ROLEPLAY


Les larmes de Lyz

Zelinya avait retrouvé sa sœur, Acherontia. Retrouvailles froides, cette dernière ne pardonnant toujours pas l’abandon de la première. Sibyl avait bien tenté de l’amadouer, sans trop de succès.

Puis les kitins avaient déferlé sur Yrkanis. L’appel aux armes avait retentit. Sibyl, leur cousine, était terrifiée, et la peur la tétanisait. D’un geste rude, Acherontia la secoua :
-Si tu ne peux rien faire d’autre que de rester dans les jambes des guerriers, dégage de là ! Va rejoindre les frahars dans le désert et fuit !

Sibyl la regarda, choquée. Zelinya lui toucha alors le bras, gentiment :
-Elle n’a pas tort. Rejoint la route de l’Exode tant que c’est possible. Tu es une journaliste, pas une combattante... Va, on se retrouva plus tard !

La jeune matisse rousse avait déchiré un de ses pactes pour la capitale fyros, laissant les deux jumelles ensemble, se jaugeant mutuellement.
-J’espère que tu as appris deux trois choses durant ta détestable escapade, jeta Acherontia d’un air dédaigneux.
Sans rien dire, Zelinya mit ses amplificateurs. De beaux amplificateurs d’une belle qualité. Elle regarda l’épée de sa sœur. L’épée à deux mains des Rangers, Feu et Colère, une excellente lame, mais...

Les deux sœurs se défièrent du regard, miroir parfait l’une de l’autre malgré leurs divergences d’opinion. Zelinya la première céda. Cela, au moins, n’avait pas changé. Elle fit un petit sourire :
-Pour Jena.
-Et pour Yrkanis, soupira Acherontia.

Les jumelles rejoignirent les matis et la Karavan qui défendaient la capitale des premiers assauts. Zelinya surveillait attentivement sa sœurette, inquiète de la voir encore si peu expérimentée au combat. Pour sa part, l’entraînement de l’antekami avait été dur, mais fructueux. Elle se remettait à peine de son exil dans la jungle et commençait enfin à voir des effets positifs à sa désastreuse expérience.

Les kitins se moquaient bien que les deux matisses n’aient pas eux le temps de fêter leur retrouvailles. Vague après vague, ils avançaient, piétinant les corps des homins tombés sous eux. Acherontia restait concentrée sur son épée et son ennemi, compensant sa faiblesse par une précision accrue, une attention de tout les instants. Mais Zelinya n’avait pas la même rigueur et ne pouvait s’empêcher de voir les gardes karavaniers à terre, inertes. Envoyer des sorts de soin sur les élus de la Karavan n’avait jamais d’effet... mais hélas les kitins, eux, en avaient.
-Jena, nous n’y arriveront pas...

Les monstres avaient passés les portes de la ville et détruit les fortifications. La dernière ligne homine se brisa et s’éparpilla, poursuivi par des kirostas, tandis que les kipestas incendiaient les bâtiments.

Acherontia et Zelinya se retrouvèrent blotties sous une des maisons-bulbes.
-C’est fichu, grommela la première. Pas de chef de guerre compétent, une armée sous-entraînée. Il n’y a aucune chance de renverser le cours de la bataille.
-Il faut partir, Ach... A l’Oasis, rejoindre les autres réfugiés. On reviendra libérer notre pays quand on sera plus fortes.

Acherontia garda le silence un instant, regardant d’un air froid les kitins qui allaient et venaient. Aucun d’eux pour le moment ne les avaient encore repérés ; quand ce serait le cas, il n’y aurait plus rien à faire.

-Tu te souviens de notre projet, Zel ?
-Oui, je m’en souviens... Tout a mal tourné.
-Nous devions nous entraîner ensemble. Nous étions les Élues de Jena. Nous étions celles qui allions relever le Royaume et lui donner la gloire qui lui revenait. Toutes les nations et toutes les races se seraient inclinés devant la suprématie matisse.
-Et chaque homin aurait reçu la bénédiction de la Déesse... je me souviens, sœurette.
-À moi, l’art de la guerre, à toi, l’art des mots, afin que nul ne nous résiste et que ceux qui ne nous rejoindraient pas périssent.
-Je me souviens... Mais il faut fuir à présent. Mortes, nous ne pourront jamais accomplir notre destin.
-Tu as ton pacte pour Pyr ? Sort-le.

Zelinya sortit le pacte karavan de son corsage. Le billet vers le salut... Une fuite honteuse, mais mieux valait fuir et être en vie pour accomplir sa destinée ensuite, que mourir pour rien, sans même que la mort change quelque chose pour les autres.
Acherontia pris sa sœur dans ses bras, la serra fort contre elle, dans une étreinte qui n’avait rien d’habituel.
-Tu as raison. Il faut vivre. Jena n’en a pas fini avec nous. Elle n’a même pas eu le temps de commencer.

Elle posa les mains sur celles de Zelinya, et lui fit déchirer le pacte. Zel regarda alors Acherontia, comprenant soudain :
-Tu n’as pas de pacte pour Pyr...
-Mon destin est sur les Terres matis, et nul part ailleurs. Tant qu’Atys ne sera pas entièrement matisse, je n’irais pas ailleurs. J’ai fait le serment de ne jamais dépasser les limites du Royaume, et de les repousser chaque fois que je voudrais voir de nouveaux paysages. Bonne chance Zelinya. Propage la Parole de la Déesse, et reviens-moi avec une armée cette fois, au lieu de tes larmes.
-Acherontia, non !!!

La téléportation interrompit leurs adieux et laissa Zelinya seule à l’altar de Pyr.
-Noooooooonnnnn !!!!

Il n’y avait rien à faire. Rien d’autre que de croire que tout se passerait bien. Comme tant d’autre, Zelinya se retrouva dans le convoi en direction de l’Oasis Kami. Elle fit partie de ceux qui l’atteignirent. Avec dégoût, elle vit les téléporteurs trytonnistes se mettre en marche.
«Être sauvé par ces hérétiques... y’a-t-il insulte plus dure ? Mais il faut vivre, s’accrocher encore... Porter le message de Jena et reconquérir nos terres lorsque nous seront prêts !»

L’arrivée dans le camp Ranger des Anciennes Terres, enfin. La douleur lancinante dans le cœur de Zelinya dut à l’absence de sa sœur se faisait à chaque instant plus pénible. Elle s’écarta des autres réfugiés pour dissimuler ses larmes.
-Acherontia, je suis tellement désolée... Tu avais raison, j’avais tort, et j’ai été idiote de partir sans toi de Silan. J’étais si arrogante de croire que je pourrait m’en sortir sans toi... Je me suis retrouvé à fréquenter la lie de l’hominité, des sauvages, des kamistes, des maraudeurs, pas un seul matis de sève, pas même de karavanier pour me soutenir... Acherontia, pardonne-moi, ne m’abandonne pas...

Comme si évoquer sa sœur suffisait à raffermir le lien qui les unissaient, elle sentit la présence de sa sœur. Comme si elle était à côté d’elle. Comme lorsqu’elles étaient enfants et savaient, chacune à un bout d’un champ, ce que regardait l’autre. Leur lien de gémellité, renforcé par la foi en Jena et l’énergie propre à Atys, leur conférait une quasi ubiquité dans les moments d’intense émotion, pourvu qu’aucune de tente de couper le lien. Mais pas de papillon ou de fleur à partager aujourd’hui. Juste les kitins, qui poursuivaient leur œuvre de destruction de la capitale matisse, méthodiques et sans pitié. Acherontia était près du téléporteur, coude à coude avec les officiers Karavan et quelques autres citoyens qui avaient refusés d’abandonner le joyau du Royaume aux hordes insectoïdes, dernière poche de résistance absurde face à l’inéluctable. Impuissante, Zelinya vit par le lien de sa sœur chaque homin tomber, brûlé, transpercé, déchiqueté ou broyé par leur ennemis. Acherontia elle-même tomba au sol et nul ne pouvait la relever.

Dans la paix relative du camp de réfugié où elle se trouvait, Zelinya se releva soudain, hurlant le nom de sa sœur. Tandis que des homins accouraient et tentaient de calmer la matisse qui se tordait de douleur, bien qu’aucune blessure ne soit visible, Zelinya s’accrochait au lien avec son alter-ego, refusant sa dissolution progressive, refusant de rester sans rien pouvoir faire.
-ACHERONTIAAAA !!!

Alors les dernières pensées de l’homine lui parvinrent, ultimes fragments adressés à celle qu’elle n’avait cessé d’aimer, jusqu’à la fin, plus fort encore que sa déesse ou son pays :
-Je te pardonne, sœurette.

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