ROLEPLAY


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#1 [fr] 

Nejimbé referma les portes du hall. Protection dérisoire contre les kitins qui risquaient d’envahir la ville, elle le savait, mais c’était un rituel qu’elle accomplissait chaque fois qu’elle partait et s’accrocher aux petits rituels, quand tout ce qu’elle connaissait menaçait de disparaître, l’aidait à tenir debout.

Tenir l’Entrepôt du Comptoir Tenant avait été un bon boulot. Les comptes étaient facile à tenir, l’activité réduite, la paie régulière et tout se déroulait à Zora. Des chiffres bien ordonnés, pas de surprise, pas de voyage : une vie parfaite pour la jeune comptable. Cela aurait pu continuer durant des cernes sans la déranger. Mais il avait fallu que les kitins se réveillent.

Son cousin Likio l’attendait en bas de la rampe de l’immeuble, dans une armure un peu trop petite pour lui.
-Nejimbé, je ne voudrais pas paraître impatient, mais la route est longue et dangereuse jusqu’à Pyr. Si on ne se dépêche pas, les autres risquent de partir sans nous.
-C’est peut-être un peu exagéré tout ça, non ? J’ai vu les installations des kamis. Les kitins ne rentreront pas à Zora.
-Mais on ne va pas tenir un siège de plusieurs années ici, de toute façon. Allez, viens... On trouvera bien à employer une comptable dans un camp de réfugiés !

Nejimbé et Likio, bien que cousins éloignés, partageaient un point commun qui les avaient rapprochés à de nombreuses reprises. Ils étaient profondément attachés à la Jungle. Likio venait de Min Cho, Nejimbé avait grandi à Zora, et aucun des deux ne voyait l’intérêt de partir sur les routes. Le jeune homin avait un aphorisme qui tenait lieu de devise : pourquoi aller chercher l’Illumination ailleurs, quand on peut la trouver chez soi ?
Nejimbé s’exaspérait parfois de la piété de Likio mais elle était d’accord sur le fond. Zora avait tout ce qu’il fallait pour qu’on y soit heureux, pas besoin de courir l’Écorce.
Hélas, ça voulait dire qu’aucun d’eux n’était jamais allé à Pyr. Pas de pacte kami pour arriver sereinement à destination...

La Route de l’Exode avait donc commencé pour les deux zoraïs par une traversée vers Pyr.
-Heureusement que Laofa a insisté pour nous faire faire les courses de colis, soupira Likio après une folle course pour échapper à des kitins entreprenants. Si nous n’avions pas appris à nous déplacer furtivement... jamais nous n’aurions traversé la rampe de Desertstock.
-Mais c’est loin d’être fini. Le Désert commence à peine. Il va falloir éviter de se perdre. Nous n’avons ni le temps, ni l’eau, ni les vivres pour faire un détour.

Varinx et Zerx tentèrent de croquer les deux homins à une ou deux reprises. Likio prit le mauvais embranchement aux Tours Frahars et la traversée se rallongea de quelques heures. Oflovak, enfin, fut en vue.

-A partir de là, c’est facile. On aperçoit déjà la Racine de Pyr.
-On aurait du faire appel à la Lune. Quelle galère ! grogna Nejimbé. Et cette sciure ! Comment font les fyros pour la supporter ? Et ces horribles bestioles...
-Oui, oui... on rentrera chez nous un de ces jours, mais encore un petit effort ! Ma-duk va nous donner la force !

La zoraïe leva les yeux au ciel d’un air exaspéré mais ne dit rien. Si Ma-duk était dans le coin, il se faisait discret. D’ailleurs, si Ma-duk pouvait virer les kitins et lui permettre de retourner à ses comptes et son thé, ce serait parfait.
Mais le Grand Créateur semblait peu soucieux d’exaucer ce genre de prières...

Enfin, Pyr, et à ses portes, un flot de réfugiés. Des jeunes, des vieux, des guerriers, des foreurs, des gens équipés d’armures toutes neuves et d’autres déjà bien cabossées, des armes de bric et de broc, mais aussi des lames de légende.
Likio aggripa le bras de sa cousine :
-Regarde ! C’est Mabreka Cho ! C’est lui !
-C’est un homin, tu sais. Comme toi et moi.
-Né... c’est...

Comment expliquer avec le simple taki ce que Mabreka représentait aux yeux du jeune kamiste ? Mais Nejimbé s’était toujours moins intéressé aux homins qu’aux chiffres, religion qu’elle ne pourrait pas non plus expliquer à son cousin. Elle le poussa en avant :
-Va le voir, tu en meurt d’envie. On se retrouva à l’Oasis des Kamis.

Puis elle disparut dans la foule.

Likio s’approcha, reconnaissant des homins de Zora. La zoraïe blanche, réveillée juste à temps pour fuir, la mère d’une des Eveillée, et d’autres encore qu’il avait croisé sur la place d’Highmart. Rassemblés autour de leur dirigeant, veillant à ce que les blessés et les plus âgés soient constamment entourés et protégés, la troupe se mit en marche.

Likio n’était pas un combattant excellent. Il était encore plus piètre guérisseur. Il se souvint de la Légende de Bredi le Brave et y puisa la force de tenir son rôle. «Pour un coup que je prend, c’est un coup qu’un meilleur combattant ne prend pas et cela lui laisse peut-être le temps de donner deux coups de plus à notre ennemi» avait dit le petit tryker. Et de se jeter ainsi sur un Exterminateur, hurlant plus fort que la bête pour attirer son attention et la détourner des autres guerriers.

Ainsi Likio se retrouva bien vite dans l’avant-garde. Terrifié au fond de lui-même en se retrouvant si petit face aux monstres de chitine, il levait bravement son épée à deux main et faisait ce qu’il pouvait pour toucher. Plus d’une fois, il se retrouva perdu dans une forêt de pinces et de griffes kitins, mais les sorts de soins continuaient de le soutenir, de refermer ses blessures et de l’aider à continuer.

Puis Dexton tomba. Le zoraï était juste à côté de lui à ce moment, et voir tomber cet homin si fort qui tranchait les carapaces comme si elles étaient en mousse, ébranla la confiance de Likio. Pourquoi ne se relevait-il pas ? Pourquoi ?
Les kitins du moment furent décimés en quelques instants sous la rage qui s’empara des fyros présents, mais Dexton restait à l’écorce. A présent, les homins conjuguaient leur effort pour le soigner... Puis la Ranger, Orphie, le déclara mort. Mort ? Comment étais-ce possible ?
Dexton était connu pour être pieux et servir Ma-duk avec dévotion. Pourquoi les Kamis ne le ramenaient-ils pas ?

Likio compta alors les homins qui restaient. Beaucoup étaient tombés. Leur troupe était encore importante... mais moins qu’avant. Il compris que comme Dexton, beaucoup ne se relèveraient jamais. Trop de mort, trop à faire... les Kamis ne pouvaient pas endiguer le flot de destruction qui soufflait sur Atys.

Il chercha des yeux Nejimbé, sans arriver à la voir, et sentit la glace s’emparer de son cœur.
«Je n’aurais pas du la laisser rejoindre les Tenants... la garder à nos côtés, protégé par la sainteté de Mabreka...»

Il n’avait pas le temps de pleurer. Il fallait continuer. Rejoindre l’oasis au plus vite, fuir de ces Terres envahies par les insectes.

Trois énormes nids barrait la route, recouverts d’un cauchemar de mandibules claquantes et de chitine luisante. La rage et le désespoir portaient les guerriers et le zoraï suivit le mouvement, sans chercher à réfléchir. Coup d’estoc et de taille, pique et tranche ! Sa lame dérapait sur les carapaces trop dures, mais cela suffisait pour énerver les kitins, les détourner un instant d’un autre. Il avait mal, il avait l’impression que les soins étaient moins efficaces qu’avant... Mais oui, ses blessures se refermaient moins vite ! Les kitins avaient du les déborder !

Avant d’avoir eu le temps d’analyser plus, un kirosta le transperça de part en part, puis le rejeta, pitoyable marionnette mordant la poussière du Couloir Brûlé. Recroquevillé dans la sciure, l’acide lui rongeant les intestins, Likio sentit ses forces l’abandonner peu à peu. Tout devenait plus froid, les bruits étaient assourdis...
-Ma-duk, ne m’abandonne pas... Ma-duk, je t’en supplie, ne m’oublie pas...
Le zoraï sanglotait, terrifié à l’idée de ne pas se faire relever. Les secours n’arrivaient pas. Seuls les kitins faisaient entendre leurs cliquetis tandis que sa sève et son sang le désertaient.

Peu a peu, la certitude que la fin approchait l’envahit. Étrangement, avec cette certitude, la peur disparut. Likio ferma les yeux. Il avait chaud à présent, il n’avait plus mal et son corps lui paraissait lointain.
-L’Âge d’or Kami... Renaître au sein de Ma-duk.

Un sourire se dessina sur son masque maculé de suie et de sève. Puis sa graine de vie cessa d’exister.

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#2 [fr] 

Zelinya avait retrouvé sa sœur, Acherontia. Retrouvailles froides, cette dernière ne pardonnant toujours pas l’abandon de la première. Sibyl avait bien tenté de l’amadouer, sans trop de succès.

Puis les kitins avaient déferlé sur Yrkanis. L’appel aux armes avait retentit. Sibyl, leur cousine, était terrifiée, et la peur la tétanisait. D’un geste rude, Acherontia la secoua :
-Si tu ne peux rien faire d’autre que de rester dans les jambes des guerriers, dégage de là ! Va rejoindre les frahars dans le désert et fuit !

Sibyl la regarda, choquée. Zelinya lui toucha alors le bras, gentiment :
-Elle n’a pas tort. Rejoint la route de l’Exode tant que c’est possible. Tu es une journaliste, pas une combattante... Va, on se retrouva plus tard !

La jeune matisse rousse avait déchiré un de ses pactes pour la capitale fyros, laissant les deux jumelles ensemble, se jaugeant mutuellement.
-J’espère que tu as appris deux trois choses durant ta détestable escapade, jeta Acherontia d’un air dédaigneux.
Sans rien dire, Zelinya mit ses amplificateurs. De beaux amplificateurs d’une belle qualité. Elle regarda l’épée de sa sœur. L’épée à deux mains des Rangers, Feu et Colère, une excellente lame, mais...

Les deux sœurs se défièrent du regard, miroir parfait l’une de l’autre malgré leurs divergences d’opinion. Zelinya la première céda. Cela, au moins, n’avait pas changé. Elle fit un petit sourire :
-Pour Jena.
-Et pour Yrkanis, soupira Acherontia.

Les jumelles rejoignirent les matis et la Karavan qui défendaient la capitale des premiers assauts. Zelinya surveillait attentivement sa sœurette, inquiète de la voir encore si peu expérimentée au combat. Pour sa part, l’entraînement de l’antekami avait été dur, mais fructueux. Elle se remettait à peine de son exil dans la jungle et commençait enfin à voir des effets positifs à sa désastreuse expérience.

Les kitins se moquaient bien que les deux matisses n’aient pas eux le temps de fêter leur retrouvailles. Vague après vague, ils avançaient, piétinant les corps des homins tombés sous eux. Acherontia restait concentrée sur son épée et son ennemi, compensant sa faiblesse par une précision accrue, une attention de tout les instants. Mais Zelinya n’avait pas la même rigueur et ne pouvait s’empêcher de voir les gardes karavaniers à terre, inertes. Envoyer des sorts de soin sur les élus de la Karavan n’avait jamais d’effet... mais hélas les kitins, eux, en avaient.
-Jena, nous n’y arriveront pas...

Les monstres avaient passés les portes de la ville et détruit les fortifications. La dernière ligne homine se brisa et s’éparpilla, poursuivi par des kirostas, tandis que les kipestas incendiaient les bâtiments.

Acherontia et Zelinya se retrouvèrent blotties sous une des maisons-bulbes.
-C’est fichu, grommela la première. Pas de chef de guerre compétent, une armée sous-entraînée. Il n’y a aucune chance de renverser le cours de la bataille.
-Il faut partir, Ach... A l’Oasis, rejoindre les autres réfugiés. On reviendra libérer notre pays quand on sera plus fortes.

Acherontia garda le silence un instant, regardant d’un air froid les kitins qui allaient et venaient. Aucun d’eux pour le moment ne les avaient encore repérés ; quand ce serait le cas, il n’y aurait plus rien à faire.

-Tu te souviens de notre projet, Zel ?
-Oui, je m’en souviens... Tout a mal tourné.
-Nous devions nous entraîner ensemble. Nous étions les Élues de Jena. Nous étions celles qui allions relever le Royaume et lui donner la gloire qui lui revenait. Toutes les nations et toutes les races se seraient inclinés devant la suprématie matisse.
-Et chaque homin aurait reçu la bénédiction de la Déesse... je me souviens, sœurette.
-À moi, l’art de la guerre, à toi, l’art des mots, afin que nul ne nous résiste et que ceux qui ne nous rejoindraient pas périssent.
-Je me souviens... Mais il faut fuir à présent. Mortes, nous ne pourront jamais accomplir notre destin.
-Tu as ton pacte pour Pyr ? Sort-le.

Zelinya sortit le pacte karavan de son corsage. Le billet vers le salut... Une fuite honteuse, mais mieux valait fuir et être en vie pour accomplir sa destinée ensuite, que mourir pour rien, sans même que la mort change quelque chose pour les autres.
Acherontia pris sa sœur dans ses bras, la serra fort contre elle, dans une étreinte qui n’avait rien d’habituel.
-Tu as raison. Il faut vivre. Jena n’en a pas fini avec nous. Elle n’a même pas eu le temps de commencer.

Elle posa les mains sur celles de Zelinya, et lui fit déchirer le pacte. Zel regarda alors Acherontia, comprenant soudain :
-Tu n’as pas de pacte pour Pyr...
-Mon destin est sur les Terres matis, et nul part ailleurs. Tant qu’Atys ne sera pas entièrement matisse, je n’irais pas ailleurs. J’ai fait le serment de ne jamais dépasser les limites du Royaume, et de les repousser chaque fois que je voudrais voir de nouveaux paysages. Bonne chance Zelinya. Propage la Parole de la Déesse, et reviens-moi avec une armée cette fois, au lieu de tes larmes.
-Acherontia, non !!!

La téléportation interrompit leurs adieux et laissa Zelinya seule à l’altar de Pyr.
-Noooooooonnnnn !!!!

Il n’y avait rien à faire. Rien d’autre que de croire que tout se passerait bien. Comme tant d’autre, Zelinya se retrouva dans le convoi en direction de l’Oasis Kami. Elle fit partie de ceux qui l’atteignirent. Avec dégoût, elle vit les téléporteurs trytonnistes se mettre en marche.
«Être sauvé par ces hérétiques... y’a-t-il insulte plus dure ? Mais il faut vivre, s’accrocher encore... Porter le message de Jena et reconquérir nos terres lorsque nous seront prêts !»

L’arrivée dans le camp Ranger des Anciennes Terres, enfin. La douleur lancinante dans le cœur de Zelinya dut à l’absence de sa sœur se faisait à chaque instant plus pénible. Elle s’écarta des autres réfugiés pour dissimuler ses larmes.
-Acherontia, je suis tellement désolée... Tu avais raison, j’avais tort, et j’ai été idiote de partir sans toi de Silan. J’étais si arrogante de croire que je pourrait m’en sortir sans toi... Je me suis retrouvé à fréquenter la lie de l’hominité, des sauvages, des kamistes, des maraudeurs, pas un seul matis de sève, pas même de karavanier pour me soutenir... Acherontia, pardonne-moi, ne m’abandonne pas...

Comme si évoquer sa sœur suffisait à raffermir le lien qui les unissaient, elle sentit la présence de sa sœur. Comme si elle était à côté d’elle. Comme lorsqu’elles étaient enfants et savaient, chacune à un bout d’un champ, ce que regardait l’autre. Leur lien de gémellité, renforcé par la foi en Jena et l’énergie propre à Atys, leur conférait une quasi ubiquité dans les moments d’intense émotion, pourvu qu’aucune de tente de couper le lien. Mais pas de papillon ou de fleur à partager aujourd’hui. Juste les kitins, qui poursuivaient leur œuvre de destruction de la capitale matisse, méthodiques et sans pitié. Acherontia était près du téléporteur, coude à coude avec les officiers Karavan et quelques autres citoyens qui avaient refusés d’abandonner le joyau du Royaume aux hordes insectoïdes, dernière poche de résistance absurde face à l’inéluctable. Impuissante, Zelinya vit par le lien de sa sœur chaque homin tomber, brûlé, transpercé, déchiqueté ou broyé par leur ennemis. Acherontia elle-même tomba au sol et nul ne pouvait la relever.

Dans la paix relative du camp de réfugié où elle se trouvait, Zelinya se releva soudain, hurlant le nom de sa sœur. Tandis que des homins accouraient et tentaient de calmer la matisse qui se tordait de douleur, bien qu’aucune blessure ne soit visible, Zelinya s’accrochait au lien avec son alter-ego, refusant sa dissolution progressive, refusant de rester sans rien pouvoir faire.
-ACHERONTIAAAA !!!

Alors les dernières pensées de l’homine lui parvinrent, ultimes fragments adressés à celle qu’elle n’avait cessé d’aimer, jusqu’à la fin, plus fort encore que sa déesse ou son pays :
-Je te pardonne, sœurette.

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#3 [fr] 

Babylonia jeta un dernier regard à son imprimerie, le cœur serré à l’idée d’abandonner tout ça aux kitins. Le dernier exemplaire de ZoraMatch était prêt à être tiré, un ramassis de scandale et de potins que nul homin n’aurait l’occasion de lire. Elle soupira. Alors que son petit commerce marchait enfin tranquillement, il avait fallu que la pire des concurrences décide de s’installer dans sa ville : les kitins. Voilà le genre de concurrence vraiment déloyale : impossible de les acheter, de les dénigrer ou de leur faire des procès.

Elle avait déjà renvoyé depuis longtemps les garçons de course et les petites mains qui l’aidaient régulièrement. Des gamins, souvent trop jeunes pour comprendre que tout ça n’avait rien d’un jeu. Que deviendrait Babylonia, imprimeuse sans presse, sur les routes de l’Exil ? Rien, elle le savait. Sa vie respectable et le petit confort quotidien était du à son boulot de nuit. De longues nuits à inspecter les épreuves, pour devoir au final tout abandonner à des bestioles incapables de lire leur nom.

Babylonia devait mettre la clé sous la porte, au propre comme au figuré. Qu’on se demande dans quelques cycles ce qu’elle était devenue ! Elle savait que ce n’était pas ses clients qui la pleureraient. On ne pleure pas pour des dappers, à moins d’en perdre vraiment beaucoup.

Elle sortit par la porte de derrière, enfilant son casque au passage, faisant ainsi disparaître tout ce qui faisait d’elle Babylonia, pour devenir...

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#4 [fr] 

Une Ombre parmi la corporation des Ombres, en charge du commerce international. Elle se demandait ce que ferait Igaara, Nazkeiir, Barrakha, Litia, Nherian et tous les autres. Bon, c’était surtout de la santé des chefs de district dont elle se préoccupait : les retrouver serait un plus pour organiser les relations commerciales parmi les réfugiés.
Murmur se frotta les mains. Cet Essaim était une aubaine. Cela allait éliminer les concurrents qui restaient, augmenter les demandes de toutes sortes, bref faire fructifier le commerce. Bien sûr, quelques esprits avisés verraient aussi que le moment était propice au développement des affaires, mais Murmur avait eu le temps de peaufiner la défense de ses affaires. La Corporation aurait pu avoir comme devise «Rejoignez-nous ou disparaissez».

Bien sûr, ce serait étrange de ne plus traiter des affaires en plein soleil, dans le confort de locaux aérés ou sur une plage avec un bon coktail. Mais l’adaptabilité au terrain était une des conditions essentielle à la conquête de nouveaux clients. Faire passer pour respectable et absolument sans conséquence des choses dont les gens avaient besoin, ou envie, ou même ne savaient même pas encore qu’ils en voulaient... Elle avait la partie la plus facile en plus, puisqu’elle se chargeait surtout des échanges proprement dit. Trouvez des substances planantes ou des homines accortes, c’était le boulot d’autres chef de district. D’où l’intérêt de les retrouver.

Sans un regard en arrière pour son ancienne vie, Murmur partit rejoindre les Arc-en-Ciel et autres fariboles utiles à l’expansion d’un commerce plein de promesse. Sous son casque, elle souriait largement.

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#5 [fr] 

Zirania reçu l’izam alors qu’elle donnait un dernier coup de main aux Rangers pour rentrer des sacs de provisions. Silan était prête à accueillir la masse de réfugiés qu’on annonçait. Elle espérait que le plus grand nombre possible atteindrait leur havre de tranquillité. On serait peut-être un peu à l’étroit, mais ensemble et unis.

Elle rejoignit Yunka qui s’entraînait avec les fyros à manier sa lourde lame de feu, agitant l’a lettre pour la motiver à arrêter.

Elles attendaient toujours d’être ensemble pour ouvrir les lettres de leur sœurette. C’était agréable de retrouver l’illusion d’être toutes les trois un instant. Parfois aussi, à la lecture de certaines histoires, il fallait bien la tempérance de l’une ou de l’autre pour ne pas prendre le premier téléporteur venu et descendre mettre une fessée à la petite sœur ! Mais la téléportation entre Silan et le continent était malaisée et il fallait une bonne raison pour l’utiliser. Et ne jamais en abuser. Yunka et Zirania avaient fait le choix de devenir rangers et d’aider ceux qui arrivaient sur Silan ; elles ne briseraient pas cet engagement. Même si parfois, c’était dur.
Et ce jour-là, l’envie de descendre chercher leur petite sœur et de la ramener par la peau du cou fut forte.

Chère Zirania, chère Yunka et chers vous tous, silanais,

J’espère que cette lettre vous trouvera en bonne santé et plein de force !
C’est sans doute un des derniers izams que je pourrais vous envoyer avant longtemps. Les kitins ont envahi les terres et le moindre voyage devient une aventure, même pour les guerriers les plus expérimentés. Même les izams ont du mal à passer... Il paraît que dans quelques jours, les réfugiés vont entamer la route de l’Exode. J’espère que tout se passera bien pour eux ; nombre de mes amis ont choisi cette voie.
J’ai pris la décision de rester dans les Nouvelles Terres, comme je vous le racontait dans un précédent izam (mais l’avez-vous reçu ?). Je ne le regrette pas. Le clan dans lequel je me suis installé est plein de potentiel. Mais surtout, il n’a pas trop de casse-pieds. Bon, ce sont des maraudeurs, je ne vous mentirais pas, il faut régulièrement se battre pour des choses idiotes, mais je crois que je suis relativement bien acceptée. Je sais que les Larmes ont établis un camp pas très loin, si la situation devient trop dure, je les rejoindrait. Verica est avec eux ; je ne sais pas ce qu’elle arrive à forer dans la situation actuelle !

Pour le moment, tout va bien. Ma maladie ne me fait quasiment plus souffrir. Les plantes aident, mais je crois que c’est le rituel que j’ai fait l’autre jour qui a le plus servi. Je l’ai noté dans le lot de carnet que j’ai passé à Loyann et dans les doubles dont vous avez la localisation. J’ai l’impression d’arriver à cohabiter avec la Goo, à présent, sans que ce soit une incessante bataille. Je te connais assez, Zirania, pour savoir que tu fronce le masque en lisant ça : je te rassure, je ne suis pas encore démente ! Bien au contraire... J’arrive enfin à être moi-même quasiment tout le temps, quelle que soit la quantité de stress que je doive gérer. C’est un soulagement incroyable... En attendant de trouver comment guérir réellement !

J’ai reçu hier une, heu... invitation à rencontrer quelques maraudeurs des Anciennes Terres. Les maraudeurs ont toujours une façon bien à eux d’inviter à papoter... Mais je pense que c’est amical. Cela a sans douté été motivé parce que je n’arrête pas de raconter des histoires aux gamins du clan : un bon conte, quand on a plein de soucis, ça détend, non ? Je plaisante un peu, mais si je pouvais accéder à quelques haut gradés, ce serait un plus appréciable. Je ne perds pas espoir de jeter un œil sur leur technologie et leurs diverses recherches. J’ai à présent assez de données sur leur culture pour écrire une thèse ; l’excuse du reportage n’a plus beaucoup de sens. A moins de décrocher quelques interview exclusives de certaines célébrités mais pour le moment, je me suis faite jeter à chaque tentative ! Avec un peu de chance, demain, je l’aurais, cette entretien !

Les izams agréés Rybambel deviennent introuvables... si vous ne recevez plus de nouvelles, ne commencez pas à vous inquiéter, c’est juste une panne des messagers ! Je tenterais de soudoyer un kami... si j’en trouve. Eux aussi disparaissent. Ces boules de poil me manquent. La Karavan a aussi enlevé ses équipes et vaisseaux d’un certain nombre de téléporteurs. Je n’ose plus utiliser mes pactes, du coup, par peur de ne pas arriver...

Prenez soin de vous, embrassez tout le monde là-haut ! Je pense très fort à vous.

Laofa

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#6 [fr] 

HRP
Petite parenthèse HRP pour éviter toute confusion... Nejimbe, Likio, Zelinya, Acherontia, Sibyl, Babylonia, Murmur, Zirania et Laofa sont bien les divers avatars de la même anima, qui se fait appeler Lyz par certains de ses amis en jeu (ce pseudo en vaut bien un autre ^^). Les autres personnages cités ne sont pas de moi... Quand même ! J'ai joué en tout 14 personnages avant l'annonce de la fusion. Enfin, joué... raconté des histoires surtout, la plupart d'entre eux n'ont pas atteint le niveau 20 en combat... Certains ont eu une vraie vie, des amis, voir des guildes, des allégeances parfois très différente de celles de Laofa ; d'autres étaient en gestation, histoires mortes avant d'avoir vécues, comme pour mes deux sœurs matisses.

Aujourd'hui, avec la fusion, la plupart ont disparus. A quoi bon suivre une histoire quand huit ans de destruction remettent tous les compteurs à zéro, quand l'échiquier politique et commercial est remis à zéro aussi et que bon nombre d'histoires perdent leur sens à cause du temps ? Bien peu parmi ces personnages avaient une raison de continuer après le Second Essaim.

Certains ont investi du temps dans des niveaux, moi dans mes contes en jeu... Et pour moi le reset a bien eu lieu. Tout ou presque a été remis à zéro. D'autant qu'il n'y en avait pas beaucoup sur le compte payant... Or le pex, ça m'a jamais vraiment plu. Me reste un individu ou deux à animer... pas forcément les plus sympathiques ou les plus drôles... Ça tombe bien je suis un peu morose ces derniers temps :-/

Ce post est un dernier hommage que je rend à ceux de mes personnages qui ont réussi à acquérir le plus de vie, une façon aussi pour eux de dire adieux à leurs amis (et soulager leurs ennemis). C'est dur de reconnaître qu'il vaut mieux arrêter, plutôt que de sortir des Deus ex machina absurdes.

A part ça, ma schizophrénie se porte bien, merci :)

Il reste une dernière longue fin à conter... et d'autres histoires, ensuite, à démarrer !

Last edited by Laofa (1 decade ago)

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#7 [fr] 

La zoraïe était arrivée, et tout avait changé.
Laofa était unique en son genre. Elle venait des Nations, mais sans être ennemie. Elle ne rejoignait pas pour autant le combat des maraudeurs. Elle avait passé du temps avec eux, à discuter de tout et de rien. Elle venait, passait quelques jours parmi eux, puis repartait, pour revenir encore et encore.

Les maraudeurs s'amusaient de l'étrange attitude de la zoraïe. Elle était faible, et ne le cachait même pas. Quand quelqu'un la menaçait ou la bousculait, elle ne répondait pas, elle se contentait de subir en tremblant. Elle attendait que ça passe, comme les esclaves résignés sur leur sort. Mais Laofa n'était pas résignée. Lorsqu'elle subissait les taquineries, son regard n'exprimait que la douleur ; dès qu'on la laissait tranquille, elle se relevait, secouait le masque et reprenait ses discussions, comme si de rien n'était. Posait des questions bizarres et parfois franchement malvenues. Une ou deux fois, elle énerva assez les maraudeurs pour qu'ils ne la relèvent pas après lui avoir fait sentir le poid de leurs armes ou la puissance de leurs sorts ; au bout d'une heure ou deux, elle revenait de là où elle avait ressuscité, et reprenait sa place dans le clan comme si de rien n'était. Jamais elle ne se fâchait. Jamais devant un témoin en tout cas.

Pourtant, une fois, la petite maraudeuse l'avait vu, par la porte entrebaillée, le visage tordu de colère et de haine à frapper un coussin. La gamine s'était faite discrète. C'était un don précieux dans le Clan de savoir se faire oublier. Elle avait observée la zoraie, qui exprimait tout ce qu'elle retenait devant les autres. L'enfant se demandait pourquoi elle se retenait. Une telle démonstration de rage, combiné à son obstination, prouvait que la grande bleue avait du potentiel et sans doute, un des Maîtres aurait accepté de lui enseigner son savoir. Mais devant les autres, elle se contentait de trembler et de boire quand le courage l'abandonnait.

La petite maraudeuse hésitait entre le mépris et l'admiration. Elle n'arrivait pas à savoir si la zoraïe était faible ou forte. Son comportement n'avais pas de sens.
Le même doute contaminait peu à peu le reste du Clan. Tandis que Laofa continuait ses investigations, les maraudeurs continuaient de la tester, elle. Elle demandait rarement pitié ; une ou deux fois, certains virent son masque se figer, ses yeux se remplir de colère, son corps se tendre, prête à riposter, à montrer ce qu'elle valait... Mais jamais Laofa ne franchit le pas.

Sa douceur perturbait tout le monde. Ce n'était pas comme ça qu'on survivait ; pourtant la zoraïe survivait.

Laofa n'embêtait pas tout le temps les gens avec ses questions. Parfois elle se posait, et se contentait d'observer. Elle notait aussi pleins de choses dans un carnet.

Un jour les enfants lui volèrent le carnet. Il y avait des dessins du camp, de certains maraudeurs, et une écriture bizarre qui ne ressemblait à aucun langage connu. Tout ça n'avait aucun intérêt. Ils avaient abandonné le carnet dans un coin de champ. La petite maraudeuse l'avait ramassé puis l'avait ramené à la zoraie en l'observant. Laofa avait eu l'air soulagé et ravie de retrouver son carnet, mais ne s'était pas non plus mis en colère parce que les gamins le lui avait piqué.

L'enfant lui demanda de lui expliquer ce qu'il y avait dans le carnet.

Et à sa grande surprise, Laofa répondit. Elle expliqua qu'elle voulait montrer aux Nations qui étaient les Maraudeurs, afin que la paix puisse régner. Une sottise aux yeux de la maraudeuse : les nations étaient corrompues et personne de sensé ne voudrait commercer avec les gens de là-bas.
Puis Laofa sortit d'autres carnets de son sac et montra à ceux qui se rassemblaient autour d'elle des pages, des dessins, leur racontant la vie dans les Nations, les conflits entre les Puissances, et un tas d'histoires dans le même genre.

Elle parla longuement et parut étonnée, en relevant les yeux, de voir que non seulement les enfants l'écoutaient, mais aussi nombre d'adultes.

Alors, nuit après nuit un petit rituel se mit en place.
La gamine venait, prenait un carnet au hasard dans le sac et le tendait à Laofa, la regardant d'un air sérieux :
"Raconte !" lui ordonnait-elle.
Laofa racontait. Parfois des contes, parfois des histoires de héros ; parfois elle décrivait la vie là-bas, les habitudes des gens, la manière dont ils vivaient. Les autres enfants arrivaient pour écouter ; les adultes, eux, faisaient semblant de s'occuper à autre chose mais écoutaient aussi.

Certains soirs, des maraudeurs d'autres clans venaient aussi écouter. Parfois même des Chefs. Un jour, la gamine crut même apercevoir Akilia, la fille du Varinx Noir. Mais elle avait sans doute mal vu.

Les menaces concernant un nouvel Essaim se faisaient de jour en jour plus précise. Durant un temps, Laofa fut moins souvent là. Puis les peuples se réunirent au Bois d'Almati et les Maraudeurs firent le choix de se battre. Le lendemain, Laofa revint, et ne repartit plus.

Pourquoi n'avait-elle pas choisi de fuir avec les autres pleutres, elle qui était incapable d'affronter un simple cuttler et qui tremblait à la mention des kinchers ?
Elle disait qu'elle devait finir son reportage. Que leur clan était le seul qui l'acceptait sans condition. La gamine trouvait ça idiot. La zoraïe aurait du fuir se cacher. D'autant qu'il se murmurait qu'elle avait défié Akilia lors de la réunion. Si c'était vrai, c'était surprenant qu'elle soit encore en vie.

Enfin, un jour, Laofa reçut une convocation. Elle paraissait heureuse comme une gamine à qui on vient de donner une sucrerie. Pourtant, se faire inviter par les chefs était rarement bon signe et même parmi les Maraudeurs les plus agguerris, l'idée de devoir adresser la parole à certains Chefs les rendaient nerveux.

Laofa, elle, partit d'un pas allègre, son petit carnet à la main.

La petite maraudeuse ne réussit pas à apprendre comment tout ça s'était passé. Mais, un soir, elle se rendit compte que les adultes chuchotaient beaucoup, surveillaient les alentours d'un air inquiet, se taisaient quand quelqu'un approchait... Bref, il y avait quelque chose de grave dans l'air. L'essaim ? Non, les maraudeurs évoquaient les kitins sans inquiétude, sûrs de leur survivre.

La tension augmentait. Elle voyait son père revenir le soir, laissant tomber le controle de son visage pour prendre l'air hagard une fois la porte du foyer refermée. Sa mère semblait tout aussi troublée.
Une nuit, elle surprit une de leur conversation :
"Je n'en peux plus de l'entendre chanter, expliquais son père. Jamais Kaunera ne la laissera mourir tant qu'elle ne cèdera pas. Elle lui tient tête ! Elle est à la merci des plus terribles d'entre nous, et elle résiste ! Si seulement elle s'inclinait...
-Elle tiendra. Tu as bien vu, ces derniers mois. Ou alors elle ne sait rien.
-Je crois que ce ne sont plus ses secrets qui les intéressent. Ils s'acharnent parce qu'elle ose leur tenir tête."
Ses parents observèrent un silence, inconscients de la présence attentive de leur fille. Puis sa mère repris, d'un ton sourd :
"On a tout ce qu'il faut. Ils ne seront pas assez fort pour résister à notre attaque. Nous n'avons pas à supporter ça plus longtemps.
-Ils nous massacreront... personne n'est plus fort qu'eux. Mais s'il y a une chance... Son courage doit être honoré. Et je ne tiens plus... sa chanson me rend fou."

Le lendemain, l'enfant se rapprocha du quartier général des Marchands de Sciure Noire. Les gamins s'amusaient parfois à tester leur courage en écoutant les cris des prisonniers. Mais tandis qu'elle s'approchait, monta de la prison un bruit peu habituel. Une homine chantait d'une voix pure :

"Le roi yubo est parti
Dans un lointain pays
Yubette ne pleure pas
Le roi reviendra

Le roi yubo bientôt
Gouvernera Atys
Réparera l'injustice
Faite aux petits yubos

Yubette croit en ton roi
Yubette garde la foi
Le roi yubo reviendra
Bientôt il sera là."

Cela lui rappelait une comptine d'enfant, mais les paroles n'étaient pas les mêmes.

La gamine resta un moment, cachée dans un buisson, à écouter le chant. Puis la voix se tut, vite remplacée par des cris plus classiques.

Le soir, elle demanda à sa mère :
"Est-ce que Laofa reviendra nous raconter ses histoires ?"
Pour toute réponse, elle reçut une gifle.
"Ne prononce plus ce nom, plus jamais !!!"
Mais derrière la colère de sa mère, elle voyait des larmes briller.

Durant quelques jours, la gamine alla écouter le chant qui s'échappait des geôles, avant que les cris ne commencent. Et le soir, elle voyait le clan se préparer à la guerre dans le silence. Elle n'était pas sûr que les kitins soient les seuls destinataires des lames qui s'affûtaient.

Un matin, elle trouva sa mère, seule, dans la petite cuisine. Elle ne demanda pas où était son père. Il était trop tôt pour qu'il soit déjà parti au travail.
Dans les jours qui suivirent, pas de nouvelle de son père. Ce n'était pas le seul du clan qui manquait à l'appel. La gamine fit comme si elle ne voyait pas les yeux rougis de larmes de sa mère. Sa mère n'était pas faible, elle le savait.

La prisonnière chantait toujours le matin et le soir. La voix un peu plus cassée, le soir. Elle semblait bien plus faible à présent.

Deux jours plus tard, sa mère la serra dans ses bras, fort, comme quand elle était petite. En d'autre circonstances, la gamine se serait débattu mais pas là. Elle était assez grande pour comprendre.
Elle ne pleura pas non plus. C'était les faibles et les bébés qui pleuraient. A huit ans, elle n'avait plus l'âge d'être faible.

Sa mère sortit, rejoignant sur la place d'autres homins au visage résolu. Les armes étaient affûtés, les armures sans failles. Il restait peu d'adultes de côté, qui regardait la petite armée avec une expression d'angoisse... de peur. Mais ceux qui partaient étaient résolus, fiers. Ils étaient Maraudeurs, ils décidaient de leur destin et nul ne pouvait leur imposer quelque chose.

Groupe compact de guerriers déterminés, ils se dirigèrent vers les portes du quartier général des Marchands de Sciure Noire.

La gamine les regarda s'éloigner. Elle avait confiance en eux. Elle savait qu'ils avaient raison. Mais les Assassins n'avaient pas gagnés leur titre en se laissant faire.

Glissant dans les ombres, courant de buissons en cachettes, la gamine se rapprocha de la prison par l'arrière. La voix chantait encore, mais ce n'était plus qu'un faible chantonnement à présent, aux paroles inaudibles.
L'enfant entama l'escalade du bâtiment. Il y avait peu de prise mais assez pour une petite légère et agile comme elle. Plus lourde, l'écorce se serait sans doute effritée sous son poid, mais là, elle avançait.
Les barreaux de la fenêtre étaient étroits aussi. Encore une fois, elle avait l'avantage de ne pas être assez grande et se glissa à l'intérieur, avec quelques difficultés quand même.
Sans bruit, elle tomba sur le sol, s'approchant du chevalet où la zoraïe était attachée. Elle ne détourna pas les yeux des blessures et de la sève qui suintait. L'odeur était écœurante. Le corp nu de la zorai n'était plus qu'une gigantesque plaie ; l'os d'une jambe saillait. Et son avant-bras droit était comme putréfié. Et pourtant, elle chantait doucement, comme si tout allait bien.
Laofa dut sentir sa présence, car elle tourna la tête vers elle, arrêtant son chant. Puis elle tendit l'oreille vers la porte de la geôle, chuchotant à l'enfant :
"Sauve-toi, ne reste pas là."

L'enfant savait que les geôliers allaient être trop occupés pour venir ici durant quelques temps. Elle répondit, tout doucement :
"Nani. On a un peu de temps. Comment tu tiens ?"
La zoraïe émit un petit rire pitoyable tandis qu'une larme coulait le long des entailles de son masque :
"Je ne tiens pas. J'essaie juste de partir à mon rythme.
-Tu chante. Tu les énervent. Tu ne cède pas. C'est ce qu'ils disent.
-Céder, pourquoi ? Les secrets qu'ils veulent, je leur aurais donné s'ils m'avaient donnés les leurs. Certains, en tout cas, peut-être. Mais si je dois mourir, alors mes secrets me suivront."
Un sourire étrange plana alors sur son masque ravagé :
"Ce n'est pas complètement vrai. Ma mort va faire remonter des secrets qu'ils ne veulent pas voir révélés. Je leur ai dit, ils ne me croient pas... Le réseau de renseignement d'Alriccio n'était pas si bon que ça, ou alors ils ne l'ont pas écouté..."
La gamine contemplait Laofa d'un air pensif. Elle avait considéré la zoraïe comme un étrange professeur et elle s'était douté que la faiblesse de l'homine n'en était pas vraiment. Mais de la voir, là, mutilée et souffrant visiblement, trouver encore le courage de sourire et de se moquer... Ce n'était pas la force du varinx, qui combat, vainc ou meurt, mais c'était bien plus impressionant, d'une certaine façon.
"Tu as fait quoi pour être là ?
-Comme d'habitude. Trop de questions. Je les ait forcé à réfléchir ? Et ils se demandés si je n'étais pas plus dangereuse que je n'en avais l'air, sous prétexte que j'étais de toutes les réunions politiques. Comme si ça comptait encore."
La gamine comprenait. Oui, Laofa était dangereuse, pas en tant que guerrière, mais avec ses mots. Son clan mourrait pour ses mots, en ce moment-même, et elle-même risquait gros en restant. Elle avait insufflé parmi eux un vent de changement.

Des bruits de combats se faisaient entendre. Laofa tourna la tête, une expression de curiosité sur le masque. Comment pouvait-elle montrer encore de la curiosité alors qu'elle était visiblement mourante ?
La gamine soupira :
"Peut-être qu'ils vont y arriver... Mais si ce n'est pas le cas, mon clan sera mort pour toi. Ils détruiront toutes les graines de vie."

Laofa ferma les yeux, une expression de souffrance encore plus grande la traversant :
"Je ne voulais pas ça...
-Un peu trop tard. Fallait pas résister comme ça. Si tu avais été une vraie faible, personne ne t'aurait prêté attention. Si tu avais été une vraie forte, tu serais morte depuis longtemps, ou tu aurais obtenu ce que tu voulais. Ce que tu es... je ne sais pas, mais les gens en perdent leurs repères. Bon, maintenant, je te détache ?"

La gamine n'était pas sûre que la zoraïe puisse marcher. Ni qu'elle pourrait sortir. Mais chacun doit se battre où il peut, non ?

Laofa secoua le masque :
"Né, oublie-ça. Je vais mourir. Bientôt. J'attendais... peut-être toi. Je n'ai plus besoin de me battre. Mes affaires. Elles sont dans la pièce. Il y a un pendentif, et mes carnets. C'est tout ce qui compte."

La gamine trouva rapidement les affaires en question. Le pendentif ressemblait à un cadeau d'enfant. Une main malhabile avait gravé "Ano du roi Yubo". Une autre main avait complété par la mention "Trésor des Corsaires". Il y avait aussi une peluche yubo qui avait visiblement vécu beaucoup d'aventures. Et trois carnets.

"Tu veux que j'en fasse quoi ?
-Si tu peux... fais parvenir ça aux Nations. Certains homins ont les codes de mes carnets. Ils pourront les déchiffrer. Mais l'anneau... l'anneau du roi yubo... C'est le plus important."

La gamine regarda d'un air dubitatif l'anneau qui pendait au bout d'une ficelle. Il n'avait même pas de magie. La zoraï, la voix de plus en plus faible, donnait les dernières indications :
"Fais-le amener aux Cercles Zoraïs. Il y aura là-bas un homin à qui il doit revenir. Je l'ai assez porté, c'est à lui de l'avoir à présent. Il faut qu'il l'ait, c'est vital. Avec ce message : le roi Yubo est mort, mais son royaume reste."
Laofa toussa, sans voir qu'elle crachait du sang en même temps.
"J'espère qu'il comprendra. Mort, sans espoir de retour. Il est l'heure de laisser ma place."
Elle soupira, luttant visiblement pour respirer mais souriant pourtant :
"Je vais rejoindre Anyumé... Et l'anneau retrouvera sa place.
-Tu n'est pas en train de délirer, là ? Un anneau de gosse et des carnets pleins de contes dans un code bizarre, et pour ça je risquerais ma vie à rejoindre les Nations ? Tu es au courant que les kitins sont chaque jour plus nombreux ?"

Laofa ne répondit pas. La gamine se rapprocha, observa l'immobilité qui avait pris possession de la zoraïe, le petit filet de sang qui finissait de couler de ses lèvres. Elle avait déjà vu assez de gens mourir pour comprendre que Laofa était en fin de contrat et que ses dernières forces la quittait.

Elle fixa les traits étrangement sereins, comme pour les marquer dans sa mémoire, hésitant entre la colère que la zoraïe abandonne maintenant le combat alors que le clan se battait contre les assassins, et la tristesse en comprenant, tandis que les échos de batailles se faisaient plus faibles, que ce combat était effectivement perdu. Ses parents avaient du mourir, et Laofa n'avait pas été sauvée.
La gamine s'obligea à rester impassible et murmura :
"Puisse tes kamis t'apporter ce que tu désire."

Puis elle se retourna, repassa par la fenêtre, un peu plus lourde avec les carnets, et se prépara à partir dès qu'elle aurait eu des nouvelles de son clan. Si tout allait bien, d'autres qu'elle porterait l'héritage de Laofa. Elle était forte, mais elle n'avait que huit ans !

Cela aurait pu finir bien plus tragiquement pour la gamine et ceux qui n'avaient pas osé se rebeller. Mais, alors que midi approchait, on entendit un cliquetis sourd envahir l'horizon. Puis l'alerte sonna.

"Kitins ! Kitins Zënarhï !!!"
La voix affolée du guetteur présageait le pire.

Le campement, affaibli par les récentes dissensions, ne put faire face à l'Essaim qui déferlait sur eux. Ce fut un massacre. Certains, pourtant en réchappèrent. La fuite, parfois, permet de survivre, même si c'est le choix des faibles.

La gamine, bien plus tard, observa à l'horizon ce qui restait de l'endroit où elle avait grandi. Elle serrait dans son petit poing l'ano du roi Yubo et ses yeux ne reflétaient que la colère.

"Rhalushazzë. J'ai une mission, et plus d'endroit où revenir. Qui se souviendra de ce clan trop faible pour se défendre ? Pas moi."

Elle tourna le dos à son passé, abandonnant tout ce qui la reliait aux ruines fumantes, en dehors du testament de la zoraïe.
Chuchotant dans le silence enfin revenu, elle s'adressa à la nuit qui tombait :
"Dorénavant, je serais Anyumé Sans Terre, porteuse du rheczzëkal."

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