ROLEPLAY


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#1 [fr] 

Le tryker écrasa violemment ses poings sur la grande table en bois. Il reprit de plus belle.


« Tu es le seul d'entre nous à connaître les secrets de la Sève Noire ! S'il t'arrive quelque chose, nous sommes tous condamnés !
L’essaim se rapproche de jours en jours. Quand il sera enfin là, personne ne sera en sécurité, ni même toi ... Tu comprends ?! Tu te dois de partager tes connaissances !»



Deux yeux rouges luisaient dans l'obscurité. Le masque grisâtre se déforma en une horrible grimace, laissant échapper un rire aussi aigu que lugubre.


« Mais quand cesserez-vous de me comparer à un vulgaire homin ? Je ne suis pas comme vous Acour. Ce corps est mort depuis déjà longtemps et ce qu'il reste de l'âme de Kiriga ère quelque part dans les ténèbres.


Tant que les homins survivront, je survivrais. Car je représente à la fois tout ce qu'ils haïssent, et tout ce qui fait d'eux ce qu'ils sont. L'envie, la jalousie, l'avarice, l’égoïsme, l'hypocrisie, le mensonge, la rancœur, la vengeance, la méchanceté, la perversité, le dégoût, la honte, la solitude, la tristesse, la colère, la peur …


Tu comprends ? Je suis immortel Acour, immortel. »


Toujours entouré par les ténèbres, l'horrible masque éclata à nouveau d'un rire froid, tandis que ses derniers mots se mirent à raisonner dans la petite pièce.


« Immortel. »


« Immortel ! »


« IMMORTEL !! »


« IMMORTEEEEEEEL !!! »


Le tryker se réveilla en sursaut, dégainant son épée par réflexe. Ses habits étaient moites et son front dégoulinait de sueur. Aveuglé par la lumière des âtres du jour qui filtrait à travers la toile, il ferma les yeux et se releva non sans quelques difficultés.


« S...Shayma, tu es là ? »


La fyros entra dans la tente de fortune, un bol à la main. Elle le tendit à Acour qui posa son arme en se rasseyant. Il prit le bol que lui tendait sa camarade. Shayma sourit légèrement et s'assit à son tour.


« Encore ces rêves ? Ki'yumé, la Sève Noire ? »


Acour acquiesça d'un signe de la tête.


« Toujours, oui … »


Shayma posa une main sur son épaule.


« Tu ne crois pas qu'il serait temps d'abandonner ? Ki'yumé était cinglé. Il a toujours revendiqué ouvertement sa différence, sa supériorité ... Mais cela fait plusieurs années que l'on cherche en vain. Un indice sur ce qui aurait pu lui arriver, une trace de la recette de la Sève Noire … Rien, absolument rien. Il est juste mort, comme tant d'autres. »


Acour attrapa son sac et le vida sur la couchette. Il était rempli de cubes d'ambres, de livres et de divers morceaux de papiers. Il prit un ouvrage intitulé Histoire de la Noblesse du Royaume, version VI et l'ouvrit au niveau du marque page. La double page parlait de la famille Kaldon.


Acour tendit le livre à Shayma. La maraudeur ne semblait pas comprendre où en voulait venir son camarade. Le tryker se leva et commença à faire les cent pas. Il prit la parole :


« Ce nom ne te dit certainement pas grand chose Shayma. Les Kaldon formaient une vielle famille de matis respectés pour leurs nombreuses entreprises immobilières. Déjà établis dans le domaine à l'époque de la cité de Karavia, les survivants du Grand Essaim ont participé activement à la construction d'Yrkanis et ont fait rapidement fortune.


Mais les livres d'histoire ne font jamais état de toute la vérité. Ce que peu savent, c'est l'admiration que portait cette famille pour le despote Jinovitch. Les Kaldon ont été les premiers à le soutenir lors de sa prise de pouvoir. Fervents croyants, xenophobes et obnubilés par la pureté du sang matis, ils étaient aussi secrètement connus dans le trafic d'esclaves.


Ce livre n'explique aussi pas la disparition du Baron Kaldon, survenu il y a maintenant presque quarante ans. Du jour au lendemain, les fils Kaldon ont repris l'entreprise de leur père, mystérieusement disparu, en laissant son manoir à l'abandon. Encore moins nombreux sont ceux qui savent que la disparition du Baron coïncide étrangement avec la fuite d'un jeune esclave Zoraï. »


Shayma écoutait Acour avec attention.


« Tu as parlé d'un Zoraï. Kiyumé ? »


« Non, plutôt Kiriga. C'est en tout cas ce qu'il m'a raconté, à l'époque ou je le connaissais sous ce nom, quand nous étions encore des croyants endoctrinés. Il se serait enfui des caves du Manoir en lui plantant une dague faites-main dans le dos. »


Shayma acquiesça d'un signe de la tête.


« D'accord. Mais en quoi cela nous avance ? »


Acour lança un petit sourire à Shayma.


« Attend, le plus intéressant reste à venir. J'ai déjà réussi à avoir quelques conversations intéressantes avec Ki'yumé. Je me rappelle très bien de sa réponse, la fois où je le l'ai questionné sur sa première apparition en Kiriga : “ Le petit Kiriga était au pied au mur. Il devait accomplir quelque chose d'horrible pour espérer survivre. Mais seul, il ne le pouvait pas. Alors il m'a créé, pour que je l'aide à accomplir sa tache ... “ »


Acour fixait intensément Shayma.


« On sait à quel point Ki'yumé était prétentieux. Quoi de mieux que son lieu de naissance, là ou tout a commencé, pour cacher quelque chose de précieux ? »


Acour s'avance vers la couchette et ramassa une carte. Elle représentait les Jardins Majestueux.

« J'ai retrouvé la trace du Manoir du Baron ... En fait, tout le monde connaît ce lieu. C'était la grande battisse abandonnée qui servait souvent de planque aux bandits de la région. Encore fallait-il savoir qu'elle fût autrefois le Manoir du Baron Kaldon. Tu te souviens ? »


Shayma se leva, excitée par les révélations d'Acour.


« Oui, bien-sur ! C'était donc le but de cette expédition en surface ? »


Acour sourit à Shayma.


« En effet. Il me fallait juste vérifier quelques détails … De toute façon, au point où on en est, rien ne coûte d'y passer. Prépare toi, nous devons être parti d'ici une heure ! »

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#2 [fr] 

Cela faisait maintenant plusieurs jours que les deux maraudeurs avançaient, perdus dans les immenses forêts des Sommets Verdoyants. S'il était autrefois aisé de s'orienter, la nature avait progressivement reprit ses droits, effaçant du paysage les chemins tracés par l'espèce homine. Ce deuxième Grand Essaim, vécu comme un traumatisme pour l'hominité, n'avait été rien de plus qu'un tressaillement à l'échelle de la planète.


La flore, libérée de la main des matis, s'était développée à toute vitesse. Plantes grimpantes, arbres gigantesques, fleurs de toutes couleurs ... Jamais les Jardins Majestueux n'avaient si bien porté leur nom. Pour la faune, la disparition des homins au profit des kitins avait apportée plus d'avantages que d'inconvénients. Le temps des sports de chasses, du commerce de peaux et du dressage était en effet révolu. Et même si les insectes se révélaient être de terribles chasseurs, ils évitaient généralement de s'attarder en surface, préférant sans doute les ténèbres de leurs froides cavernes.


Mais les rares homins encore présents avaient aussi dû se familiariser avec ce nouvel environnement, redécouvrant les aspects sauvages de leur nature originel. Malgré le peu de lumière que laissait filtrer les hautes et épaisses cimes, Shayma et Acour se mouvaient parfaitement dans l'immensité verte. Arrivés a quelques kilomètres de l'ancien domaine des Kaldon, ils mirent encore quelques heures à trouver la colline sur laquelle le manoir avait été battit. La forêt se faisait moins étouffante à mesure qu'ils grimpaient.


Parvenus au sommet, les deux maraudeurs furent éblouis par la lumière des astres. Le paysage avait changé du tout au tout. Après s'être habitués aux sombres entrailles de la forêt, le sommet de la Coline n'était formé que d'une simple clairière, sur la quelle trônait un gigantesque arbre maison partiellement détruit.


Les deux maraudeurs, essoufflés, prirent le temps de faire une pause et de grignoter quelques provisions. Si Acour semblait tout excité d'arriver au terme de leur voyage, Shayma semblait plus réservée.


"Crois-tu vraiment que nous allons trouver quelque chose à l'intérieur ? Vu d'ici, les portes et les fenêtres semblent totalement obstruées par la végétation. Ça m'étonnerait que quelqu'un soit passé par là ..." soupira la fyros.


Acour terminait de ranger le contenu de son sac. Il se releva rapidement en souriant.


"On ne vas pas se décourager si prêt du but, non ? Aller, viens, on va essayer de voir si on peut entrer !"


Les deux compagnons se dirigèrent vers l'imposante demeure abandonnée. Vu d'ici, l'arbre mort semblait presque avoir refleurie. L’écorce protectrice était recouverte d'une couche de mousse, de plantes grimpantes et de fleurs. Comme l'avait fait remarquer Shayma, l'entrée principale était totalement obstruée par le lierre. Après quelques coup d'épées, les deux maraudeurs réussirent à entrer.


La végétation avait commencé à envahir l'intérieur du manoir. La voûte partiellement arrachée laissait passer la lumière des astres. Shayma et Acour avançaient lentement entre les décombres et les quelques arbustes, subjugués par la beauté du lieu. Malgré des décennies d'abandon, l'arbre maison avait gardé de sa superbe. Si les tapisseries, les meubles, et les objets de valeur avaient depuis longtemps disparu, les armoiries de la famille Kaldon étaient toujours là, sculptées à jamais dans les murs centenaires. Une atmosphère sinistre régnait dans cette pièce chargé d'histoires. Ces murs connaissent les inavouables secrets de la Noblesse Matis, la tristesse des jeunes esclaves et les crimes des plus grands bandits du Royaume.



Les aventuriers fouillaient l'immense salle à la recherche d'indices. Ils leur arrivaient souvent de sursauter, dérangeant les animaux cachés entre les décombres. Alors que les deux maraudeurs se préparaient à inspecter l'aile ouest du manoir, la pièce fût soudainement plongée dans l’obscurité. Dehors, les animaux s'étaient tus. Une odeur caractéristique d'acide s'empara doucement de l'espace. Glacé d’horreur en imaginant ce qui était en train de se produire, Acour porta un regard tremblant vers le plafond. La gueule rougeâtre d'un Kinkoo bouchait la voûte trouée. Les antennes de l'insecte vibraient, cherchant à repérer les deux homins cachés dans l'obscurité.


Shayma et Acour reculèrent en silence, les yeux fixés sur le monstre. Mais il était déjà trop tard, rien ne pouvait arrêter un seigneur kinrey en pleine chasse. Le kitin poussa un hurlement strident et planta ses deux pattes avant dans l'arbre-maison. Les deux maraudeurs prirent la fuite vers l'aile ouest, évitant du mieux qu'ils purent la pluie de morceaux de bois qui s'abattait sur eux. L'énorme kinrey déchiquetait la voûte du manoir à coup de mandibules pour tenter de s'y infiltrer, mais comprenant qu'il était trop gros pour poursuivre les homins de l'intérieur, il abandonna l'idée et grimpa sur le toit.


Les deux maraudeurs couraient à vive allure, incantant des sortilèges de feu en boucle pour réduire en cendre les plantes qui obstruaient le chemin. Au dessus d'eux, le monstre poussait d'horribles hurlements. Le plafond s'écroulait progressivement à mesure que la bête enragée plantait ses longues pattes au travers du plafond, essayant d’empaler ses proies. Shayma et Acour s'étaient presque habitués à ce genre de situation. Esquivant les attaques du kinrey comme personne, ils comptaient sur leur petite taille et leur vitesse pour fuir en direction de la forêt, là ou le monstre aurait du mal à se déplacer aisément.


Malheureusement pour eux, l'aile ouest était totalement bouchée. Coincés, ils cherchaient d'un air paniqué une ultime issue. Le kinrey déchiqueta le toit en quelques coup et s'écrasa lourdement sur le sol. Voyant que ses proies étaient coincées, il se dirigea lentement vers elles, sûr de sa victoire. Alors que tout semblait perdu, Shayma aperçu une trappe à quelques mètres d'eux.


"Acour, là, une trappe !!!"


Les deux compagnons plongèrent au moment même ou le monstre chargeait. Esquivant de justesse la puissante attaque, le kinrey eu du mal à comprendre qu'il les avait manqué une nouvelle fois. Shayma profita du moment de flottement pour casser la serrure à l'aide d'une dague et ouvrir la trappe. La bête finit par repérer à nouveau ses proies, et, paniquée à l'idée de perdre son repas, sauta désespérément en avant. Mais c'était sans oublier son imposante taille. Elle percuta le plafond qui s’effondra sous le choc. Le Kinkoo se brisa sur le sol en hurlant. Shayma et Acour, propulsés par la collision, chutèrent par l'ouverture. Dévalant un long escalier, ils s'écrasèrent sur le sol froid des caves du manoir ...

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#3 [fr] 

Les deux maraudeurs se relevèrent difficilement, le corps endoloris par la chute. La pièce était plongée dans un noir total. Acour tendit le bras en avant et incanta un sortilège. Une petit flamme s'alluma au creux sa main et s'éleva dans les airs. Elle tournoyait gracieusement autour de lui, éclairant les environs.

Ils se trouvaient dans ce qui devait autrefois servir de cave. Le sol, les murs et le plafond étaient perforés par de nombreuses racines. L'escalier par lequel ils avaient chuté était totalement obstrué par l'effondrement. Au dessus d'eux, on pouvait encore entendre les hurlements du kinrey.

Si cette trappe avait été la clef de leur fuite, elle pouvait aussi bien les avoir mené à la mort, car à première vue, aucune autre sortie ne permettait de rejoindre la surface ... Les deux maraudeurs fouillèrent la gigantesque salle un long moment, circulant difficilement entre les décombres et les racines. Ils trouvèrent à plusieurs reprises chaînes et menottes éparpillées sur le sol. Une atmosphère sinistre hantait ces cavernes. Mieux valait-il ne pas savoir ce qui s'était passé entre ces murs …

Après une bonne heure de fouille, Shayma fit signe à Acour de venir. Elle se tenait debout, regardant fixement devant elle.

« Acour, ne trouves-tu pas que ces racines sont différentes des autres ? Elles semblent plus jeunes, moins solides ... »

Shayma, s’avança et passa ses doigts sur le bois :

« C'est bien ce que je pensais … Elles ne sont pas naturelles, elles proviennent d'un sortilège d'enracinement. »

Acour s’avança à son tour :

« Attend, je vais essayer quelque chose. Si tu as raison, ça devrait fonctionner. »

Le tryker retira ses boucles d'oreilles, les plaça dans le creux de sa main et approcha son poing du mur d'écorce. L'effet vu sans appel. Les racines se rétractèrent au contact des bijoux enchantés. En quelques secondes, l'épaisse couche de bois avait laissé placé à un trou béant dans la paroi. Acour regarda Shayma et déglutit. Ce sortilège était d'origine homine, il ne faisait aucun doute … Ils approchaient peut-être du but.

Shayma incanta à son tour un sortilège de feu qu'elle dirigea vers l'entrée nouvellement formée. La boule de lumière fusa à toute vitesse en ligne droite jusqu'à disparaître au loin. Ils étaient devant ce qui semblaient être un long couloir … Les deux maraudeurs se regardèrent une dernière fois et entrèrent côte à côte.

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#4 [fr] 

Acour et Shayma avançaient en silence, éclairés par la faible lueur de la petite flamme tournoyante. Ils regardaient les murs et le plafond avec stupeur. Les parois d'écorce étaient totalement lisses et droites, aucune imperfection ne venait perturber la symétrie de cet étrange couloir.

Les minutes se succédaient, tandis que les aventuriers s'enfonçaient un peu plus sous l'écorce à chacun de leurs pas. Un long moment passa avant que l'architecture ne change. Ils étaient arrivés à un croisement. A gauche, un escalier abrupte disparaissait dans le sous-sol. Devant eux, le couloir remontait doucement. A droite, la pente semblait garder la même inclinaison.

D'un léger mouvement de main, Acour éteignit la flamme en lévitation. Complètement plongés dans les ténèbres, les deux maraudeurs plissèrent les yeux. Shayma murmura :

« Acour, regarde, à droite. »

La fyros avait en effet distingué une minuscule et lointaine source de lumière. Ne voulant pas prendre le risque de se faire remarquer, ils décidèrent de continuer dans l'obscurité. Plus ils marchaient, plus le point lumineux grossissait et plus la tension grimpait. Ces effroyables années de recherches allaient-elles aboutir ?

Ils n'étaient maintenant plus qu'à quelques mètres. Plaqués sur les murs, les armes sorties, ils avançaient à pas de loup. La source de lumière provenait d'un encadrement de porte. Placé en tête, Acour passa en premier, à l’affût, rapidement suivit par Shayma.

Les deux maraudeurs étaient ébahis devant leur découverte. Il ne faisait aucun doute que quelqu'un habitait ici. La caverne, de taille plutôt moyenne, avait en effet tout d'une habitation. On y trouvait une sorte de cuisine, une couchette, de nombreuses étagères pliantes sous le poids de cubes d'ambre et même ce qui ressemblait à une table d'alchimie. Comme un ciel étoilé, la pièce était éclairée par une multitude de petites flammes, dansantes paisiblement au niveau de la voûte de bois. Pourtant, personne d'autre ne semblait être présent.

Oubliant les risques, ils avancèrent comme deux enfants émerveillés. A peine avaient-ils fait quelques pas que Shayma appela Acour. Le tryker arriva rapidement et fut stupéfait par la découverte de sa camarade. Ils se trouvaient face à une gigantesque armure erouk'an noire. Shayma passa sa main sur la texture froide du plastron.

« Acour, c'est l'une des Uniques, j'en suis convaincue ! »

Le tryker regarda Shayma, il fronça les sourcils :

« L'une des Uniques ? »

La fyros continua :

« Tu n'es pas sans savoir que la création d'une armure erouk'an est extrêmement difficile. Elle requière des matériaux rares, des connaissances inscrites sur des plans introuvables et une maîtrise parfaite de l'art du forgeage. Pour parer ces difficultés, il était coutume que plusieurs maîtres forgerons s'associent dans la conception, chacun s'attelant au travail d'une pièce spécifique. Mais on raconte que certains homins étaient capables de fabriquer une armure à eux seul. Neidjin était l'un d'eux. »

Acour ouvrit la bouche en grand :

« Quoi ? Tu veux dire que cette armure a été fabriquée par Neidjin ? Si c'est le cas, ça veux dire ... »

Shayma coupa Acour. Elle trépignait d'impatience :

« Oui, j'en suis convaincue, ou je ne suis pas maître forgeron ! C'est le travail de Neidjin, j'en mettrais ma main à couper. Cette armure a été fabriquée dans les Forges des Guerriers Noirs de Ma-Duk et a été offerte à Kiriga en récompense de ses exploits. Et si elle appartenait à Kiriga, alors elle ... »

Shayma, folle de joie, continuait de parler avec excitation. Mais l'esprit d'Acour était déjà loin. Son regard s'était attardé sur quelque chose d'autre : Une petite fiole contenant un liquide noirâtre, perdue dans un océan de parchemins et d'éprouvettes.

La lumière s'éteignit, le bruit se tût et l'atmosphère se glaça. Plus rien n'avait d'importance. Seul comptait le contenu de cette fiole et la saveur du souvenir qui en découlait. Les muscles d'Acour se raidirent, un frisson lui parcouru l'échine. Les murmures qui l'avaient tant guidés, oubliés durant toutes ces années, se manifestèrent à nouveau.

« Avance, Acour ... »

« Cette fiole est à toi, Acour … La Sève Noire est à toi ... »

« Acour, comprends-tu ce que cela implique? Si tu détiens la Sève Noire, tu pourras devenir le nouveau chef du Clan ... »

« Plus personne ne pourra te faire face Acour ! Tu obtiendras tout ce que tu as toujours désiré, tu créeras un monde à ton image ! »

Le maraudeur avançait mécaniquement, le bras tendu. Il n'était plus qu'à un mètre de la précieuse fiole.

« Acour ! »

Étrangement, le murmure s'était transformé en cri et la voix avait changé de tonalité.

« Acour, aide moi ! »

Le tryker s’attrapa les tempes. Ce n'était pas Lui, c'était la voix de Shayma. Retrouvant ses esprits, il dégaina ses armes et se retourna brusquement. Une grande silhouette noire se tenait derrière la fyros et serrait une dague contre sa gorge. Sous la capuche de l'assaillant, un éclat rouge luisait.

Le cauchemar d'Acour refit surface. Les même yeux rouges ? Abasourdit, il bégaya :

« Ki … Ki'yumé ? »

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#5 [fr] 

La lame se resserra sous la gorge de Shayma. La silhouette mystérieuse semblait fixer Acour. Elle prit la parole, le ton de sa voix était étrangement calme.

« Tu as dis Ki'yumé ? Que sais-tu de lui, tryker ? »

Acour réfléchissait à toute vitesse. La situation était mauvaise, il ne pouvait rien tenter sans mettre en péril la vie de Shayma. Peu importe l'identité de l'étranger, il semblait connaître Ki'yumé. Il n'était d'ailleurs pas impossible que ce soit lui : Il était de très grande taille et on pouvait deviner un très léger accent zoraî. Ki'yumé avait-il un accent ? Il l'avait oublié ...
Le maraudeur fît le vide dans son esprit. Il fallait agir calmement. Malgré la situation, il prit un air sûr de lui et répondit :

« Je sais que Ki'yumé n'accepterait pas que du mal soit fait à l'un de ses camarades. Qui es-tu étranger, pour t'opposer ainsi à deux puissants maraudeurs de la Sève Noire? »

Shayma déglutit, peu rassurée par la stratégie d'Acour.

« Crois-tu pouvoir m'intimider, tryker ? Je suis celui qui pose les questions. Et si tu tentes quoi que ce soit, je la tue. Que sais-tu de Ki'yumé, de la Sève Noire, et qui êtes-vous ?»

Obstiné, Acour tenait fermement ses armes.

« Tu veux savoir qui je suis ? Je m'appelle Acour, ils m’appelaient le Géant. Et si mon nom ne t'évoque rien, tu vas comprendre dans quelques instant pourquoi les homins m'ont donné ce titre. »

La silhouette noire pencha la tête sur le côté, comme pour mieux observer le tryker.

« Acour ? Si tu es bien celui que dis être, alors mes chances de victoires sont presque nulles. Cependant, je sais qu'Acour ne laissera pas un camarade mourir, contrairement à Ki'yumé, comme tu sembles le croire. Et puis ici, pas de résurrection. Alors, je vais me répéter, une dernière fois : Que sais tu de Ki'yumé ? »

Acour était coincé, l'assaillant avait de toute évidence raison : il ne pouvait rien tenter sans mettre la vie de Shayma en danger. Il serra les dents et coopéra.

« Ki … Ki'yumé était l'un des Instigateurs de notre clan. Le Maître Alchimiste, celui qui détenait la recette de ... »

L'inconnu coupa Acour. La voix avait changé de tonalité, on pouvait deviner de la surprise.

« Était ? »

Le tryker cogita à nouveau. Au vu de sa réaction, l'étranger ne devait pas être au courant de la mystérieuse disparition de Ki'yumé. Ce qui disqualifiait au passage l'hypothèse qu'il l'était lui même. Pourtant, et il en était convaincu, la fiole contenait de la Sève Noire. Et puis il était bel et bien zoraï.

« Oui. Il a disparu quelques heures avant le Grand Essaim, nous ne l'avons jamais revu. Nous étions justement à la recherche d'indices quand nous sommes tombés sur cet endroit… Le manoir des Kaldons, l'Unique de Kiriga, la Sève Noire ... Tout correspond ! Mais qui es-tu bon sang ?! »

La lame se desserra légèrement de la gorge de Shayma.

« Vous semblez savoir beaucoup de choses sur Ki'yumé … Mais comment certifier que vous êtes bien du Clan de la Sève Noire? Comment savoir si tu es bien celui que tu dis être, « Acour » ?»

En guise de réponse, le tryker rangea sa dague et montra sa main libre au zoraï. De son autre main, il passa le tranchant de son épée courte sur la paume ouverte. L'enchantement ne se fit pas attendre. Au moment même où le sang se mit à couler, une vague de froid émana de l'épée. La main d'Acour fuma et blanchit légèrement. Le tryker serrait les dents. Il rompit le contact et lança son arme aux pieds de l'étranger. Elle se planta dans le sol, toujours fumante.

« Irak Vilazzê, la Morsure Glaçante. La réponse te suffit ?»

La silhouette noire fixa l'épée un long instant avant de reprendre la parole.

« Rory est vivante ? »

Acour massait activement sa main pour la réchauffer.

« Bien-sur, que crois-tu ... A part Ki'yumé et quelques autres, nous sommes encore tous là ! Bref, je pense avoir répondu à tes attentes. Relâche Shayma maintenant ! »

Le zoraï resta silencieux de longues secondes.

«  … Uniquement si vous n’emmenez voir Rory. »

Le tryker réfléchissait à la meilleur stratégie possible. Il allait jouer la carte du bluff. Tendant sa main vers l'étranger, il lui sourit.

« Si tu veux, tu sembles bien connaître le clan après tout. Rory serait intéressée de te rencontrer, qui que tu sois. Maintenant, relâche Shayma, s'il te plaît. »

La lame se desserra à nouveau de la gorge de la fyros. Profitant de la naïveté du zoraï, elle lui asséna un violent coup de coude dans le ventre qui lui fit lâcher totalement prise. Au même moment, Acour avait bondit en avant pour récupérer son épée et fondre sur l'étranger. C'était sans compter sur la vivacité du zoraï qui dégrafa sa grande cape d'un éclair avant de la jeter sur la course du petit homin. Celui-ci bondit à nouveau et trancha l'étoffe noire d'un coup d'épée. Profitant de la perte passagère du champ de vision offerte par la cape, le zoraï avait dégainé une massue à l'allure peu solide. Sûr de sa force et de son arme, Acour asséna un violent coup d'épée à son adversaire au moment même ou celui-ci lançait son coup de massue. Le tryker comprit son erreur trop tard, lorsque le tranchant d'Irak Vilazzê rentra en contact avec la massue. Comme tant d'autres, ils s'était fait berner par son apparence miteuse. Acour fût soufflé comme une feuille et s'écrasa sur une étagère.

« Cette … Cette massue … Grong ?! »

Le zoraï recula, conscient du coup de chance qu'il avait eu. On pouvait enfin observer correctement son visage. En effet, malgré la forme du masque, il n'avait pas grand chose à voir avec Ki'yumé. Plus jeune, plus beau aussi, et surtout en meilleur santé. Si sa chevelure mauve avait été de couleur or, on aurait presque pu le confondre avec un jeune Kiriga.

Prêtant peu d'attention à son compagnon, Shayma fixait attentivement le zoraï.

« Acour … Je crois savoir qui il est. »

Le tryker se releva douloureusement en serrant les dents.

« Vas-y, dis moi, avant que je le massacre ! ... Hey, fait attention Shayma !»

La fyros marchait calmement en direction du zoraï. Celui-ci recula à nouveau.

« Non, attend. Dis, tu ne serais pas Vao, l'émissaire envoyé à Zora et retenu par la Théocratie ? »

Le zoraï se figea. Son expression avait totalement changée.

« Va … Vao ? Non … Vao est mort. »

Shayma avançait toujours, malgré les cris d'Acour.

« Si, j'en suis sûre. Comment as-tu fais pour sortir des geôles de Zora, te retrouver ici, et survivre après tout ce temps? »

Le zoraï passa une main tremblante sur son masque. Les paroles de Shayma l'avaient profondément bouleversées.

« J'ai … J'ai dis que je voulais voir Rory ... »

« Ce n'est pas comme si tu maîtrisais toujours la situation. Tu es seul contre deux maintenant, tu n'as aucune chance, je te conseille de parler. Alors, comment as-tu survécu, et surtout, comment as-tu trouvé cet endroit ? Toutes ces choses appartiennent à Ki'yumé, et je sais que tu étais son disciple. Cet endroit existait déjà à l'époque ? Parle, tu n'as aucun moyen de t'en sortir ! »

Le zoraï semblait reprendre ses esprits peu à peu.

« Ah bon … Tu crois ?! »

D'un geste rapide, il leva et rabaissa son bras gauche. Les petites flammes flottantes qui servaient d'éclairage fusèrent sur la table d'alchimie. Celle-ci s'enflamma brusquement. Shayma hurla et Acour fonça sans réfléchir vers le début d'incendie.

« Non !! La Sève Noire !! »

Mais il semblait que certaines des substances présentes n'appréciaient pas les hautes températures … La table explosa et Acour fût, à nouveau, soufflé en arrière pour s'écraser, à nouveau, sur une étagère. Il se révéla douloureusement en hurlant :

« Pauvre fou !! Je vais te tuer, je vais te tuer !! »

Le zoraï rattacha Grong à sa ceinture. Il souriait.

« Non, je ne crois pas. Je viens de détruire le seul échantillon de Sève Noire synthétisée, ainsi que tous les documents permettant de la recréer. Par chance, la recette n'est pas perdue. Elle existe encore en un seul endroit : ma tête. Alors je crois que vous n'avez le choix : Je veux voir Rory. ».

Acour et Shayma était abasourdis par le retournement de situation. Le zoraï se dirigea calmement vers ce qu'il restait de la table d'alchimie. Il ramassa quelques seaux d'eaux entreposés non loin et éteignit les flammes. Rassemblant quelques affaires, il se retourna vers les deux maraudeurs.

« Vous êtes prêts ? »

Acour et Shayma se regardaient résignés, ils n'avaient pas le choix. Shayma soupira.

« Tu sais au moins comment sortir d'ici ? Tout le manoir s'est fait détruire par un Kinkoo. D'ailleurs, il faudra être prudent une fois de retour à la surface. »

Le zoraï sourit, il avait gagné.

« Oui, bien-sur. Ki'yumé a fait creuser de nombreuse galeries comme celle-ci à l'époque. Un grand réseau s'étend ici. Il avait l'air d'affectionner particulièrement cette région, je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi ... »

Acour ramassa Irak Vilazzê et se dirigea vers la sortie.

« Pourquoi ? Car c'est là que tout à commencé... Aller, la route est longue. »

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#6 [fr] 

L'histoire ne raconte pas le voyage de retour des trois homins et la rencontre entre le zoraï et Rory. Une chose est sûr, le clan le vit comme un messie lorsque les premières doses de Sèves Noires furent recrées. Il gagna rapidement la confiance des Instigateurs jusqu'à prendre la place de Ki'yumé, que beaucoup oublièrent. Il se fit appeler Ki'gan et accepta très rarement d'expliquer son lien avec l'émissaire Vao.

Aujourd'hui, si les rumeurs veulent que Ki'gan ne prenne jamais de Sève Noire, personne n'oserait douter de son implication et de sa détermination. Pilier du clan connu pour son extrême inhominité, certains l'auraient surnommé le Dévoreur d'Espoir.

Last edited by Kigan (1 decade ago)

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#7 [fr] 

(Petit UP de nostalgie. Et avec le recul, le coup du Dévoreur d'Espoir, semble en effet un peu prétentieux ... Mais c'était quand même bien cool !)

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#8 [fr] 

C'est criminel de faire un up sur un post comme ça!
L'espace d'une seconde j'ai rêvé d'une suite moi!

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Et si tout n'était qu'illusion?

#9 Multilingual 

Multilingual | Français
[FR]
t'es ps la seule...

en plus il nous manque plus qu'il ne peut l'imaginer...
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