Celui là, c’est Ostini. C’est une sorte de chef des gardes, ou plutôt c’est l’un des sous-fifre du chef du clan qui possède l’avant-poste, les Passeurs, comme ils se font appeler. C’est toujours comme ça avec les homins. Donne leur un peu de pouvoir, ils s’emploieront à dévaloriser les autres pour conserver le petit bout de privilège qu’ils ont en plus. Au final, Ostini a posé les mêmes questions que ses homins, employant un ton condescendant et obséquieux. Un bon matis du genre de ceux qui m’avaient manqué depuis notre départ. Après quelques minutes, nous avons compris qu’il ne s’intéressait qu’aux marchandises que l’on pouvait transporter, et comprenant que nous n’étions pas des marchands, il nous a alors demandé de payer notre séjour ici. Un sac de viande d’armadaï par personne et par nuit. On lui a donné deux sacs du mektoub de Titus, sans rechigner. Celui-là ne viendra plus les réclamer, sauf dans mes cauchemars. Ostini nous a fait un topo des règles de l’avant-poste. Ils nous laissent nos armes, mais nous devons les garder rangées lorsqu’on est à l’intérieur de l’enceinte, ainsi que deux ou trois trucs relativement logiques, l’eau est rationnée et il nous faudra la payer. Nous sommes libres d'utiliser le dortoir, la taverne, et un hall en partie ouvert qui sert de lieu d’échange, de marché. Il nous a montré le dortoir où l’on pourra rester, en précisant de nouveau : tant qu’on a de quoi payer.Nous avons donc pu arriver au centre de l’avant-poste. Il y a en effet six bâtiments dont deux visiblement réservés aux membres du clan, disposés en cercle à l'intérieur des murs d'enceinte. Une tour de guet, le marché, l'auberge, le dortoir. Rien de bien joli, comme à la Halte. Un style plutôt fonctionnel, mais certains détails ressemblant vaguement à ce que les maraudeurs construisent dans les nouvelles terres."Deux sacs par nuit, on ne va pas faire long feu", j’ai chuchoté à Azazor.À ce moment mes yeux se sont posés sur deux étranges silhouettes qui passaient plus loin, entre deux bâtiments. Deux silhouettes étrangement familières.J’ai eu un moment d’inattention, comme si j’avais cru rêver. Azazor m’a dit des choses que je n’ai pas intégrées sur le moment. Il me les a répétées plus tard : on allait peut-être passer plus de temps que prévu ici. Par exemple qu'on devrait se faire embaucher comme bouchers ou cuisiniers à la taverne pour payer notre séjour, le temps d’organiser et surtout de récupérer notre énergie après plusieurs semaines dans la Mer de Bois.Les silhouettes, entre-temps, avaient disparu. Sur le moment, Azazor ne m’a pas crue. Quoi, des Fraiders? Qu’est-ce qu’ils foutraient là? Tu es sûre? Que feraient-ils dans un camps maraudeur? Nous sommes entrés dans ce dortoir. C’est très rudimentaire, mais ça sera toujours mieux que de passer une nuit en bas. Je profite d’un moment de repos pour écrire ces lignes, puis nous irons à la taverne. J’ai un plan.
#30 Ajouté par Azazor il y a 2 ans
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