ROLEPLAY


Gris souris

Retour de marché


Le marché avait été génial. Bon, un peu effrayant. Mais génial.

Il y avait eu plein de gens très très grands. Jamais Grigri n'avait vu autant de monde. Et puis des lumières et des gens qui buvaient plein de trucs et des gens qui avaient des drôles d'accents et d'autres qui criaient forts et d'autres qui disaient des trucs bizarres et...

C'était un peu étourdissant. Intimidant. Mais se souvenant des conseils de son papa, elle avait sorti ses petits bracelets, essayant d'attirer le chaland de sa voix fluette. Quelques-uns s'étaient arrêtés, puis passaient leur route avec un reniflement de dédain. Un homin lui avait demandé si ses bijoux offraient des résistances au feu ! C'était bizarre, comme question. C'était des bracelets en coquillage, avec des très jolis coquillages ramassés sur la plage, c'était tout. Puis elle avait vu ce que les autres marchands présentaient et avait eu un peu honte de ses jolis bracelets, qui faisaient pâle figure à côté des trucs rutilants des autres. Elle était retombé derrière le comptoir plus haut qu'elle, avec une grande envie de se sauver, espérant que plus personne ne regarderait sa marchandise.

C'est là que son premier client s'était présenté. Un grand zoraï, comme Wawa. Mais ce n'était pas lui. Elle savait que si Wawa la trouvait là, il ne serait pas content, mais en principe il ne risquait pas de venir, il travaillait (à quoi, ce n'était pas clair ; Wawa rentrait rarement dans les détails sur ce genre de chose). Avec un peu de chance, il ne travaillait pas au marché. En tout cas, si le client avait la même taille que Wawa, il n'avait pas le même masque et pas les mêmes tatouages. Mais il avait l'air gentil aussi. Il s'était penché sur la maigre production de l'enfant, avait posé quelques questions, puis lui avait acheté un bracelet.

Vers la fin du marché, elle avait réussi à vendre cinq bracelets, à cinq personnes différentes. Papa serait fier d'elle, quand elle lui raconterait ça. Enfin, s'il ne la grondait pas pour être allée toute seule au marché... mais Papa ne grondait jamais vraiment. Toute fière de son pécule, elle avait regardé les marchands, cherchant ce qui serait le plus utile à la Synarchie.

Il y avait un marchand plus calme que les autres, qui avait de grandes armes à son stand. Elle s'était approchée, regardant les grosses massues et les épées affûtées. Avec quelque chose comme ça, on devait forcément être un grand guerrier. Le marchand lui avait demandé ce qu'elle voulait, et elle avait montré une des épées. Mais quand il lui avait annoncé le prix... c'était beaucoup, beaucoup plus que ce qu'elle avait gagné. Elle avait quelques doutes sur combien il y avait précisément dans sa bourse, mais cinq bracelets à cent dappers ne faisaient probablement pas un truc en plusieurs milliers de dappers. Voyant sa mine dépitée, le marchand avait négocié. C'était marrant, de négocier. "Une épée achetée, un amplificateur offert !" L'offre était super, mais elle n'avait toujours pas assez dans sa bourse, sauf à prendre dans l'autre bourse, celle qu'elle faisait grossir péniblement et qui devait permettre de donner la nationalité tryker à la guilde. Elle pouvait en prendre un peu... peut-être... mais pas autant d'argent. Il n'y avait pas assez de gens qui acceptaient de lui donner du travail, elle ne pouvait pas se permettre de dépenser en un soir le fruit de plusieurs jours à parcourir les lacs. D'autant que Wawa la grondait chaque fois qu'il la surprenait dans ce genre de truc, sous prétexte que "les enfants ne devaient pas travailler", ce qui ne simplifiait pas sa recherche de dappers. Papa disait que les seuls bons dappers étaient ceux qu'on avait gagnés honnêtement, et elle était sûre que demander la charité n'était pas honnête, donc... c'était compliqué. En tout cas, les bracelets en coquillage n'étaient pas très rentables.

Elle avait finalement demandé au marchand ce qu'il avait pour mille dappers. C'était mille, c'était déjà beaucoup, mais ce n'était pas plusieurs mille alors elle arriverait à rembourser en quelques jours. Le tryker avait dû avoir pitié de cette gamine chétive, et lui avait tendu les amplificateurs. Ils étaient trois fois trop grands pour elle, mais ce n'était pas pour elle, de toute façon. Elle les avait rangés soigneusement dans son sac, à côté des bracelets.

Puis elle était allée écouter les homins près du feu. Certains disaient qu'il y avait des Esclavagistes, mais personne ne les tapait, et du coup Grigri n'était pas vraiment sûr de ce à quoi ressemblait un Esclavagiste. La nuit tomba, il se mit à neiger, mais les homins restaient à bavarder et boire près du feu sans faire attention à elle, donc elle s'était approchée pour avoir plus chaud. Dans le doute, elle s'était assise entre deux trykettes, celle qui criait très fort (elle devait super bien vendre, avec une voix comme ça), et celle qui s'appelait Krill. Papa leur avait montré les lucios de quelques homins à connaître dans les lacs : ceux à éviter, ceux qui n'étaient pas dangereux, et elle se souvenait que la trykette à couette était dans la seconde catégorie. "Sauf si tu es cheffe ou insupportable", avait dit Papa. "Là, elle n'a aucune pitié. Alors, ne lui dis pas que tu es cheffe, et tout ira bien si tu la croises."

Grigi n'avait rien dit, se contentant d'écouter. À un moment, le feu d'artifice avait été lancé, et c'était trop beau. Et puis les homins avaient commencé à partir. Elle tombait de sommeil, et elle s'était roulée en boule près du feu. Elle avait senti que quelqu'un lui mettait une couverture, mais déjà à ce moment, elle dormait.

Le feu avait fini par s'éteindre, le froid recommencé à mordre. Dans un demi-sommeil, elle avait senti qu'on la soulevait. Tout à ses rêves, elle s'était lové contre la poitrine de l'homin qui la portait. Et quelques pas plus loin, elle s'était réveillée brutalement alors que ce dernier la bâillonnait, lui bandait les yeux et la ligotait.

Elle avait crié de toutes ses forces, s'était débattue, mais l'autre était fort et ils étaient déjà loin de la ville. Il l'avait posé sur un mektoub, puis elle avait entendu le clapotis de l'eau et senti le mektoub nager. Terrifiée, Grigri sanglotait, persuadée qu'un Méchant Homin allait lui faire des trucs horribles, comme la manger sans sel ou la revendre à un Encore Plus Méchant Homin. Elle avait trouvé un des Méchants que Papa et Wawa traquaient, mais pas du tout, du tout comme prévu. Il fallait absolument qu'elle s'échappe, ou qu'elle laisse des indices, mais elle avait trop peur et puis elle était attachée et ne pouvait rien faire.

Après un temps qui lui sembla une éternité (et qui avait dû durer 10 minutes), l'homin l'attrapa à nouveau, la faisant descendre du toub brutalement. Il la posa dans le sable froid, semblant indifférent à ses sanglots, s'occupant à... des trucs. Puis elle entendit le bruit caractéristique du briquet, et comprit son sort : il allait la dévorer ! La cuire sur le feu comme une kamiste dans la forêt du temps de Jinovitch !!!! Elle cria aussi fort qu'elle pu.

- Ça suffit, Grigri !

L'homin lui enleva le bandeau... et elle reconnut Wawa. Qui n'avait pas l'air content du tout, mais vraiment, vraiment pas content. Elle s'arrêta quand même de crier.

- Voilà ce qui arrive quand on ne fait pas attention, la gronda-t-il tout en détachant ses liens et enlevant son bâillon. Je t'ai dit de rester à la guilde, de ne pas sortir toute seule et de faire attention ! Et je te trouve à dormir sur la plage, seule, là où n'importe quel homin mal attentionné aurait pu te trouver ! Si ça n'avait pas été moi, tu serais peut-être en route pour les Plages d'Abondances ! Il y a de mauvaises personnes qui rôdent, Grigri !

Devant les sanglots pitoyables de l'enfant, le zoraï réussit à garder son air courroucé un petit moment, puis se laissa apitoyer. Il grommela :
- Bon, pour cette fois, rien de grave... Mais ça aurait pu l'être...

Il avait à présent la mine coupable, penaud d'avoir fait aussi peur à Grigri tout en sachant qu'il était nécessaire que la leçon soit mémorable.

Il s'assit à côté de l'enfant, lui tendant les bras pour lui montrer qu'un câlin était possible. Elle répondit en se blottissant contre lui, tout en continuant à pleurer. Il la berça un long moment, jusqu'à ce que ses sanglots s'apaisent. Épuisée, elle sombra à nouveau dans le sommeil. Mais cette fois son Wawa veillait près d'un feu vacillant.

L'aube la réveilla dans la même position. Wawa la tenait toujours, semblable à une falaise bleue qui prenait soin d'elle. La sentant s'agiter, il lui demanda si elle avait envie de manger. Ils partagèrent leur déjeuner, sur cette petite île au milieu de nulle part, tandis que le luminaire pulsait de plus en plus fort. Elle finit par lui raconter le marché, se vantant de ses cinq clients, racontant comme les feux d'artifice étaient beaux, et exhibant toute fière les amplificateurs.

- C'est pour O'Darly, dit-elle. Quand il ira à Silan. Comme ça il aura des bonnes moufles.
- Tu aurais pu me demander... je t'en aurais amené.
- C'est pas du jeu si tu nous donnes tout. Papa, il dit qu'il faut apprendre à se débrouiller par nous-même. Et je suis la cheffe, alors je dois veiller à tous les autres et les aider à devenir au-to-naume !
- Papa, il oublie que vous n'êtes que des mioches. Et tu es trop jeune pour ce genre de fardeau.

Les deux se dévisagèrent gravement, jusqu'à ce que le zoraï acquiesce aux pensées informulées d'un petit sourire triste :
- Ukio, les enfants sont tous toujours trop jeunes pour ce qu'ils doivent porter. Mais je suis là pour ce genre de chose, pour vous trouver tout ce dont vous avez besoin, pour essayer d'alléger un peu votre vie. Je préfèrerais vraiment que tu joues et que tu étudies tes leçons plutôt que d'aller faire la marchande à Fairhaven.
- Mais je dois gagner plein de dappers !
- Ha... les trykers et leur amour des dappers. Étudie bien, et tu gagneras les dappers tellement vite que tu ne sauras plus comment les dépenser.
- C'est moins drôle...
- Ce qui sera moins drôle, c'est si je te reprends à trainer à Fairhaven. Je te jure, Grigri, que la prochaine fois, c'est moi qui t'amène directement aux Esclagavistes.
- Tu ne ferais pas ça, Wawa.
- Hummmm... peut-être pas. Mais t'enfermer dans ta chambre jusqu'à ce que tu sois grande, peut-être.
- Wawaaaaaaaa !!!!
- Ukio, ukio... Allez, remonte sur le toub, on rentre à la maison.
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