ROLEPLAY

L’été prenait ses aises sur l’Ecorce, écrasant la sciure sous ses vagues de chaleur.
Réfugiée près du Lac Supérieur, Krill tentait d’en tirer un peu de fraîcheur tout en forant sans grande conviction.

Malgré son habituelle insouciance, la Trykette ne pouvait s’empêcher de repenser à ce qu’elle avait appris lors de la réunion de réouverture de l’ASA au bois d’Almati. Ou plutôt, de la N’ASA, puisque Zo’Ro-Argh avait choisi de reformer l’association scientifique sous ce nom après l’Exode imposé par le Second Essaim.
La séance avait surtout consisté en une présentation de ce qu’était la Association, et ce qu’en attendait éventuellement les homins présents. L’ambiance avait été globalement studieuse.
A un détail près.
Et tandis que sa pioche extrayait diligemment les ambres et les graines de la sciure, Krill ruminait en songeant aux paroles d’Anyumé.

Elle avait rencontré la jeune Fyrette pour la première fois lors d’une soirée mémorable chez Lydix, après l’expulsion des derniers kitins du Désert.
Les Légions Fyros avaient fêté l’évènement en grande pompe, offrant à tous de se désaltérer à volonté, sur le compte d’Icus, au bar de Pyr. Krill ne s’était bien sûr pas faite prier, et avait retrouvé sur place plusieurs représentantes du groupe Centor, dont la dernière membre en date : la jeune Fyrette qui s’était présentée sous le nom d’Anyumé.
Celle-ci s’était révélée une convive agréable, bien que préférant le jus de fruit à la bière, et discrète, voire effacée.
Krill sourit malgré elle au souvenir de cette soirée.
En toute honnêteté, dans une taverne pleine de légionnaires très éméchés, la plupart des homins auraient paru discrets. Et elle avait elle-même contribué à rendre le groupe Centor pratiquement invisible en acceptant d’affronter Icus dans un combat à mains nues improvisé.
Sans surprise, elle avait pris une bonne raclée. Mais elle avait tenu suffisamment longtemps. Et Stcentor avait profité que tous les légionnaires encourageaient les combattants – certaines homines avaient même pris le parti de Krill contre leur chef – pour faire sortir discrètement du bar plus d’une vingtaine de tonneaux de shooki de première qualité, aux frais de la Légion bien sûr, et les expédier en direction des Lacs.
Que représentaient quelques bleus, même de bonne taille, comparés à vingt-quatre, oui vingt-quatre tonneaux gratuits du précieux breuvage de Lydix. Du grand art, vraiment, à porter au crédit du groupe Centor. Anyumé incluse.

Depuis, Krill avait croisé ou aperçu la jeune Fyrette à deux ou trois reprises sur l’Ecorce. Mais sans jamais s’attarder.
Jusqu’à la réunion de la N’ASA.
Jusqu’à ce qu’Anyumé apporte une nouvelle qui avait touché tous les anciens de l’ASA présents, même si la plupart d’entre eux s’y étaient plus ou moins attendus.

Laofa Lachlan était morte.

Krill releva la tête pour essuyer les gouttes de sueur, ça ne pouvait pas être des larmes, sur son visage, et avisa soudain un torbak qui approchait sournoisement. Elle s’extirpa en urgence de son trou pour se réfugier juste à temps dans l’eau agréablement fraîche du Lac Supérieur.
Le torbak, déçu, partit à la recherche d’une autre proie, et la petite homine reprit son forage. Et le fil de ses pensées.
Même si la Zoraïe avait toujours gardé certaines distances, la Trykette avait apprécié sa collègue de l’Onde, et l’avait considérée comme une amie. C’était grâce à elle que Krill avait enfin mis par écrit la description de quelques unes de ses sorties préférées dans les Lacs. Et Laofa avait eu un sens de l’humour bien plus proche de celui des Trykers que l’on aurait pu s’y attendre de la part d’une représentante de sa race. Sans compter qu’elle aussi appréciait les boissons alcoolisées, et qu’elles avaient fait ensemble quelques tests particulièrement intéressants, à Thesos et ailleurs.

Krill jura soudain lorsque sa pioche se brisa sur une racine rebelle.
Décidément, ce n’était pas un bon jour pour forer. Mieux valait rentrer.
Elle irait sur les hauteurs de Vertval. Elle emmènerait le mélange de jus de baies et de rhum de stinga qui les avaint tant fait rire quand Laofa lui avait fait découvrir la balade. Et elle le boirait en souvenir de la Zoraïe éternellement curieuse, et de tous les amis morts pendant l’Essaim.

« Tant que je me souviendrai de toi, tu vivras en moi. »

Zo'ro-argh se joint à ce pénible souvenir...

Il se souvient trop clairement de ce courageux adieu lancé par Reedeek,
de cette peine incommensurable de Glorf effondré devant la dépouille de son empereur...
Il se rappelle cet horrible déchirement quand Loyann lui apprit la « disparition » de Laofa alors qu'il essayait de ranimer l'ami de Vrana et qu'il ne pouvait se permettre la moindre distraction qui eut pu être fatale...
Et puis il y a eu ceux de sa guilde, disparu au cours du deuxième essaim...
Non, il n'avait pas le courage encore d'écrire tout ça...
Et ce n'était pas une stupide perle de sueur qu'il essuya rageusement... il ne forait plus souvent.

Mais heureusement, il restait des amis survivants... il les retrouverait.

Merci pour ce témoignage Krill.