ROLEPLAY


Les premières années de Lhermitis

(suite)

Le jeune Lhermitis eut l'impression de
recevoir une montagne sur la tête, en une demi-seconde, il revit
passé toute sa vie : les prairies au bord du lac à Avendale,
la maison de ses parents, sa tribu, oncles et cousins, ses amis,
puis la vision monstrueuse d'un Kitin sortie du fin fond des
entrailles d'Atys, puis une grande ombre parcellée de lumières et
de créatures étranges... Le fyros venait de lui donner un coup
féroce sur le crâne, Lhermitis était assomé.





Quand il reprit conscience, son corps
vibrait au rythme d'un mektoub sur lequel il était perché et
attaché fermement. Dans un demi-sommeil douloureux, il crut entendre
des voix qui disaient :

« Beau spécimen que voilà... un
bon prix on en tirera... Notre chef heureux sera... »




La caravane des fyros, constituée
d'une dizaine de mektoubs, traversait des terres dangereuses. Ils
avaient sans doute traversé les montagnes au Nord d'Avendale dans
les lagons de Loria pour se télétransporter dans le pays matis. Ils
avançaient dans la région de la masure hérétique où vivait
d'étranges tribus qui ne reconnaissaient pas toujours le pouvoir
central de la cité merveilleuse d'Yrkanis, la grande capitale du
pays des seigneurs. Depuis que les matis avaient perdu la guerre et
que leur grand Prince était détenu par les kamistes, les matis
vivaient dans une paix fragile et dans la honte. Leur orgueil
légendaire en avait pris un coup, et les tribus du Sud
reconnaissaient de moins en moins la légitimité de la capitale.
Cette situation ouvrait des portes aux commerces les plus infâmes
mais aussi les plus fructifiants : ainsi une véritable traite
d'enfants tryker fleurissait et rapportait de grands bénéfices
depuis plusieurs années déjà, et les fyros en étaient les plus
grands, si ce n'est pas les exclusifs, bénéficiaires. Ils
organisaient les réseaux et les matis du Sud étaient leurs
principaux clients. Alors même que la capitale interdisait
l'esclavage qui avait été abolie suite à des pactes sacrés entre
la capitale tryker et Yrkanis, des réseaux clandestins avaient
émergé dans les sombres esprits de fyros sans scrupules et par
appât du gain. Les tribus matis du Sud avaient toujours construit
leur prospérité sur l'esclavage et en particulier, sur
l'exploitation des trykers pour assurer les basses besognes.
L'abolition de l'esclavage avait profondément infirmé leur
économie. Les fyros ont vite compris qu'il y avait là un marché à
prendre et participèrent à corrompre encore un peu plus quelques
chefs de tribu dans le Sud afin d'ouvrir une nouvelle route
commerciale de chair homine. Un commerce fructifiant contre lequel
les pouvoirs centraux pouvait difficilement lutter sans risquer de
mettre en péril la vie même du Prince prisonnier, la rumeur disait
que ce business était organisée par des kamistes bien placés.





Lhermitis venait d'en être victime. Le
mektoub s'arrêta soudain de marcher. Il venait tout juste de
reprendre totalement ses esprits. Il regardait autour delui, il était
au milieu d'une forêt et il voyait des ombres étranges dans les
arbres comme s'ils étaient surveillés par quelques créatures
kitins dont il n'avait vu jusque là que le fruit de son imagination
lors des soirées de contes au bord du feu, les nuits d'été, quand
ses oncles racontaient leurs aventures fantastiques et citaient le
nom de Rois extraordinaires.





Un fyros à l'allure terrifiante vint
s'arrêter avec son mektoub au côté de Lhermitis, sans le regarder.


Il semblait renifler l'air comme pour
sentir un danger imminent. Il dit doucement quelques mots en langage
fyros sur un ton inquiétant. La forêt était anormalement
silencieuse, Lhermitis n'entendait que le bruissement du vent dans
les arbres. La chaleur était intense et étouffante dans cette forêt
humide. Soudain, tonna un coup de feu et une explosion
formidable s'en suivit. Au milieu de la bande des fyros, un mektoub éclata
comme un ballon de baudruche et une pluie fine mèlée de sèves et
de chairs retomba sur le sol et humecta le visage de Lhermitis
totalement affolé. Son mektoub, touché à la tête par un éclat,
s'écrasa au sol en faisant un bruit sourd. Des coups de feu
éclatèrent de toute part, Lhermitis avait une jambe écrasée par
le mektoub auquel il était toujours attaché. Le pauvre jeune tryker
ne pouvait pas fuir les combats. Il vit soudain un corp animé
s'effondrer devant lui, un fyros le regardait, couché au sol, les
yeux grands ouverts et vitreux, effrayé, et soudain la tête
détachée du corps par un coup de hachette précis. Il ne restait
plus alors qu'un visage blême, comme celui d'un yubo égorgé. Il
lui semblait que cette tête détachée allait lui parler dans un
langage de torpeur. Il resta ainsi muet, figé dans une sorte de
position traumatique, comme si à ce moment là, l'esprit du petit
tryker s'était fermé au monde comme une forteresse assiégée.





Quand tout se fut calmé, il entendit
des voix, des bras soulevaient le mektoub qui avait écrasé sa
jambe. La douleur était tellement intense que, lorsque des bras le
soulevèrent délicatement, il tomba à nouveau dans un comas profond
sans avoir eu le temps de voir qui s'occupait de sa personne.




Plusieurs jours plus tard, il sentit
une goutte d'eau pure glissée sur ses lèvres, il la goutta du bout
de la langue tandis que ses paupières frémissaient. Une jeune voix
homine s'exclama joyeusement dans une langue inconnue. Il ne put
comprendre ses mots et il l'entendit se lever et partir en courant.
Peu de temps après, toute une assemblée d'homins étranges étaient
autour de lui à faire des commentaires comme s'ils pronostiquaient
son rétablissement. Pendant un instant, et malgré les paroles qu'il
ne comprenait pas, il eut l'impression d'être dans un lieu commun,
comme si son corps, après toutes ces douleurs ressenties,
remontaient un temps révolu. Il se sentait très affaibli, et il
était nu sur un lit avec plein de cataplasmes parsemés sur son
corps resté inanimé sans doute pendant plusieurs jours.


Enfin, l'un des homins lui parla en
langage tryker avec un accent qu'il n'avait jamais entendu :

« Comment te sens-tu mon petit
? »




Il ouvrit de grands yeux béats pour
essayer de voir la personne qui s'adressait à lui et dont les mots
continuaient à résonner dans la tête comme la première ouverture
d'une musique inconnue. Il essaya de lever la tête, mais trop
faible, il ne put émettre qu'un petit cri strident de douleur et
abdiquer.

« Ne bouge pas mon petit, lui dit
une voix douce, rassurante et féminine, reste tranquille, dans
quelques jours tu iras mieux. Tu es très fort, ton corps se
remettra, et nous t'aiderons à te rendre ton esprit aussi. »

Quand enfin ses yeux s'habituèrent à
la douce lumière de la hutte dans laquelle il était, il put
dessiner le contour de visages incroyables, à la peau azure et lisse
comme l'eau des lacs. Il put dire doucement : « Où
suis-je ? »

La voix douce lui répondit : « Je
suis désolé mon enfant, tu es très loin de chez toi. Ici tu es en
pays Zoraï, dans ma tribu. Nos mâles t'ont ramené ici après
avoir tué des bandits fyros que nous recherchions et pistions depuis
longtemps. Mais tu es le bienvenue. Et rien ne pourra t'arriver, tu
es sous bonne garde. Bientôt tu ira mieux, tu as une constitution
forte, mon petit. Après tu nous raconteras d'où tu viens. »




Mais quand le jeune Lhermitis reprit
ses forces et put répondre aux questions de la douce Zoraï qui
l'avait recueilli, il était incapable de répondre... Son esprit
avait construit une telle forteresse de protection contre les
traumatismes subis, que son passé avait disparu dans un brouillard
impénétrable. Il ne savait plus d'où il venait, ni même le nom ou
même le visage de ses parents...




C'est ainsi que Lhermitis vécut une
histoire improbable en grandissant parmi des Zoraïs au milieu d'une
forêt vierge dans une petite tribu qui faisait du commerce avec les
capitales sans trop se mêler de politique. Ces Zoraïs étaient de
bons commerçants et artisans et leurs tribus avaient préféré
garder la neutralité. En contre partie, ils exécraient les fyros
qui tenaient des commerces de chairs humaines. Ces zoraïs étaient souvent en
guerre contre ces tribus de trafiquants. Ces zoraïs n'hésitaient
pas à se mettre au service des seigneurs matis karavan pour réprimer ces
trafics dégueulasses et cette position hoministe leur permettait
d'entretenir de bonnes relations commerciales avec Yrkanis. Tant et
si bien que les kamistes de Zora se méfiaient de cette tribu située
dans le bosquet vierge dont elle suspectait d'informer leurs ennemis
du Royaume Matis dans une fausse neutralité...
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